🦇29🦇
(Version 2.0 réécrite)
Mon esprit se figea. Aucune pensée cohérente n'en surgissait.
Nary. Nary. Nary... Qu'as-tu fait ?!
Mes jambes tremblaient. Mes mains étaient moites. Devant mes yeux vides, le corps de mon amie s'effondra au sol. Sa tête heurta les pavés avec un bruit sourd qui sembla résonner dans le silence de mort qui s'était abattu.
Ses cheveux blonds s'étalèrent comme des pétales d'or autour de son visage. Mes genoux se posèrent au sol alors que mes mains saisissaient ses épaules pour la secouer. Je criais, mais c'était comme si je n'entendais rien. Mes yeux filèrent vers la lance violette enfoncée dans son ventre. Des flots de sang coulaient de la plaie, tachant le pavé et mon pantalon. Elle m'était destinée, cette foutue arme ! Pourquoi avait-elle sacrifié sa vie ? J'aurais dû mourir à sa place !
Je me repris en respirant profondément. Il fallait que j'arrête de penser à des choses pareilles...
Ça ne la ramènerait pas.
Ma respiration se ralentit. Un calme menaçant avait pris possession de mon corps. Je me levai avec un dernier regard pour les yeux clos de Nary. Elle s'était sacrifiée pour que je tue cette pourriture de Mort. Et c'était exactement ce que j'allais faire.
Une lance rouge crépitante apparut dans ma main droite. Je bondis et l'enfonçai dans le bras de Luk, à défaut d'avoir pu toucher son cœur. Je repartis aussitôt à la charge, véritable tornade de violence animée d'une froide détermination.
Au bout de quelques coups, je plantai enfin la lame dans le cœur de Luk, qui se dissolut en fumée noire. Avant qu'il ne soit invisible, j'eus le temps d'apercevoir ce que j'interprétai comme un regard de remerciement. Je secouai la tête. Il me restait un objectif.
La Mort était plus loin, à quelques mètres, sa faux à la main. Une flamme enfla dans ma paume libre. Un véritable tsunami enflammé frappa sous mes ordres muets. Mes yeux fixes ne quittaient pas mon adversaire. Aucune émotion ne transparaissait sur mon visage lisse.
J'étais morte de l'intérieur. L'état de choc me plongeait dans une détermination sans faille. Je n'avais plus qu'une volonté : vaincre.
Si seulement je l'avais eue plus tôt. Je m'étais posée trop de questions. J'aurais dû frapper. Alors, peut-être qu'elle serait encore là. Qu'ils seraient encore là...
Je renvoyai ces pensées au fin fond de mon esprit tourmenté. Ce n'était pas le moment. Après viendrait le moment du deuil.
Je bondis. La faux dessina un arc de cercle dans les airs. Je la bloquai à l'aide de ma lance. Nous nous fixâmes par-delà l'entrecroisement des lames. Les billes rouges de la Mort scintillaient. Je ne me laissai pas distraire et reculai pour repartir à l'assaut.
En plein mouvement, une vive douleur m'enflamma l'épaule. Je hurlai et tombai au sol avant de rouler hors de portée de la Mort. Sa faux provoqua des étincelles en frottant les pavés.
Les filaments sombres s'étaient étendus. Je les voyais sortir de mon col, ils dessinaient des ombres sur ma peau. Mon épaule brûlait.
— Ta blessure t'empêchera de vaincre, Anastasia. Tu ne peux rien. Tu es seule !
À ces mots, je vis rouge.
— Une simple égratignure ne m'empêchera pas de te botter les fesses ! criai-je en sautant.
Ma lance se métamorphosa en épée et je l'abattis de toutes mes forces. L'énergie qui bouillonnait à sa surface se répandit le long de la lame et atteignis celle de la Mort. Elle cria lorsqu'elle effleura sa cape et les brumes qui formaient son corps.
Ses mains lâchèrent son arme, qui tinta sur les pavés.
Je ne perdis pas de temps et rassemblai toute l'énergie disponible au creux de ma main droite. Mon épée se dissolut. Mon visage se contracta sous la concentration que ça me demandait. Enfin, j'écartai lentement les doigts.
