Chapitre 14 ( nouvelle version )
Engy
À mon réveil, j'ai terriblement froid, comme si mon corps n'avait pas bougé depuis un moment et que ma circulation sanguine avait ralenti. Je ne sais pas depuis combien d'heures je suis dans les vapes. J'ai un léger hématome qui gonfle un peu ma pommette. Je me souviens vaguement d'avoir été à la merci de Jonas dans une chambre, d'avoir senti ses coups et même ses doigts en moi. J'en ai la nausée. Je ne me souviens plus trop de la suite. J'ai un bref souvenir des traits stoïques de Jaylen et de moi qui m'écroule dans ses bras. Il n'y avait personne à l'étage du manoir ; ils ont réussi à me faire sortir sans se faire voir ? Quelqu'un est-il à ma recherche ? Ça me terrorise de penser que personne n'a rien vu, car je ne sais pas où je suis, ni ce qu'on va faire de moi. Ni même si un jour on me retrouvera.
Je passe d'abord mon corps en revue. Des tas de scénarios se bousculent dans ma tête, plus effrayants les uns que les autres. Je porte encore ma robe. Mon téléphone caché dans mon bustier n'y est plus. Ma main tremblante tâte mon entrejambe, faufilant mes doigts sous ma culotte pour essayer de voir si j'ai une blessure, une enflure, du sperme... La pulpe de mes doigts est couverte de sang. Je ne crois pas que ce soit une blessure, je n'ai pas de douleur ; je pense que ce n'est que le sang de mes règles. Je ressens aussi que ma vessie va exploser. Le réflexe de me contrôler ne va plus tenir longtemps. La faim aussi me ronge l'estomac. Je la sens de plus en plus, à mesure que mon corps s'éveille.
Après l'analyse de mon état, je prends conscience de mon environnement. Je reconnais cette cave. C'est celle de mes voisins. Je me retrouve sur ce matelas poisseux avec la tache marron indiquant que quelqu'un est assurément mort là.
Couchée sur le côté, je me redresse, et c'est à ce moment-là que j'entends un bruit de chaîne.
Ma cheville est attachée.
Une bouteille d'eau est posée à côté de moi. Je m'en empare comme si j'étais déshydratée depuis des jours. J'avale tellement vite, mais maladroitement, que de l'eau déborde de chaque côté de ma bouche.
Pourquoi me garder ici ? Pour combien de temps ? Si je suis un témoin gênant, pourquoi ne m'ont-ils pas encore tuée ? Après tout, je crois que Jaylen s'y connaît bien en matière de meurtres. Ce n'était pas sa première fois. Je préfère mourir plutôt que de rester captive.
Je me retourne pour voir un peu ce qu'il y a dans l'ombre. Une pièce démolie : il manque la moitié des murs. C'était visiblement une ancienne salle de bain. Les toilettes ne sont plus là, mais une baignoire repose sur des débris. Le carrelage au sol est tout arraché, comme sur les murs, ne restant que les poutres. On dirait un film d'horreur dans lequel je me suis fourrée, et la nana qui va le payer cher, c'est moi.
Soudain, je reconnais le grondement de la voiture de Jaylen à l'extérieur.
Terrorisée par ce qu'il va me faire, je replie mes jambes pour me recroqueviller le plus possible en adossant mon dos contre une poutre en bois.
Il éteint le moteur.
J'ai vraiment peur.
Une longue minute s'écoule avant que je n'entende la porte d'entrée s'ouvrir à l'étage.
Je serre un peu plus mes genoux contre ma poitrine et la nervosité fait trembler mon être sans que je ne puisse l'arrêter.
Le son de ses pas lents qui font craquer chaque marche est anxiogène.
Ce sera bientôt à mon tour de laisser du sang sur le matelas...
Je sens que je vais vomir tellement la frayeur me persécute le corps et l'esprit.
Jaylen apparaît.
