Chapitre 24
Je finis mon gâteau en me remettant les idées en place. La révélation de Léa m'a retournée le cerveau au point que je suis restée silencieuse un bon bout de temps. Mais Cathy et Léa n'en n'ont pas tenu rigueur et m'ont laissé digérer la nouvelle. C'est seulement une fois mon brownie terminé et mon verre vide que je sors de ma bulle.
-Ah ça y est ! Elle est revenue avec nous, s'exclame Cathy au moment où je relève la tête.
-Désolé... j'avais la tête ailleurs, m'excusais-je.
-Ne t'inquiète pas on avait très bien compris, me rassure Léa avec un clin d'œil coquin.
Quand elles ont fini de se moquer de moi, on décide de s'en aller. On récupère nos sacs avec nos achats, à nos pieds, et on se lève. On paye puis on se retrouve de nouveau au milieu de la foule du centre commercial. Il y a encore plus de monde qu'en début d'après-midi.
-Qu'est-ce que vous voulez faire ? On continue ou vous voulez arrêter ? demande Cathy.
-Moi je vais rentrer, déclare Léa, je dois appeler mes parents pour prévoir mon retour en France.
-J'avais presque oublié que tu ne vivais plus à Briston avec nous, lâche Cathy tête basse.
Léa doit bientôt rentrer chez elle et je comprends ce que ressent Cathy. J'ai vécu la même chose avec Alyssa. C'est horrible de devoir se séparer d'une amie. De mon côté j'ai aussi appris à apprécier Léa comme telle. Même si nous ne nous connaissons pas bien elle a toujours été gentille avec moi. Savoir qu'elle va partir me peine également.
-On se reverra vite ne t'en fais pas. Et puis je suis encore là donc les larmes ce n'est pas pour tout de suite ! s'écrie Léa en tapant dans ses mains.
Cathy se redresse, le sourire aux lèvres.
-Tu as raison, autant en profiter tant que tu es là ! On se lamentera après.
-Super ! Bon il faut quand même que j'y aille, répète Léa.
-Je vais rentrer aussi, ajoutais-je, on a déjà acheté pas mal de choses, il faut que je m'arrête ici.
-Ok, je comprends, abandonne Cathy, on se revoit demain en cours Julia. Et Léa... bientôt.
Léa vient faire un câlin à Cathy, auquel je finis par me joindre, puis on se sépare. Chacune par dans une direction opposée. Je remonte l'allée principale pour sortir du centre commercial. Il y a de plus en plus de monde, j'ai du mal à voir au delà de cinq mètres. Et mes sacs sur les bras ne me facilitent pas la tâche. Certaines personnes les accrochent involontairement, manquant de les renverser. D'autres me bousculent, voulant se frayer un passage à travers la foule. On a bien fait de ne pas venir à cette heure-ci avec les filles. Ça aurait été l'horreur. Les magasins sont bondés. Des queues se forment jusqu'en dehors des boutiques. Il ne manque plus que de voir des personnes se battre pour un article et on aurait le combo parfait. On se croirait au moment des soldes.
Continuant d'avancer au milieu de la foule, quelqu'un me rentre dedans et renverse mes sacs, et ce qu'ils contiennent, au sol. Je râle, me baissant pour ramasser mes achats. Alors que je pensais que la personne qui m'a bousculée ne se serait pas retournée, quelqu'un s'agenouille près de moi.
-Excuse-moi je suis désolé !
Je relève la tête et distingue un jeune homme brun accroupi à quelques centimètres de moi. Ses cheveux courts lui donnent un côté militaire. Et ses yeux d'un vert presque émeraude paraissent surnaturels. Il a l'air d'avoir la vingtaine.
-Tiens, c'est à toi, fait-il en me tendant un de mes sacs que je n'ai pas encore récupéré.
-Euh... merci.
Puis il se lève, se retourne et s'en va en courant, l'air pressé. Je ne me penche pas davantage sur ce qu'il vient de se passer et me relève pour continuer mon chemin vers la sortie. Une fois à l'air libre, l'espace se fait sentir et je peux dorénavant marcher en toute tranquillité. Je reprends la route pour rentrer chez moi. Le soleil tape encore haut dans le ciel et j'arrive chez moi en sueur. Je me dépêche de poser mes sacs sur la table et de boire un coup. Verre à la main, j'attrape mon portable et tente une énième fois de joindre mes parents, encore une fois, sans réponse. Dépitée, je décide de monter à l'étage prendre une douche avant de ranger mes courses.
