Chapitre 34 ( nouvelle version )

Engy


En me réveillant doucement, je découvre que Jaylen m'a rendu mon sac. Il est sur la table de chevet. J'étire le bras pour faufiler ma main à l'intérieur et récupérer mon téléphone.

Il est 13h09.

Il y a un bail que je n'avais pas dormi aussi longtemps.

En consultant mes messages, je constate que Bev m'a demandé plusieurs fois où j'étais passée. Je lui envoie une réponse rapide, histoire qu'elle cesse de s'inquiéter – même si je sens plutôt qu'elle m'écrivait pour me dire que je manquais une soirée palpitante et se demandait pourquoi j'étais partie –.

« Je t'appelle bientôt, tout va bien, je ne me sentais pas très bien alors j'ai pris un taxi pour rentrer. »

J'appuie sur envoyer, dépose l'appareil et me retourne dans le lit, cherchant à me caler au chaud.

Je tressaute en tombant nez à nez avec Jaylen.

Sur le coup, je reste médusée puis, voyant qu'il dort paisiblement, quelques idées me traversent l'esprit.

La première est de saisir l'occasion de... le tuer.

La deuxième est juste... de contempler cette bête sanguinaire qui est inoffensive, en cet instant.

La troisième est d'abuser de sa chaleur, car mon corps est glacé.

Ces trois options sont alléchantes.

Je pourrais simplement faire tout ça, mais inversement. Donc, me rapprocher, le contempler, le tuer...

Dès que je me glisse délicatement vers lui, sous la couette, je sens cette chaleur tropicale. Mon corps entier se couvre de frissons agréables.

J'ai une légère douleur entre mes cuisses, due à la violence de ses doigts. Une violence que je pourrais réclamer à nouveau. Qui deviendra... vitale. Comment ce gars peut-il avoir ce pouvoir sur moi ? C'est comme si je m'étais offerte entièrement, comme si je n'avais plus aucun contrôle sur mon esprit et mon corps ; il n'était qu'à lui et il a maîtrisé chaque partie de mon être jusqu'à m'en faire chavirer l'âme. C'est comme être possédée. Il m'a littéralement plongée dans une ivresse envoûtante dont j'aurais aimé ne jamais sortir.

J'ai adoré.

Et c'est mal.

Vraiment très mal.

Car je sais que je n'aurais pas dû. Pas dû me retrouver ici, à ses côtés, encore moins dans son lit...

Je sais aussi que je suis perdue. La présence brutale de ce Jann dans ma vie fait éclater en morceaux tout mon univers. Je me sens emportée dans un courant dangereux, mais je n'arrive pas à regagner la surface ni à aller à contre-courant. C'est trop puissant, inexplicable. Je sais que c'est peut-être la mort qui m'attend, mais pour le moment, Jaylen est celui qui me tient la tête hors de l'eau pour éviter que je sombre. Même si c'est lui qui m'a entraînée dans ses ténèbres... Malgré sa noirceur, je me retrouve à devoir lui faire confiance, et le pire... à devoir dépendre de sa protection. À tout moment, il peut me lâcher la main et je mourrai... Enfin, si je me retrouve au ranch de Navid, à être réduite en esclavage et torturée ; pour moi, c'est comme si on me tuait chaque jour. Je ferais tout pour me suicider.

Jaylen a la tête posée contre l'oreiller. Sa tignasse d'un noir ébène est magnifique. Sa mâchoire, un peu carrée, ses lèvres parfaites et sa barbe de trois jours le rendent attirant. Il sent bon, comme s'il avait pris une douche avant de se faufiler dans le lit.

Son bras qui repose sur la couette est musclé et d'énormes veines serpentent sur sa main et son avant-bras. Ses mêmes doigts puissants qui m'ont pénétrée et procuré tant de bien laissent une lourdeur dans le bas de mon ventre.

Je sens mon clitoris réagir en me souvenant de ses caresses ; c'est comme si un cœur tambourinait entre mes cuisses. La chaleur me monte au visage et je la sens aussi se déverser dans mon vagin.

