14 - T.W
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. L'envie de m'insulter est immense, et l'envie de me taper aussi. Je ne suis qu'un idiot, qu'un imbécile. Je veux me souvenir, me souvenir de pourquoi, de pourquoi j'ai voulu m'ôter la vie, de pourquoi j'ai tant voulu rejoindre les cieux. Mais cette partie est effacée de ma mémoire. Je suis dans le noir complet, moi qui pensais en être sorti entièrement, j'ai du colmater cette partie inconsciemment.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire, je voudrais réconforter Aaron, lui dire que je suis désolé, que je m'en veux, le supplier de me pardonner. Je voudrais crier au monde ce que j'ai fait, et l'ignorance dans laquelle je me suis moi-même plongé.
Je voudrais pouvoir me relever et hurler que je ne me comprends pas, que je ne me comprends plus.
Je voudrais démêler le flux de pensées qui afflue dans ma tête, les déchiffrer, les désassembler, les associer à nouveau.
Je voudrais les mettre dans une chanson et les évacuer.
Je voudrais retrouver mon calme, je voudrais rester serein.
Je voudrais pouvoir m'apaiser, expliquer ce que je ressens.
Je voudrais chanter, je voudrais jouer de la musique, je voudrais écrire, je voudrais dessiner.
Je voudrais lire.
Je voudrais m'échapper.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Il a disparu, je ne sais comment, mais j'ai fait taire ses paroles, ou alors s'est-il tu de sa propre initiative ? Je l'ignore. Je sais juste que mon coma ne me permet pas de savoir s'il est encore là, et que je reste malheureusement sourd face à tout autres bruits que sa voix, qui ne résonne plus.
Je voudrais le prendre dans mes bras, je voudrais qu'il me secoue.
Je voudrais que l'on pleure ensemble, que l'on se réconcilie, que l'on s'embrasse.
Je voudrais le voir heureux, le voir sourire grâce à mon réveil.
Je voudrais pouvoir retrouver ma vie d'avant, auprès de lui et de ma chère amie la littérature.
Je voudrais quitter le silence et la solitude, je voudrais quitter l'obscurité.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Je dis vouloir écrire, mais j'en serais incapable. Les mots ne viendraient pas à moi, trouvant ce seul moyen pour me punir de ma bêtise. L'erreur est humaine, mais celle-ci est inhumaine. La douleur est horrible, la peine immense, les conséquences nombreuses, l'impact trop grave.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. J'aimerais trouver les mots, trouver une mélodie correspondant au néant présent dans ma tête, dans mon cœur. Ce néant pourtant plein de sentiments tourbillonnants, m'empêchant de les identifier. Je voudrais pouvoir sentir les objets en-dessous de moi, je voudrais pouvoir bouger, mettre de la musique, prendre une feuille et un stylo et, à défaut d'écrire, dessiner.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire.
Je voudrais qu'Aaron revienne, qu'il se place à côté de moi.
Je voudrais sentir sa chaleur corporelle, sa peau contre la mienne.
Je voudrais sortir de l'état de choc dans lequel ses paroles m'ont mis.
Je voudrais qu'il comprenne qu'il est le seul qui me maintient en vie.
Je voudrais qu'il me pardonne, qu'il m'écoute, qu'il me réconforte.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. J'aimerais pleurer, me vider de toutes émotions, laisser quelques perles salées rouler sur mes joues.
Je voudrais pleurer à en assécher mes yeux.
Je voudrais sangloter à en vriller les tympans de n'importe qui.
Je voudrais me lâcher sans en avoir quelque chose à faire du regard des autres.
Je voudrais que l'on voit que je suis loin d'être un cœur de pierre, un glaçon.
Je voudrais que l'on écoute ce cri de désespoir que je veux désespérément lâcher.
Je voudrais que l'on prenne conscience de mon mal-être.
