Chapitre 16 ( nouvelle version )

Engy


J'ai mal au crâne. C'est la première chose qui m'agresse en ouvrant les paupières. La dernière chose dont je me souviens, c'est d'un coup porté à ma tête qui m'a mise K.O. Juste avant... je crois que quand j'ai entendu les mots de Jaylen : « C'est comme si c'était déjà fait », indiquant à son père qu'il allait me tuer, je me suis emportée. J'étais hystérique. J'ai hurlé. Le père et les frères Jann me regardaient comme un animal sauvage en cage. Je ne contrôlais plus rien. Le sentiment d'impuissance et la peur de mourir m'ont fait perdre le nord. Ensuite... c'est devenu flou. Je crois que son daron m'a frappée, puis... je suis tombée.

En me réveillant, je découvre que mon nez est sensible et qu'un peu de sang séché le tache. Seulement, ce n'est pas vraiment ce qui me préoccupe. Je suis plutôt intéressée par mon nouvel environnement.

Je sens mon cœur tambouriner.

Où est-ce que je suis ?!

Mes yeux tombent sur une chaîne à ma cheville ; ça, ça n'a pas changé, mais le décor, si.

Je me redresse sur le lit avec précaution. Je suis dans une chambre complètement vide. La fenêtre est même placardée.

J'essaie de ne pas faire de bruit et de sortir de la pièce.

C'est une cabane. Et je crois que je suis seule...

D'emblée, je vois dans le salon deux canapés poussiéreux. Il y a une petite table pour manger et une cuisine. L'endroit semble à l'abandon et désert depuis des années.

La peur au ventre, je fais un pas devant l'autre, alors que mes genoux flageolent et menacent de céder. Des larmes d'anxiété et de peur coulent sur mes joues.

En me rapprochant de la porte, je distingue par la fenêtre de la pièce voisine, un champ de maïs qui s'étend à perte de vue. C'est l'aube, le soleil pointe à l'horizon. Ça veut dire que j'ai été dans les vapes très longtemps. Mais un truc cloche. Ce n'est pas le coup de poing reçu qui m'a rendue inconsciente aussi longtemps. Je me sens engourdie. Un peu comme quand je prends les somnifères à ma mère. Ce qui m'indique qu'une fois sonnée, on m'a peut-être injecté un sédatif pour que je ne me réveille pas de sitôt.

S'il n'y a personne et que je suis seule, je dois trouver un moyen de m'échapper.

C'est pourquoi je frotte mes yeux encore un peu embrumés et suis la chaîne pour voir où elle me mène. Je tombe sur une pièce servant de débarras avec une ancienne bonbonne de propane et du bois de chauffage empilé. Ma contrainte est vissée dans une plaque de métal au plancher. J'essaie de tirer dessus, mais c'est très solide.

Soudain, j'entends japper et je tressaille. J'approche à nouveau de la porte vitrée et découvre le doberman de Jaylen, attaché à la rampe de l'escalier tout en bas du porche. Son agressivité et sa réaction en me voyant me font comprendre qu'il est là pour me surveiller en l'absence de Jaylen.

Qu'est-ce que je fous ici ?! Il m'a vendue ?! Quelqu'un va-t-il bientôt venir ?! Ou c'est ici qu'il prévoit de me tuer et de m'enterrer dans le champ ?! Je suis dans quel État, quelle ville ?!

J'aimerais revoir ma mère et mon père. Entendre à nouveau les blagues de mon ami Dustin et faire des sorties entre filles avec Bev. Je veux juste retrouver ma vie d'avant, aussi banale soit-elle, mais ô combien sécurisante et réconfortante.

Je décide de ne pas rester les bras croisés et de trouver un moyen de me libérer. Il suffit d'avoir un outil pour briser la chaîne ou de trouver un truc pour me défendre quand quelqu'un se pointera.

Je fouille tous les placards de la cuisine ainsi que les tiroirs. Il n'y a aucun couteau ni même de fourchette. Les armoires contiennent des verres et des assiettes en plastique, le reste est vide. Il y a un petit frigo qui me fait penser à celui des chambres de motel miteux. À l'intérieur, il y a des bouteilles d'eau et de la nourriture : des fruits, des légumes, du yaourt, du fromage. Une armoire contient du pain et des boîtes de conserve de toutes sortes. Tout ça me pousse à me poser des questions sans réponses.

Pourquoi me nourrir si ma mort est programmée ?

Oh NON !

Je tourne vivement la tête vers la porte en entendant le son d'un moteur gronder.

La Challenger.

Je cours vers la porte pour voir le véhicule de Jaylen traverser le sentier qui mène à la cabane.

