Chapitre 22 ( nouvelle version )



Engy 

Je ne dors pas. Depuis le départ de Jaylen, je me suis couchée sur le lit dans la chambre et j'ai fixé le mur. Je songe à cette sensation d'avoir une arme dans la main et d'appuyer... Je revois aussi le visage de Jaylen lorsqu'il est près de moi. Ce n'est pas juste la chaleur qu'il dégage qui provoque une marée de frissons sur mon corps gelé quand il est à proximité, mais aussi cette façon qu'il a de me contempler. Je n'ai jamais été regardée comme ça de toute ma vie, avec des yeux sombres, insondables, un rictus salace et une aura dominante. Il me fait me sentir vulnérable et ça déclenche en moi une envie d'affrontement. Je ne veux pas être faible. Mais honnêtement, au point où j'en suis, pour sauver ma vie, je dois le manipuler. Il doit penser qu'il a tout le pouvoir et que je ne suis qu'une pauvre petite chose fragile. Il ne se doutera pas une seconde qu'en fait, je gagne sa confiance pour m'échapper pour de bon. Il faut surtout qu'il commence par me détacher. Pour le coup, je vais prendre mon temps. Agir spontanément ne fonctionne pas. Il est trop fort et anticipe mes évasions. Je dois donc jouer avec lui psychologiquement. Par la force, je n'arriverai à rien ; par la ruse, j'ai une chance.

Je dois m'intéresser à lui, mais pas seulement ; je dois lui faire croire que je le comprends. Déjà, j'ai capté que je plais à ce type. M'enfin, c'est surtout ma résistance qui le séduit. Quand il m'a défiée d'appuyer sur la détente, on aurait dit qu'il avait plongé dans l'obscurité de mon esprit pour toucher la folie qui dort en moi, lui ordonnant de s'éveiller. Je l'ai senti : ce goût de meurtre qui se déverse dans mes veines. Quand il a entendu la détonation, il a presque embrassé ma folie et j'ai senti que ça avait enflammé son âme. C'était la réponse qu'il attendait. Qui lui confirmait pourquoi il me préserve. Car il voit quelque chose en moi que je ne découvre que maintenant. Il me l'a montré. Ça m'a déstabilisée. Non pas de découvrir que j'avais le courage de tirer, mais d'avoir jubilé devant cette puissance de tuer et de fantasmer sur des éclats de sang.

Jaylen fait sortir quelque chose de mauvais en moi...

Les heures défilent jusqu'à ce que j'entende le chien aboyer dehors, avec le tintement de sa laisse. Ce qui m'indique qu'il détecte son maître avant même que le bruit de la Challenger me soit perceptible.

Le bruit du véhicule se rapproche puis ralentit et le moteur s'éteint. Une portière se referme, des pas montent les marches du porche. Le grincement d'une penture m'indique qu'il pousse la porte.

Je fais semblant de dormir quand il franchit le seuil. Le son de ses lourdes bottes fait craquer les lattes de bois sous lui. Le lit est collé contre le mur. Je suis dos à la porte et face au mur où son ombre trace une silhouette lorsqu'il s'arrête dans l'encadrement.

Je ne bouge pas et essaie de respirer lentement et régulièrement pour qu'il pense que je dors. Il me fait peur, à rester là. J'ai l'impression de sentir ses yeux me brûler tout l'arrière du corps. Comme quand on fait un cauchemar et qu'on a l'impression qu'un mauvais esprit est derrière nous. J'aimerais que ce ne soit que ça. Car là, ce n'est pas un rêve.

J'ai un tueur en série derrière moi.

Je perçois sa respiration. Elle est pondérée.

Son ombre se déplace et je ferme les paupières, comme si je craignais qu'il vienne vérifier si je dors.

En sentant qu'il est à deux centimètres derrière moi, je sens sa chaleur et tout mon être se crispe.

Il fait quoi ?

Soudain, je sens la pulpe de ses doigts écarter une mèche de mes cheveux qui tombent sur ma tempe. Il caresse ensuite la peau délicate de mon épaule et trace un chemin le long de mon bras, faisant naître une chair de poule.

Mon pouls s'accélère. Ma respiration se bloque.

