13.5

— Je me fais des films, des scénarios, des idées, des scènes. Ils tournent dans ma tête, se succédant. Ils représentent tous soit ton réveil, soit ta mort, et je dois t'avouer que certain d'entre sont plus agréables que les autres – j'espère pour toi que tu as deviné lesquels.
Je ne contrôle plus mon imagination depuis un certain temps. Elle fait des siennes, m'emmène partout, partant souvent trop loin dans l'interprétation. J'écris encore, rassure toi. C'est dur, ce n'est même plus pour mon plaisir, en fait c'est plutôt douloureux. Mais je dois le faire, comme avant tu te souviens ? Quand ma tête est sur le point d'exploser, c'est mon seul repère. Enfin non, mon repère c'est toi, sauf que tu n'es pas là, tu ne peux pas m'aider, alors je dois trouver un moyen de substitution en attendant que tu me reviennes.
Je ne sais même comment qualifier ceci. Je me trouve horrible d'essayer de te remplacer, surtout que je sais très bien que c'est impossible. Tu es irremplaçable, et même plus si cela existe. J'ai besoin de toi, c'est vital. J'ai besoin de toi tout entier, de ta conscience. Je ne te le dirais jamais assez. J'ai tellement besoin que tu combles cet place vide dans mon coeur. Je ne veux de personnes d'autre à cette place, personne d'autre que toi. Je ne verrais toujours que toi, tu seras toujours le premier dans ma tête Tay'. C'est ainsi, et tu ne pourras malheureusement jamais le changer.
Tu pensais te débarrasser de moi en faisant ce que tu as fait ? Eh bien je suis dans le regret de t'annoncer que tu as échoué, vraiment. Oui, je viens juste de faire de l'humour noir, ou du moins de te taquiner. Je sais – enfin j'espère – que ce n'est pas parce que j'étais dans ta vie que tu as fait ça. Cette idée a le don de faire monter le stress, l'angoisse, la douleur, la peur et la culpabilité en moi.
J'étouffe actuellement, formuler cette pensée à voix haute n'étais peut-être pas la meilleure chose à faire finalement. Je pensais que le filtre que j'avais, la barrière entre mon cerveau et mes lèvres me protégerait de ce type de bêtise à ne surtout pas dire. Mais, apparemment non. J'en suis désolé, excuse-moi pour ceci. Je me sens mal maintenant. Plus encore qu'avant.
Il m'est assez difficile de me sentir bien en ce moment, j'imagine que tu comprends et que tu sais pourquoi. Et si tu n'arrive pas à savoir pourquoi, je vais te donner tout de suite la réponse. Tout simplement parce que la personne que j'aime le plus au monde, mon meilleur ami, mon tout, ma vie entière, se trouve allongée sur un lit d'hôpital, branchée de partout, un tube en travers de la gorge pour qu'il puisse respirer, des bandages le recouvrant de partout. Quelle magnifique image pour tes proches.
Tay', c'est une vraie vision d'horreur que tu nous offre, tirée tout droit d'un cauchemar. Te regarder me retourne le cœur, je me sens tellement vulnérable en te voyant comme ça. contrairement à ce que tu dois penser, ce n'est pas toi qui me semble vulnérable, mais bien moi. À vrai dire, tu dois probablement être le plus fort de tous actuellement. Tu es là, à te battre pour ta vie, à devoir subir les traitements, les discours et les monologues, le charabia des médecins, les rires des infirmières sans aucun respect. Tu es là et le temps passe. Le temps passe et tu continues de te battre. Je sais que tu n'es pas vraiment conscient, mais je sais aussi que tu es quand même avec nous.
Ton état s'améliore, on le voit, et puis Alice me donne des nouvelles aussi. Ton état s'améliore, et je suis la personne la plus heureuse du monde à cette pensée. En même temps qui ne le serait pas ? Ton état s'améliore, ton cerveau réagit aux multiples tests que te font les docteurs ; et malgré tous les arrêts que tu fais, malgré le fait que les médecins puissent penser que toutes ses améliorations ne changeront rien au fait que tout est perdu pour toi, je sais qu'avec le temps tu te rapproches de moi. Je sais qu'en ce moment tu es plus proche du retour à la vie que de la mort. Et même si ton avenir repose aussi sur la science, je sais qu'elle repose aussi énormément sur ta volonté et ton envie de revenir. C'est en partie pour cela que l'on nous a dit de faire attention à tout ce que l'on te racontait. Ne jamais te dire pourquoi tu es comme ça, ne jamais évoquer un événement douloureux du passé, ne jamais dire quoique se soit qui puisse te contrarier, et j'en passe.
Je sais, en y réfléchissant, que je transgresse un peu toutes les règles, mais qui serais-je si je ne le faisais pas ?

J'arrive à discerner un sourire dans sa voix. Il se détend, ça s'entend. J'aimerais dire que cela se voit, mas je ne peux pas le dire, pas encore. Mais bientôt.
Pourtant je suis sûr qu'il a un sourire en coin et une pointe de malice dans le regard ; je suis sûr qu'il se tient proche de moi ; je suis sûr qu'il me regarde et que, malgré ses dires, il n'y a pas d'horreur dans son regard. Parce qu'il est incapable de le regarder avec autre chose que d ela tendresse dans les yeux : il est aussi doux qu'une peluche avec moi quand je ne vais pas bien.

— Donc, je disais, toussote-t-il avant de reprendre. Je dois malgré tout, et surtout contre ma volonté, en revenir aux choses sérieuses. Va-tu un jour te réveiller et m'expliquer ?
Va-tu un jour ouvrir tes yeux et me regarder droit dans les prunelles et avouer chacune des raisons de ton acte ? Tu as plutôt intérêt à le faire. Peut-être que ce n'est pas bon de rappeler à un miraculé ce qu'il a fait par le passé, mais tu me dois des explications, des excuses, tu me dois quelques choses. Que se ne soit que quelques mots sans importance, je m'en fiche ! Mais l'ignorance m'est insupportable, alors je ferais tout pour la battre. Quitte à te harceler de messages, de mails, de lettres et de que-sais-je encore, j'aurais mes réponses.
J'aurais mes réponses, j'aurais mon câlin forcé, j'aurais tes larmes, tu auras les miennes.
J'aurais de nouveau notre amitié passionnelle et l'on pourra à nouveau avancés ensemble, et affronter la vie quoiqu'il arrive.
Parce qu'on sera deux.
Mais pour l'instant j'en suis incapable, parce que tu n'es pas là, à mes cotés.
Non, pour l'instant il n'y a que moi assis sur une chaise à côté du lit où tu pourrais rendre ton dernier souffle, une de tes mains dans les miennes.
Pour l'instant je suis seul, parce que tu as fait un choix que je pourrais qualifier littéralement d'égoïste, mais je sais d'avance que se ne serait qu'en partie vrai.
Pour l'instant je suis seul et tu es étendu là devant moi parce que tu as décider de te donner la mort. Je suis là, seul, parce que tu as essayé de t'ôter la vie, de te suicider.
Alors dis moi Tay', parce que là j'en peux vraiment plus.
Dis moi Pourquoi t'as pris tout ces médocs, pourquoi tu t'es autant fait saigner.
Dis moi qu'est-ce qui t'a donné cette si violente envie de crever.
Dis moi Tay', parce que là je n'arrive plus à lire en toi, parce que là je ne sais vraiment plus rien.
Dis moi, aide-moi à comprendre, parce que je suis de plus en plus perdu.



H.

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