Chapitre 19 ( nouvelle version )
Engy
Lorsque mes paupières s'ouvrent, je suis consternée de voir que je suis de retour dans la cabane. Je reconnais les murs. Je suis couchée sur le matelas trop mince du modeste lit en métal. Je me relève et ma tête m'élance. Dans mon dernier souvenir, j'étais en serviette, essayant de m'échapper quand il m'a retrouvée et étranglée. Et là, je suis de nouveau enchaînée et on m'a vêtue d'un long t-shirt noir qui n'est pas à moi d'où émane le parfum de Jaylen. J'ai aussi des chaussettes et j'en retire une pour voir ce que j'ai sur le pied. On a pansé une blessure et il semble y avoir une pommade pour l'enflure. On a dû m'administrer un analgésique, car je ne sens plus la douleur que j'avais quand je me suis écorchée en courant. Ma gorge, en revanche, me fait mal, et je retire une serviette d'eau fraîche que Jaylen a mise contre ma peau pour soulager la douleur. Quelle ironie, ce mec. C'est comme les hommes qui battent leur femme pour ensuite s'excuser et les soigner.
Je sors de la pièce pour découvrir Jaylen qui parle au téléphone. À la seconde où son regard croise le mien, il termine son appel sur-le-champ. Soit c'est une conversation privée, soit il veut se disputer avec moi, voire corriger mon attitude. Je suis tellement en colère que je vais juste l'ignorer et ne plus lui adresser la parole. Il pourra dire ce qu'il voudra, me menacer autant qu'il veut, je vais encaisser sagement, lui montrer que je suis docile, alors il baissera sa garde. Et moi, pendant ce temps, j'attendrai une nouvelle occasion pour fuir...
Je vais à la cuisine alors qu'il me suit des yeux. Je ne m'intéresse qu'à la cafetière que je mets en marche. Je sens que les marques de strangulation sont très visibles. Ma peau est à vif comme si j'étais brûlée. Je regrette d'avoir retiré la serviette.
— Va falloir qu'on parle, me prévient-il sèchement.
Je me tourne, pour être certaine de toujours lui faire dos.
Rien de ce qu'il dira ne m'intéresse. Dès que j'ai mon café, je prends le bouquin sur la table basse du salon et me cale dans le sofa.
Jaylen se place en face de moi, sur l'autre canapé.
— Je comprends pourquoi t'as saisi l'occasion de fuir. J'aurais fait exactement pareil. Et j'admets... avoir été violent. Mais tu dois comprendre que je te protège juste d'une autre menace. Pendant que mon père croit que j'ai réglé le problème en te tuant, en te découpant et en te mettant dans des sacs, j'ai plutôt choisi de te faire disparaître. Si tu es ici, c'est parce que je te cache de lui. T'as le droit de me détester, je suis pas un héros. J'ai rien de magnifique, Engy. Je suis un tueur en série. Je n'ai aucune capacité à jouer les gentils ou même à ressentir de l'empathie. Même si je t'ai sauvé des types qui voulaient t'enlever et que je te protège de mon père, ça ne fait pas de moi quelqu'un de bien. Au contraire... T'es ici parce que je l'ai décidé et que ce pouvoir m'appartient ; mon père ne contrôle plus ma vie, mes choix. C'est terminé. T'es à moi parce que je vais te revendiquer auprès du réseau qui a essayé de t'avoir.
Je lève les yeux de mon livre et nos regards convergent. Il s'attend à ce que je parle enfin, mais les mots ne me viennent pas. Je voudrais plutôt bondir du canapé et lui foutre ma tasse brûlante dans la gueule. Il pense vraiment qu'on peut acquérir des gens comme ça ? Que je vais lui « appartenir ». Tout ça parce qu'il considère y avoir droit après tout ce qu'il a fait ? Non, mais je rêve... ?!
Je n'avais pas remarqué qu'il y avait une bouteille d'alcool sur la table basse. Il en reste la moitié. Ce qui m'indique qu'avant que j'ouvre les yeux, il était en train de boire.
— Prends-la si elle te fait envie, lâche-t-il.
