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(Version 2.0 réécrite)
Une grande peur me saisit alors que mes yeux se dilataient.
Nary se voyait mourir en rêve et dans ce nouveau monde fantastique aucun songe ne se révélait sans importance... La preuve, avec la visite surprise de la Mort dans mon sommeil.
Je me levai et approchai de mon amie. La détresse et la peur suintaient par tous ses pores. Ses grands yeux émeraude laissaient transparaître toute sa frayeur et en même temps sa libération d'avoir avoué ça à quelqu'un. Ce devait être dur de garder ça pour soi, sans savoir si ça allait se produire.
Sans réfléchir, je la pris doucement dans mes bras. Surprise, elle se tendit mais se laissa aller ensuite, posant sa tête sur mon épaule. Des soubresauts l'agitèrent sans qu'elle ne mouille mon épaule.
Au bout de quelques secondes, elle s'éloigna lentement et me sourit.
— Merci. J'en avais besoin.
— De rien, répondis-je.
Elle souffla un grand coup et se mit en position de combat. Ses yeux brillèrent.
— Bon allez, on recommence. Essaie de battre ton record... Même si ça ne devrait pas être trop compliqué !
***
Courbaturée au possible, je m'effondrai sur mon matelas. L'entraînement physique avait été épuisant et je m'étais donnée à fond, poussée par l'inquiétude en rapport avec l'aveu de Nary.
J'étais préoccupée. Les yeux vers le plafond, je réfléchis intensément à ce rêve que m'avait révélé mon amie. L'idée de sa mort lors de l'affrontement inévitable avec notre ennemie me plongeait dans la peur. La peur de perdre quelqu'un qui m'était devenu cher et évidemment une grande tristesse.
Mais je ne devais pas bloquer sur un rêve. Elle faisait peut-être de simples cauchemars, réveillant une peur enfouie dans son subconscient, et ces songes ne voulaient rien dire. Je soufflai. J'étais vraiment trop fatiguée pour réfléchir à ça, à un sujet aussi sensible et morbide. Me retournant dans mon lit, je finis par m'endormir péniblement.
***
— Bonjour, Anastasia.
J'ouvris les yeux sur une plaine aride. La terre sèche et orange, vierge du moindre brin d'herbe, était balayée par un vent violent et chaud.
Devant mes yeux écarquillés par la peur, se dressait la silhouette encapuchonnée de la Mort. Ses ailes membraneuses se déployèrent dans son dos.
Je la reconnus à l'aura menaçante qui l'entourait de toute part, et non à son visage, véritable trou noir sans forme. Car la Mort n'a pas de visage.
— Pourquoi suis-je ici ? demandai-je.
Ma voix était tremblante, malgré mes efforts. Mes mains moites serraient ma robe de dentelle. Pourtant, je m'étais endormie en tenue de nuit.
— Allons, lança-t-elle. J'avais hâte de te revoir. Tu as tellement fait parler de toi... Tu as ramené ton ami de la frontière de la mort à l'aide de pouvoirs que tu ne maîtrisais pas, et ensuite, les Métamorphes vous chassent de leur bal... Vraiment, cette invasion-ci s'annonce palpitante !
Un sourire brumeux garni de dents pointues prit forme sur sa face intangible. Deux pupilles rouges prirent place au-dessus du rictus. La Mort étendit ses ailes membraneuses avec délectation et décrocha sa faux de son dos.
Figée d'effroi, je la regardai approcher le tranchant de la lame de ma gorge, doucement, menaçant de m'ôter la vie en rêve. Aurait-ce une conséquence dans la vie « réelle » ?
La sueur coula dans mon cou avec lenteur. Mon regard restait figé sur le reflet de mon visage dans la lame.
Mes yeux semblaient avoir triplé de volume. L'image était déformée, j'avais une apparence monstrueuse. La cicatrice qui parcourait ma joue ressortait par un curieux effet d'optique.
— Tu as si peur, petit bout de vie... Si peur... Comment espères-tu me vaincre, moi, la millénaire et éternelle Mort ?
Je déglutis. Mes yeux brûlèrent sous les larmes incapables de s'en échapper. J'étais terrorisée. Le regard de braise de la Mort scintilla vivement. Elle se délectait de ma peur, s'en nourrissait. Elle irradiait soudain de puissance.
