Chapitre 19
PDV Julia
Cela fait maintenant une journée entière que je n'ai plus de nouvelle de Thomas et les autres. Même Cathy est injoignable. Elle, qui d'habitude répond instantanément, ne donne plus de signe de vie non plus. Aujourd'hui ils ne sont pas venus en cours. J'ai donc passé la journée seule comme au bon vieux temps après qu'Alyssa soit partie. Les cours ont été d'un ennui mortel. Et ne pas avoir de réponse à mes messages n'a fait que me frustrer d'avantage.
Hier soir après avoir vu le flash info à la télévision, comme quoi le corps de Wyatt avait été retrouvé, une ambiance bizarre s'était installée. On était tous sous le choc. Personne n'osait parler. Et quand Thomas a enfin daigné relever la tête pour nous regarder, son regard était dur. Il m'a ensuite fixé et d'un regard m'a fait comprendre que je devais m'en aller. Je me suis donc levée sans un mot, du canapé dans lequel je me trouvais, pour partir rapidement.
Je ne sais pas ce qu'il s'est passé par la suite, mais je suppose que ça n'a pas été une partie de plaisir.
Et me voilà seule, dans cet amphithéâtre, entourée d'une centaine de personnes, en train de me demander ce que je fais là. Beaucoup trop de questions tournent en boucles dans ma tête et m'empêchent de me concentrer sur le cours. J'aimerais savoir pourquoi ils ne sont pas venus aujourd'hui. Ce qu'ils font.
J'envoie un énième message à Cathy sans espoir de réponse. C'est bientôt la fin des cours et j'ai hâte de rentrer chez moi pour remettre mes idées au clair et souffler un peu. Si ça continue comme ça je vais exploser. Je ne sais même pas comment j'ai pu tenir aussi longtemps déjà. Toute cette histoire de meurtre me remue le cerveau. Il m'arrive parfois de me réveiller la nuit en sursaut après avoir fait un cauchemar. Je suis constamment stressée et j'ai peur que tout ça ne finisse par m'éclater à la figure et me retombe dessus.
Si je n'avais pas décidé de couper par les bois ce jour là, tout aurait été différent. Rien de tout cela ne me serait arrivé et je n'aurais pas été obligé de mentir à tout le monde. À Alyssa, à mes parents et aux policier surtout.
Mais d'un autre côté je n'aurais jamais rencontré Thomas et Cathy. Ni le reste de la bande. Même si ce sont des criminels, j'ai passé de bon moments avec eux. Sans eux j'aurais passé mes journées, ces deux derniers mois, seule. Cathy s'est révélée être une vraie amie drôle et énergique. Quand à Thomas je sens qu'il me fait de l'effet un peu plus chaque jour. J'essaie désespérément de repousser toutes ses émotions qui me traversent quand il n'est pas loin, mais c'est sans effet.
Alors si je devais tout recommencer et choisir entre ces deux options, je ne sais pas ce que je ferais. Il y a deux mois je n'aurais pas hésité. J'aurais contourné ces fichus bois et je ne serais pas entrée dans cette maudite cabane. Mais maintenant trop de choses se sont écoulées et me retiennent de vouloir tout recommencer.
Le brouhaha formé par les étudiants autour de moi me sort de mes pensées. Apparement le professeur a terminé et le cours est fini. Je range mes affaires et suis le flot d'élèves pour rejoindre la sortie. Le soleil qui rayonne dehors ne réussi pas à me faire décrocher un sourire. En temps normal j'aurais été heureuse de voir un aussi grand soleil, mais je n'ai pas la tête à ça aujourd'hui.
Je sors de la meute d'étudiants qui stationnent devant la fac et commence à marcher en direction de la route pour rentrer chez moi. Alors que les rues se vident peu à peu, une voiture s'approche de moi. Elle ralentie pour s'arrêter à mon niveau. Je n'ai pas besoin de voir le conducteur pour la reconnaître immédiatement. La vitre se baisse et je m'en approche.
-Monte, m'ordonne Thomas.
Je m'exécute et à peine la portière refermée qu'il redémarre.
