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(Version 2.0 réécrite)


Mon reflet me semblait étranger. Ce n'était pas moi, me hurlait ma conscience. Pourtant, j'aurais pu me satisfaire de cette apparence.

De longues mèches ébène ondulaient autour d'un visage pâle et lisse. Mon nez, un tout petit peu retroussé, était étrangement couvert de petite taches de rousseur, seule touche de couleur. Ma bouche était fine et rosée. Une étrange ligne blanche traversait ma joue, comme une cicatrice ancienne et je l'effleurai d'un doigt, cherchant en vain où je pourrais me l'avoir faite. Baissant les yeux, je continuai mon observation. Mon corps mince, était moulé parfaitement grâce au cuir noir. J'étais belle. Je n'étais plus moi...

Ce que je remarquai le plus, ce qui me marqua plus que ma silhouette, ce furent mes yeux. Ils étaient noirs, noirs comme un puits sans fond, noirs comme la nuit, noirs comme les plumes d'un corbeau. Ils dégageaient une intensité que je ne voudrais pas croiser, si j'étais quelqu'un d'autre que moi. Mes propres yeux me mettaient mal à l'aise, sans que je ne sache pourquoi. Un rire sans joie jaillit de ma gorge.

Je me détournai du miroir, encore plus perdue qu'avant. Non seulement j'avais la mémoire effacée, mais en plus, mon apparence et mon caractère avaient été modifiés. Etait-ce une contrepartie pour être revenue d'entre les morts ? Car oui, en voyant la vivacité de Nary, mes doutes s'étaient en grande partie dissipés. En partie, seulement. Peut-être que nous avions une hallucination collective ! J'avais déjà lu ça quelque part...

Je décidai de dormir un peu, pour me réveiller de ce cauchemar qui commençait juste mais qui durait depuis assez longtemps pour moi. Dormir me ferait oublier tout ça un moment. Je sortis de la salle de bain en silence.

Le lit était confortable et j'enfilai une robe de nuit, noire de nouveau, pour plonger dans le monde des rêves. Les draps avalèrent ma silhouette menue sans peine.

***

Je fus réveillée par le son d'un piano. Les notes mélodieuses qui se suivaient avec fluidité me firent émerger en douceur d'un sommeil profond et je mis quelques secondes pour me rendre compte que j'étais revenue à la réalité, si étrange était-elle. Le meuble mauve en face de mon lit en était la preuve.

Je soupirai en retombant dans le matelas. Que devais-je faire ? Me laisser mener dans cette histoire que je ne comprenais pas et dont je doutais encore de la véracité ? Leur faire confiance ?

Avais-je une autre solution ?

Je soupirai. Non, je n'avais pas d'autre solution, à moins de tenter une évasion hors de cet étrange manoir rempli de couloirs et de portes. La veille, la pensée d'en franchir une pour fausser compagnie à Luk m'avait effleurée mais je l'avais repoussée. J'ignorais ce qui se passerait alors.

Ma situation me semblait compliquée. Comment me défaire de ce dilemme ? Rester ou partir ?

Finalement, lorsque je repris conscience du son du piano, une curiosité familière me prit et je me levai pour voir ce qu'il en était. Enfilant une autre robe noire de l'armoire, puis brossant mes nouveaux cheveux sombres, j'observais mon visage comme on regarderait un inconnu particulièrement étrange. Mes yeux et ma cicatrice ne cessaient de se disputer une grande partie de mon attention.

Lorsque je sortis de la chambre, je ne sus où aller. Je décidai de suivre les mélodies de l'instrument et me guidai ainsi parmi les couloirs tous plus semblables les uns que les autres. Et si je me perdais ? Je crierais, voilà tout. On finirait bien par me retrouver. Ou alors je découvrirais une sortie et je pourrais m'enfuir.

Heureusement pour moi sans doute, la mélodie était fiable et pas très loin de ma chambre. Elle se rapprochait distinctement.

Une porte entrebâillée laissait échapper les notes du piano. Je m'approchai sur la pointe des pieds, faisant attention à ne pas faire de bruit et surprendre le musicien en pleine action. Je faisais attention à ne pas respirer trop fort, me doutant que la personne à l'intérieur possédait une ouïe développée.

