Chapitre 8 ( nouvelle version )

Engy


Au beau milieu de la nuit, je me lève de mon lit pour aller me chercher un verre d'eau. Je marche sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Dustin, qui dort à poings fermés sur le canapé. Ses ronflements sont perceptibles.

Je bois plusieurs grandes gorgées d'eau avant de poser mon verre et de m'approcher de mon ami. Un plaid repose sur un fauteuil. Je le place sur Dustin quand soudain, une ombre qui provient de la fenêtre attire mon attention.

Il y a du mouvement à l'extérieur.

Les rideaux sont ouverts, alors je m'approche de la baie vitrée prudemment pour jeter un œil dehors.

Rien à signaler.

Je reste sur place un petit moment, jusqu'à ce que je comprenne que j'ai halluciné. Je porte un short et un débardeur en guise de pyjama, alors je croise les bras pour essayer de me réchauffer. Il fait soudainement froid.

En retournant vers ma chambre, je vois à nouveau une ombre filer rapidement, cette fois par la fenêtre de la cuisine.

Chacun de mes pas est calculé. L'un devant l'autre, j'avance en catimini vers la cuisine. Tout en regardant par la fenêtre, j'étire un bras vers le présentoir à couteaux et attrape un manche.

Un bruit retentit quelque part à l'extérieur et, par réflexe, mes yeux balayent toutes les fenêtres que je vois autour de moi. Cuisine, porte d'entrée et baie vitrée du salon.

Mon cœur commence à être lourd dans ma poitrine. Mon pouls s'accélère.

Les kidnappeurs sont revenus.

Ils m'ont retrouvée...

Les reflets de la lune éclairent un peu l'intérieur de la maison, alors s'il y a du mouvement dehors, je vais le voir.

Je vais dans le garage. Tout au fond, il y a une porte vitrée qui mène dehors. Je m'en approche et constate qu'elle n'est pas verrouillée, alors je m'empresse de tourner le loquet.

Le ciment est froid sous mes pieds nus. C'est le silence total et la noirceur me donne la chair de poule. Je n'ai pas mon téléphone avec moi, donc aucune possibilité d'avoir de l'éclairage. Je dois revenir dans la maison si je veux allumer la lumière du garage, mais je préfère rester discrète.

J'ai l'air ridicule avec mon couteau à la main, à chercher des ombres. Je pense que je suis simplement fatiguée et que j'ai besoin de sommeil. Ou alors c'est un peu de paranoïa après avoir assisté à un meurtre. Ça doit faire partie du choc d'halluciner et d'être si craintive.

En pivotant, je n'ai pas le temps de voir arriver le coup et je m'écroule au sol.

On m'a frappée violemment à la tête. Le seul son que j'ai entendu est celui d'une barre de fer, comme un pied-de-biche, contre mon crâne. La douleur est effroyable.

J'essaie de me relever, mais mon corps est bloqué. C'est comme si j'étais paralysée pendant quelques secondes.

Avec beaucoup de détermination, j'arrive à bouger les doigts, puis les mouvements de mes bras reviennent.

Je suis à plat ventre, j'arrive à voir passer des bottes près de mon visage. Deux paires, ce qui m'indique qu'ils sont deux. Mes agresseurs sont revenus, cette fois, c'est une évidence.

Comment ont-ils trouvé mon adresse ?!

Je m'apprête à hurler le nom de Dustin, mais un scotch se plaque sur ma bouche et quelqu'un fait tourner le ruban jusque derrière ma tête. Je roule au sol, prête à les frapper avec mes pieds, mais les deux intrus saisissent mes bras et mes jambes. Les deux agresseurs portent des cagoules ; à quoi bon ?! Je sais qui ils sont !

Je me tortille comme jamais.

Je hurle aussi fort que je le peux, mais mes cris sont retenus par le ruban. Ils m'extirpent hors de chez moi par la porte que j'avais verrouillée. Mes sens sont en alerte, je guette le moment où ils vont me balancer dans leur véhicule, mais une fois qu'on est à l'extérieur, je ne le vois nulle part.

Je continue de m'agiter et l'un d'eux échappe une de mes jambes, mais la rattrape aussitôt. Ils ont du mal à me déplacer, alors ils agissent vite avant que je réussisse à me libérer. Comme je vois ma maison s'éloigner, je redouble d'efforts.