J'avais conscience de cela, mais j'étais incapable de me défaire de cette emprise vicieuse. Elle me faisait peur, s'en repaissait pour ensuite l'augmenter. Un cercle infini.
— Pathétique. Vous allez mourir. Tu seras la dernière âme à m'échapper pour toujours. La dernière qui a pu renaître. Tu as filé comme une lâche entre mes doigts, mais je t'ai touchée dans ta fuite. Tu m'appartiens. Et un jour, je reprendrai les âmes de ces vampires qui se pensent invincibles.
Elle se pencha doucement vers moi. Ses doigts s'agitèrent sous mon nez. Pétrifiée, je fixais ses mouvements hypnotiques. Lorsqu'elle fit une brusque torsion, je me mis à hurler.
Mon visage me paraissait en feu. Une lame chauffée à blanc semblait s'en être prise à ma peau d'albâtre, la labourant sans cesse, retournant ma chair. Je criai encore plus fort et tombai aux pieds de la Mort. J'entendis son rire résonner dans les plaines des songes avant de m'évanouir.
***
— Ana ! Réveille-toi !
Des mains me secouaient les épaules avec violence. J'ouvris brusquement les yeux, comme libérée d'une force qui me maintenait endormie. Nary me fixait. Elle serrait ses doigts autour de mes épaules. Ses grands iris verts laissèrent voir son soulagement et elle me lâcha en soufflant doucement.
Je me redressai vivement et elle recula.
— Tu criais dans ton sommeil, je... commença-t-elle.
— La Mort. Elle est venue me voir, coupai-je.
Son visage passa du soulagement à la peur en un instant. Elle s'assit sur une chaise et croisa les bras. Je pris une profonde inspiration.
— Elle m'a dit... que je lui appartenais. Que je lui avais filé entre les doigts.
— Oui, nous échappons à la Mort pour renaître, expliqua Nary d'une petite voix. On ne sait pas vraiment comment, mais nous parvenons à sortir de son royaume.
— Elle a dit m'avoir touchée, fis-je d'une voix blanche, les yeux rivés au mur.
Lorsque l'image de la Mort surgit dans mon esprit, accompagnée de son rire terrifiant, une brûlure se fit sentir sur mon visage. J'y portai une main et effleurai ma cicatrice du bout des doigts. Elle était chaude, trop chaude. Nary croisa mon regard perturbé et avança :
— Peut-être que tu as eu plus de mal que nous pour t'échapper et qu'elle a eu le temps de te faire ça, fit-elle en désignant ma cicatrice.
Je frissonnai. La pensée que la Mort ou sa faux aient pu m'effleurer me glaça d'effroi. Je pris une inspiration tremblante. Je me sentais tout à coup faible, en sueur dans ce lit, chamboulée par un simple songe.
— Nary, je ne vais pas y arriver. Je suis désolée... Même en rêve, elle me terrifie !
— Comme tout le monde. On a tous peur de la Mort. Si ce n'était pas le cas, nous n'aurions plus rien d'humain. Tu peux la souhaiter de tout ton cœur, au moment de partir, il y a toujours une part de toi qui se refuse à ce destin.
Elle s'avança et s'assit au bord de mon lit.
— Il faut juste que tu te dises que tu peux la repousser. On ne te demande pas de tuer la Mort, juste de l'affaiblir afin de la renvoyer dans son Royaume lorsqu'elle percera le sol. Tu en es capable, Anastasia.
Elle avait pris mon poignet en disant cette dernière phrase. Je sentis alors la confiance qu'elle mettait en moi. Mais au fond, rien n'avait changé : je n'étais pas plus affirmée, je n'avais pas plus de force mentale pour affronter mon pire cauchemar.
Et c'est ça qui me fit affreusement mal.
J'allais tous les décevoir.
ARCHIVES octobre 2018
C'est sur une note peu joyeuse que se termine ce chapitre.
Qu'en avez-vous pensé ? J'essaie sincèrement de dévier du cliché de l'héroïne toute puissante pour montrer qu'au fond, Ana n'est pas sûre d'elle et qu'elle est terrifiée. Est-ce réussi, ou bien est-ce que ça donne faux ?
Avez-vous confiance en elle ? Malgré ce que dit la Mort, malgré ce qu'Ana pense d'elle-même ?
En tout cas, j'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à lâcher un commentaire sur les persos, l'histoire, vos suppositions, vos idées pour la suite ! ❤️
À bientôt ! :)
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