Chapitre 26 ( nouvelle version )

Dustin

Une forte odeur d'essence et un son de moteur qui gronde m'extirpent de mon sommeil. D'ailleurs, pourquoi je dormais ?! Je me souviens avoir senti quelque chose dans mon cou, puis plus rien. Mon esprit met un peu de temps à comprendre où je suis. Les bruits, la noirceur, la senteur. Je suis dans un véhicule en mouvement. Il y a aussi une puanteur de mort. Mes mains fouillent d'abord mes poches, mais mon téléphone n'y est plus. On m'a aussi enlevé mon arme. Je tâte mon nouvel environnement : le fond du coffre en tôle est recouvert d'un tapis rugueux et humide. Mes jambes et mes bras frappent avec énergie.

La personne qui m'a foutu là-dedans augmente le son de sa musique pour ne pas m'entendre tambouriner et hurler.

Je reconnais cette chanson, c'est une des préférées d'Engy.

Un morceau qui est dans son téléphone. C'est 11 minutes de Yungblud et Halsey. C'est la musique qui passait quand je l'ai embrassée contre la rangée de casiers au lycée... ce qui a conduit à la rupture de leur couple à Ethan et elle.

Je ne sais pas pourquoi je ne me débats plus, je suis hypnotisé par cette musique. Il y a quelque chose de creepy. Ce n'est pas une simple coïncidence si j'entends cela... Cette personne, au volant, sait certaines choses et joue avec mes sentiments en me forçant à l'écouter. Est-ce qu'il a fait du mal à Engy ? Est-elle seulement encore en vie ?

Je sens la voiture emprunter un sentier. Le chemin est inégal et je me retrouve à être secoué plusieurs fois, comme si les pneus percutaient de nombreuses racines dans la terre et des cailloux. Ça n'augure rien de bon pour moi. Ça prend un moment avant qu'il freine abruptement et qu'il ouvre sa portière, sans pour autant éteindre le moteur et la musique qui recommence en boucle, ce qui instaure un climat effrayant, exactement comme il veut.

Il claque la portière et j'entends le bruit de ses pas venir vers le coffre. D'un coup, il l'ouvre et je me retrouve avec le canon de son arme sur mon front.

— Sors de là, somme-t-il.

Je me redresse maladroitement et arrive à sortir du coffre sans jamais détourner les yeux de son 9mm braqué sur ma gueule. Je découvre le visage du voisin d'Engy, non pas sur un dessin, mais à un mètre de moi. Seuls les phares rouges arrière de sa caisse offrent une lueur. À première vue, on est au beau milieu de nulle part, dans une forêt. À combien de bornes de l'autoroute, je ne sais pas.

À la cime des arbres, c'est la nuit.

— Sale fils de...

— Chuuut... fait-il en mettant son index sur ses lèvres, décrochant un sourire en coin.

Il porte un sweat à capuche et des gants noirs. Clairement, il a l'intention de m'abattre ici. Je flippe. Pas seulement parce que je vais crever, mais parce que je laisse Engy entre les mains de ce psychopathe.

— Je te la fais courte, entame-t-il, l'arme visant toujours ma tête. Engy avait des ennuis, des gens que je connais l'avaient dans leur ligne de mire, ils ont essayé de l'enlever. Je l'ai sauvée. Mais mon geste ne plaît pas à une certaine personne, et on me demande d'éliminer la fille, puisqu'elle m'a vu tuer. J'ai donc enlevé la demoiselle pour la protéger de cette nouvelle menace.

Je croise les bras, parce que je sens mon corps trembler de froid et j'avoue que cette révélation me prend de court. Il reprend :

— Mon intention n'est pas de lui faire du mal. Je ne suis pas quelqu'un de bien pour autant, tu l'as deviné, ma vie baigne dans le crime et la dépravation... Elle est séquestrée surtout parce qu'elle est téméraire et cherche à s'enfuir, ce qui la met en danger.

Il me sourit à nouveau, mais ce sourire n'a rien de rassurant.

— Mon plan est de tuer la menace, ce que je veux faire depuis longtemps, de toute façon. Il est temps que le daron s'écroule pour que je déploie mes ailes sur l'empire du crime.

La menace est donc son propre père ?

— Alors, voici le plan : tu retournes sagement chez toi, sans faire d'histoire, et tu me laisses terminer ce que j'ai à faire. Je tue la menace et Engy retrouve sa liberté.

Je serre les dents. Il me fait marcher ?

— Comment... comment je peux te faire confiance ?

— Dustin... à l'heure qui l'est, elle serait déjà morte si elle n'était pas sous ma protection. Regarde la vérité en face, je suis sa seule chance. Tu devras me faire confiance.

Je comprends mieux maintenant. OK, c'est un putain de malade, il vient d'un gang ou je sais pas trop, mais s'il la protège et que je vais bientôt revoir Engy, alors je dois m'intéresser à son plan.

— Elle rentrerait quand ?

— Dans quelques jours.

Je laisse le temps s'écouler. Le silence envahit la forêt. Ce mec continue de me pointer avec son arme. Je sais ce qu'il fait : si je refuse, il m'abat.

— Tu l'aimes ? me demande le type.

— Ouais... ouais... Je suis fou d'elle. Depuis qu'on est gamins. C'est la femme de ma vie. Ma future épouse. Je veux lui faire des enfants. Tu comprends que je ne lâcherai pas l'affaire.

