Chapitre 33 ( nouvelle version )
https://youtu.be/BySerrGXYkU
Jaylen
Vers 3h30, Engy a sauté sous la douche à moitié somnolente. Je lui ai prêté un t-shirt et, à peine celui-ci enfilé, elle est tombée endormie dans mon lit. Peu de temps après, mon frère Joshua est arrivé. Il garde un œil sur elle, le temps que je fonce à vive allure dans les routes de campagne qui me conduisent à Williston. Je dévale les chemins, malgré la visibilité réduite par la pluie.
La musique Venom d'Eminem se diffuse dans l'habitacle.
Arrivé en ville, quelques minutes plus tard, je me gare brusquement devant le Red Holder. Je ne prends pas la peine d'éteindre le moteur, je me hisse à l'extérieur alors que le déluge s'abat sur moi. Mon veston de cuir et mon t-shirt blanc en dessous se retrouvent trempés en moins de deux.
À cette heure-ci, il n'y a presque plus personne, sauf des membres du réseau. Voyant mon humeur, et parce qu'il a ordre de ne jamais se mettre en travers du chemin d'un Jann, le videur s'écarte prestement pour me laisser passer.
En longeant le couloir obscur, j'aboutis dans le bar où il ne reste que quelques motards et plus aucune stripteaseuse. Je pousse la porte au fond de la salle pour déboucher sur la cage d'escalier et descends jusqu'au sous-sol.
Deux gardes du corps bloquent l'accès au bureau de Thompson, celui qui gère le Red Holder. J'arrive à en écarter un sans mal en le poussant au torse. Je suis bien plus fort et redoutable, et le second, qui me reconnaît, n'ose pas s'interposer. Il sait que j'ai le droit de m'approcher de Thompson.
Je me faufile dans le bureau et trouve le type que je cherche avec un verre à la main. Je contourne son bureau et le saisis par le col, le levant de son siège, et plaque son dos contre une armoire de bouteilles d'alcool. Mon geste est si violent qu'il en échappe son verre et quelques bouteilles tombent pour se fracasser au sol.
Il fait signe à ses deux gorilles derrière moi de ne pas intervenir, malgré cette agression.
Il y a intérêt.
— Jay ! Houlà ! On se détend ! Je sais pas ce qui t'arrive, mais je suis sûr qu'on peut régler ça. Je ne veux pas de problème avec toi ou... ta famille.
Je resserre ma prise et le plaque une deuxième fois contre son étagère d'alcool. Une nouvelle bouteille tombe et d'après sa réaction, celle-ci valait cher. Je rapproche mon visage du sien et demande d'un ton rempli de hargne :
— Rappelle ton chien !
— Quoi ? Quel... chien ?
— La Mustang dans la ruelle du Red.
— Quoi ? Quelle Mustang ?
— Tu sais très bien de quoi je parle. T'es pote avec Navid, tu sais toujours tout sur ses intentions et son business. Dis-moi ce que signifie son retour en ville ?
— Je ne sais absolument pas de quoi tu parles. Tu me connais, je ne te mentirais pas, ce n'est pas dans mon intérêt. Je tiens encore à la vie.
Il rit nerveusement.
Je le plaque une troisième fois contre le meuble et ce coup-ci, il plisse le visage de douleur. Je siffle lentement :
— Tu vas dire à Navid et à son traqueur de merde que la demoiselle qu'il semble avoir ciblée pour son ranch m'appartient.
— Je ne suis pas au courant de ça, mais tu... tu peux voir directement avec lui... Il est... là.
Thompson me montre quelque chose derrière moi et c'est à ce moment que je vois Navid assis sur un fauteuil dans la pièce. Je ne l'avais pas remarqué. Il est en costard gris, les cheveux bruns et grisonnants, soigneusement placés avec du gel vers l'arrière, comme un riche homme d'affaires. Il a ce petit air irréprochable, avec son putain de sourire fendant.
— Quel plaisir, Jaylen ! lâche-t-il d'un sourire condescendant. Quelle demoiselle revendiques-tu exactement ?
Il me fait penser à Christian Bale. Lui et moi, on a du mal à s'entendre. Je sais que je suis loin d'être un ange, mais jamais je ne pourrais enchaîner des jeunes enfants comme il l'a fait par le passé, et les offrir comme objets sexuels à des hommes aux intentions monstrueuses. Il continue, d'ailleurs, avec de jeunes adolescents. En plus, il a une tête de con qui me donne envie de la décapiter...