Je déglutis et découvre aussitôt que ma gorge est douloureuse. En la touchant du bout des doigts, je sens la peau à vif, une sensation qui s'apparente à une brûlure. Le souvenir de sa main autour de mon cou lors du coït refait surface. Ça ne m'a pourtant pas fait mal. J'étais peut-être tellement défoncée que je n'ai pas eu conscience qu'il m'étranglait violemment.

On ne s'est pas protégés. Je ne suis pas inquiète de tomber enceinte, car je prends la contraception par injection tous les trois mois, mais outre ça, côté infections sexuellement transmissibles ? Comme ai-je pu être aussi insouciante ? Je ne le connais pas. Il vient d'un milieu abject : bar, club, réseau. Forcément, il a baisé des femmes. Assurément des inconnues ou même des prostituées de rue...

Pourquoi je suis si détachée du risque ? Comme si, d'une part, je n'en avais rien à foutre. Parce que j'ai vécu bien pire. J'ai frôlé la mort plusieurs fois. Alors, coucher avec un tueur en série sans protection n'est pas ce qui accapare en priorité mes inquiétudes. C'est aberrant, car je devrais avoir une réaction : sauter du lit, être sous le choc de ce qui s'est passé la nuit dernière. Mais mon esprit est étrangement calme et mon corps est bien près de lui.

Je ne vais pas lâcher que je suis amoureuse de ce psychopathe ! Non ! Je ne suis pas complètement folle. Pas encore, du moins. Ou peut-être que si. Puisque je ne sais pas vraiment ce que je ressens. Je le déteste, pourtant ce qu'il vient de me faire vivre déclenche en moi un « besoin ». Après mes traumatismes, je ne ressentais plus aucune émotion. J'étais morte à l'intérieur. Et là, il revient dans ma vie, et je ressens des choses à nouveau.

Jaylen se tourne lentement sur le dos et, croyant qu'il est en train de se réveiller, je ferme les paupières, feignant d'être assoupie.

Après quelques secondes, j'entrouvre les yeux pour voir qu'il est encore profondément endormi.

Je vois une partie de son torse nu et subtilement, j'écarte un peu le drap pour mater son corps ciselé. Une brûlure s'étend dans ma poitrine en voyant son érection, où son gland dépasse de l'élastique de son boxer noir. Sa queue est bandée et je peux voir sa verge se dessiner à travers le tissu. Je mordille ma lèvre, voyant beaucoup de liquide préséminal, transparent et visqueux qui s'écoule de son urètre.

Je ne sais pas ce qui me passe par la tête, mais ça m'émoustille au point d'avoir des images sensuelles de moi qui me faufile sous les draps, où je tire sur son boxer pour voir son calibre se dresser sous mes yeux et lèche cette sécrétion qui coule de son sexe, juste pour découvrir quel goût il a... Je n'ai jamais fait de fellation. Je crois que l'idée de faire ça pendant qu'il dort m'excite. Sucer un mec, ça ne m'avait jamais vraiment attiré. Mais là, j'en ai envie.

Ma main s'approche de son boxer et j'hésite à le toucher. Avec mon index, je finis par simplement effleurer la couronne de son gland à découvert, puis je descends le long de sa verge jusqu'à son scrotum qui est remonté et contracté. De manière instantanée, répondant à cette caresse, sa verge pulse, se dilate et je sens sa queue se tendre encore plus. À présent, le sang l'engorge.

Je retire ma main et rougis de plus belle. À présent, c'est mon sexe qui devient humide. Je serre les cuisses et ça n'aide pas à calmer les sensations agréables qui s'y logent.

Je crois que je suis encore fébrile et réceptive à cause d'hier.

Je décide d'écarter la couette pour me redresser et m'éloigner de Jaylen. Sinon... l'envie de l'enfourcher pour le sentir en moi et me faire du bien va devenir urgente, et je ne peux pas agir, ni penser comme ça. C'est... pervers. La normalité aurait voulu que je le tue plutôt que je le désire. Eh merde, non... même penser à tuer quelqu'un, ce n'est pas plus sain. En fait, ouais, je pense que je commence à devenir complètement folle.