Je décroche un sourire en coin, juste parce que le dévoiler me fait un bien fou.

— J'ai lu quelques messages dans ton téléphone... C'est vrai ça, que tu as passé une entente avec une certaine Beverly ?

Je mords nerveusement l'intérieur de ma joue.

— Je sais pas de quoi tu parles, mec, fabulé-je.

Ce malade fouille dans sa poche et sort mon téléphone. En matant l'écran, il fait défiler de nombreux messages. J'observe le canon qui vise ma tête en même temps. Le type commence à lire :

— « Je vais isoler Engy, lui dévoiler mes sentiments et pendant ce temps, tu devras attirer Ethan dans ma direction, près de mon casier, pour qu'il me voit embrasser Engy. Comme ça, Ethan va la quitter et toi, Bev, tu auras Ethan ; depuis le temps que tu le désires, et moi je récupère Engy. On va provoquer leur rupture et tout le monde y trouvera son compte. »

La musique qui se diffuse par la fenêtre ouverte joue encore en boucle et ressasse les images dans ma tête.

— Tu veux son bien, Dustin ? Parce que ça, ce n'est pas digne d'un homme qui veut son bien. Et encore moins de pouvoir lui faire des enfants.

— Écoute, mec, ça ne te regarde pas, ça. C'est entre elle et moi. Je ne supportais pas de voir Ethan avec Engy. C'est avec moi et moi seul qu'elle vivra sa vie.

On dirait qu'il croit que je ne suis pas bien pour elle. Il se prend pour qui ?! Il arbitre le cœur d'Engy maintenant ?! Mes réponses ne semblent pas le convaincre. Il a même l'air irrité de me voir contrôler le destin d'Engy.

Soudain, il change carrément de sujet :

— Dis-moi... Dustin... as-tu de la famille en dehors de Williston ? Un endroit où tu pourrais aller quelque temps, pour éviter que mon père te trouve. Il sait qui tu es.

— Euh... j'ai... ma tante qui vit au Canada. Je pourrais y aller. Et quand tu... tueras cette « menace » et qu'Engy rentrera, je pourrai donc revenir ?

— Tout à fait.

Il dit cela avec un rictus un peu amer.

— Okay... On fait comme ça.

J'échappe un soupir, pour me détendre un peu.

— Putain... Moi qui croyais que t'allais tuer Engy. Durant tout ce temps... Tu m'as fait peur, mec ! Et c'est bon, tu peux baisser ton arme, j'accepte ton plan. Mais tu la touches pas, c'est ma copine.

Le gars ne sourit plus et mord délicatement sa lèvre. Son regard est ravagé par quelque chose de sinistre.

— Qu'est-ce qu'il y a ? On s'en va maintenant ?

— Tu vas devoir te retourner, Dustin... Tout mon corps est secoué par une peur bleue.

— Attends, quoi ?!

— Retourne-toi...

— Je... quoi ? Mais...

En lisant dans ses yeux, je finis par comprendre la ruse : il n'a jamais eu l'intention de m'épargner. Il n'a fait que récolter des informations dont il pourra se servir après ma mort. Ma tante, au Canada. Mon téléphone qu'il utilisera... il fera croire à Engy que je suis parti.

— Mec... putain... déconne pas... dis-je le souffle court en faisant un pas, puis deux vers l'arrière. Pourquoi ? Juste... pourquoi, putain ?! Je suis amoureux d'elle !

— Justement ! crache le type en faisant lui aussi un pas, mais vers moi.

Il continue de se rapprocher jusqu'à ce que le canon touche ma tempe et il susurre avec hargne :

— C'est justement ça, le problème : t'es amoureux d'elle.

Tandis que tout mon être est en état de choc, on se fixe. Le seul réflexe que j'ai, c'est de prendre la fuite, même si je sais que je n'ai aucune chance.

Alors que je cours dans les bois, j'entends le bruit d'un tir, suivi d'un second, et dans cette fraction de seconde, je sens les balles me transpercer le dos !

La douleur est si intense que mon esprit croit recevoir deux flèches de tir à l'arc. La chair me brûle, me consume, l'intérieur de mon être se déchire. Je sens mon poumon littéralement perforé.

Tout mon corps s'écroule lourdement dans la boue.

Je souffre tellement que c'est impossible de crier, mon corps se paralyse sous cette torture. Je n'arrive plus à inspirer ni à expirer.

Ce psychopathe se rapproche et, avec sa botte, il me retourne sur le dos. La douleur est insoutenable. À ce moment, un sang épais remonte brutalement dans mon œsophage et se déverse hors de ma bouche. Je vais mourir, étouffé dans mon propre sang.

Je relève les yeux sur le tireur qui pointe à nouveau l'arme vers ma tête.

— T'as été berné si facilement. Sache que... Engy Sinclair m'appartient désormais. Je n'ai jamais désiré autant quelqu'un de toute ma vie. Et je tuerai pour elle. Je m'occuperai de n'importe quel indésirable qui s'en approchera trop. Si j'avais un cœur, j'aurais de la pitié pour toi. Mais je ne ressens rien. Rien... du... tout.

Je ferme les yeux et mes larmes roulent sur mes tempes. Le sang continue de se déverser sur mon menton et dans mon cou. Je me laisse emporter par le son en écho de la musique qui me rappelle Engy, jusqu'à ce qu'une nouvelle détonation mette fin à mes jours...  

https://youtu.be/t8hURaX54GA

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