~~~~~~~~~~~~~~
Cette nuit j'ai réussi à fermer l'œil quelques heures, toujours rongée par l'angoisse planant sur mes parents. Heureusement, je suis assez reposée pour pouvoir tenir debout. En revanche il est plus difficile pour moi de tenir le coup quand je suis seule chez moi, à ressasser dans ma tête, les pires scénarios possibles. Thomas a raison. Voir d'autres gens me change les esprits et me permet de ne pas flancher. C'est pourquoi je me suis résolue à aller à la fac aujourd'hui, malgré mon envie de rester au lit. Me voici donc, écouteurs aux oreilles marchant à la vitesse d'une tortue en direction de l'université.
Quand j'arrive devant, un regroupement assez important, attire mon attention. Plusieurs personnes sont attroupées en masse sur la pelouse devant l'entrée de la fac. Je retire mes écouteurs et m'approche doucement. Que se passe-t-il donc ici ? Au fur et à mesure que les gens se retirent, je finis par arriver devant une sorte d'autel. Une pierre tombale a été installée ici et est recouverte de fleur. En essayant de lire ce qui est inscrit de dessus, j'aperçois le nom de Wyatt Davis incrusté dans la roche. Je comprends alors que cet autel a été installé en l'honneur de Wyatt. Un frisson me hérisse les poils et je me fige un instant. Je parcours des yeux les centaines de fleurs qui ont été déposés, par des étudiants sûrement. Il y en a de toutes les couleurs. Certaines forment d'énormes bouquets, d'autres sont toutes seules. Parfois accompagnées d'une carte avec un petit mot. Tout ce soutien et cette compassion qui se passe autour de moi, voir toute cette solidarité qui a été engendré par la mort de Wyatt devrait me rendre émue. Mais ce n'est pas le cas. Je ne ressens rien. C'est le vide à l'intérieur de moi. Être complice de son meurtre fait que je n'arrive pas apprécier cet élan d'engouement et de soutien qui se déverse autour de moi. Je me retourne et m'éloigne rapidement de cette foule, qui continue de déverser son affection pour une personne qu'elle ne connaissait probablement pas.
Les cours commençant bientôt, je me dirige vers mon amphithéâtre pour m'y installer. Thomas, Cathy et Maxime sont déjà là et je vais pour m'assoir à côté d'eux.
-Je suppose que tu as remarqué l'autel que la fac a fait installer pour Wyatt, s'enquiert Cathy après m'avoir saluée.
-Comment j'aurais pu le rater ? Il y a un attroupement énorme devant...
-Tu m'étonnes...
Je jette un œil aux garçons, restés silencieux jusque là. Ils ont l'air plongé dans leurs pensées. Je me demande même s'ils m'ont entendu arriver.
-Apparement il y aura autre chose aussi, ajoute Cathy quand j'ai fini de m'installer.
-Comment ça ?
-J'ai entendu des gens dire qu'il y aura un discours, donné par le directeur de la fac, à la pause de 10h.
-Vraiment ? Ça ne m'étonnerait pas. Ils ont fait un autel. Pourquoi pas un discours.
-Je trouve quand même qu'ils en font beaucoup, avoue Cathy en chuchotant. Je veux dire, c'était pas un élève connu. Il a pas remporté de prix au nom de la fac ou quoique ce soit. Un discours ça suffisait. Une pierre avec son nom devant l'université je trouve ça légèrement abusé...
-Il ne mérite absolument pas d'avoir son nom devant la fac, proclame Thomas en prenant la parole pour la première fois depuis mon arrivée. Ce mec était une ordure. Un fils à papa né avec une cuillère en argent dans la bouche. Tout ce qu'il voulait, il l'avait. Il avait juste à claquer des doigts. Il était égoïste, il n'a jamais rien fait pour les autres. Tout ce qu'il savait faire c'était se pâmer devant les autres, entouré de sa cour comme un roi.