D'ailleurs, je ne sais même pas comment il a réussi à m'enjôler la veille au point de m'être offerte à lui. Il a un magnétisme dangereux et je ne peux pas me laisser manipuler par cette attirance involontaire.

Ce cinglé a quand même tué des gens, bordel ! Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?!

Sur la pointe des pieds, je gagne la première marche de l'escalier. Le t-shirt noir de Jaylen est si long qu'il m'arrive aux genoux. En descendant, je sens l'humidité entre mes cuisses et ça m'embête. L'excitation va quitter mon corps quand je serai assez loin de lui. Ce n'est pas possible qu'il ait cet effet sur moi. Est-ce que je regrette d'avoir couché avec lui ? Carrément. Sans alcool ou ecstasy dans le sang, je suis lucide, et je ne crois pas que je vais le laisser me toucher à nouveau. Même si c'était la meilleure nuit que j'ai vécue de toute ma vie. Du moins, comme plan cul, Jaylen est un phénomène au pieu. Son corps taillé dans les moindres détails, sa façon d'embrasser mes lèvres, d'effleurer chaque zone érogène avec son souffle, ses doigts agiles qui ordonnent à mes sens de déferler en un violent orgasme sans que j'y sois préparée, son calibre imposant qui me fait perdre la tête, sa force, sa prise sur mon cou pour sentir mes gémissements, son parfum unique, sa bestialité, sa dangerosité...

Sa dangerosité ?! Quoi ?! Vraiment ?! Non ! Ce n'est pas excitant ! Bon sang ! Je vais trop loin !

Sors ce mec de ta tête, Engy ! C'est un criminel ! Il commet des homicides, me sermonne ma conscience qui revient en force.

Merde ! Je sais tout ça. Ce n'est peut-être pas sa dangerosité macabre qui m'attire, mais le fait qu'il soit dangereux dans le sens : « Il est fort, assez pour me protéger des menaces extérieures ».

OK, faut que j'arrête d'être obsédée par ces questionnements. Ma santé mentale prend un coup.

Clairement, je n'arrive plus à gérer cette situation. Je pense que je deviens hystérique dans ma tête : ça part dans tous les sens. Je ressens à nouveau des émotions et elles sont toutes contradictoires, ça me perturbe.

Dans le salon, je commence à chercher ma culotte. Elle n'est pas sur le tapis, pas même dans un coin ou jetée à l'écart. Je me penche rapidement pour vérifier sous un canapé.

— Hum... putain, cette vue sur ton cul, je ne pouvais pas rêver mieux.

Je me redresse vivement, tirant sur le bas du t-shirt, et cherche cette voix.

— C'est ça que tu cherches ? fait Jonas près de l'entrée en tenant ma culotte pendue à son index avec allégresse. Je me demandais justement à qui elle était. Mais j'avoue que son parfum... m'était familier.

Mais qu'est-ce qu'il fait ici ? D'où il sort comme ça ?! Je pensais qu'il n'y avait que Jaylen et moi dans cette villa !

D'un air railleur, Jonas hume ma culotte avant de la fourrer dans la poche de son jeans, n'ayant pas l'amabilité de me la rendre.

Je le pique sans lui montrer mon agacement :

— Ça va, garde-la, tu peux la sentir et te masturber ; c'est tout ce que t'auras jamais de moi de toute façon.

Il y a un moment de silence, alors qu'un affrontement s'échange dans nos regards. Il plisse les yeux avec défi alors que je le mitraille.

— Tu crois vraiment que je vais me contenter de ça ?

— Ça va, Jonas, lâche-la, intervient Joshua, son jumeau, dans la cuisine.

Il boit tranquillement un café, tandis que je ne l'avais même pas vu.

— T'as faim ? ajoute Josh à mon intention.

En me levant, je m'éloigne de Jonas pour être plus près du frère que je juge être le moins nuisible.

De plus, j'ai terriblement faim et il m'offre une assiette de pancakes qu'il a préparés.