-Bonjour à toi aussi, raillais-je.
En retour je n'ai droit qu'à un regard noir de sa part.
-Où est ce qu'on va ? l'interrogeais-je plus sérieusement.
-Il faut qu'on parle, lâche-t-il sèchement.
Ça ne répond pas à ma question mais je me retiens de faire un commentaire. Il a l'air déjà assez de mauvaise humeur comme ça pour que j'en rajoute une couche.
Un silence de plomb règne alors pendant tout le trajet. Mais au fur et à mesure qu'on avance je reconnais peu à peu le chemin et un frisson me traverse. La ville a disparue il y a un moment déjà, pour laisser place à la nature. Plus précisément à la forêt. Comme je m'y attendais nous quittons la route goudronnée pour empreinter un chemin de terre. Je sais très bien où ce chemin mène et ça ne fait qu'augmenter mon angoisse. Pourquoi m'emmène-t-il là-bas ??
Les freins crissent quand il s'arrête devant cette cabane que je n'étais pas pressée de revoir. Sans un mot il sort de la voiture et je l'imite. Je dois bien avouer que de jour, ce lieu fait moins peur que la première fois. La lumière filtre à travers les feuilles des arbres et donne un côté angélique au lieu. L'habitation paraît moins sombre et abandonnée que la dernière fois. Mais tout mes souvenirs associés à cette cabane font que je la trouve toujours un peu effrayante.
Thomas ouvre la porte et entre. Lentement, j'entre à mon tour et observe l'intérieur. Pratiquement tout est à la même place qu'il y a deux mois. Le canapé contre le mur n'a pas bougé de place, tout comme le carton derrière lequel je me suis caché. Il y a toujours autant de canettes de bière et de soda qui traînent par terre. On ne peut pas dire que le ménage a été fait depuis la dernière fois.
Pendant ma petite introspection des lieux, Thomas s'est appuyé contre le bureau pour m'observer silencieusement. Quand je me retourne vers lui je ne peux m'empêcher de détourner les yeux. Nous retrouver seul à seul tous les deux ici ne fait qu'accroître mon trouble. Et le fait qu'il ne prononce pas un mot n'améliore pas les choses.
-Alors... hum, qu'est-ce qu'on fait ici ? demandais-je timidement en rompant le silence.
-On met les choses au clair.
Sa voix est ferme et ne laisse rien transparaître.
-Je voulais dire ici. Dans cette cabane, reformulais-je.
-Tu vas vite comprendre.
Son ton ne me rassure pas. Je m'adosse au poteau, qui permet de soutenir le toit, pour être en face de lui.
-Avec les autres on a longuement réfléchit, reprend-il.
-C'est pour ça que vous n'étiez pas là aujourd'hui ? le questionnais-je.
Il hoche la tête toujours en me fixant de ses yeux noirs qui me déstabilisent tant.
-On s'est mis d'accord sur ce que l'on allait faire à partir d'aujourd'hui.
-Comment ça ?
-On a discuté de ce que l'on allait dire à la police si l'on se faisait de nouveau interroger. Parce que c'est sûr maintenant qu'ils vont interroger à nouveau toute l'université pour en savoir plus. Et il faut qu'on ait tous la même version à dire.
Je n'avais pas pensé à ça. C'est vrai que maintenant que l'enquête est rouverte les policiers vont revenir.
-Et alors vous comptez dire quoi ? demandais-je curieuse d'en savoir plus.
-Tout ce que toi tu as dire c'est que tu es directement rentrée chez toi après les cours. Car je suppose que c'est ce tu as dit aux policiers lorsqu'ils t'ont interrogés l'autre fois ?
Je hoche la tête pour confirmer.
-Bien. Et à aucun moment tu ne parles de nous ok ?
Son ton est sec.
-D'accord mais pourquoi ? l'interrogeais-je surprise.
-A ce moment là on ne se connaissait pas encore. Si le pire devait arriver, tu ne serais pas totalement déclarée coupable, m'explique-t-il d'une voix plutôt calme.
-Je comprends...
Je prends le temps d'assimiler tout ce qu'il vient de me dire quand une question me vient à l'esprit.
