Chapitre 27
Immédiatement j'attrape mon téléphone et le range dans ma poche. Le regard de Thomas est toujours noir et aussi dur. Je tourne la tête et me cache derrière mes cheveux. Je ne fais rien de mal mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable. Je ne sais pas ce qu'il s'imagine mais à l'instant même où il a vu le message il s'est renfermé. Est-ce que c'est le fait qu'un autre garçon m'invite à sortir qui le rende comme ça ? Est-ce qu'il serait... jaloux ? Non, c'est impossible. Je ne vois pas Thomas être jaloux. Et pourtant sa réaction montre le contraire.
Du coin de l'œil je remarque qu'il s'est renfoncé dans son siège et croise les bras. Je ne sais pas s'il me fixe mais je ne me retourne pas. Le Thomas de tout à l'heure a totalement disparu. Fini les petits contacts anodins et les sourires en coin. Son changement de comportement créé un vide dans mon estomac qui me tord le ventre. Je ne sais pas si c'est psychologique mais tout d'un coup je commence à avoir froid et je sers mes bras autour de moi.
Pourquoi est-ce que je réagi comme ça ? Je ne devrais pas me prendre la tête pour un garçon. Surtout qu'on est juste ami, si on peut vraiment appeler ça une amitié. Et pourtant je ne peux m'empêcher de ressentir le besoin de lui expliquer la situation. Qu'il s'imagine des choses et qu'il n'y a rien avec la personne qui m'a envoyé ce message.
Actuellement, je déteste Dylan de m'avoir envoyé ce sms maintenant. Et surtout de me proposer de se voir. Il a fait exploser en mille morceaux le peu de rapprochement entre Thomas et moi, et les faibles liens qu'on a tissés. Tout ça en l'espace de quelques secondes. Le moment dans la cuisine s'est complètement volatilisé. Le Thomas renfermé et sombre est de retour.
Le bruit de chaises qui raclent sur le sol me sort de mes pensées. Je remarque alors que Cathy et Maxime ne sont plus là. Ils ont dû s'éclipser sans que je ne m'en rende compte. Léa s'est levée et ramène les bols vides dans la cuisine. Quand elle en revient, elle me demande d'un signe de la tête de la suivre. Je repousse ma chaise et la suit. Tout plutôt que de rester dans cette ambiance morose qui s'est installée. Même si personne d'autre ne semble avoir remarqué quoique ce soit j'ai besoin de m'éloigner de Thomas.
Léa nous dirige vers la porte vitrée et nous sortons sur un balcon que je n'avais jamais remarqué. Je suis venue quelques fois chez Maxime et pourtant je ne l'avais jamais vu. Nous nous installons en tailleurs, à même le sol, seulement éclairées par la lumière du salon et la lune dans le ciel. L'air est frais mais supportable. L'été arrive bientôt et le temps commence à se réchauffer doucement ces temps-ci. Dehors, on entends seulement le bruissement des feuilles et le chant des cigales.
-Tu voulais me parler de quelque chose ? je demande en brisant le silence.
-Non pas spécialement. Je repars demain et j'avais juste envie de discuter un peu. On a pas vraiment pu faire connaissance toutes les deux. Je ne suis pas restée super longtemps mais je sais que t'es une fille sympa et je comprends que les autres t'apprécies.
Son aveu réchauffe légèrement la boule de froid en moi. Moi qui ai constamment l'impression de ne pas être vraiment intégrée à ce groupe, sa confession me rassure un peu.
-Je vais être honnête avec toi, me lançais-je. Au début quand tu es arrivée, à l'anniversaire de Maxime, je ne t'appréciais pas trop.
-Pourquoi ça ? m'interroge-t-elle surprise, les sourcils relevés.
-Je commençais à peine à bien m'intégrer au groupe et en arrivant j'ai eu l'impression que tous mes efforts volaient en éclats. J'étais de nouveau transparente avec l'impression que tu me piquait ma place. Ce qui est débile puisque tu était là bien avant moi.
Je rigole légèrement à la fin de mon explication en réalisant à quel point c'était idiot.
-Je comprends totalement ce que tu as pu ressentir. Et j'en suis désolée, vraiment. Ce n'était pas mon but. J'étais super contente de les retrouver enfin, s'excuse-t-elle.
-Hé, la coupais-je. C'est normal que tu aies été le centre de l'attention. Eux aussi étaient contents de te retrouver. Puis moi je suis juste la fille qui s'incruste au groupe alors c'est normal que je passe au second plan. Même si ce n'est pas très agréable.
Je fini en faisant une grimace et le silence retombe. Je me retourne rapidement pour regarder ce que fond les autres à l'intérieur. Cathy et Maxime sont toujours absents. Quand aux trois garçons ils discutent ensemble.
-Et maintenant ? me questionne Léa rompant le silence à nouveau. Tu me déteste toujours autant que le premier jour ?
Le visage penché et un sourire en coin, elle attends ma réponse. Elle comme moi savons la réponse mais je lui réponds tout de même.