— Engy Sinclair.
— Oh... fait-il, surpris. C'est... toi qui l'as ? Hum... la plus belle jeune femme que j'ai vue de toute ma vie. À elle seule, elle ferait ma fortune. On peut négocier quelque chose...
Je charge vers lui. Voyant que je sors mon gun, il se rétracte dans son fauteuil. Je viens écraser le canon contre sa tête, prêt à appuyer.
— Y'a rien à négocier ! Fais partir ton traqueur !
Consterné, il efface son sourire de merde de sur sa gueule et il reste figé, espérant que je ne le descende pas.
— Ça va ! Ça va, Jaylen ! Oh ! Pas besoin d'en arriver là ! On va trouver un compromis ! Je...
— Aucun compromis ! exhorté-je en enlevant le cran de sûreté.
— OK ! OK ! se rend Navid. Je t'écoute ! Tu la veux ?! Prends-la !
L'arrière de sa tête est calé dans le dossier en cuir. Ma main l'écrase au torse pour éviter qu'il se lève et l'autre le garde en joue avec l'arme.
— Si on l'approche, si on la touche... je te promets qu'on aura un problème, toi et moi. Je ferai un massacre sur ton ranch. Il y aura un bain de sang. Je liquiderai tes hommes un par un... Je te garderai pour la fin. Tu ne veux pas finir entre mes mains, Navid. Tes petites tortures dans ta grange ne valent pas ce que je peux te faire.
Il déglutit nerveusement.
Il a beau se sentir maître de son business, quand il se retrouve devant moi, il se chie dessus.
— Écoute... je veux juste que tu saches que oui on convoitait, Engy. On a essayé de l'enlever, mais ça s'est mal passé, elle nous a échappé et un de mes hommes a disparu. Je me suis retiré. Donc, si le traqueur est après elle, je t'assure que ce n'est pas moi qui l'ai appelé.
Navid ne sait pas que si l'enlèvement d'Engy a mal tourné avec ses hommes, c'est à cause de moi.
D'un côté, j'aimerais qu'il me mente, afin de pouvoir avoir une raison de l'égorger tout de suite. Malheureusement, je lis dans ses yeux qu'il dit vrai : il n'a pas contacté un traqueur d'expérience pour retrouver la fille qui leur a échappé une première fois.
Reste qu'il rôde dans le coin, et je trouverai pourquoi et qui l'a fait venir...
Mon téléphone sonne dans la poche de mon jeans et je lâche Navid pour m'intéresser à l'appel.
Sur l'écran, je vois un message de Jonas qui réclame mon aide parce qu'il a encore merdé. Ce n'est pas la première fois qu'il m'appelle en pleine nuit pour les mêmes conneries. Sauf que là, j'ai buté notre père, donc je ne serais pas étonné qu'il déconne et qu'il cherche à attirer mon attention ou à me provoquer pour me faire la vie dure.
La colère me submerge.
Fait chier.
Je dois partir.
Je disparais, laissant Navid et Thompson derrière moi.
+ + +
J'arrive à l'endroit que Jonas m'a indiqué. C'est un quartier de bourges et je me gare non loin de la maison qui porte le numéro 62.
Il pleut encore à verse. Mes essuie-glaces ont du mal à m'offrir une vision nette.
J'ouvre la boîte à gants pour m'emparer de mes gants en cuir, d'une cagoule et m'arme d'un couteau, même si j'ai un flingue à la ceinture.
J'éteins le moteur et ouvre la portière avant de traverser la rue tout en enfilant ma cagoule rapidement. Je ne sais pas à quel point Jonas a merdé, mais je ne veux pas y aller à visage découvert ; et si jamais il m'avait donné la mauvaise adresse ? Je ne sais pas ce que je vais trouver à l'intérieur de la maison, même si j'en ai une vague idée.
Je monte sous le porche et, main sur la poignée, j'ouvre...
L'intérieur de la maison est plongé dans la pénombre. J'essaie de repérer des indices qui me confirmeraient que je suis au bon endroit.
Déjà, le salon est complètement sens dessus dessous. Je repère un vase brisé, les carreaux d'un meuble vitré cassés, une plante renversée dont le pot déverse de la terre sur le sol, et des cadres provenant d'un mur sont tombés.