-Et vous vous allez dire quoi ? Des gens étaient sûrement au courant que vous alliez voir Wyatt. Ses amis par exemple.
-C'est pas ton problème, réplique-t-il sèchement.
-Je m'inquiète juste c'est tout. Si vous vous faites prendre moi aussi j'aurais un problème, me défendais-je.
-Ses amis n'étaient pas au courant si ça peut te rassurer. Il savent que Wyatt et moi ne nous apprécions pas mais ils ne savent pas pourquoi. Wyatt est un fils à papa, comme ses amis, et il préférerait mourir plutôt que dire à quelqu'un qu'il est allé parler à un pouilleux comme ils aiment à nous appeler.
Devant mes yeux écarquillés il ricane.
-Oui c'est vraiment le cliché du connard de bourge qui ne parle pas aux gens plus modestes et qui les regarde de haut.
-Je vois le genre... Mais ses amis, eux, ils peuvent dire à la police que vous ne vous entendiez pas. Vous êtes les suspect parfaits.
Il ricane à nouveau.
-Croîs-moi il y a beaucoup de monde qui n'apprécient pas Wyatt et ses amis. On en est cinq parmi tant d'autres. Et puis si on s'en tient à ce qu'on s'est dit de dire on aura pas de soucis d'accord ?
-D'accord.
J'espère vraiment qu'il a raison.
-T'as des questions ? m'interpelle-t-il à nouveau.
-Non je crois pas. Enfin...
Je baisse la tête honteuse. Il y a bien une question que j'ai envie de lui poser. Mais il n'a jamais voulu y répondre.
-Oui ?
Je prends mon courage à deux mains et relève la tête en essayant de dissimuler la frayeur qui me parcourt et de paraître sûre de moi.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé le soir du meurtre ? Qui a tué ce mec ?
Ses yeux s'assombrissent instantanément.
-T'as toujours pas compris ?! T'as pas à savoir quoique ce soit sur ce qui s'est passé ce soir là !!
Tout en parlant il s'avance vers moi.
-T'es sérieux ?! Maintenant que je suis dans la même galère que vous tu crois pas que j'ai le droit de savoir ?!! je rétorque à mon tour.
Il s'arrête à une dizaine de centimètres de moi, ce qui me déroute légèrement.
-Non. T'as le droit de rien du tout c'est clair ?
-Mais qu'est ce que tu crois ? Que je serais pas capable de gérer ? Je suis plus une enfant tu sais ?!!
-Tu sauras rien merde !! Arrête de poser des questions sinon crois moi ça va pas aller, riposte-t-il la voix grave lourde de sens.
Dans un élan de courage j'ose le fixer droit dans les yeux et lui répondre.
-Et tu vas faire quoi ? Me tuer ?
Ma question le déroute légèrement puisqu'il reste muet un certain temps ne sachant quoi répondre.
-Non, j'irai pas aussi loin.
-Pourquoi ?
-Parce que.
Ses réponses laconiques commencent à me gonfler. Mais dans un sens j'aimerais croire qu'il ne me tue pas parce qu'il a de l'affection pour moi. Je sais bien que tout ça n'est qu'un rêve mais mon cœur ne peux s'empêcher d'espérer.
-Pourquoi tu joues les durs ? murmurais-je toujours en le fixant.
- Je joue pas les durs, chuchote-t-il à son tour. Je fais ce qu'il faut pour protéger mes amis. Pour nous protéger.
Le silence nous entoure alors à nouveau. La tempête est passée pour laisser de nouveau la place au calme. Je suis obligée de lever la tête pour pouvoir le regarder dans les yeux. Thomas est tellement proche que je peux sentir son souffle sur mes lèvres. On reste aussi proche l'un de l'autre pendant ce qu'il me semble être une éternité. Et alors que je crois le voir s'avancer comme s'il allait m'embrasser, il se détourne et se dirige vers le bureau. Il attrape ses clés de voiture et se dirige vers la porte pour sortir sans un regard.
-On y va, déclare-t-il, de nouveau redevenu froid et distant.
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