-Déjà pour commencer je ne te détestais pas. Ensuite, j'ai appris à te connaître et toi aussi t'es vraiment une fille cool. J'ai juste mis du temps à m'en rendre compte. Et les autres avaient raisons, on a plein de points communs. Et je suis triste que tu partes demain.
Elle me lance un grand sourire et tend les mains pour me prendre dans ses bras. Il y a quelques semaines j'aurais hésité mais pas aujourd'hui. J'apprécie vraiment Léa et je suis contente de savoir que c'est réciproque.
-Moi aussi je n'ai pas envie de partir, annonce-t-elle en s'écartant. Mais il le faut, je dois reprendre les cours. Je ne peux pas rester ici éternellement. Même si cette ville m'avait beaucoup manqué. J'y ai passé une grande partie de mon enfance et je dois la quitter à nouveau...
-Tu y as habité longtemps ? demandais-je. J'ai cru comprendre que tu connaissais Thomas, Maxime et Cathy depuis longtemps.
-C'est vrai. Je suis arrivée ici pendant les vacances d'été, juste avant la rentrée en sixième. J'étais la voisine de Thomas, c'est comme ça qu'on s'est rencontrés. Et à la rentrée, j'ai fais la connaissance de Maxime, que Thomas connaissait déjà de l'école primaire, puis Cathy qui était dans notre classe. Et c'est en première que mes parents ont décidés de déménager en France et j'ai dû les suivre.
J'en découvre un peu plus sur la formation de leur groupe d'amis. Léa a l'air ouverte à répondre à mes questions alors j'en profite.
-Et Aaron et Nathan ? Vous les avez rencontrés comment ?
-Alors, eux c'était au lycée. Ils étaient dans notre classe et pour un travail de groupe à faire à six ils nous ont rejoint. Ils étaient super sympa avec nous et très vite on s'est liés d'amitié. Depuis ils ont continué à traîner avec nous.
-Attends, je fais un levant la main pour l'interrompre. T'es en train de dire que Nathan était sympa ?
Elle rigole en secouant la tête à ma remarque.
-Il n'a pas toujours été comme tu le connais tu sais. Au lycée il était drôle et enjoué. Presque comme Maxime en fait.
J'ai du mal à assimiler tout ce qu'elle me dit. Ça me paraît surnaturel.
-Je n'arrive pas à imaginer Nathan comme quelqu'un de drôle. Pour moi ces mots ne vont pas ensemble. Nathan et violent, oui. Nathan et détestable, oui. Mais ça, définitivement non.
-Je comprends que ça soit difficile à croire. Il était vraiment différent à l'époque.
-Quand a-t-il commencé à changer alors ?
Elle réfléchi un instant avant de reprendre.
-Je dirai un peu avant que je déménage. Après mon départ je prenais de leur nouvelles et c'est là que ça a empiré au fur et à mesure. Je n'étais pas là pour le voir mais les autres me racontaient que ça devenait difficile, qu'il avait beaucoup changé. Ça m'a d'ailleurs un peu surprise de le revoir si différent l'autre jour. Mais en même temps je m'y attendais avec tout ce qu'ils m'avaient dit.
-C'est ton départ qui l'a rendu comme ça ?
-Peut être. On était très proches et on aurait sûrement fini ensemble si je n'étais pas partie.
Je reste abasourdie à cette annonce. Je ne pensais pas qu'ils étaient proches à ce point.
-Mais je pense qu'il y avait autre chose. Des problèmes dans sa famille peut être, mais il ne nous en a jamais parlé. On a pas osé lui demander.
Je reste muette, ne sachant pas quoi dire. Il me faut du temps pour digérer le fait que Nathan n'est pas né aussi imbuvable.
Nous continuons de discuter un peu de tout et de rien. Des endroits qui ont changé depuis qu'elle est partie, de toutes ces choses qu'on a découvertes avoir en commun, de son copain en France, etc. On en profite pour échanger nos numéros en nous promettant de prendre régulièrement des nouvelles l'unes de l'autre. Finalement on décide de rentrer rejoindre les autres car il commence à se faire tard.
Quand je me relève, j'ai les jambes toutes engourdies d'être restée aussi longtemps assise par terre. Je les secoues pour faire passer les fourmillements et je suis Léa. A l'intérieur l'air est plus chaud. Et il y a encore les odeurs de nourritures qui trainent dans l'air. Tous le monde est dans le salon. Maxime et Cathy sont revenus de je ne sais où et discutent avec les autres.
-Ah ! Vous voilà ! s'exclame cette dernière en nous voyant revenir.
Tous les regards convergent vers nous. Le mien se dirige automatiquement vers Thomas. Mais je déchante à nouveau lorsque je remarque que c'est Léa qu'il regarde et non moi.
-Oui on s'est dit que c'était l'heure de rentrer, annonce Léa. Mon vol est tôt demain matin.
On s'affaire donc à ranger les affaires qui traînent. Pendant tout ce temps mon regard se perd sur Thomas, mais pas une seule fois il ne me regarde, comme s'il m'évitait volontairement.