Je voudrais pouvoir discuter avec Aaron, lui que je pourrais appeler mon médicament, le pansement de mes plaies, lui qui arrive à m'apaiser et me guérir.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire.
Je voudrais me souvenirs de pourquoi il ne m'a pas suffit, de pourquoi d'un coup la guérison était impossible.
Je voudrais me souvenir, mais je voudrais aussi oublier cette partie si sombre de ma vie.
Je voudrais oublier les horreurs que j'ai subies.
Je voudrais ne plus avoir à m'en rappeler, à en avoir peur.
Je voudrais arrêter de rejeter le monde autour de moi, le bonheur.
Je voudrais être normal. Normal tout en étant moi.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Je ne me reconnais pas, je ne me reconnais plus. Je pensais être plus fort que ça, je voudrais être plus fort que ça, mais maintenant ça me paraît impossible. Je ne sais pas comment surmonter ce qui m'arrive, je ne sais pas comment revenir à la vie, je ne sais pas comment parler, comment ouvrir les yeux. Je ne sais plus comment faire pour bouger. À croire que j'ai entièrement perdu le contrôle de mon corps, de mes pensées, de mon cœur, de mon âme.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Moi, le littéraire, le terre à terre tout en étant dans la lune, moi le torturé, moi l'écrivain, le poète et le chanteur, je n'arrive plus à manier les mots, les lettres. Aaron a toujours été meilleur que moi, et je voudrais tellement avoir son talent, son expression, sa facilité, son habilité, son agilité.
Je voudrais avoir son don.
Je voudrais qu'il soit là tout simplement, à côté de moi, à m'aider à mettre de mots sur mes sentiments, sur mes idées, sur ce que je ressens au plus profond de moi-même.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire.
Je voudrais dévoiler chacun de mes secrets, les mieux gardés comme les plus minimes.
Je voudrais qu'il m'aide à mettre des mots sur eux, je voudrais pouvoir les crier au monde.
Je voudrais pouvoir les chanter, les rapper, les slamer, je voudrais pouvoir les dévoiler dans un poème ou dans un texte.
Je voudrais écrire un roman les retraçant. Je ne veux plus leur donner d'importance, ou du moins plus autant que ce dont j'avais l'habitude de faire.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Je suis perdu, perdu dans une immensité qui m'est inconnue.
Aucune lumière ne me guide, tout n'est que noirceur et silence.
Aucun bruit, aucun son. Je suis sourd.
Aucune lueur, aucun paysage. Je suis aveugle.
Je ne sais pas comment avancer, je ne sais pas comment retrouver mon chemin. J'ai besoin d'une personne à mes côtés, mais elle ne peut me rejoindre. La solitude, amie du silence et de la noirceur, m'enveloppe entièrement. Elle m'attire dans ces bras, m'étouffe et me rend vulnérable. Elle incarne un démon auquel je ne veux pas avoir affaire, elle incarne une de mes plus grandes peurs, et je ne veux pas l'affronter. Pourtant j'y suis forcé.
À quoi ai-je pensé en essayant de m'ôter la vie ?
Comment ai-je pu oublier que je me retrouverais confronté à mes plus grandes faiblesses ?
Comment ai-je pu oublier qu'il y avait tout de même énormément de chance que je ne réussisse pas, que je n'atteigne pas mon but ?