Le regard sombre de Thomas, posé sur nous, pourrait me faire peur si je ne savais pas que cette colère était dirigée vers Wyatt et non sur nous. Ses poings sont tellement serrés que les jointures deviennent blanches. Je ne l'ai jamais vu parler, autant énervé, d'une personne. Même la première fois qu'il m'a passé un savon, il n'a pas été aussi méchant dans ses propos. Ce Wyatt ne méritait peut être pas de mourir, je ne le souhaite à personne, mais ce n'était certainement pas un ange. Je me demande quand même ce qu'il a fait à Thomas pour que ce dernier le déteste à ce point. Ce n'est pas uniquement le fait que ça ait été un fils à papa qui peut le mettre autant en colère. Il y a forcément autre chose derrière. Mais quoi ? Comme tout le reste, à propos de ce qu'il s'est passé, je ne sais pas grand chose. Et je sais que je ne peux pas poser de question, au risque de faire envoyer balader.
L'arrivée du prof dans l'amphithéâtre me sors de mes pensées. Nous nous tournons tous vers l'estrade pour suivre le cours en silence. De temps en temps, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil vers Thomas. Il a l'air plus calme déjà. Mais de nouvelles questions s'ajoutent à celles qui me trottent en tête depuis un bon bout de temps, me déconcentrant dans ma prise de note. Nous nous sommes beaucoup rapprochés depuis quelque temps et j'aimerais qu'il me fasse assez confiance pour me dévoiler des choses. Notre proximité me manque aussi. Je ne sais pas pourquoi j'aime autant qu'il soit prêt de moi. Qu'il fasse attention à moi. Mais le fait qu'il se rapproche, puis s'éloigne subitement me fait mal. Et en ce moment je n'ai pas besoin de ça.
Finalement pendant toute l'heure j'ai lancé des regards dans sa direction, décrochant totalement de ce que le prof disait. Vers la fin du cours, Thomas m'a grillée en train de le regarder et j'ai détourné vivement la tête espérant ne pas m'être fait prendre, en vain. Depuis je n'ose plus le regarder. A la pause, nous rejoignons le hall de l'université où tout le monde se dirige. La rumeur dont Cathy me parlait n'était peut être pas fausse. Le hall est tellement bondé que nous avons du mal à nous suivre. Nous arrivons je ne sais comment à retrouver Aaron et Nathan juste avant que le directeur fasse son entrée sur le balcon, qui sert aux discours comme celui-ci. Doucement l'agitation ambiante se calme pour laisser place à un silence de mort.
-Bonjour à tous, commence le directeur, comme vous le savez tous, le corps de Wyatt Davis a été retrouvé récemment. C'est un terrible événement qui a affecté bon nombre d'entre vous je m'en doute. Wyatt était un de nos étudiants et donc peut être votre ami ou une connaissance. Et la mort, même d'une connaissance, est toujours bouleversante. C'est pourquoi nous avons décidé, avec l'administration, de graver sur une pierre, installée devant la fac, le nom de Wyatt Davis en son honneur. Elle nous permettra de nous souvenir de cet étudiant parti trop tôt.
Le directeur fait une pause pour marquer les esprits avant de reprendre son monologue.
-Plusieurs personnes ont déjà apportés des fleurs devant son autel et je trouve ce geste admirable. Certains d'entre vous se demandent aussi pourquoi ne l'avoir fait que maintenant et pas il y a 3 mois lorsqu'il a disparu. Et bien tout simplement car nous espérions tous qu'il soit toujours parmi nous et qu'il ait seulement... fugué. Mais malheureusement, son corps a été retrouvé au fond d'un lac et nous savons maintenant que ce n'est pas une fugue mais un meurtre. Je sais que cela peut choquer certains d'entre vous. Croyez-moi la police cherche encore le ou les coupables, et ne s'arrêtera pas avant de l'avoir trouvé. Alors je vous le demande clairement, si vous savez quelque chose à propos de sa mort, allez le dire à la police. Faites le sinon vous serez considérés comme coupable, ce que je ne vous souhaite pas bien sûr.
Il souffle un coup avant de reprendre plus doucement.