Sans que je ne m'y attende, je les vois traverser la rue, allant sur le côté de la maison de mon voisin d'en face. L'un d'eux me lâche pour ouvrir la porte et, d'emblée, il rattrape mes jambes pour qu'à deux, ils puissent descendre les marches menant à une cave sombre. Je n'arrête pas de crier à m'en faire mal à la gorge.

Je suis projetée contre le sol et quelqu'un tire sur une cordelette au plafond, ce qui allume une ampoule qui vacille, offrant une faible luminosité perturbante. La seule chose que je vois, c'est que je suis couchée sur le ventre, sur un matelas usé, troué, poisseux et qui dégage une odeur infecte. Autour de moi, il y a des établis pour travailler le bois. Les outils étalés sur le mur sont variés : scie, marteau, une collection de couteaux en tous genres, petits et grands ; il y a même une machette.

Des mains m'agrippent et me retournent sur le dos. Ils ont retiré leur cagoule. Je vois désormais leur visage.

Ce sont les jumeaux.

Ils sont assez jeunes, je dirais qu'ils ont à peu près mon âge. L'un d'eux est penché sur moi. Il me maintient les bras au-dessus de ma tête. Il a les cheveux blonds, presque polaire. Son regard dégage l'immaturité, l'impulsivité, la folie. L'autre, derrière lui, garde son sérieux, alors que celui sur moi semble trouver la situation amusante.

L'ampoule au plafond vacille plus lentement, laissant des ombres partout autour de moi qui dansent.

Je continue de faire rouler dans ma gorge des sons de supplices derrière le ruban.

— Josh, je la tiens ; déshabille-la qu'on voit ce qu'elle a pour nous.

Ses mots et l'intonation suave de sa voix me terrifient. Je sens quelque chose couler lentement sur mon front. Après le coup que j'ai reçu, je crois que je saigne. Je ne sens plus la douleur, car tout ce qui m'importe, c'est d'empêcher le type sur moi de me maîtriser.

Je remue alors qu'il essaie de retirer mon short et que son frère pianote sur son téléphone.

Celui qui se débat avec moi écarte mes cuisses avec ses genoux. Il se couche littéralement sur moi et son sexe se presse contre ma cuisse. Je sens très bien son érection.

Je tourne la tête pour éviter d'avoir son souffle près de mon visage et c'est à ce moment que je vois du sang séché, devenu marron, sur le matelas. Une énorme tache, comme si une personne avait été assassinée juste là.

La main libre de mon assaillant se fraye un chemin sous mon short par l'ouverture au niveau de ma cuisse et dès que la pulpe de ses doigts ardents entre en contact avec mon sexe, je frémis de dégoût et m'agite. Il rapproche son visage du mien et, contre toute attente, je sens sa langue lécher la trace qu'a laissée une de mes larmes.

— Qu'est-ce que vous foutez là ? lance une voix dans les escaliers.

Le jumeau sur moi retire ses doigts de mon short et se tourne vers cette voix derrière lui.

— Eh bien, Jaylen, on a pour mandat de la capturer pour le daron, lui répond son frère, celui qui est sur son téléphone.

Le nom de mon sauveur est Jaylen... et ce mec descend les marches, s'approche de moi d'un pas lent et mesuré avec les mains dans les poches de son jeans. Il a un peu de sang séché sur le front et le cou, comme s'il venait encore de tuer...

Durant une nanoseconde, je peux voir dans le reflet de ses yeux, l'ombre d'une émotion qui provoque une réaction chez lui. Il semble frissonner en m'observant. Soit c'est de la haine profonde, soit une euphorie de me voir captive. Ce qui lui assure la tranquillité d'esprit.

— Jonas, écarte-toi, décrète Jaylen à celui qui m'a léché le visage et tripoté.

— Elle ne posera plus de problème, prévient le blondinet qui s'éloigne de moi. C'est déjà planifié, le daron va venir la chercher demain. Je veux juste en profiter un peu... tu vois ?

Jaylen pose les yeux sur son frère, mais lui offre un regard glacé. Même si ce n'est pas un regard adressé à moi, il arrive à faire déferler une nuée de frissons sur mon corps.

— Ce n'est pas... ce qui était convenu, Jonas.

— Eh bien, maintenant, il est trop tard. T'as plus le choix, contre-attaque Jonas avec une intonation suave dans sa voix.

Je ne comprends pas ce que je fais ici. Pourquoi mon sauveur est-il soudainement devenu un ennemi ?! Je n'ai pas appelé les flics. Pourquoi ses frères sont-ils là ?! Pourquoi me font-ils ça ?!

