16.5 - T.W

Je renifle à nouveau, lève les yeux au ciel en soufflant pour évacuer les dernières larmes et continue :

— J'avais tellement mal quand il est parti. Je refusais de comprendre. Les larmes roulait d'elles-mêmes sur mes joues, comme si mes yeux savaient qu'il fallait que j'évacue avant d'être submergé. Pendant ce temps, j'étais complètement sous le choc, en plus de sous son charme. Je le regardais juste, les yeux écarquillés, subjugué par ses mots et par sa beauté. Parce que même avec ce qu'il me disait, je ne pouvais m'empêcher de le regarder, d'apprécier ce que je voyais. Je ne pouvais m'empêcher de l'aimer.
J'essayais de capter son regard, cherchant cette étincelle qui brillait la veille quand il me regardait, mais il ne m'a pas laissé le temps de réussir. Il a tourné les talons en me souhaitant "une belle vie et tout le bonheur du monde". Et moi je restais planté là. J'aurais pu lui courir après comme l'amoureux transi et désespéré que j'étais, j'aurais pu hausser les épaules et partir de mon côté, mais non. J'étais juste planté, doit comme un "i". Presque chez moi, mais pas assez prêt pour que mes parents puissent me voir. La scène se rejouant dans ma tête, ses mots commençaient à s'infiltrer en moi, trouvant le chemin jusqu'à mon cerveau et jusqu'à mon cœur. Et comme il m'arrivait et m'arrive souvent de le faire, je me suis effondré. Littéralement et métaphoriquement. Je me suis effondré, genoux au sol, pleurant. Je hurlais même ; c'est très flou dans ma tête et j'évite de m'en rappeler parce que la douleur revient à chaque fois, mais oui, je hurlais.
J'avais l'impression qu'on me compressait la poitrine, qu'on me poignardait de partout. J'avais énormément de mal à respirer, les crises de panique et de tétanie pointaient le bout de leur nez, j'avais un étau autour de la gorge, et il se resserrait, se resserrait encore et encore. Je mourais de l'intérieur, petit à petit, je brûlais intérieurement. Seulement ce n'était plus le même feu comparé à celui qui m'animait les jours précédent. Je pourrais dire que c'était le feu de l'enfer, mais je n'aime pas trop cette expression.
C'était un feu, un brasier ardent, et il me détruisait. Les étincelles de mon amour pour B' étaient là, mais elles ne pouvaient lutter contre ca. Je me consumais, je me consumais et je ne pouvais rien faire, seulement attendre que ça passe. Je me tordais sur le sol, j'essayais d'apaiser la douleur, je poussais des gémissement étouffés, mais rien n'y faisait.
Alors c'est ce que j'ai fait, attendre. J'ai pleuré, pleuré et encore pleuré. Pendant longtemps, de nombreuses heures probablement, je sais juste que j'ai eu la force de me relevé seulement à la nuit tombée.
Je devais faire peur, j'avais froid malgré la douceur de la météo, je marchais bizarrement, mon corps était endolori. Ma poitrine me paraissait vide, pourtant je continuais de souffrir. J'avais réellement mal. C'était... Insoutenable. J'étais persuadé que j'allais mourir, je voulais mourir.
Mais rien.
La fin n'est pas venue.

Ces mots sonnent comme une fatalité quand je les prononce, mais je n'en tiens pas compte, je ne m'arrête pas :

— Alors j'ai commencé tout ce que tu as vu. Je suis rentré chez moi, j'ai subi la colère de mes parents suite à mon retour tardif, je suis monté dans ma chambre, sans manger. À vrai dire je n'ai pas manger pendant plusieurs jours, et si c'était arrivé pendant les vacances, je ne serais pas sorti durant les deux semaines.
Je voulais rester enfermé dans ma chambre, devenue à cette époque une immense pièce de noirceur, de tristesse et de désespoir. De haine aussi. Je me haïssais, je me trouvais horrible, j'étais persuadé que si j'avais été mieux, il ne m'aurais pas quitté.

Je souffle un grand coup, gardant le contrôle sur moi-même. Ma voix commençait à devenir plus aiguë, ma respiration plus saccadée, j'allais faire une crise et je refusais ça. Je ne voulais plus laisser à cette histoire un aussi grand impact sur mon intégrité, physique ou mentale.