J'ai nulle part où me cacher et je ne peux pas le fuir avec cette foutue chaîne ! De toute manière, je suis tellement effrayée que je reste campée devant la porte.

Ce Jann sort de sa caisse, va vers son coffre et y prend un sac de sport.

Il y a quoi là-dedans ?

Mon cœur cogne si fort que c'en est douloureux. Lorsqu'il s'approche de la cabane, son chien s'écarte et Jaylen grimpe les marches. Plus il fait de pas vers moi, plus je recule.

Il entre dans la cabane et je sens mon sang se glacer. Comme si sa présence imposante et son regard ombrageux me dominaient. Il me fait sentir tellement faible...

Je recule jusqu'à la cuisine tandis qu'il s'arrête à la table basse du salon pour y déposer le sac noir. Il l'ouvre et s'empare d'un truc en particulier. Un bouquin, qu'il vient déposer sur la table de la cuisine tout près de moi.

Le livre est celui qui se trouvait sur ma table de chevet.

Ça veut dire qu'il est... entré chez moi... ?

— Je vais aller donner de l'eau à Box, je reviens.

Box... Il a surnommé son chien « boîte » ?

Lorsqu'il me tourne le dos pour aller vers l'extérieur, j'ai un réflexe incontrôlable. Je m'empare du roman et le lui lance derrière la tête, le plus fort possible !

Ce fils de pute est entré chez moi ; et si jamais il a fait du mal à ma mère ou...

Sans que je ne m'y attende, Jaylen se retourne, sa main tatouée attrape ma chaîne au sol et donne sauvagement un coup, ce qui me fait basculer et je tombe à la renverse. Il tire ma contention jusqu'à ce que je me retrouve, soumise, à ses pieds.

Sa main puissante – dont les muscles saillants roulent sous la peau de son bras – ramasse ma gorge en la serrant. Il me soulève comme si j'étais un vulgaire pantin.

Je ne peux plus respirer.

— Si t'es pas reconnaissante, rien à foutre, je t'exécute tout de suite. Soit tu dis merci, soit je t'égorge. T'as aucune idée des risques que je prends pour toi en ce moment. Ne joue pas la capricieuse ; les faibles et les princesses me répugnent. Je me suis peut-être trompé, j'avais cru déceler autre chose en toi.

Il ne me relâchera pas tant que je ne l'aurai pas remercié. Mais je ne comprends pas tout ce qui se passe. Néanmoins, mon esprit essaie d'assimiler tous les éléments. Il a pris des risques, il veut que je sois reconnaissante, sinon il me tue.

Le parfum de son après-rasage flotte entre nous. Même son t-shirt dégage une bonne odeur. Tout mon corps est électrisé, comme si sa main sur ma gorge m'obligeait à me soumettre alors que ce n'est pas mon genre de faire ou dire ce qu'on attend de moi. Mais d'une part, rien ne l'oblige à me garder en vie, alors je bredouille faiblement pendant qu'il m'étrangle un peu moins :

— Merci...

Il relâche la pression sur mon cou et mon corps s'enflamme, comme s'il avait laissé une braise se répandre pour me consumer. J'ai soudainement chaud. Ma nuque est humide. Une douce pression suivie d'une contraction se logent dans le bas de mon ventre.

Une sensation inconnue et qui m'échappe totalement.

Est-ce du soulagement parce que je vais vivre ? Ou c'est sa main qui me touche et ses yeux plongés dans les miens qui ont provoqué cette crampe ?

— Considère ta capture et cet endroit comme ma façon de te sauver la vie, petite chose...

Petite chose ? Pourquoi il m'appelle comme ça ?!

Je le vois disparaître dans la salle de bain et, de manière nonchalante, je le vois ouvrir sa braguette pour uriner dans les toilettes. Je me tourne pour ne pas le regarder, toujours furieuse, et enchaîne :

— Ne m'appelle pas petite chose ! Et t'es rentré chez moi... Jaylen.

Je l'entends terminer et c'est seulement maintenant que je me retourne pour le voir retirer son t-shirt par cette chaleur et essuyer la sueur sur sa nuque.

Il balance d'une voix tyrannique :

— Je fais ce que je veux, Engy.

La vue de son corps me frappe comme la foudre et me rend mal à l'aise. Je détourne les yeux et réprime un rire excentrique.

La colère monte en moi quand je pense que ma mère est chez moi le jour. Comment est-il entré alors qu'elle était là ?! Il lui a fait du mal, c'est clair.

— Tu t'en es pris à ma mère ?

J'ai un trémolo dans ma gorge.