— Maintenant, me murmure Jonas en se rapprochant à nouveau de moi, tu vas te laisser faire, compris ? T'inquiète pas, je veux juste que tu passes un bon moment avant que mon père te tue. Tout ça... ça n'a rien de personnel. Tu es simplement un témoin gênant pour ma famille.

Je suis secouée par un frisson de peur et j'ai tellement mal au ventre que je sens que je vais gerber. Ma nausée cherche à traverser la barrière du ruban adhésif, mais je ravale le contenu de ma bouche, ce qui me vaut immédiatement un nouveau haut-le-cœur. Je ferme mes yeux qui commencent à pleurer. Je sens mon teint pâlir et des gouttes de sueur froide tombent dans mon dos.

Ce Jonas va pour s'allonger sur moi, mais je donne des coups de pied dans tous les sens. Il s'écarte enfin, mais ce n'est pas grâce à moi. Jaylen, derrière lui, le tire par le col, le redresse et le met au pied du mur.

— T'es sourd ?! Je répète que ce n'était pas ce qui était convenu ! J'ai dit au daron que je m'en chargerais personnellement !

— Ah oui ?! Tu t'en charges ? Quand ?! Parce qu'elle t'a vu tuer et tu l'as laissée retourner chez elle ! Ça va pas la tête !?

— J'ai besoin d'un peu de temps ! Cette fille, qu'on le veuille ou non, ne fait pas partie des termes de mes contrats ni du code familial.

Jonas pouffe avant d'éclater de rire, ce qui me fait sursauter.

— Alors quoi ? On la ramène chez elle ? Moi, je vote pour que tu l'égorges tout de suite. Fais ce que tu sais faire de mieux et découpe-la, sinon c'est Père qui va le faire demain et il sera très déçu de toi. Mais avant, laisse-moi, je veux la goûter... jouer un peu avec elle... Alors, lâche-moi.

Jaylen serre la mâchoire et malgré les paroles de son frère, je suis certaine qu'il est bien pire que lui. Son regard est empreint de noirceur, tellement que je pourrais y voir ma propre mort dans ses yeux.

Jonas s'apprête à revenir vers moi, mais Jaylen le saisit une fois de plus par le col avant de le reculer dans le mur. Cette fois, il le soulève presque du sol.

— Tu... ne... feras... rien... du tout..., lâche-t-il en détachant ses mots pour plus d'intensité.

— Père ne sera pas content de cette décision, râle Jonas. Tu vas payer cher d'avoir laissé cette nana en vie ; elle pourrait compromettre les secrets de notre famille. On ne peut se permettre ce risque.

— Pour le moment, quand il n'est pas là, c'est moi qui prends les décisions. Et que ce soit clair : tu ne la touches pas.

— Alors, c'est quoi ton super plan, chef ?

Jaylen, qui est imposant, grand, musclé, aux cheveux sombres et au regard ténébreux, relâche son frère et se tourne vers moi.

— Cette nuit... je vais mettre un dispositif sous le véhicule de ton pote garé dans la rue. Dustin Hooper, je crois ? Si tu parles de ce que tu as vu à qui que ce soit, j'attendrai le moment où il s'assoira confortablement à l'intérieur pour le faire sauter. Tu ne trouveras que des débris de son corps. Ensuite, je viendrai m'occuper personnellement de toi, juste après t'avoir laissée entre les mains de mes frères. Et je ne t'apprends rien, nous ne sommes pas des anges, comme tu le vois. Oui, ma famille a des secrets. Oui, j'ai tué un mec sous tes yeux, mais tu ne diras rien. Pas vrai, Engy ?

Je hoche rapidement la tête, le souffle entrecoupé.

Il sourit.

Ce même sourire sinistre qu'il m'a fait ce matin quand je l'ai remercié. Je me demande comment il sait que c'est la voiture de mon ami qui est garée devant chez moi. Je me demande encore comment il sait mon nom et même celui de Dustin.

Je regarde au-delà de ses épaules, là où les visages de ses frères m'étudient. La vision de ces trois regards posés sur moi, me voulant du mal, souhaitant me voir morte, me terrifie.

Prêt à me laisser partir, Jaylen brandit une main vers moi ; il voit à quel point mon corps tremble. Ma respiration est rapide. Il vient arracher le ruban sur ma bouche et collé dans mes cheveux. 


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