Chapitre 27 ( nouvelle version )
Engy
C'est l'aube, le soleil se lève et j'ai passé la nuit à attendre le retour de Jaylen. Je m'inquiète chaque minute pour mon ami. J'ai camouflé le couteau dans le trou du matelas, si par hasard il lui venait à l'esprit de me le prendre, même si ça ne semble pas l'inquiéter que j'aie ça entre les mains.
Je vais vite fait aux toilettes et après avoir uriné, en m'essuyant, je constate que je n'ai plus mes règles. Quel soulagement d'être débarrassée de ça.
À ce moment-là, j'entends du bruit à l'extérieur. Des pas... des pas qui montent les marches du porche.
Je tire la chasse et m'empresse d'aller voir Jaylen pour savoir où est Dustin. Le problème, c'est qu'en ouvrant la porte, je tombe nez à nez avec Jonas. Sa main droite est couverte d'un bandage blanc avec quelques taches de sang. Son teint est livide, sûrement après avoir dû se faire recoudre la chair. Mais pas aussi pâle que le mien quand je vois derrière lui... son père, Orlando Jann.
D'emblée, je pousse la porte pour la refermer, mais Jonas la bloque avant de donner un coup d'épaule qui me projette contre le sol.
Jonas, Joshua et Orlando entrent. Le daron examine les lieux et chacune des pièces avant de s'intéresser à moi qui prends mes distances en restant recroquevillée dans un coin du séjour.
— Alors, Engy Sinclair. C'est tout un honneur pour moi de voir de mes propres yeux une morte refaire surface, se réjouit cet homme effroyable à la voix rauque.
Je jette un œil à Jonas. C'est le responsable : c'est lui qui a révélé où j'étais.
— Je comprends pas pourquoi mon fils te cache. T'es mignonne, mais qu'as-tu de particulier pour qu'il me désobéisse ? T'es sa copine ?
— Euh... n... non.
Je bégaie.
Orlando est vraiment grand et large. Il porte un blouson en cuir. Son crâne est dégarni et il a une barbe. Il a un flingue coincé à sa ceinture, mais j'ai encore plus peur qu'il me tue avec la force de ses mains massives.
— C'est quoi le truc, alors ? Voyons voir... t'es enchaînée, t'as des marques de strangulation, de coups au visage et t'as pas de...
Son doigt relève le bas de mon t-shirt, que je repousse, et il termine sa phrase :
— Culotte. Oh tiens... et un restant de sperme séché dans une mèche de cheveux. J'en déduis que t'es son jouet... sa captive pour qu'il se soulage.
Je ne savais pas que j'avais oublié de nettoyer une mèche, et puis ce n'est pas le sperme de Jaylen, mais celui de Jonas.
Il soupire lourdement et ses yeux me détaillent de bas en haut. Puis il se tourne vers Joshua.
— Va chercher ma hache dans le fourgon.
— Non, non, attendez !
L'homme m'attrape la tignasse si fort que ma tête percute le mur près de moi. La douleur est si vive que je ne peux pas riposter ou me débattre, sinon il ne m'arrache pas seulement une poignée de cheveux, mais la peau du cuir chevelu aussi !
À contrecœur, je suis forcée de le suivre, malgré mes supplices et mes plaintes de martyr.
On traverse le seuil d'entrée et, à l'extérieur, Josh s'écarte du fourgon, ayant trouvé la hache. Il attend qu'on descende le porche pour la remettre avec hésitation à son père.
Ce bourreau me jette au sol. À genou dans la boue et désespérée, je protège ma tête avec mes mains même si ça ne servira à rien. La lame fracasse la chaîne si fort que j'échappe un cri de peur. En deux temps trois mouvements, on me tire à nouveau par les cheveux pour que je redresse mon dos et arrête de me blottir.
Le chien, enragé, jappe près de nous, mais ne peut m'atteindre. Il encourage Orlando à s'en prendre à moi. S'il détache l'animal, ce dernier va me sauter dessus.
— Arrêtez ! Je vous en prie ! Ne faites pas ça ! Je n'allais rien dénoncer ! Je dirai rien ! Par pitié !
Joshua éprouve un élan de compassion : je peux voir qu'il songe à intervenir mais, conscient qu'il est totalement impuissant, il se ravise. Son père le paralyse. Quant à Jonas, espérant que je décède au plus vite, il place déjà une bâche noire à l'arrière du fourgon pour accueillir ma future dépouille.
Oh... mon... Dieu... Ma tête tourne. Ma vision se brouille. Je ne me sens pas bien. Je ne veux pas mourir.
J'ai un violent mouvement de recul. Je me débats comme jamais.
— Lâchez-moi !