Il y a eu une altercation. Il n'y a pas de doute, je suis à la bonne adresse.
Je marche lentement, range mon couteau pour sortir mon arme, ne sachant pas si Jonas a des ennuis autres que ceux auxquels je pense. Je distingue un escalier et décide de grimper à l'étage sans faire de bruit pour ne pas annoncer ma présence.
Dans le couloir, je jette un œil furtif dans la première pièce qui se présente. Une salle de bain et personne à l'intérieur. Je décèle un puits de lumière provenant d'une porte entrebâillée. À proximité, je donne un coup avec ma botte pour qu'elle s'ouvre. Jonas est assis au pied du lit. Il relève la tête et me gratifie de son fidèle sourire sardonique. Tel un gamin qui a fait une bêtise et qui est fier de se faire coincer.
Je n'ai pas une bonne relation avec Jonas. Il est inconscient, immature, il rêve de devenir un grand criminel comme notre père ou comme moi, marchant dans nos pas, mais il doit se tenir à carreau, parce qu'il est impulsif et risque de finir derrière les barreaux où je ne pourrai rien pour lui. Jonas se fiche éperdument des ennuis et surtout des conséquences de ses actes, alors que moi, je suis méticuleux, comme on me l'a appris. Josh et moi, on tient à lui et on fait tout pour qu'il se contrôle. Ce n'est pas mon père qui a pris soin d'eux quand ils étaient jeunes, c'est moi. Josh et Jonas me montrent bien plus de respect qu'ils en avaient pour Orlando. Notre daron était notre pire cauchemar. Sa perte n'est que bénéfique pour nous. Je ne l'ai pas tué seulement pour Engy, mais pour nous libérer, moi et surtout mes frères.
Néanmoins, je n'ai aucun regret d'avoir tranché le doigt de mon frère pour ce qu'il a fait à Engy. J'allais faire une psychose. Je ne voyais plus rien qu'une rivière de sang devant mes yeux. Je voulais le tuer. Je tente par tous les moyens qu'il cesse de violer des filles, mais il a quelques soucis, lui aussi ; quand on grandit dans ma famille, ça laisse des séquelles qui te changent à jamais. Jonas est devenu précoce sexuellement et rapidement un pervers obsédé. J'essaie de tempérer ses pulsions, mais il n'écoute que sa propre voix. Comme il est narcissique, la vie ne tourne qu'autour de ses envies.
Une femme se trouve à ses pieds. Le haut de son chemisier est déchiré, sa jupe est remontée et son collant a été arraché sauvagement, me laissant voir son sexe avec ses jambes écartées de manière non naturelle. Il l'a violée. Elle a du sang entre les cuisses. Ce qui indique qu'il a utilisé un objet ou la violence de ses doigts. Il y a une seringue à côté d'elle. Une seringue qu'il m'a dérobée.
Je range mon arme en la coinçant à ma ceinture, au niveau du dos.
— Tu me voles des sédatifs, maintenant ?
— J'ai pas le choix ! proteste Jonas. Je te signale que j'ai une main invalide ! Comment veux-tu que je maîtrise mes victimes ?!
Il se lève pour approcher de son œuvre, un sourire amusé s'affiche sur sa gueule alors qu'il mord sa lèvre, se remémorant à quel point c'était bon. Mes yeux tombent sur son bandage dont la blessure s'est remise à saigner. Il n'arrête pas de déchirer ses points de suture. Il ne peut pas rester tranquille ?!
Il commence à fléchir les genoux, pour toucher à nouveau sa victime, mais je harponne la capuche dans son dos et le tire si violemment qu'il tombe vers l'arrière.
— Ça suffit ! T'en as assez fait pour ce soir !
Il rit tout en se redressant. Il passe une main dans sa tignasse d'un blond polaire. Je remarque ses phalanges tachées de sang.
— C'est drôle que tu dises que j'en ai assez fait alors que toi, tu fais bien pire. Et plus tu étais détraqué, plus papa te vénérait. Il n'a jamais pu voir de quoi j'étais capable. Il n'a pas choisi le bon fils. C'est moi qu'il aurait dû entraîner à devenir un des plus grands tueurs de l'histoire. En tant qu'ancien enquêteur des crimes majeurs, il connaissait tous les rouages pour éviter de se faire attraper. Son esprit était si malade et tordu que j'aurais aimé apprendre toutes ces choses de lui. Il avait d'étroits liens avec la mafia russe, et j'aurais eu moi aussi une place là-bas ! Mais qu'est-ce qu'on fout ici aux États-Unis ?! Hein ?! À cause de toi, toujours toi et toi. Tu m'as volé ma destinée, Jay. C'était moi qui devais devenir un tueur à gages, moi qui devais être craint de tous, moi dont le nom ferait trembler tous les gangs du crime organisé, moi qui...