Je le fixe. Une part de moi me hurle de prendre la bouteille pour me plonger dans l'ivresse afin de ne plus ressentir la douleur et oublier un moment où je me trouve. Mais il est hors de question que je me retrouve encore plus vulnérable et avec des facultés affaiblies en sa présence. J'ai aussi envie de lui casser la bouteille sur la tête pour ensuite prendre des bouts de verres et m'ouvrir les veines.
Je retourne à mon livre pour l'ignorer. Mieux vaut que je protège mon esprit avant de faire une nouvelle crise existentielle. Ses mots sont troublants. Dans quel genre de réseau trempe-t-il ? Ça signifie quoi exactement, me revendiquer ?
Le temps passe, je continue de lire pendant plus d'une heure et, sans le vouloir, je finis par m'assoupir.
+ + +
Lorsque je me réveille, assurément quelques heures plus tard, je remarque que Jaylen est toujours assis en face de moi. C'est creepy. Il m'observe avec un regard insondable. Est-il vraiment resté là tout ce temps ? La seule différence, c'est que la bouteille sur la table est vide.
Oh... et il y a un revolver posé à côté de lui.
Oh, bon sang... est-ce qu'il songeait finalement à me tuer pendant que je dormais ?!
Il est vraiment toujours armé ; si c'est pas un couteau, c'est une arme à feu.
Et si... si ses sens sont altérés, est-ce que ça m'offre une chance de le manipuler et de fuir ?
Pense, Engy, comment atteindre l'arme et la retourner contre lui ?
En sautant sur lui, il va redevenir brutal. Je n'ai aucune chance. Et si je change d'approche et d'attitude ? Les hommes n'ont-ils pas une faiblesse pour les atouts féminins ? Est-ce un préjugé ? Ou puis-je tenter le coup, voir si c'est vrai et que ça peut jouer contre lui ?
Je me redresse et pose le livre sur la table. Je l'examine un moment, voyant parfaitement qu'il est un peu ivre. Clairement, il est rongé par des tas de choses ; je vois dans son regard que ça fait des heures qu'il est perdu dans ses songes. Je me souviens de sa boîte aux lettres, c'était écrit : Somber Jann. Alors j'entame :
— Jaylen Somber Jann... quelle est ton histoire ? Tu voulais qu'on parle, alors j'écoute ; dis-moi tout.
Il semble adorer la façon dont j'ai prononcé son nom. Il esquisse un sourire en coin et se prend une cigarette. Je ne manque aucun de ses mouvements, un peu plus lents que d'habitude. Il tire sur sa cigarette et expulse une fumée qui s'étend dans l'air.
— Qui est ton père ? Si il faut que je reste ici sous ton emprise, je dois connaître mes ennemis.
Il penche la tête sur le côté, détournant déjà le regard. Il semble réfléchir. C'est au bout d'une longue et interminable minute qu'il répond enfin quelque chose :
— Mon père, Orlando Jann, est un ancien enquêteur des crimes majeurs.
Je suis surprise.
— Et pourquoi est-il loin de ressembler à un enquêteur respectable ?
— À l'époque, même dans les forces de l'ordre, il était déjà entouré de gens pas très nets dans son milieu. Il avait d'étroits liens avec des gangs, des réseaux criminels. Il était corrompu. Il était aussi très proche de la mafia. Quand ma mère est morte, dans... un... accident de voiture, il a... perdu l'esprit. Il a sombré dans l'alcool et a perdu son boulot. Mon père a fini par infiltrer un réseau important.
— Et... il fait quoi ?
Il continue de fumer, prenant son temps pour répondre. Pendant ce temps, je ne veux qu'une chose : son arme. Mais j'essaie de détourner son attention pour qu'il se concentre sur mes questions. Je me lève, me montrant intéressée par ce qu'il raconte, et vais m'asseoir devant lui, sur la table du salon.
— Tu peux me le dire, je vois pas à qui je pourrais raconter ça. Je ne reverrai jamais mes proches.
J'essaie d'avoir l'air vulnérable.