Des milliards de picotements parcourent mon corps et une pression se loge dans mon bas-ventre, suivie d'une chaleur vive qui se déverse dans mes veines. Je suis toujours aussi surprise par cette réceptivité. Encore plus d'être happée par une sensation agréable qui se niche entre mes cuisses.

Mon esprit a compris : il se soumet à Jaylen. Ça fonctionne. Mon corps répond positivement à son toucher. Une fois que Jaylen va voir que je ne cherche plus à fuir, que je comprends que je suis mieux avec lui plutôt que de retourner chez moi, il commencera à baisser sa garde.

Je le laisse me toucher pour analyser son comportement du moment. Je m'abstiens de réagir, de feindre de me réveiller pour l'arrêter.

Je le sens poser un genou sur le matelas, pour ensuite se coucher par-dessus la couette comme moi. Jaylen vient se coller, plaquant son corps ciselé contre le mien, enroulant son bras aux muscles toniques autour de moi. Cette étreinte crée des ondes de choc dans chacun de mes organes. Passant par mon cœur, mon estomac, ma vessie et même mon utérus.

Dans ma tête, une explosion d'émotions diverses et contradictoires surgit. J'ai peur, mais je suis incapable de me retourner et de le repousser. Mon être est figé comme le marbre.

Sa main puissante vient se blottir près de ma poitrine où mon cœur cogne brutalement. Il va remarquer que je suis réveillée. C'est pourquoi je remue, pour m'éloigner au mieux de cette main près de mes seins. Seulement, en gigotant, je recule suffisamment pour sentir mon dos se nicher contre lui et son sexe contre mes fesses.

J'ai le buste en feu, ma tension augmente, mon cœur se débat. Ma peau devient moite et je ne sais même pas si c'est parce que je ne contrôle pas ma panique interne ou si c'est à cause de la chaleur qu'il dégage.

Je remarque quelque chose sur mon avant-bras. Il m'a salie quand il m'a enveloppée avec son bras. Je fixe la trace et, en plissant les yeux, je réalise que c'est du sang.

Horrifiée, je simule mon réveil, me retourne sur le dos et le son de ma chaîne résonne. L'étau est si serré que ma peau est à vif. J'aimerais qu'il me l'enlève.

— Je ne voulais pas te réveiller. Désolé, susurre Jaylen.

La fenêtre est placardée, donc la seule lueur provient du salon où une lampe est allumée.

La tache de sang provient de la manche de son sweat.

— Tu faisais quoi à l'extérieur ?

Appuyé sur son coude, il m'observe un long moment dans la pénombre avant de répondre :

— Tu veux pas le savoir...

— T'as... t'as tué quelqu'un... c'est ça ? réussis-je à articuler prudemment.

Il se couche sur le dos à présent et ce n'est qu'à ce moment que je vois l'énorme bosse se tracer dans son pantalon.

— Peut-être...

Je déglutis.

— T'as pas à te cacher. Je sais ce que tu fais. Est-ce que... c'était une fille ?

— C'était un contrat.

— Tu... et... euh... le corps est où, dans ton coffre ?

— Tout a été transféré dans le fourgon de mon père.

— Le vieux fermier aussi ? Celui avec le crâne...

— Lui, j'ai balancé sa carcasse derrière la cabane. Faut que je l'enterre. Tu en poses des questions à une heure pareille.

Il se tourne vers moi, intéressé par ma curiosité, mais j'évite de croiser son regard en contemplant le plafond.

— J'ai vraiment très mal... dis-je d'une faible voix.

— Tes règles ? Je peux te masser le ventre, mes mains sont toujours très chaudes. Ça peut te faire du bien.

Il a fumé la moquette ? Lui, vouloir me faire du bien ?!

— Euh... non, non... c'est ma cheville. Le métal me serre. J'ai du mal à dormir avec la douleur, et elle est vraiment lourde quand je change de position.

Il se redresse et s'assoit au pied du lit, où il prend ma jambe et l'installe sur les siennes. Il sort une clé de la poche de son jeans noir et desserre l'étau, sans m'enlever ma contrainte.

Il vient de me confirmer qu'il peut facilement être manipulé. Il a vraiment un faible pour moi, alors ? Il ne me l'a pas enlevé, mais vouloir mon confort est un début que je note.