On sors de chez Maxime et on se sépare. Je suis Léa et Thomas qui me ramènent chez moi. Le trajet dans la voiture est plutôt silencieux, seulement entrecoupé par des questions par-ci par-là de Léa auquel je répond avec plaisir. Mais Thomas quand à lui reste silencieux, concentré sur la route. Quand on arrive devant chez moi, Thomas m'appelle. Je me tourne vers lui pleine d'espoir.
-On passe te prendre à 7h30 demain pour aller à l'aéroport. Sois pas en retard, se contente-t-il de dire.
À quoi je m'attendais aussi ? Léa est avec nous dans la voiture, j'aurais dû savoir qu'il n'allait pas reparler de ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Je hoche la tête pour lui montrer que j'ai compris, les salue rapidement et sors en claquant la portière.
En rentrant chez moi je me dépêche d'enlever mes chaussures pour me jeter sur mon lit. Cette soirée a été assez éprouvante et si je ne veux pas être fatiguée demain, comme je dois me lever tôt, je ferais mieux de me préparer pour me coucher. En deux minutes je suis en pyjama, lavée et sous la couette. Je me rappelle alors que je n'ai pas répondu à Dylan tout à l'heure. J'attrape mon portable sur la table de chevet et rédige rapidement un brève message lui disant que je ne suis pas disponible demain. Je suis peut être sèche mais je m'en fiche. Je repose mon téléphone à sa place et éteins la lumière.
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Le matin je me réveil à 7h au son de mon alarme. Moi qui pensais avoir du mal à m'endormir la veille je suis tombée comme une souche. Je me lève rapidement pour être prête dans 30 minutes. Je n'ai pas envie d'être en retard. Thomas avait l'air assez strict hier soir. Et je n'ai pas envie non plus de mettre Léa en retard. Ils sont déjà sympa de passer me prendre pour les accompagner à l'aéroport. Les autres nous rejoignent directement là-bas.
Au moment où j'enfile ma deuxième chaussure on frappe à la porte. Pile à l'heure ! J'ouvre la porte et trouve Léa sur mon palier un grand sourire collé au visage. Thomas est resté dans la voiture et je me surprends une fois de plus à être déçue qu'il ne soit pas sorti. On se fait une rapide accolade, je ferme à clé et on rejoins la voiture. Je m'installe à l'arrière, comme la veille, et Léa engage la conversation.
-Bien dormi ? me questionne-t-elle.
-Plutôt bien et vous ?
-Un peu fatigués. On s'est levés tôt pour finir de remplir mes valises. Je suis déjà épuisée alors qu'on est que le matin.
Un léger rictus apparaît alors sur les lèvres de Thomas. Il reste silencieux mais suit tout de même notre conversation apparemment.
Le trajet jusqu'à l'aéroport se fait plutôt dans le calme. On se gare et on retrouve rapidement les autres qui nous attendent déjà. Léa fait enregistrer ses valises puis on se dirige vers les portiques d'enregistrements. Nous marchons lentement pour profiter au maximum de ses derniers instants avec elle. Ça me rappelle la fois où j'ai dû quitter Alyssia. Même lieu, mêmes circonstances. La nostalgie vient s'installer en moi en repensant à ce souvenir. Mon amie me manque. Et je m'apprête à dire au revoir à une deuxième. Nous arrivons devant les portiques. On ne peux pas aller plus loin, seuls les passagers sont autorisés. Léa se tourne vers nous. Ce n'est pas comme avec Alyssia où nous étions en pleure mais l'ambiance est la même. Léa fait un câlin à Cathy, qu'elle sert très fort. Puis Nathan, Aaron et Maxime. Vient alors mon tour. Elle me prends dans ses bras et me glisse un mot à l'oreille.
-Bon courage avec Thomas. Tiens moi au courant.
Et en s'écartant de moi elle me fait un clin d'œil. Je jette un regard en direction de Thomas et le surprends en train de nous fixer. Il a très probablement vu le clin d'œil de Léa et il fronce les sourcils d'incompréhension. Je me reconcentre sur Léa et lui souhaite un bon voyage. Elle se tourne ensuite vers ce dernier avec qui elle échange également une accolade et quelques mots qui les font rire. Elle nous regarde tous une dernière fois avant de rejoindre la queue. Une fois les portiques passés elle se retourne pour nous faire un signe de la main avant de disparaître pour de bout.
Nous restons tous silencieux un instant. Je ne sais pas à quoi pensent les autres mais pour ma part je repense à tous les moments avec elle. J'y ai gagné une très bonne amie. Je suis contente de l'avoir rencontrée. Même si encore une fois, l'origine de cette rencontre est morbide, cela m'aura apporté une très belle rencontre. Je repense à tout les conseils qu'elle m'a donné. Même si elle a l'air de croire qu'il peut se passer quelque chose entre Thomas et moi, je ne suis pas aussi optimiste qu'elle. J'ai peur de ne plus jamais retrouver cette complicité avec lui. Et mon cœur se brise à l'idée que tout sois gâché par un simple message.
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