Il souffle la fumée dans ma direction. La tension augmente. Mon cœur bat plus fort. La peur me gagne, mais je reste détendue, intéressée.
Jaylen est vraiment imposant. Ses mains et ses avant-bras recouverts de veines et le galbe de ses muscles qui roulent sous son t-shirt, m'intimident. Il a une barbe de trois jours sur sa mâchoire. Ses cheveux d'un noir si intense ne me laisseraient pas penser qu'il vient de Russie. Jonas, oui. Il a clairement le physique typique des Russes. Le père en a les traits également. Tandis que Jaylen et Joshua, pas du tout. Peut-être qu'ils ressemblent à leur mère ? De quelle origine est-elle ?
— C'est un tueur à gages. Le réseau le paye et il retrouve des gens pour les éliminer.
— Si retrouver les gens est son travail, alors ne crois-tu pas qu'il va me retrouver assez rapidement ?
— Je l'ai vu, plus tôt. Et je lui ai fait savoir que je t'avais tuée.
J'avale ma salive avec difficulté.
— OK... c'est gentil... échappé-je d'une voix tranchée tout en étant sarcastique. Et... ces gens qu'il tue, qui sont-ils ?
— Un peu tout le monde. Des règlements de compte. Des gens qui font appel au réseau pour faire tuer quelqu'un. Que ce soit sa femme, son voisin, le chien du voisin, tout y passe. Des membres. En dehors de Williston se trouve un petit clan qui gère des prostituées. Non consentantes, bien sûr... C'est ce qu'on appelle le trafic humain. On est appelés pour aller chercher des filles qui ne rapportent plus, ou encore parce que physiquement, personne ne débourse pour elles. Parfois, elles ont contracté une maladie et le trafiquant s'en débarrasse. Il est hors de question de renvoyer une fille chez elle. Souvent, elles connaissent trop bien le milieu et le dirigeant. Le chef tient à la confidentialité de ses clients et n'accepterait pas qu'une de ses filles dénonce l'un d'eux ou lui-même.
Je montre mon visage dégoûté.
— Tu as dit « on ». Ça inclut qui ?
— Mon père et moi.
— T'as tué combien de gens ?
Il rit et prend quelques bouffées de sa cigarette avant de l'éteindre dans le cendrier juste à côté de moi sur la table.
Ses yeux m'examinent.
— Je ne compte pas, Engy.
S'il ne compte pas, c'est que le nombre est important. Une chair de poule me dévore le corps.
— Mais c'est ton père qui est payé ; pourquoi toi, tu assassines ?
— Mon père a tellement de contrats que je prends part à la traque et il me refile mon argent. De toute manière, il souhaite éventuellement prendre sa retraite et me refiler le flambeau, puisque lui le fait pour le fric, moi par passion.
Il me fait un clin d'œil et je déglutis.
— Émilie... dans... la baignoire. C'était qui ? C'est toi qui l'as assassinée ?
— Une magnifique prostituée, mais malheureusement, elle était tombée enceinte. Bien qu'un client en particulier voulait d'elle, il a provoqué une fausse couche qui a fini en hémorragie après un rapport violent et de nombreux coups. Elle n'arrêtait pas de hurler depuis des heures, donc on m'a contacté pour la supprimer.
— Alors, au lieu de la soigner, tu l'as tuée.
Jaylen hoche la tête brièvement et sourit.
Un psychopathe.
— Tu dis avoir une passion pour le meurtre... est-ce que... ça... t'excite ?
Je ne peux m'empêcher de rager intérieurement. Je n'arrive pas à croire que je lui demande tout ça. J'attends juste le moment opportun pour m'emparer de l'arme.
— Peut-être... peut-être pas...
Son regard est rempli de déviances. Je crois avoir touché exactement à ce qui l'allume. Pas besoin de répondre, je le vois dans ses yeux. Son corps a l'air détendu par la douce ivresse qui coule dans ses veines. Je pense avoir plus de réflexes que lui.
— Pourquoi c'est Joshua qui démembre les morts et pas toi qui fais le sale boulot ?
— Il adore ça, et il le fait bien.