Mais, à ma grande déception, la musique s'arrêta et la porte s'ouvrit en grand sur Zefi. Ses yeux de glace me fixaient comme s'il se demandait ce que je pouvais bien faire là. Un instant, je caressai l'idée d'inventer un mensonge expliquant ma présence devant la porte mais son regard perçant me sembla difficile à duper.

— C'était toi qui jouais ? dis-je finalement en optant pour la franchise.

— Oui.

— Et... Qu'est-ce que c'était ? poussai-je, un peu mal à l'aise par ses yeux fixes et sa courte réponse prononcée à contre-coeur.

— Une composition personnelle, répondit-il en me contournant pour s'échapper.

Mais je lui saisis le bras fermement, l'arrêtant sans trop de peine dans son mouvement. Il tourna son regard vers moi et attendit que je parle... sauf que moi, je m'étais perdue dans le bleu de ses yeux. J'en fouillais les moindres nuances, les moindres méandres. C'était fou combien de bleus existaient dans un seul iris.

— Anastasia ? lança-t-il avec impatience, bougeant légèrement son bras, toujours emprisonné entre mes doigts.

Je repris brusquement mes esprits et parlai d'une voix que j'espérais ferme. Que m'avait-il pris ? Quelle idée de rester muette en fixant ses yeux...!

— Tu veux bien rejouer ?

Voyant qu'il allait refuser, je serrai un peu plus son bras en ajoutant :

— S'il te plaît ?

Je n'appréciais pas trop de presque supplier Zefi alors qu'il m'avait autant énervée, mais je n'étais pas aussi peu mature que pour bouder, et puis, j'avais envie d'entendre la musique qu'il avait produite. Il me fixa un long moment, si longtemps que je me demandais s'il n'avait pas simplement oublié ma question. Mais finalement il baissa les yeux pour marmonner entre ses dents de manière inintelligible et retourna dans la pièce.

Je le suivis, un sourire léger scotché aux lèvres. Mon cœur me disait que j'aimais la musique, alors je ne demandais qu'à revivre cette passion, même si aucun souvenir ne venait le confirmer.

Zefi s'installa devant l'immense piano à queue noir. Il posa ses doigts fins sur les touches, inspira, puis commença à jouer, le tout sans me jeter le moindre coup d'oeil.

Mon souffle s'arrêta. Mes yeux étaient rivés aux doigts du jeune homme qui dansaient sur les touches blanches et noires, faisant naître des tourbillons de mélodies ensorcelantes. Mes oreilles étaient envahies de sons plus harmonieux les uns que les autres. Je repris une inspiration tremblante lorsque ma vision se troubla, j'avais oublié de respirer. Zefi avait un vrai talent. Debout à côté du piano, le regard dans le vague, j'imaginais les notes prendre corps en fumées colorées et s'entremêler dans les airs sous mes yeux émerveillés.

Lorsqu'il s'arrêta, un long silence flotta dans la pièce. Je ne disais rien, lui non plus. Les vapeurs lumineuses s'évanouirent délicatement. Je portai mon attention sur le pianiste prodige. Il fixait son instrument d'un œil rêveur, je n'avais encore jamais vu une telle lueur dans ses iris magnifiques.

— Je peux essayer ?

Ma voix sortit de ma gorge sans que je ne la contrôle. Je m'étonnais de mon idée, je n'avais pas l'impression de savoir jouer du piano. Je croyais qu'il allait refuser que je touche son instrument mais Zefi hocha la tête en se levant. Je m'approchai du siège avec lenteur. J'avais la diffuse pensée que je savais ce que je faisais, mais qu'est-ce que je faisais ? C'était étrange, j'avais l'impression d'être une marionnette, spectatrice de mes actions.

Le garçon se posta sur un autre tabouret qui traînait à côté du piano, tandis que je m'asseyais sur celui qu'il venait de quitter. Mes mains se posèrent d'elles-mêmes sur les touches. La sensation des morceaux d'ivoire sous mes doigts me procura un sentiment de bonheur dont je ne comprenais pas la raison. Avais-je un jour pris des cours ? Avec qui ? Ma mère avait-elle joué pour moi lorsque j'étais petite ? Etait-ce le cas pour Zefi ?