Dès que je m'assois sur un tabouret devant l'îlot de cuisine, il pousse une assiette vers moi et remplit une tasse de café fumant.

— Merci, dis-je nerveusement.

Mes doigts s'enroulent autour de la tasse et je m'empresse de prendre une gorgée. Je me brûle un peu les lèvres.

Joshua est tellement serein, et à la fois toujours en train de réfléchir. Je vois sur l'écran de son téléphone qu'il écoutait Drop Dead de Neverwaves avec des AirPods. Je prends aussi conscience que je n'ai pas vu le chien, Box. Jaylen a déménagé sans lui ? Je me demande ce qu'il en a fait...

— Où est Box ?

Joshua plante sa fourchette dans son assiette et commence à manger sans s'asseoir. Avec une bouchée de travers, et les sourcils froncés, il marmonne en contournant ma question :

— T'as couché avec mon frère ?

Je baisse aussitôt les yeux sur ma nourriture et évite de répondre à cette question qui a l'effet non d'une simple déduction, mais d'une réprimande.

Ce que j'ai fait me met déjà assez mal à l'aise, donc je préfère qu'il ne s'imagine pas une telle chose.

— Ce serait complètement absurde, dis-je avec méfiance.

Joshua pouffe et décroche un sourire en coin, me laissant savoir que ma réponse ne le convainc pas. Intéressé par cette suspicion, Jonas s'approche de son jumeau, se campant à côté de lui de l'autre côté de l'îlot pour pouvoir m'examiner à son tour. Après une brève inspection, il lâche :

— Ah ouais... elle a plein de marques de strangulation...

— On dirait bien, murmure Joshua en me fixant.

— Ils ont baisé ... renchérit Jonas.

— On dirait bien... répète Joshua alors que ses traits deviennent stupéfaits.

— Mais... elle est en vie ?! émet Jonas, contrarié.

— On dirait bien, riposte une dernière fois Joshua.

Jonas me fixe à présent avec une curiosité malsaine.

Il se la joue nonchalant, en appuyant ses coudes contre l'îlot pour me contempler tout en plissant les yeux. À croire qu'il cherche à lire quelque chose dans mes yeux. Il informe :

— Jay, quand il baise et qu'une pulsion d'étrangler lui vient, il... tue.

Je sens mes pupilles se dilater de peur. Jonas semble fasciné par mes marques et... de me voir en vie. C'est quoi, ces conneries ?

N'ai-je pas réalisé l'ampleur et la gravité de ce que j'ai offert à ce tueur ? Aurais-je pu réellement mourir entre ses mains ? Non... Jaylen me protège. Ça n'aurait pas de sens. J'essaie de voir dans les yeux de son frère, Josh, qui lui pourrait m'indiquer si tel est le cas, ou si Jonas exagère, mais Joshua détourne les yeux et enchaîne les bouchées jusqu'à finir son assiette rapidement. Il est futé. Il sait que je cherche la réponse dans son regard.

En contrepartie, Jonas se délecte de l'effroi qu'il fait naître en moi.

Même si je la dissimule, il la sent. Tel un prédateur qui hume la peur de sa proie.

Son sourire me percute sans prévenir. Il finit par me jeter à la figure :

— T'aimes le risque. T'as pris goût au danger, Engy ? La malédiction, quand une femme est dans la mire d'un Jann, c'est la mort. Si t'es une exception, il peut n'y avoir qu'une raison : que la folie vit en toi. Je la cherche, mais je ne la vois pas. Je refuse de croire que tu puisses être compatible avec Jaylen. Qu'est-ce qu'il voit en toi que je ne vois pas ?

Alors que Jonas est accoudé sur le comptoir de l'îlot, une idée me traverse l'esprit : celle de lui planter ma fourchette dans son bandage taché de sang. Piquer son doigt recousu qui ne semble pas bien guérir. Je soutiens le regard de Jonas et il voit un sourire narquois marquer mon visage. Il ne sait pas que je me réjouis à l'idée de le planter avec mon ustensile.

Je choisis sagement de terminer mon assiette sans lui donner l'attention qu'il cherche. 





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