— Où vont les sacs remplis de morceaux de corps humain ?
— Mon père met le tout dans le fourgon et va dans une usine d'incinération à deux heures d'ici. Autrefois abandonnée, elle appartient désormais au réseau.
— Tu baignes dans le sang depuis combien d'années ?
— Ma mère est morte quand j'avais six ans. C'est à ce moment que j'ai vu des meurtres et j'ai aidé mon père d'aussi loin que je me souvienne. Mais j'ai commencé la traque seulement quand j'avais quatorze ans.
— Ça doit faire beaucoup de meurtres, alors. Mais tu t'en fous ; au pire, tu es riche.
Il rit encore tandis que mon visage commence à afficher de la peur.
— En effet, j'ai de quoi vivre pour le reste de mes jours.
— Quelles sont tes traques préférées ?
J'ai toujours en tête de prendre l'arme, mais avant, je veux qu'il voie que je m'intéresse à lui. Même si en même temps, ça me permet de récolter des informations précieuses qui pourraient me servir si un jour j'atteins un poste de police.
— Pas les prostituées. Elles, on ne fait que les ramasser au sein du réseau ou à l'acheteur directement. C'est ordinaire. Elles puent, elles sont moches, toujours défoncées au crack. Ça me dégoûte. Moi, ce que j'aime, ce sont les contrats extérieurs, des particuliers non reliés au réseau. Comme un mari qui veut que sa femme meure. Ce que j'adore, c'est quand il faut pénétrer chez les gens. Ça met un peu de challenge. J'enfile une cagoule, je fais peur à la nana, je joue un peu avec elle pour qu'elle devine pourquoi je suis là, je la martyrise et je la tue.
— Si... j'étais sur un de tes contrats... tu procéderais comment ?
Une sueur froide glisse sur ma nuque. Il va se concentrer, parler et je vais me jeter sur l'arme. Mais je suis choquée de voir des étoiles qui brillent dans ses yeux dès que je pose cette question. Il aspire sa lèvre avant de la mordre doucement. Un frisson me traverse le dos. Je devrais sauter sur l'arme, mais je veux juste entendre sa réponse avant.
— D'abord... j'attendrais que tu sois seule à la maison. Je porterais une cagoule et des gants noirs. Je ferais couler un bain pendant que tu dormirais à poings fermés, laissant la vapeur emplir la pièce. Je pénétrerais dans ta chambre et prendrais le temps de t'observer pendant ton sommeil. Je retirerais la couverture de ton magnifique corps et passerais doucement ma main sur ta joue, tes bras, tes seins... jusqu'à ce que tu ouvres doucement les paupières...
Je frémis. J'ai les mains moites.
— Quand tu gémirais de peur en me voyant, je plaquerais ma main sur ta bouche pour étouffer tes cris. Je t'emmènerais de force dans la salle de bain, ton corps plaqué contre le mien, pendant que tu te débattrais. Dans la pièce, je t'arracherais ta chemise de nuit avec hâte et avidité. J'abuserais de toi à même le plancher. Ce que je ne fais jamais... mais toi...
Il inspire puissamment. Sa respiration est légèrement tremblante lorsqu'il poursuit :
— Quand j'en aurais terminé avec toi et que la baignoire commencerait à déborder, je te plongerais doucement dans l'eau. Tes mains s'agripperaient désespérément à mes bras. Je prendrais plaisir à exercer ce pouvoir sur toi.
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Un haut-le-cœur contracte mon estomac et je maintiens ma gorge serrée pour me contenter de le fixer.
— C'est... c'est vraiment un truc qui te plaît de faire ce genre de choses ? Tu ne ressens aucun dégoût ou remords ?
Il sort de sa transe, ses yeux s'éteignent. Il finit par me fixer tout en ayant la mâchoire crispée.
— Ça me fait bander. Vaut mieux que j'arrête de fantasmer sur toi de cette manière. Je vois bien que ça t'effraie.
Je décèle une bosse dans son jeans noir. La tension de son sexe sous le tissu s'allonge vers sa cuisse. Je détourne rapidement les yeux. Tout mon corps s'enflamme. Voyant que ça l'a excité de se voir me tuer, je décide d'agir maintenant.