Jaylen n'est pas nerveux que je fuis à nouveau. Il m'a enlevé la pince à sourcils pour que je ne puisse plus l'utiliser contre la plaque de ma chaîne et, de toute manière, il a bouché les trous qui donnent accès aux vis.

— Merci... J'apprécie vraiment tout ce que tu fais pour moi, alors que rien ne t'y oblige.

Je vois désormais un peu ses traits. Légèrement confus et méfiant, il me fixe dans la pénombre.

— Ne joue pas avec moi, Engy.

Je fronce les sourcils.

— Tu insinues quoi ?

— Hier, tu me frappais, tu voulais fuir. Plus tôt, tu étais prête à me flinguer. Pourquoi t'es si docile en ce moment ? Tu essaies de me charmer ?

— C'est juste que... j'ai réfléchi quand tu étais parti et... t'as raison. Je comprends. Tu t'es mis dans une position délicate pour me protéger. Si je retourne chez moi, je m'expose au danger. Je préfère rester ici. J'ai pas envie non plus qu'il arrive quelque chose à ma mère.

C'est bizarre. Je trouve que j'ai l'air sincère en le disant. Comme si une part au fond de moi approuvait aussi de rester auprès de Jaylen pour éviter le chaos. Si je ne parviens pas à trouver la police à temps, ma mère pourrait être assassinée. Ou si j'atteins un poste de police, et qu'on me garde dans une pièce d'interrogatoire, ma mère devient une cible. On pourrait s'en prendre à elle pour me dissuader de parler. Je ne sais pas ce qui peut se passer, mais je ne suis certainement pas plus futée que sa famille.

Il y a un long silence. Il me toise. Je ne détourne pas le regard. Lorsqu'il baisse les yeux pour examiner ma jambe que je replie nerveusement vers moi, Jaylen saisit la chaîne pour que ma jambe revienne sur lui. Et, de ses mains robustes, il commence à me masser le pied tout en préparant une douce menace :

— Si tu joues la comédie pour ensuite me planter un couteau dans le dos, tu peux être sûre que je n'hésiterai pas à en finir avec toi. D'abord, si je vois que tu me manipules, je prendrai des pinces à jardinage et je couperais celui-là.

Il touche mon petit orteil.

— Ensuite, je ferai de même avec le second et tous les autres pour qu'il y ait pas de jaloux. Ouais, je vais retirer tous les orteils de tes magnifiques pieds. Tes hurlements berceront mon âme obscure. Tu découvriras le tortionnaire en moi et je deviendrai ton pire cauchemar. Ensuite, tu auras enfin une raison de me fuir. Mais pour être sûr que tu ne m'échappes pas, j'éclaterais le fémur de ta jambe droite et celui de la gauche. La douleur te fera tomber dans les pommes et ainsi je pourrai procéder à la découpe de tes jambes. Tu te réveilleras amputée. Tu sentiras tout le martyre. Le pire, c'est que je devrai te nourrir, te faire la toilette. Au fil du temps, tes plaies vont s'infecter et ce sera une mort lente engorgée d'agonie. Et juste pour souiller ton âme, une fois morte, je m'assurerais que ton esprit me voit violer ton corps. Alors, j'espère pour toi que jamais tu n'essaieras de me manipuler. Ce serait dommage d'en arriver là, t'as de magnifiques jambes...

Il revient à côté de moi, s'appuie sur son coude, laissant courir sa paume brûlante qui remonte le long de ma jambe. Ses doigts effleurent mon genou, ma cuisse. Et... très lentement, son index et son majeur tracent un chemin partant du haut de ma cuisse jusqu'à l'intérieur de l'aine, effleurant de peu ma lèvre du bas puisque je n'ai pas de culotte. Il me montre exactement où il trancherait.

Tout mon corps se tend.

Il insiste et attend une réponse.

— Hum... ?

— Non... chuchoté-je nerveusement. Non, Jaylen, je ne te manipulerai pas.

— Bien.

J'ai de plus en plus de mal à respirer. Comme si je faisais un peu d'hyperventilation. Avoir cet homme si près, c'est comme approcher le diable. C'est tétanisant, on n'a plus le contrôle de rien, ni de l'esprit ni du corps. Il contrôle tout. Et sa voix a un impact direct sur moi. Pourtant, avant qu'il soit là, j'étais déterminée et je me sentais confiante. Il vient de me retirer mes espoirs. Sa menace est claire.