— Ferme ta gueule, Jonas. Tes carences affectives te rendent narcissique. C'est insupportable.
Il est jaloux que notre père m'ait toujours préféré. Mais... il ne sait pas tout ce que le daron m'a fait endurer pour qu'un jour, je le remplace comme tueur à gages pour la mafia russe. J'ai développé tellement de déviances, de troubles psychotiques, de paraphilies plus perverses les unes que les autres... Il n'y a plus rien qui va dans ma tête. Ça m'a détruit. Il ne reste plus rien de bon en moi. Il a noirci mon âme. Une fois, j'ai pensé à me suicider pour toutes les horreurs subies, quand j'ai compris que je ne ressentais plus d'empathie. Ça faisait de moi quelqu'un de dangereux. Cependant, je ne l'ai pas fait, car je me devais de protéger mes frères de la folie de notre père... Depuis qu'ils sont jeunes, je prends soin de Josh et Jonas, et tout ce que je voulais, c'était qu'ils puissent profiter d'une vie loin des horreurs. Mais Jonas persiste à vouloir plonger dans l'obscurité et veut donner sa vie aux abominations qui gangrènent son esprit.
Je m'intéresse à la femme. Je retire mon gant en cuir et pose mes doigts contre sa jugulaire. Elle est toujours vivante, juste sous sédation.
— Pourquoi tu m'as fait venir, Jonas ?
— Elle a vu mon visage.
Je lui avais déjà dit d'enfiler une cagoule pour éviter les ennuis. Car oui, je suis au courant que Jonas fait des choses la nuit et qu'il pense que Josh et moi on ne le sait pas.
Toujours est-il que je sais tout et c'est pourquoi je lui avais déjà dit que s'il ne pouvait pas s'en empêcher, d'au moins cacher son identité. Il peut y avoir des caméras ou une victime qui lui échappe.
— Où est ta cagoule ? fulminé-je en le regardant d'un regard noir.
— Je l'ai oubliée, je ne pensais pas agir ce soir. C'est un imprévu. J'ai croisé Chrystelle, cette Belge, à la station-essence, je l'ai abordée. Elle m'a dit être prof de math à l'université et que je lui faisais penser à un de ses étudiants. Je lui ai fait des avances et elle m'a rejeté. Alors, je l'ai suivie jusqu'à chez elle. J'ai attendu qu'elle soit couchée, qu'elle éteigne les lumières et je suis entré dans sa maison. Je gardais ce sédatif dans ma poche et je l'ai utilisé sur elle. J'étais trop excité. M'enfin, regarde-la, c'est une bombe, cette prof. C'est juste que je n'ai pas pensé qu'elle m'avait vu entrer chez elle ; elle ne dormait pas finalement. Donc, quand elle va se réveiller... elle va m'identifier comme agresseur. Alors que d'habitude, quand j'attaque une fille dans son lit, elle ne voit pas mon visage dans le noir. Mais y'a un autre souci...
Je me raidis.
— Quoi encore ?
— Pendant que j'abusais de la nana, j'ai été surpris par son mari qui rentrait du boulot très tard... Quand je l'ai entendu rentrer, je suis allé à sa rencontre. Il a essayé de m'attaquer, ensuite de décamper, mais on s'est battus dans le salon. Il s'est cogné la tête sur le coin de la table basse et s'est évanoui. J'ai tiré son corps dans le débarras sans fenêtre et j'ai mis le dos d'une chaise devant la poignée, comme ça, il ne peut pas sortir. Mais il est vivant.
Eh merde.
Je dois nettoyer son bordel. Ce qui veut dire les tuer tous les deux. Le couple.
Agacé, je soupire lourdement.
— Va m'attendre dans la voiture.
— Ça va, je peux rester et t'aider.
Je lui envoie un sourire mauvais.
— Je ne te laisserai pas me regarder les tuer pour que tu prennes ton pied.
Des cadavres lui passent sous le nez depuis qu'il est jeune ; je n'aime pas particulièrement qu'il assiste à des mises à mort.