Je bondis littéralement vers l'arme sur le canapé. Je réussis à m'en emparer, mais en voulant m'éclipser, il me saisit et on trébuche sur la table qui se fracasse. J'échappe le revolver, mais je rampe sur les débris et parviens à le récupérer. Une fois l'arme en main, je me lève et pointe le canon vers Jaylen qui se redresse lentement. L'alcool le rend moins réactif. Il tangue un peu, fait un pas vers moi et j'en fais un en l'arrière.
Si je tire dans sa tête, je tue un humain. Est-ce que je pourrais vivre avec ça toute ma vie ? Ou ma conscience ne pourra-t-elle pas le supporter ? Ça fait quoi de tuer ? Sinon, je peux juste... lui tirer dans l'épaule... ou non, dans la jambe. Ça me laissera du temps pour fuir et alerter les flics. Seulement, plus il approche, plus je continue de viser sa tête jusqu'à ce que son front vienne s'appuyer contre le canon.
Il me met au défi et si je ne le fais pas à l'instant, il va saisir l'arme. Je ferme les paupières et appuie sur la détente.
...
...
La détente est bloquée. Comme s'il avait entendu mes pensées, il commente :
— Enlève le cran de sûreté.
Il pose ses deux mains de chaque côté de mon corps, ne me laissant aucune issue. Ça l'amuse ? Il veut vraiment mourir ? J'enlève le cran de sûreté et, cette fois, je place le gun contre sa tempe.
— Allez, petite chose. Découvre comme c'est excitant.
Son visage est si près, nos lèvres pourraient se toucher. Cet affrontement devient presque érotique. Cette fois, j'ai le pouvoir, et il réclame de voir ce que je vais en faire.
— Je vais vraiment appuyer !
Son haleine alcoolisée caresse ma mâchoire. Lorsqu'il s'approche de mon oreille, son souffle ardent chuchote tendrement :
— Je sais.
Je ferme les paupières et me rends à l'évidence que oui, je vais tuer un humain, mais il m'a kidnappé. Sa famille est dangereuse. Il faut que je me libère de tout ça. Je dois disparaître très loin. Quelque chose d'obscur traverse mon âme tout entière, provoquant cette forte envie de sang et de meurtre.
C'est le corps tremblant, les mains qui grelottent, que... j'expire un gémissement tout en appuyant sur la détente.
Le son d'un engrenage se fait entendre. Un son de chargeur vide.
Quand j'ouvre les paupières, Jaylen est toujours là, et il sourit malicieusement.
Je suis raide, incapable de parler, mon système nerveux ne fait que trembler. Jaylen vient m'enlever doucement l'arme des mains et la coince à sa ceinture. Il savait que le revolver n'était pas chargé, ce connard. Il a planqué les balles quelque part.
— Tu veux réellement savoir pourquoi je te garde en vie ? Y'a un truc tordu chez toi qui me plaît terriblement. Je ne savais pas exactement ce que c'était. Jusqu'à présent.
Je ne suis pas sûre de saisir les informations qu'il me donne, je suis trop secouée.
Il remet lentement ses mains de chaque côté de mon corps et mon dos vient s'appuyer à nouveau contre le mur. Cette fois, son débit est lent :
— T'as du cran. Tu résistes. Tu provoques.
Il touche une mèche de mes cheveux pour la sentir.
Lorsqu'il presse ses hanches contre moi, je sens son érection pulser sous la barrière de son pantalon. Cette excitation qui émane de lui tétanise mon corps, ne laissant qu'une braise brûler en moi. Son sexe bandé me tourmente et accapare mes pensées et toute mon attention. Perturbée, j'essaie de rouler hors de son étreinte, mais impossible.
— Je tombe en défaillance devant ta beauté et mon âme se pâme en découvrant ta combativité.
Sa bouche frôle mes lèvres et trace plutôt un chemin vers ma mâchoire où déferle une nuée de frissons qui dévore ma chair. C'est tellement intense que ma respiration se fait entendre.
