15.5 - T.W
— Mais ça va pas la tête Aaron ?! hurlé-je en me précipitant sur lui.
Je me jette sur son corps sans m'en rendre compte. Je me débats presque pour l'empêcher de bouger, appuie sur son poignet, balance le compas à travers la pièce et lui frappe le torse en criant comme une litanie :
— Pourquoi t'as fait ça putain ?! C'est pas une jeu ! Pourquoi putain ?! Pourquoi pourquoi pourquoi ?! Dis-moi pourquoi putain ?!
Mon cœur se déchire en deux à mesure que je me rends conte de ce qu'il a fait. Je peux voir son visage se tordre en de micro grimaces et ça me donne encore plus envie de pleurer, alors que des larmes baignent déjà mes joues.
— Pour que tu vois ce que ça me fait quand il s'agit de toi, explique-t-il doucement, et pour te faire comprendre ce que j'appelle la manière forte.
Son visage se tord à nouveau et il souffle avant de reprendre :
— Chaque fois que tu traceras un trait sur ta peau, j'en tracerais un sur la mienne aussi, sans retenue, sans faire attention à où je le fais, comment, avec quoi, ou même à quelle profondeur. À chaque fois que tu te feras du mal je m'en ferais aussi, parce que c'est ce qu'il se passe en réalité. Tu souffres, je souffre. Et c'est non négociable.
Je n'ai même pas envie de le contredire, je veux juste être sur qu'il ne recommencera plus jamais, et je suis trop préoccupé pour penser à discuter :
— Si tu veux ! D'accord ! Si tu veux mais je t'en supplie donne-moi ton bras et laisse-moi te le soigner ! Tu mérites pas ça ! Tu mérites pas de te faire du mal à cause de moi !
Je continue de marmonner des choses incompréhensibles, ne lui laissant pas le temps de protester et le force à aller jusqu'a la salle de bain. À partir de là, mon corps agit automatiquement, beaucoup trop habitué à appliquer ce genre de soin. Je cherche quelques instants de quoi le désinfecter et le bander et puis le tout est fait en quelques minutes.
En prenant un peu de recul, il n'a quasiment rien, juste une longue coupure assez profonde pour le sang continue de couler encore quelque minutes avant de s'arrêter, mais rien de vraiment inquiétant. Je ne sais pas pourquoi j ai agit comme ça, aussi violemment, mais je prends le temps de souffler quelques minutes pour me calmer pendant qu'il me regarde.
— tu n'auras pas de cicatrice, dis-je, au pire seulement une marque blanche et légèrement creuse, mais rien de bien visible.
À mes mots, il hoche simplement la tête pendant que je me remets de mes émotions et que je sèche mes larmes. Il est intelligent, il sait comment me prendre par les sentiments, il sait comment appuyer là où ça fait mal, il sait comment m'arrêter. Ce deal est une des seules choses qui peut pu me stopper, mais il est horrible. Je sais que je vais avoir énormément de mal à tenir, mais rien que l'idée que mon Aaron puisse se faire du mal parce que je m'en suis fait me tué. Il compte plus que n'importe tout pour moi, et le voir avoir mal, voir ses yeux remplis de douleur, ça me retourne et me donne encore plus envie de mourir.
Il ne parle pas, il attends. Je sais aussi qu'il attend que je lui explique, que je lui dise pourquoi. Je déteste faire ça, déblatérer chacune des raisons qui me poussent à me mutiler.
Lentement, je sors de la pièce et le traîne avec moi. Je l'emmène à nouveau dans sa chambre, le force à s'asseoir comme toute à l'heure, et me réinstalle comme j'étais, tout contre lui, le serrant dans mes bras le plus fort possible et tirant un peu son t-shirt, la tête nichée dans son cou. Son odeur m'apaise et m'aide à retenir les larmes qui menacent déjà de couler à nouveau. Aaron attend, il attend que je sois prêt, il se contente de me frotter le dos et de me rassurer.
Je prends une grande inspiration et commence, toujours la tête dans son cou :
— Tu veux savoir pourquoi hein ? Pas besoin de me répondre, c'est une question rhétorique, je sais très bien que ces mots te brûlaient les lèvres mais que tu attendais que je les laisse sortir de moi-même, par respect. Je ne sais pas si tu as vraiment envie de savoir, ce n'est pas beau à entendre, à vivre. Ce n'est pas grand chose non plus, juste les quelques problèmes d'un adolescent faible, juste un passé inoubliable et des personnes inimitables. Ce n'est vraiment rien comparé à l'horreur du monde, mais comme j'ai toujours dit, chacun a une façon différente de voir les difficultés qui s'offrent à lui, et chacun les ressent différemment.