— Arrête, Jay, je veux juste aider. Tu me tiens toujours à l'écart. Ne joue pas le père protecteur que je n'ai jamais eu.
— Va plutôt ouvrir la porte du garage et amène la voiture pour que je transfère les corps dedans.
En se la jouant détendu, mon frère enjambe le corps de la fille tout en me toisant. Je lui remets les clés de la Challenger et le suis des yeux jusqu'à ce qu'il sorte de la pièce.
En m'assurant qu'il a bien descendu l'escalier, je me dirige vers la salle de bain et saisis le rideau de douche que je viens ensuite placer sur la moquette de la chambre de la dame. Alors qu'elle est toujours inconsciente, je la tire par les bras pour glisser son corps sur le plastique. Je m'active à fouiller les autres pièces à l'étage ; penderie, placard à balais, rangement, jusqu'à ce que je trouve un gros ruban adhésif.
De retour dans la chambre, je dépose le ruban sur le lit, sors mon couteau du pan de ma veste, saisis une poignée de sa tignasse brune et, avec la lame affûtée, je tranche sa gorge, délicatement mais profondément, assez pour causer la mort sur le coup. Même sous sédatif, son corps réagit durant une fraction de seconde, sous forme de légers soubresauts qui la font trembler, puis plus rien.
J'entends le bruit que le sang fait en coulant sur le plastique et une vague d'extase me submerge. Un frisson traverse mon échine. C'est surtout mon sexe qui réagit devant l'afflux de sang qui se déverse sous mes yeux. Il y a des gens qui bandent devant un porno ; moi, c'est ça, mon porno. C'est exactement ça qui m'excite le plus.
Je mords ma lèvre pour retenir un soupir de plaisir. Mon regard s'assombrit, ma vision se restreint. Je ne vois plus que le liquide carmin former une mare sombre sur le plastique.
Je détends ma prise dans ses cheveux pour laisser tomber sa tête sur le rideau de douche.
Je dois détourner les yeux de la femme décapitée quelques secondes, pour estomper les pulsions tordues qui remontent à la surface.
Je dois garder le contrôle.
En fermant les paupières, je sens une sueur froide sous ma cagoule et les tremblements dans mon corps. Mes songes m'amènent vers Engy. Plusieurs fois, j'aurais pu lui faire du mal, la tuer, mais le fait qu'elle me fasse perdre mes moyens, que sa beauté m'envoûte, que sa hargne m'attise, j'arrive à me contrôler. On dirait que ce que j'éprouve pour elle m'aide à tempérer ma violence. Juste en ce moment, l'imaginer me détend. Je reviens sur terre, je ne me laisse pas emporter par ma part d'ombre. Elle n'a pas encore vu mon dark side. Elle m'a vu tuer mon père, un vieil homme, et son agresseur devant chez moi, mais elle n'a jamais rencontré le Jaylen quand il sombre dans une psychose. Si ça m'arrive alors que je suis près d'Engy, elle ne survivra pas, même avec tout mon bon vouloir.
Lorsque j'arrive à calmer les battements de mon cœur et à avoir une respiration plus maîtrisée, je poursuis ce que j'ai à faire : j'enroule le corps dans le plastique et mets de l'adhésif aux extrémités pour éviter que le sang s'échappe. Je fais aussi plusieurs tours autour des hanches, des chevilles et du cou de la fille, pour bien serrer le cadavre dans le rideau de douche.
Après quoi je le trimbale dans le couloir et, arrivé à la première marche, je donne un coup de botte pour faire rouler la femme jusqu'en bas.
Je rejoins la dépouille au pied des marches et entends le moteur de la Challenger tourner dans le garage.
Je trouve la chaise coincée sous la poignée d'une porte. Je la retire et prends mon arme, ne sachant pas si le mari est prêt à attaquer celui qui ouvrira. En la poussant brusquement, je découvre l'homme assis un peu de travers contre le réservoir d'eau chaude. Il est encore en vie, son torse démontre une respiration lente et saccadée. Un énorme hématome recouvre sa tempe. Son cuir chevelu saigne. J'attrape dans le salon un coussin que je viens placer contre le visage du mec. J'appuie le canon de mon flingue, retire le cran de sûreté et presse la détente.