— T'allais tuer à l'instant, ajoute-t-il près de mon oreille. Tu l'as senti, pas vrai ? T'as senti la noirceur te pousser à franchir la barrière. Tu voulais basculer. Je t'assure, Engy, quand tu commets ton premier meurtre... et que tu goûtes aux ténèbres, c'est... divin... addictif... La folie se libère enfin et l'euphorie se déverse dans tes veines.
Le dos de son index brûlant caresse mon bras gelé, laissant une empreinte chaude. Mes seins durcissent et mes tétons traversent le tissu de mon t-shirt. Jaylen remarque la réaction de mon corps et mord sa lèvre. Sa respiration est lente, mais puissante. La mienne est entrecoupée et déficiente.
— Je voudrais juste retrouver ma vie d'avant, Jaylen... arrivé-je à formuler.
— Des parents inexistants, qui te négligent depuis que tu es petite. Un ami qui ne veut que te baiser. Une copine narcissique qui ne se soucie pas de toi.
Comment sait-il tout ça ?! Il m'espionne comment exactement ?
— Comment tu sais tout ça ?! Et puis, tu peux pas comprendre. J'aime ma famille et mes amis. Et visiblement, tu ne connais rien à l'amour.
Il soupire.
— T'as raison, je ne connais pas l'amour. Mon père a tué mon ancienne copine et je n'ai rien éprouvé. Elle avait découvert le cadavre d'un homme dans le coffre de ma voiture. Je ne pouvais pas la laisser rentrer chez elle dans son état hystérique. Elle ne savait pas ce que je faisais. Mon père est rentré à la maison et il a dû la tuer. Donc non, je ne connais rien à l'amour. C'est un sentiment qui m'est totalement inconnu. Cependant, toi, je veux te protéger de lui. Même si tu as vu aussi ce que je suis, y'a quelque chose qui se produit quand nos regards convergent et je veux découvrir ce que c'est en profondeur...
C'est vrai qu'il y a quelque chose qui se produit quand on se regarde ; malgré la peur, la chair de poule, le dégoût, il stimule mon esprit. Je n'ai jamais ressenti ça. Et on dirait que c'est pareil pour lui. Mais je ne sais pas ce que ça signifie exactement. Entre lui et moi, c'est comme tenter de faire une connexion incompatible, les flammèches et la tension électrique que ça produit créent une fusion dangereuse. On a du mal à communiquer, mais nos corps et nos âmes réagissent.
S'il est incapable d'aimer et si Jaylen n'a pas pu protéger sa petite amie de son père, je doute qu'il puisse y arriver avec moi.
C'est terrifiant... C'est moi la prochaine.
Tout à coup, j'ai de plus en plus la tête qui tourne. Il voit que je tremble de plus belle. Ma tension chute, comme si tout le sang de mon corps se vidait. Je deviens blême et froide.
Il remarque que je vais perdre connaissance. Et c'est à l'instant que je fais un malaise vagal et qu'il me rattrape alors que mes genoux flanchent. J'évite de justesse de tomber dans les vapes. Jaylen m'aide plutôt à regagner le canapé pour que je m'étende. Il place même un coussin sous mes jambes. J'ose plonger mon regard dans le sien. Je dois lever les yeux. J'essaie de lire ses pensées. C'est impossible. Il y a un voile sombre, bloquant presque l'accès à son âme. Il a l'air épuisé. L'ivresse dans son corps le calme, mais il semble avoir grand besoin de sommeil, comme s'il n'avait pas dormi depuis des jours.
Je baisse la tête et son index vient se poser sous mon menton pour que je soutienne à nouveau son regard.
— Je te fais la promesse que mon père ne te fera aucun mal.
Je suis comme dans un engrenage : déjà fuir, me met en danger tout comme aller voir la police, parce que rien ne me garantit que son réseau n'a pas de contacts. Je ne pourrais pas dormir tranquillement chez moi. Il a réussi à créer une situation pour m'obliger à rester sous son emprise, car lui seul me protège en ce moment. On dirait qu'il a tout calculé pour que je dépende de lui.
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