— C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à devenir infréquentable. Dans le plus grand des silences, sans réel changement. J'ai commencer à me griffer, m'arracher les cheveux, taper dans les murs, détruire tout ce que j'avais sous là main. Je voulais juste me défouler, me défouler et extérioriser la douleur mentale.
Je voulais l'oublier, je voulais me sentir vivant, je voulait arrêter de sentir ce vide dans ma poitrine, je voulais tout arrêter. Puis au fur et à mesure que le temps avançait, c'est devenu un besoin — qui perdure encore aujourd'hui ; j'ai toujours besoin de sentir cette douleur physique pour me prouver que j'existe. Puis, y a des périodes où je le fais pour me détruire, parce que je pense que je le mérite, que je devrais être réduit à néant, réduit à l'état de poussière. Et ça aussi je le ressens encore, à l'instant même par exemple.
Je me sens tellement faible d'être comme ça. Ça empire le tout. J'ai envie de m'ôter la vie, de partir très loin d'ici, de m'envoler. Je sais que ça peut paraître égoïste, mais j'ai besoin de ça, c'est la seule issue que je vois. Et j'ai essayé ! J'ai essayé tellement de fois, par tous les moyens que je connaissais. Si tu savais... Personne s'en rendait compte, Mae voyait les marques sur mes poignets, mais je refusais de lui en parler, je me braquais. J'étais, et je suis, littéralement dépendant de cela. Et je continue d'essayer.
Je continue de vider les boîtes de médicaments de la maison.
Je continue d'user toujours plus de lames.
Je continue d'être dans ce que les gens appelle un "trip suicidaire".
Ils ne comprennent pas. C'est tout. Ce n'est pas ce qu'ils pensent. C'est pas juste un jour, tu te réveilles et tu te dis "tiens, et si je m'ôtais la vie ? Je suis vraiment une merde et je mérite pas de vivre.". Non. C'est un sentiment que tu ne peux pas chasser, à partir du moment où il s'empare de toi, il s'ancre dans ta tête et il ne te lâche plus. Ça peut t'arriver quand tu es heureux, tu peux d'un coup perdre ton sourire et juste avoir envie de rien d'autre que mourir. Tu peux te lever comme ça le matin, que tu aies dormi ou non.
En général, c'est un vide, un trou béant dans la poitrine qui accompagne ces pensées. C'est une perte d'énergie, une perte d'envie, une perte de tout. Ça ne s'explique pas, c'est là et on ne peut rien y faire.
Prends moi maintenant pour exemple, si tu n'étais pas là, j'aurais réessayé, j'aurais repris mes lames, mes médicaments, peut-être que j'aurais fait couler un bain. Parce que regarde, regarde-moi là.

Je marque une pause en me relevant, me mettant face à lui.

— On dirait pas, on dirait que je suis vide de tout sentiment, un véritable glaçon. Hormis mes yeux rouges, et ma voix chevrotantes, qu'est-ce qui marque que je ne vais pas bien ? Rien. Pourtant, si tu savais ce qu'il se passait dans ma tête. C'est un véritable foutoir, ma poitrine est vide mais je souffre d'une douleur atroce, et mes pensées refusent de s'éclaircir ne serait-ce qu'un peu. Et je sais que si tu partais maintenant, j'essaierai. J'essaierai de me suicider. Et je sais que plus tard, j'essaierai encore.

Ma révélation jette un froid entre nous, et je vois ces yeux s'écarquiller, mon regard encore ancré dans le sien. Il ne s'y attendait pas ; il ne me pensait pas capable de lui dire en fixant ses prunelles.

Il lui faut quelques instants avant qu'il ne reprenne une expression faciale normale, quelques secondes avant qu'il ne m'entraîne dans une énième étreinte, et quelques minutes avant que ça voix ne résonne à son tour :

— Mais Tay'...
Non. Tu ne dois pas penser ça.
Je sais que te le dire ne changera rien, que je ne vais pas t'aider comme cela, mais bon dieu, tu ne mérites pas de penser ça, tu ne mérites pas de croire ça, tu ne mérites pas de vouloir mourir.
T'as pensé à nous ? À ce qu'on allait ressentir ?

Il s'arrête quelques instants, le remettant face à lui avant de reprendre notre position initiale quand il remarques que les yeux sont baissés.

— C'est bien ce que je pensais. Alors imagine t'essaye, juste imagine un seul instant ok ? Déjà je ferais quoi moi ? T'y a pensé ? Tay' tu représentes tout pour moi ! T'es mon frère, et bien plus! T'es mon tout !
Et puis... imagine tu te rates ? Et tu as des séquelles ? Bon ça on s'en fiche un peu je te le concède. Mais juste imagine, tu te rates. Moi, je peux te le dire, tu regretteras, putain tu regretteras. Tu regretteras tellement. Tu vas regretter de l'avoir fait.

*

Et il avait raison.
Encore une fois j'ai fais le con, l'idiot, l'égoïste.
Je ne l'ai pas écouté pourtant il a toujours raison.
Même maintenant, il a encore et toujours raison.
Il a juste tort sur un point : je ne me suis pas raté, loin de là.
Et ouais putain, je regrette.



H.

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