Sa tête bascule vers l'arrière, son dos glisse et s'étend de tout son long sur le carrelage. Malgré le coussin pour atténuer le son, le tir reste bruyant et laisse un écho dans l'air. Je saisis ses chevilles et le trimbale jusqu'au garage. Au même moment, Jonas ouvre la porte et me laisse passer.
Usant de toutes mes forces, je soulève le corps pour le faire basculer dans le coffre.
Je passe au suivant. Traînant la nana jusqu'au véhicule, je viens placer son corps dans le plastique à côté de son mari.
Je me débarrasse de ma cagoule et m'essuie le front avec ma manche avant de me laisser glisser derrière le volant. Mon frangin, assis du côté passager, ne dit rien, il se contente de mettre la radio. Born A Rockstar de NEFFEX se fait entendre.
Je sors tranquillement le véhicule en marche du garage, vérifiant qu'aucun voisin ne regarde par sa fenêtre. Le quartier est tranquille, tout le monde semble dormir. Des gens qui n'ont jamais entendu de coup de feu ont dû le confondre avec un raffut de feu d'artifice et son écho qui perdure.
Je ne suis pas inquiet.
La pluie continue de s'acharner. Tout le long du trajet, j'évite de parler, sinon je vais m'énerver. Jonas et Joshua vivent chez moi désormais. Ils ont chacun leur chambre.
Mon frère Joshua est réservé ; il a son côté sombre aussi, mais c'est différent. Il me fait penser à de la braise qui brûle silencieusement. Il ne faut pas le provoquer, car il peut se révéler dévastateur, et il ne faut jamais sous-estimer la puissance qui dort. Toujours est-il qu'il est le seul qui se maîtrise et qui ne ressent pas le besoin de tuer et de torturer. Aucun sadisme ne se trouve en lui. Cela dit, il a ses traumatismes bien à lui et il les refoule, les cache. Un jour, il va craquer. Pour le moment, il reste posé, mature, et il possède un sang-froid phénoménal. Il a toujours aimé être celui qui fait le boulot d'après crime : nettoyer et faire disparaître des preuves, découper les corps quand je ne suis pas présent, analyser les risques et prendre des décisions pour protéger sa famille. Même si c'est le plus sain des frères, il baigne comme nous dans les horreurs et il n'est pas innocent. Il a développé une fascination obscure pour les autopsies. Tellement que tout ce qui touche au sujet, l'intéresse. Il étudie à distance, justement dans ce domaine. Il a plusieurs tocs. Découper un corps aux mauvaises articulations va le rendre anxieux. Ça doit être fait dans un certain ordre.
Pour ce qui est de Jonas, l'exubérant... c'est un serpent. Je lui ai toujours dit qu'il était comme un mamba noir : il est vicieux, malicieux, sournois, discret et possède le venin le plus malfaisant pour qui ose le défier. Il cherche des proies à déguster. Il se faufile dans l'ombre, à suivre des jeunes femmes qu'il pourra attaquer. Mon père l'a toujours rejeté. Il ne voulait le voir nulle part. Il a toujours considéré Joshua et moi comme ses fils. Jonas, il avait du mal, et c'est comme ça depuis qu'il est né. Il ne s'attendait pas à des jumeaux et il en a choisi un quand ils sont nés. Jonas a été plus battu que Josh, mais j'ai toujours tout fait pour m'interposer et prendre les coups à leur place. Ce qui explique mes nombreuses cicatrices. J'étais son préféré, mais ça faisait de moi une cible pour être battu jour et nuit, pour faire de moi quelqu'un sans émotion, qui ne pleure pas, qui n'a plus peur de rien, qui ne redoute pas la douleur. Au contraire, je l'ai apprivoisée.
En arrivant chez moi, Jonas m'aide avec le premier corps.
Joshua, dans l'entrée, ne semble pas surpris de voir le résultat des conneries de Jonas.
En entrant, on trimbale l'un après l'autre les cadavres dans le sous-sol. On doit passer par une porte qui mène vers une cave que je n'ai pas fini d'aménager. Elle est totalement en béton avec un drain pour évacuer l'eau si un jour il advient que le fleuve en inonde une partie, mais servira plutôt à éliminer le sang des victimes. Il y a également une grande chambre froide pour entreposer les corps qui vont s'accumuler. Je vais récupérer les contrats de mon père, alors on va rapidement entasser des victimes dans le sous-sol. Avec une chambre froide, on va pouvoir prendre notre temps pour les découper et les faire disparaître. D'ailleurs, Dustin y est. Joshua l'a démembré, il ne me reste plus qu'à aller faire brûler ses restes dans l'usine abandonnée du réseau.