Ce n'est plus la tristesse qui me submerge, mais une colère noire, une rage de vivre, un instinct de me préserver à n'importe quel prix. Je frappe Orlando, je tente le tout, à un tel point qu'il n'arrive pas à me maintenir en place.
— Petite, ricane l'homme en plastronnant, calme-toi, ce sera rapide : une balle dans la tête et tu ne sentiras rien du tout. La hache, c'est pour la suite, ça tu ne le sentiras pas.
Je n'avais pas entendu la Challenger, alors que normalement, je perçois toujours son arrivée. Jaylen est déjà là, sortant du véhicule. Je le vois de biais. Il a l'air étrangement calme, mais le regard encore plus sombre que la veille. Il jette aussi un doux regard menaçant à Jonas, qui l'a trahi.
Qu'a-t-il fait de Dustin ?!
— Jay ! Te voilà enfin ! grogne son père. Faudra que tu m'expliques pourquoi tu m'as menti et pourquoi cette fille est toujours en vie. Tu connais les conséquences si tu oses me décevoir. Tu veux ajouter des cicatrices à ta collection ? Tu veux que je te batte encore ? Ou tu préfères que je t'ampute une main pour m'avoir ridiculisé et avoir charcuté ton frère pour... ça... pour une vulgaire nana ? Mais qu'est-ce qui t'arrive ?
Tandis qu'Orlando me lâche enfin et me fait tourne le dos pour s'intéresser à son fils, je me redresse lentement, sans attirer son attention. Jaylen ne me regarde pas, il observe longuement son géniteur. C'est certain qu'il me voit me relever, car je suis dans son champ de vision.
Soudain, son père se retourne, attrape à nouveau mes cheveux et je lâche un cri de douleur. Il me traîne jusqu'à ce que je me retrouve en face de Jaylen. Orlando donne un coup derrière mes genoux pour m'obliger à m'agenouiller devant son fils. Il garde sa prise dans mes cheveux pour me basculer la tête vers l'arrière. Mon regard rempli de larmes de rage se perd dans celui de Jaylen qui me surplombe. Il ne fait que fixer son père avec placidité. On dirait qu'il ne ressent rien.
Pourquoi ne réagit-il plus, où sont passées ses promesses de me protéger ?! Est-ce que l'apparition de Dustin lui a fait changer d'idée ? Il va me regarder mourir. Il ne me sauvera pas, exactement comme son ex-copine...
Les signes étaient évidents. Honte à moi d'avoir espéré qu'il y arrive...
Le temps s'écoule.
Tout ce que j'entends, ce sont les battements de mon cœur qui tambourinent dans mes oreilles.
Jaylen finit par baisser les yeux sur moi, et ce que je vois dans son regard me fait froid dans le dos.
Je frissonne.
Je peux y lire ma propre mort. Dans ses iris, il n'y a que les ténèbres. Il n'y a plus rien d'humain. Il est aux commandes de son père. Il est programmé pour lui obéir. Quand il n'est pas là, il arrive à prendre des décisions, mais clairement, quand son père lui fait face, Jaylen est sans vie.
— T'as raison. Je n'ai pas d'intérêt à la garder. Je croyais qu'elle me plaisait. Mais c'était une erreur. Pour réparer mes torts et regagner ta confiance, c'est moi qui vais la tuer. Maintenant.
Orlando me lâche la tête et pose une main sur l'épaule de Jaylen.
— C'est ce que je voulais entendre. Règle numéro un : jamais laisser de témoin. Corrige ça.
Orlando donne son arme à Jaylen. Ce dernier enlève le cran de sûreté et baisse à nouveau les yeux vers moi.
Un rayon de soleil m'aveugle. Je ne vois plus son visage. À ce moment, quelques instants avant de perdre la vie, je me sens étrangement apaisée, comme si le temps venait de s'arrêter. Jaylen cligne des paupières au ralenti alors que sa main dresse très lentement l'arme en direction de ma tête. Même mon souffle est très lent. En déplaçant un peu sa tête sur le côté pour m'examiner, il cache le soleil, ce qui m'offre la vue du visage de celui qui va m'abattre.
Je sens le canon entrer en contact avec mon front et pas une seule seconde je baisse les yeux. Je ne l'implore plus. Mon corps a compris que j'ai atteint la ligne d'arrivée. Que c'est sans issue. Je sens une brise s'élever du sol, qui vient caresser doucement mes cheveux et ma nuque. Tout mon corps frissonne.
La dernière image que je vais voir, c'est moi à genoux devant Jaylen qui m'enlève la vie.
Le moment semble toujours au ralenti, comme si tout mouvement était saccadé.