Maintenant me voilà, j'erre, j'erre sans fin, ne sachant où aller et où je suis. Cette sombre immensité de flou me rappelle l'océan, et me donne la pénible impression de me noyer. J'étouffe en silence, ne pouvant rien faire d'autre. Je suis conscient que ce n'est qu'une impression, mais l'importance de la réalité qu'elle a porte à confusion et me le fait oublier.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Ce mélange d'obscurité, de silence et de solitude est brisé par The sound of silence qui résonne dans ma tête comme une musique d'ambiance.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Plus je parle et plus je me perds, plus je pense et plus je sombre. Cet état d'esprit est différent, mais provoque de la révulsion. Je n'en peux plus, ma patience arrive à ses limites, et pourtant j'ai réussi à en faire preuve d'énormément. L'impatience me gagne de plus en plus, doublée de la colère. La violence ne devrait pas tarder à se joindre au tout, même si elle ne risque pas de me servir étant donné que je ne maîtrise pas mes mouvements et que mon corps me paraît bien trop lourd pour pouvoir se mouvoir, ne serait-ce que de quelques millimètres.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Je radote, je me répète, je suis un tas de nœuds complexe, et impossible à défaire. Tout en moi s'emmêle, mes envies, mes désires, mes pensées, mes sentiments, mes émotions, l'inexistence de son, de lumière. Je ne décèle plus rien de clair en moi, dans ma tête. Je me perds, je me perds de plus en plus, à mesure que je m'enfonce dans cette obscurité et ce silence.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire.
Je voudrais retrouver la clarté de mon être.
Je voudrais être compris à nouveau.
Je voudrais ne plus être dans cet état. Je voudrais sortir de ce coma.
Je voudrais.
Je voudrais tellement de choses que je ne peux pas les lister. Elles sont nombreuses, minimes ou non. Je suis tellement perdu que je n'arriverai même pas à formuler mes souhaits de façon cohérente et que je serai capable d'en oublier.
Je ne sais que faire je ne sais que dire. Les mots m'ont abandonné, ils m'ont délaissé, partant, ou plutôt s'enfuyant loin, très loin de moi. Je les perds de plus en plus, je ne sais plus comment les associer, je ne sais plus comment former des phrases cohérentes, je ne sais plus comment m'exprimer. Mon échappatoire m'a abandonné, et je ne sais pas comment le retrouver. J'ai une idée sur la réponse, mais cela me paraît inatteignable. Mon réveil est et me paraît désormais impossible. C'est une épreuve insurmontable.
Les mots auraient pu m'aider à mettre tout en œuvre pour réussir, ils auraient pu m'aider à tout organiser, à tout comprendre, à tout remettre en ordre. Mais non. Je ne les ai plus, ils m'ont laissé, abandonné.
Je suis seul face à la situation.
Je ne sais que dire, je ne sais que faire, Aaron me manque, la musique me manque, la vie active me manque, tout me manque. Je veux tellement de choses, je veux tellement revivre, je veux tellement lui dire.
J'ai besoin de dire ce que je ressens.
J'ai besoin de lui avouer.
J'ai besoin qu'il le sache.
J'ai besoin qu'il comprenne.
J'ai besoin de savoir ce qu'il en pense.
J'ai besoin de savoir ce qu'il ressent.
J'ai besoin de savoir ses pensées, ses idées, ses envies.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire. Mes envies sont contradictoires, et bien trop insignifiantes pour être formulées. Leur nombres m'effraie et je me perds de plus en plus.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire, mes pensées tourbillonnent toujours, et de plus en plus vite, dans ma tête. Elles apportent avec elles un flot de questions intarissable et une migraine des plus douloureuses. Elle paraît d'ailleurs bien ancrée en moi, comme si elle attendait depuis le début de mon sommeil pour pouvoir enfin se déclencher.
Je ne sais que faire, je ne sais que dire, les paroles d'Aaron tournent en boucle dans ma tête, l'émotion dans sa voix, ses sanglots étouffés, la colère retenue.
Je voudrais pouvoir le prendre dans mes bras s'il est encore à mes côtés.
Je voudrais le regarder droit dans les yeux.
Je voudrais m'excuser.
Je voudrais sécher ses larmes.
Je voudrais revenir au temps d'avant, revenir à tout ces moments que l'on passait ensemble.
Je voudrais revenir en arrière, oublier toute la douleur que je ressentais et effacer toutes mes conneries.
Je voudrais me laisser sauver, accepter son aide.
Je voudrais revenir en arrière et m'ouvrir aux autres.
Et par dessus tout, je voudrais me réveiller.
H.
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