Pour certain une rupture amoureuse peut s'avérer être la chose la plus douloureuse du monde, les menant presque au suicide ; et pour d'autres, ça ne sera qu'une épreuve parmi d'autres, pas forcément facile à surmonter, mais bien plus que pour d'autres. Je suppose que comme explication ça ne t'ira pas, et que tu vas exiger de moi que je t'explique vraiment ce que j'ai. Que je t'explique mes problèmes au moins, plutôt que de rester vague, je me trompe ?
Je laisse un blanc et au moment où il va répondre je le coupe :
— Rhétorique encore une fois. Excuse-moi, je ne te laisse pas l'occasion de parler, mais je sais que si je m'arrête pour t'écouter je n'aurais pas la force de recommencer. C'est douloureux pour moi, de me livrer comme ça, de te donner des explications qui, de toute façons, n'expliqueront jamais mes actes puisque aucune raison n'est vraiment valable pour faire ça. Et puis, plus je vais parler plus je vais me rendre compte que tout est futile, insignifiant, que tout est dans ma tête. Donc laisse-moi prendre mon temps s'il-re-plaît.
Tu connais une grande partie de ma vie, en particulier le passage qu'y a fait Josh.
Tu connais aussi pas mal l'histoire de ma famille, de mon homosexualité.
Tu connais beaucoup de choses mais c'est tellement peu comparé à la réalité.
Mais il y a u passage que tu ne connais pas. Tu te souviens peut-être de comment j'étais en 3ème ? Si je me souviens bien, on était dans le même collège. Tu dois te souvenir que je restais tout le temps avec une fille : Mae. On était très proche tous les deux, ça se voyait, et tout le monde espérait ou pensait que l'on était ensemble. Malheureusement pour eux, j'avais déjà découvert ma préférence pour les garçons, et Mae était au courant de ça. C'est en partie à cause de cela qu'on s'est autant rapproché, parce que je ne la voulais pas. Je voulais seulement la connaître et être son ami.
Notre amitié aura duré de la maternelle jusqu'au collège, au départ nous étions des copains de cour de récré, puis, on est devenu bien plus.
On ne peut pas mettre de mots exacts sur la relation qu'on entretenait, et je refuse de le faire, je veux continuer à croire qu'elle était unique.
Tu as aussi dû remarquer mon changement de comportement, de la 3ème à la 2nde. Et tu as dû remarquer son absence. Elle est partie. Elle me l'a annoncé comme ça, la veille de son départ.
Je lui en ai voulu, et je lui en veux encore un peu je pense. Elle m'a abandonné, parce qu'elle devait affronter quelque chose de plus important gérer. Elle est partie pour ne pas me faire souffrir.
Je pense qu'elle ne savait pas que son absence était la pire des douleurs pour moi.
Je renifle. Retenir mes larmes devient de plus en plus compliqué. Aaron passe sa main dans mon dos, tout en respectant mon récit. Les souvenirs sont douloureux, en parler l'est encore plus. J'inspire un grand coup et reprends :
— Elle m'a laissé, elle m'a abandonné et je me hais de lui en vouloir, parce que putain j'aurais pas dû réagir comme ça, j'aurais dû l'aider et rester auprès d'elle... Elle avait besoin de moi et je lui en ai voulu, elle avait anticiper cette réaction, elle avait tout anticipé. C'est pour ça qu'elle est partie après me l'avoir annoncer. Et putain maintenant je m'en veux tellement, si tu savais Aaron. Encore aujourd'hui ça fait tellement mal, ça me donne envie de crever, tellement putain, j'ai juste envie de la rejoindre bordel.
J'ai mal, je pleure enfin, n'en pouvant plus, je pleure sans retenue. La douleur me tord les poumons, le ventre, me vrille la tête. J'ai tellement mal.
— Elle avait un cancer putain, lâché-je, la voix pleine de mépris envers la vie. Mais pas ce type de cancer bénin, non non, un de ces cancer qui se guérit par une opération hyper risquée. Elle avait un cancer et putain, je dis qu'elle m'a abandonné, mais c'est moi dans l'histoire qui l'ai laissé tomber.
H.
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