Orlando fléchit les genoux, vient coller sa joue contre la mienne tout en tirant encore mes cheveux, ce qui m'arrache une grimace. Il vient me parler dans l'oreille de sa voix terrifiante qui résonne comme un écho lointain :
— Croiser la route d'un Jann est une malédiction, ma chérie...
Je ferme les paupières. J'écoute simplement les battements de mon cœur et ma respiration pour ne plus me connecter au monde extérieur et me renfermer dans mon esprit avant de quitter ce monde.
Puis... j'entends la gâchette.
Le son laisse un cillement douloureux dans mes tympans. La perte de l'ouïe provoque un vertige et ma vue se brouille. C'est comme si une bombe venait d'éclater près de moi, laissant un bruit strident et perturbant dans mes oreilles, assez pour que je sois désorientée.
J'ouvre les paupières.
Je dois avoir un immense trou dans le crâne. Je vais m'écrouler dans une seconde, je chancelle. Étrangement, je n'ai aucune douleur. Pourquoi je ne suis pas morte sur le coup ?!
Je vois Jaylen, braquant toujours son arme. Seulement, je plisse les yeux. Le canon n'est pas pointé vers moi. Le cillement s'estompe un peu. Je me tourne et vois Orlando, étendu sur le dos, ses bras en forme de croix, un sang opaque jaillissant de son front.
J'échappe un soupir de soulagement. Si j'étais décontenancée, c'est dû à l'impact du son qui a traumatisé mes tympans et qui m'a embrouillé l'esprit.
Les jumeaux fixent la scène sans dire un mot. J'essaie aussi d'assimiler tout ce qui se passe ; c'est pourtant si simple, mais si dur à comprendre. Jaylen vient de tuer son père, plutôt que moi ? C'est... inconcevable.
Je... mais... pourquoi ?
Une larme roule le long de ma joue alors que je cligne des paupières tout en relevant le regard vers Jaylen qui coince lentement son arme à sa ceinture. Ses yeux me trouvent et... il lit dans les miens ma reconnaissance tout comme mon ahurissement.
Je suis... traumatisée. J'étais persuadée que mon heure était venue.
Mon corps est sous le choc. Ma respiration est lente, mon corps est raide, je profite du silence, même si mon cœur cogne brutalement dans ma poitrine. Pourtant, je sens un apaisement m'envelopper. Comme si une peur innommable venait de quitter mon corps.
Jaylen me tend la main et je la contemple un long moment avant de glisser mes doigts frêles et froids dans la sienne. Il m'aide à me relever.
Je ne sais pas pourquoi, mais mes bras s'enroulent autour de son torse et je me blottis, tête dans le creux de son épaule où je sens les vibrations de son cœur qui martèlent son thorax. Il bat aussi fort que le mien. Signe qu'il a ressenti une émotion, n'importe quoi, mais il ressent quelque chose d'aussi intense que moi.
Je sens ses bras protecteurs m'envelopper avec bienveillance et dès qu'il m'étreint, je me sens en sécurité.
Je pourrais détester Jaylen du plus profond de mon cœur. Mais ce qu'il vient de faire, pour moi, est indescriptible.
Il m'enlace durant un long moment, tandis que je me réfugie contre lui à écouter son cœur. À un moment, il vient chuchoter à mon oreille :
— Je pense... je pense que le mieux pour toi est de rentrer chez toi, maintenant...
Je m'écarte tandis que les larmes sur mon visage sèchent.
— Tu me libères ?
— Ouais... je suis pas... Je ne suis pas un héros, Engy. Je suis né pour tuer et tôt ou tard, même si je t'ai protégée, je sais que je pourrais finir par te faire du mal. J'ai développé une obsession pour toi. Égoïstement, j'ai envie de te priver de ta liberté, pour que tu m'appartiennes... Je vais... te ramener chez toi, avant que je change d'idée...
Jaylen s'éloigne tranquillement de moi pour s'approcher de Joshua, posant doucement une main sur son épaule, comme pour lui apporter son soutien dans la mort de son père. Mais d'après l'expression des jumeaux, les deux savaient que ça allait arriver. Même que Joshua semble démontrer que c'était prévu.
— Qu'as-tu fait de Dustin ? réussis-je à articuler.
Jaylen se retourne.
— Je lui ai tout expliqué. Il sait que je te cachais d'une menace et que j'ai l'intention de te libérer une fois tout ça terminé. Il est dans tous ses états, mais je pense qu'il comprend.
Jaylen a épargné mon ami et c'est tout ce qui m'importe. Au fond... Jaylen cache une part de bonté en lui. Cette facette de lui me plaît énormément.
Malgré quelques séquelles et traumatismes psychologiques, je suis prête à rentrer.
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