— Peut-être... peut-être pas...

Je me pince les lèvres. Je me souviens quand je lui ai dit « peut-être... peut-être pas » que j'avais peur de lui, quand je suis allée toquer à sa porte. Il joue avec moi psychologiquement. Il va me détruire émotionnellement ?

Je sens que je vais craquer à force de ne pas avoir de réponse. Il joue avec ma vie, et maintenant celle de ma mère en l'approchant.

J'ai une vue sur ses abdos, ses muscles découpés, son tatouage qui décore sa main et qui longe son bras. Le V qui plonge sous sa ceinture laisse paraître d'énormes veines qui serpentent sur sa peau.

Il remarque que je le détaille un peu trop et lance :

— T'aimes ce que tu vois, petite chose ?

Je serre les dents.

— Non... je déteste ce que j'ai sous les yeux, dis-je. T'as pas d'âme. La fille dans la baignoire, Émilie, ne méritait pas ça ! Et tu sais le pire dans tout ça, c'est qu'il semble y en avoir eu beaucoup d'autres avant elle.

Mon corps tremble, et je n'arrive plus à me contrôler.

J'explose, sans restreindre le débit de mes paroles :

— Je te déteste au plus profond de mon être, Jaylen ! Tu me retiens en cage ! Je n'ai plus de vie ! Je ne suis que ton jouet. Je ne veux pas être enchaînée jour après jour !

Éprise d'un moment de folie où je vois tout noir autour de moi, j'ouvre un placard et m'empare des boîtes de conserve, une à une, puis je commence à les balancer avec furie sur lui.

Il les esquive de justesse. L'une d'elles fracasse le mur de bois, passant littéralement à travers.

— Tu pourras pas me supporter, je te le garantis ! T'auras pas le choix !

— Putain, arrête ! me crache-t-il. Sinon...

— Sinon quoi ? crié-je à pleins poumons. Tu vas encore me droguer comme après le manoir avec une seringue ? Tu crois que je vais rester docile et faire tout ce qu'un malade me demandera de faire ? Hein ? T'as prévu me garder un an, six ans, quinze ans à ta merci ?!

J'empoigne le grille-pain sur le comptoir et tire assez fort pour que le cordon d'alimentation soit proche de me fouetter le visage. Je le lui balance et il évite encore une fois mon attaque.

— Je vais m'énerver ! souffle-t-il en fermant les yeux, sentant qu'il pourrait commettre un geste irréparable.

Eh bien, qu'il le fasse !

Je vais tout saccager, allant jusqu'à saisir une chaise de cuisine pour la jeter dans sa direction. Je suis au comble du désespoir, je veux sortir d'ici ! Rentrer chez moi !

Je pousse le petit frigo sur le comptoir pour qu'il percute le sol. Je ne vais pas vivre ici !

Cette fois, il se penche pour agripper ma chaîne qui traîne, mais d'un coup de pied, je l'écarte et il la loupe de justesse.

Il essaie de m'attraper, mais je contourne la table. Il fait valser cette dernière pour arriver à m'atteindre. Son corps frappe le mien et on tombe au sol tous les deux. Jaylen me maîtrise tout en retenant mes poignets au-dessus de ma tête. Je ne peux pas remuer, son corps écrase le mien.

J'éclate en sanglots, tourne le visage pour qu'il ne me voie pas pleurer.

— Arrête ! Arrête, Engy ! Tu n'as pas encore compris que je ne te veux aucun mal !

Il est en train de foutre en l'air ma santé mentale. J'essaie de libérer l'une de mes mains, mais il resserre sa prise.

— Engy, lâche prise ! Tu n'arriveras à rien comme ça ! Et ta mère ne s'est rendu compte de rien, elle était sous somnifères ; j'ai vu son flacon.

— Enlève-toi ! Ne me touche pas ! Tu dis que tu me veux aucun mal, mais on n'a pas la même perception des choses, Jaylen ! Tu tues des gens ! Tu m'enchaînes ! Je veux juste rentrer chez moi ! Je t'en prie ! Et t'as... t'as laissé ton frère me tabasser au manoir... il... il allait me violer ! Et tu savais... Je te déteste...

De nouvelles larmes de haine s'échappent de mes yeux, à la vision troublée.

Soudain, en entendant mes mots, les menottes formées autour de mes poignets par ses mains robustes se retirent...

J'en profite pour frapper mon voisin au visage et au torse. Il ne réagit pas ; non, il se laisse faire, encaissant les coups. Il sait qu'il le mérite.

Qu'il mérite pire.   





https://youtu.be/bR5u9jb0PJE

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top