La Mort tenta de ramasser sa faux mais la lâcha aussitôt, brûlée par les traces de ma magie. La sphère crépitante bouillonnait dans ma main.
Son visage se tourna vers moi. Elle fixa la sphère.
— Je reviendrai dans mille ans. Un jour, les Darks ne pourront plus m'arrêter. Tu n'as fait que repousser l'échéance, grinça-t-elle.
Je ne cillai même pas. Je savais tout ça.
La boule de feu grossit et je la tins à deux mains devant ma poitrine. Mon regard était ferme, impassible.
— Retourne d'où tu viens... soufflai-je en propulsant mon énergie droit vers la Mort.
Elle heurta la forme encapuchonnée dans une déflagration qui me souffla. Je reculai, les mains devant les yeux, ne voulant malgré tout rien manquer de la défaite de la Mort.
Des volutes ténébreuses s'élevèrent en colonne tourbillonnante. Des voix et des cris emplirent la place. Une faille s'ouvrit dans un craquement retentissant. Elle avala les fumées qui s'engouffrèrent à l'intérieur, comme aspirées par un vide. Puis, le silence se fit.
Je m'assis sur le pavé, la tête entre les mains. Une migraine atroce me vrillait le crâne. À ma gauche, le corps inerte de Nary gisait au sol. Je détournai le regard en déglutissant.
Où est Zefi ?
Je fouillai le paysage de destruction qui se déroulait devant moi. Rien. Pas une trace...
Je me retournai, le cœur pressé dans un étau. Je supporterais pas une troisième disparition. Je ne voulais pas être seule. C'était trop dur de se dire que, déjà, deux Gardiens étaient partis.
Pas un troisième.
Une silhouette boitait dans ma direction. Mon regard s'éclaira. Je me levai en chancelant. C'était... C'était...
— Zefi !
Je me mis à courir avant de tomber au sol. J'étais vidée de mon énergie. Grognant, je me mis tout de même à quatre pattes. Je relevai la tête pour croiser un regard de glace épuisé.
— Anastasia...
— Zefi... Nary est... Elle...
Il m'interrompit en secouant la tête.
— Elle est heureuse. Elle l'a fait pour toi. Elle l'a choisi.
— Mais si j'avais mieux combattu, si j'avais été forte dès le début...
— Anastasia, non...
— Si je n'avais pas hésité... Elle serait encore là ! explosai-je.
Je fermai les yeux. Une caresse douce se fit sentir sur ma joue et le voix de Zefi résonna.
— Anastasia, ne dis pas des choses pareilles. C'est faux.
Je secouai tristement la tête. Il n'en tint pas compte.
— Tu ne dois pas t'en vouloir.
Je hoquetai soudain. Mon épaule s'était remise à brûler. Zefi regarda rapidement les lignes noires.
— On doit rentrer, il faut te soigner.
— Mais... On doit prendre le corps ! Il faut l'enterrer...
— Elle va disparaître en fumée, Anastasia. Elle va aller au Paradis. Elle nous a sauvés.
Je jetai un œil à la vampire, étendue au milieu de sa flaque de sang. Je me mis à avancer à quatre pattes vers elle, une grimace de tristesse sur le visage. Je ne prêtai pas attention au liquide vermeille qui humidifia mes vêtements et effleurai le visage de Nary du bout des doigts.
— Merci. Repose en paix, hoquetai-je.
Zefi s'approcha et s'accroupit à mes côtés en silence. Il posa une main sur le front de notre amie et murmura.
Une douce lumière enveloppa le corps. La sang disparut. La plaie se referma dans une explosion dorée scintillante. Nary se dispersa en paillettes de soleil qui s'évanouirent dans les airs sous mes yeux fatigués.
Les pavés étaient à nouveau gris, comme si rien ne s'était passé.
Nous nous levâmes lentement dans un silence respectueux. Sans nous regarder, nous nous mîmes à marcher pour quitter la place. Il était temps de rentrer au Manoir.
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