Après une profonde inspiration qui me permit d'oublier que le vampire me regardais, j'appuyai sur les touches et la mélodie sortit naturellement. Mes doigts volaient au-dessus du clavier comme si j'avais fait cela toute ma vie, ce que je commençais à croire. Un nom surgit dans mon esprit, celui de la pièce que je jouais, mais je ne l'avais jamais entendu.

Lorsque j'eus fini, Zefi ne dit rien. Avait-il aimé ? Détesté ? C'était dur à déterminer étant donné que je ne regardais pas son visage.

— La Sonate à Zoraka, murmura-t-il finalement d'un ton presque impressionné. Un morceau difficile, mais le plus incroyable... C'est que ce morceau n'est connu que dans ce Manoir. Il a été composé par l'un des vampires qui vivait ici, il y a bien longtemps. Tu ne peux pas le connaître.

Je fus interloquée. Comment, en effet, pouvais-je connaître et savoir jouer un morceau que je ne pouvais pas avoir entendu ? Je finis par tourner les yeux vers le jeune homme.

Zefi se fit songeur. Son visage se ferma. Il semblait avoir une idée, mais ne voulait visiblement pas la partager. Je me retins de lui hurler de me faire part de ses réflexions, je n'allais pas encore me faire passer pour une fille violente. Mais la curiosité, devenue décidément mon amie ces dernières heures, me taraudait. Il m'expliquait la moitié des choses puis s'en allait, me laissant insatisfaite et remplie de questions. Je sentais que j'allais devoir modérer mes ardeurs, il ne semblait pas décidé à m'éclairer.

— Bref. C'est pas tout ça, mais allons déjeuner. Tu dois avoir faim.

Il se leva puis se dirigea vers la sortie sans un regard en arrière. Juste lorsqu'il quitta la pièce, je revins à mes esprits et le suivis, en rangeant bien le siège sous le clavier.

Ma longue robe de tissu léger me gênait dans les mouvements. J'allais devoir m'y habituer. En attendant, j'essayais de ne pas me faire distancer par mon guide, je doutais de me repérer dans les couloirs.

— Où est-ce que l'on mange ? fis-je en espérant qu'il ralentirait si je le faisais parler.

— Dans la salle à manger, lâcha-t-il sans dévier.

Je me retins de soupirer. Il sembla reconsidérer sa réponse et finit par reprendre.

— Plus sérieusement, elle se trouve à l'autre bout du bâtiment.

Nous continuâmes notre chemin sans croiser âme qui vive. J'étais pieds nus, toujours, je devais sérieusement penser à enfiler des chaussures. Comme le silence devenait pesant, je repris la parole.

— Pourquoi est-ce la tâche des vampires de garder le Monde des Vivants, selon vous ? En général ils sont plutôt mal vus...

— Ce ne sont que des histoires inventées par les vivants. Nous sommes bien différents de tout ce qu'ils pourraient imaginer en nous voyant apparaître dans leur monde par intermittence.

Il se tourna soudain vers moi avec un sourire carnassier qui dévoilait ses canines blanches. Je réprimai un frisson. Elles étaient plus longues qu'elles n'auraient dû... Dans le doute, je passai ma langue sur les miennes et sentis une légère douleur ainsi qu'un goût de sang.

Le silence retomba, seulement ponctué du bruit de nos pas. Arrivés, enfin, devant la porte de la salle à manger - je l'avais déduis puisque c'était notre destination -, j'avais mal aux pieds. Mon guide s'arrêta. Son visage était aussi impassible qu'à l'accoutumée.

— Entre, ils sont déjà là, me dit Zefi.

Je poussai la porte sans me faire plus prier. Mon estomac avait gargouillé tout le trajet. Lorsque je pus apercevoir la pièce, je marquai un arrêt et mes sourcils se haussèrent.

Je ne m'attendais pas à trouver des chats dans la salle à manger. 














ARCHIVES avril 2018

Bonjour !

Voici le troisième chapitre, tadaaa ! Qu'en pensez-vous ? Avez-vous envie de continuer l'aventure, de savoir ce qui arrive à la pauvre Anastasia? :)

Avez-vous aimé le début, pensez-vous aimer la suite ? Que pensez-vous de cette histoire de chats ? :)

Bref, bonne lecture, merci d'avoir lu et à bientôt ! :)

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