-Pour ceux qui le souhaite, une aide est disponible à l'infirmerie si vous ressentez le besoin de parler. Vous n'êtes pas seul sachez-le. Et j'espère malgré tout, que ce drame ne nuira pas à vos études. C'est le plus important. Sur ce, je vous souhaite bonne journée, et courage.
Une fois le discours terminé les acclamations reprennent autour de nous. Quand à moi je reste silencieuse. J'ai eu l'impression que les paroles du directeur m'étaient destinées indirectement. Comme s'il me poussait à aller voir la police. Sauf qu'il ne sait pas que je sais qui a tué Wyatt alors c'est impossible.
Je sens un regard posé sur moi. Je regarde autour de moi et remarque Thomas en train de me fixer. Son regard noir me sonde. Lui aussi a fait le lien avec ce que le directeur a dit.
-Je ne vais pas courir voir la police juste parce que le directeur l'a dit, si ça peut te rassurer, prononçais-je à voix basse.
-J'espère bien.
-Je pensais que tu l'avais compris depuis le temps.
Il hoche la tête en silence. Cathy revient vers nous pour nous rappeler qu'il faut retourner en cours. Autour de nous le hall s'est déjà considérablement vidé. On peut enfin respirer.
Nous sommes retournés en amphithéâtre pour suivre les cours de la journée. J'ai réussi pendant quelques heures à ne pas penser ni à mes parents ni au discours du directeur. A la fin de la journée je suis épuisée. Je n'ai qu'une envie c'est de rentrer chez moi m'allonger sur mon lit. Malheureusement pour moi ce ne sera pas pour tout de suite. Je dois aller faire des courses. Le frigo commence à être vide, tout comme les placards et il faudra bien que j'y aille un moment ou un autre. Je salue les autres à la sortie et m'en vais en direction de l'arrêt de bus. Je l'attends 5 minutes et monte à l'intérieur. Je trouve une place de libre, côté fenêtre, et m'y installe. Le trajet est assez long et au fur et à mesure des arrêts le bus se remplit.
-Excuse-moi la place est libre ? me demande une voix.
J'enlève mon sac et relève la tête pour voir la personne qui me parle. Je me fige alors dans mon geste lorsque je reconnais le garçon de la veille.
-Hé ! Mais on s'est croisés hier ! fait-il en s'asseyant. C'était bien toi au centre commercial ?
-Oui c'était bien moi, confirmais-je ne sachant pas quoi répondre d'autre.
-Encore désolé, j'étais pressé et j'ai pas vraiment fait gaffe.
- Ne t'en fait pas, il y avait beaucoup de monde et toi au moins tu t'es arrêté pour m'aider.
-C'est vrai. Au fait moi c'est Dylan Roberson. Et toi ?
-Julia Parker.
Je ne devrais peut être pas révéler mon identité aussi rapidement à un inconnu, mais Dylan m'inspire confiance.
-Tu habites dans le coin ? Je t'ai jamais vu ici, me questionne-t-il.
-Oui j'habite à Briston depuis toute petite. Mais je ne vis pas dans le centre ville c'est sûrement pour ça. Tu es à la fac ?
-Non les études ce n'est pas pour moi. Je travaille chez un garagiste. Tu es en fac de quoi ?
-De langue. Toi aussi tu habites ici depuis longtemps ?
-Oui depuis toujours, comme toi. C'est marrant qu'on ne se soit jamais croisé. Si c'était le cas je me serais souvenu de toi.
Je ne sais pas si c'est volontaire mais j'ai l'impression que Dylan essaye de me draguer. Je ne sais pas comment réagir. Il est sympa mais ça s'arrête là. Je ne connais absolument rien de lui. Ça pourrait être un psychopathe. Bon en même temps je reste constamment avec des potentiels meurtriers alors bon... mais quand même je préfère me méfier de ce Dylan.
-Bon moi je descends à cet arrêt, m'indique-t-il en se levant. A bientôt j'espère, c'était cool de te parler.
Je lui fait un signe de la main sans lui répondre et il disparaît de ma vue. Le bus se remet en route et quelque minutes plus tard je reçois une notification d'Instagram sur mon portable.
Vous avez une nouvelle demande d'amis : Dylan Roberson.
Je me raidis devant mon écran. Il perd pas de temps celui là...
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