Je sens Jaylen approcher son visage de mon oreille et il souffle tendrement une menace froide qui me glace le corps :

— Si tu es dans la mire d'un psychopathe, et qu'il t'aime bien, tu te crois sauvée ? Non... il te tuera simplement en dernier. Voilà la fin de notre histoire si tu oses me manipuler, Engy.

Je ne sais pas pourquoi j'ai une vessie hyperactive, mais chaque fois qu'une terreur me secoue, j'ai envie de faire pipi.

— Je... je dois aller aux toilettes, dis-je d'une voix tremblante.

Jaylen échappe un léger sourire en coin. Réaction qui démontre une fois de plus à quel point il est tordu. Il ne s'écartera pas. C'est pourquoi je passe carrément par-dessus lui. Lui montrant que je n'ai pas peur. Une fois sur mes pieds, je vais pour sortir de la chambre, mais Jaylen attrape ma main au vol. Il est assis au bord du lit.

— Quoi, t'es sérieux ?! Je ne peux pas aller aux toilettes maintenant ?

— Approche.

J'arque un sourcil.

— Non !

— Viens par là.

Je tire pour défaire sa prise, mais il serre un peu plus fort. Impossible de retirer mon poignet de ses doigts qui m'agrippent.

— Lâche-moi.

— Si tu ne te calmes pas, je raccourcis ta chaîne ; t'auras plus accès à la salle de bain, tu seras confinée dans cette chambre avec un pot pour faire tes besoins.

Je ris avec hargne.

— Je relève le défi.

Il sourit pour ensuite prendre mon pied et le mettre sur son genou. J'échappe un cri de surprise et tire sur le t-shirt pour qu'il ne voie pas mon sexe puisque je n'ai rien là-dessous !

En perdant mon équilibre, mes bras prennent appui sur ses épaules. Je les retire aussitôt pour ne pas le toucher.

Je suis surprise par son geste : il retire entièrement la contention à ma cheville.

— Pourquoi tu fais ça ?

— Va à la douche.

Pourquoi il m'obligerait à prendre une douche ?!

Je... Oh mon dieu... j'espère que ce n'est pas ce que je crois.

— Tu vas me faire quoi quand je vais sortir ?

Jaylen lâche ma cheville qui est libre et, assis sur le lit, il relève la tête pour ancrer ses yeux charbonneux dans les miens.

— T'es marrante... Tu redoutes toujours que je te viole. Je vais finir par penser que tu veux vraiment que je te touche pour découvrir ce que j'ai à offrir... En fait, si je veux que tu te laves, c'est parce que t'as un truc qui me fait perdre la raison...

Il pointe vers l'intérieur de ma cuisse, au niveau du genou, et c'est là que je vois les gouttes de sang qui fuient de mon vagin et qui longent ma jambe.

Ah merde !

Je me sens gênée. Et lui, pourtant, semble apprécié la vue.

— Mais comment ça, perdre la raison ?!

— J'ai quelques... troubles psychologiques. Mes déviances telles que le meurtre, le jeu, la torture... m'excitent beaucoup. Mais la vue du sang est l'élément déclencheur de mes pulsions. Faut savoir que... c'est la chose qui m'excite le plus au monde. Seulement, ça peut me stimuler de deux manières : généralement, c'est sexuel et j'ai besoin de me soulager. Mais parfois... ça provoque une psychose. Ça me replonge dans de vieux traumas et, crois-moi, si je fais une psychose, vaut mieux que tu sois pas près de moi. Alors... s'il te plaît... va à la douche.

Il dit cela d'une voix anormalement calme, la posture rigide et le regard ombrageux. Si, en ce moment, il ne fait pas de psychose, ça veut dire que ça l'excite ? Il a besoin de se soulager dans le genre de... il va se masturber quand je serai sous la douche ?!

— OK... je vais...

Je m'éloigne pour m'éclipser à la salle de bain pour me laver. C'est agréable de ne plus sentir cette chaîne me suivre partout, mais ce qu'il m'a dit me pèse. Je me demande quel genre de traumatisme il a bien pu vivre pour en arriver là. Pour avoir ce genre de troubles psychotiques...  





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