Là, j'ai surtout besoin d'une bonne douche et d'une nuit de sommeil, alors je place les cadavres dans la chambre froide et remonte à l'étage avec mon frangin.
Ce dernier inspire doucement.
— Y'a un parfum de fille dans l'air, c'est normal ?
J'échange un regard entendu avec Joshua dans le salon qui vient de s'installer devant la télé. On n'a pas spécialement envie de lui révéler tout de suite qu'Engy est dans ma chambre. C'est pourquoi j'ignore cette remarque, passe à côté de lui et grimpe à l'étage...
Ma chambre est une mezzanine qui a une vue sur l'entrée et le séjour en bas. Les murs du fond sont entièrement vitrés et on voit une partie du fleuve obscur. Les planchers sont en bois foncé et j'ai quelques murs peints en noir. Plus au fond se trouvent deux portes coulissantes vitrées avec une salle de bain privée de l'autre côté. Il y a une grande baignoire, une douche en marbre noir et un long comptoir avec deux lavabos. Dès que je mets le pied dans la salle de bain, le plancher chauffant s'active et les lumières des miroirs s'illuminent, laissant une atmosphère tamisée.
J'ouvre les robinets de la douche et un jet de pluie au plafond s'actionne. La chaleur se diffuse dans la pièce, laissant petit à petit une buée s'étendre dans l'air.
Je retire mes vêtements et j'entends du mouvement dans mon lit. Je reste en boxer et fais glisser la porte vitrée pour jeter un œil dans la chambre : Engy s'est retournée, mais elle dort profondément.
Un pas devant l'autre, je me rapproche d'elle. Sa tête est sur l'oreiller et son visage est tourné vers moi.
Putain... Engy... t'as vraiment aucune conscience de ta beauté. T'es la plus belle créature que j'ai vue de ma vie. Chaque fois que je te regarde, j'ai ce grand frisson et une chaleur embrase mon sexe et mon cœur en même temps. De jour en jour, mon obsession pour toi s'intensifie...
Avec la pulpe de mes doigts, je viens caresser son front tout en dégageant délicatement une mèche de ses cheveux qui tombe sur son visage.
Mon contact la fait frissonner.
Normalement, quand je baise, je prends du plaisir dans la torture et le sang ; parfois je tue quand je ne me contrôle plus.
Or, avec Engy, ça a été différent. Certes, j'avais envie de lui faire mal pour intensifier mon plaisir. Toutefois, la voir jouir, arc-bouter ses hanches pour me sentir au fond d'elle, observer son corps trembler sous l'emprise de l'orgasme, gémir de manière vulnérable sous mes puissants coups de reins, a suffi pour que je sois au bord de la jouissance ultime. Elle était tellement bandante ; rien qu'à la regarder prendre du plaisir, je n'avais pas besoin de plus. Et ça... c'est inexplicable. C'est nouveau pour moi. Reste qu'une part d'ombre en moi rêve de lui faire des tas de choses perverses, déviantes, tordues et violentes...
Je ferme les paupières.
Je sens ma verge pulser sous mon boxer alors que mes doigts caressent une mèche de ses cheveux et effleure ensuite la peau douce sous son menton.
J'ai envie de sortir mon arme, de grimper sur elle, de la toucher, de lécher son corps, d'écarter ses cuisses... de la posséder. Je veux la voir réagir et se débattre, je veux qu'elle me frappe pour augmenter mon excitation. Je m'abreuve de sa haine, car derrière, elle a ce désir brûlant que je m'occupe d'elle d'innombrables façons. J'aime son caractère, mais je veux le bonifier. L'amplifier. Un feu brûle en elle, je veux être l'allumette qui va l'enflammer pour voir la diablesse qui s'y cache.
Mon érection est douloureuse.
Je pourrais la ligoter ici, dans mon lit, et la baiser jour et nuit. Ce serait l'apothéose. Mais une part de moi veut la protéger.
Mes doigts deviennent engourdis. Je serre le poing jusqu'à faire blanchir mes jointures.
Je recule doucement, ne voulant pas céder à de mauvaises pulsions, et m'active plutôt à prendre ma douche pour ensuite récupérer des heures de sommeil que je n'ai pas eues depuis longtemps...
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