En relevant mon regard tétanisé sur lui, je découvre le sien, complètement vide, sombre et profond, comme si les abysses de l'enfer me regardaient à travers son âme impure et souillée de sang.
Il a ce pouvoir de me brûler la peau rien qu'en posant ses yeux sur moi, tel le diable en personne. C'est comme si je voyais ma propre mort dans le reflet de ses iris.
Jaylen est froid et austère. En plus d'être grand et musclé, ça me fait sentir misérable et vulnérable. Je n'ai aucune chance de survivre. Je sens déjà les supplices et les tortures qu'il veut m'infliger.
Il porte encore un sweat noir avec la capuche rabattue sur sa tête. Il fait un pas vers moi. Je tressaille, faisant un bruit de chaîne.
Une fois près du matelas, il fléchit les genoux. Gardant les jambes repliées sur moi, je tire sur le bas de ma robe pour cacher chaque centimètre de mes pieds, par peur qu'il en saisisse un pour me tirer vers lui.
— Pourquoi... pourquoi je suis là ? osé-je demander.
Il ne répond pas. Il ne fait que me contempler, ce qui fait augmenter dangereusement les battements de mon cœur qui pompent l'adrénaline, comme une proie qui se retrouve en face d'un prédateur.
Il se rapproche, mettant un genou sur le matelas. Il est si près. Mes tremblements augmentent lorsque je vois sa main toucher une mèche de mes cheveux, et je me fige quand il rapproche son visage pour me humer.
— Tu... tu vas me violer ? dis-je alors qu'une larme naît au coin de mon œil et roule délicatement le long de ma joue endolorie.
Je sais que ses yeux sont rivés sur moi. Il me fixe alors que je l'évite en regardant plutôt l'escalier en face de moi, où je rêve de fuir. Il le voit, il le sent.
Il s'écarte juste un peu pour s'intéresser à la chaîne et vérifie si les attaches sont bien ancrées dans le béton. Quelque chose me dit que ce n'est pas lui qui m'a installé la chaîne, sinon il n'aurait pas à vérifier sa solidité.
Soudain, j'entends à nouveau la porte à l'étage et plusieurs pas s'enchaîner. Ce sont les jumeaux qui descendent l'escalier sombre. Les deux unissent leurs forces pour transporter quelque chose à la cave. Quelque chose de long et... lourd, emballé dans... une bâche noire.
Mon corps se raidit.
Jaylen pianote sur son téléphone pendant que Jonas et Joshua déplacent ce truc vers la baignoire dans la pièce derrière moi. Subtilement et... par curiosité, je regarde à travers les murs défoncés de quoi il s'agit. Les frères détachent les cordons aux extrémités de ce truc pour pouvoir le déballer, puis ce qui se trouve à l'intérieur du plastique se dévoile...
Oh... putain... de merde !
J'ai le temps de voir une jambe et rapidement, je détourne le regard. Je ne veux pas voir ça !
Un violent vertige s'empare de moi, laissant des picotements sur tout mon corps. Une nausée monte dans ma trachée et ma vision devient brouillée.
Ne perds pas connaissance ! Ne perds pas connaissance ! me répété-je.
Je sais d'emblée que je suis la prochaine à aller là. Je serai morte dans peu de temps.
Je me retourne pour vomir là où il y a une tache de sang sur le matelas, mais rien ne sort de mon estomac.
Je tousse, voulant juste gerber sans y arriver. Mon ventre se contracte, mais la seule chose qui sort de ma bouche est un long filet de bave qui vient se faufiler dans mes cheveux.
Je me couche sur le côté, en boule, une sorte de position fœtale, cherchant à faire s'évader mon esprit loin d'ici. Je ferme les yeux et un bruit irritant sonne dans ma tête, bloquant tous les sons de mon environnement. Un bruit comme si ma tête avait percuté quelque chose alors que c'est juste mon âme qui prend un coup du fait de l'horreur qui se déroule près de moi.
Si les frères Jann me laissent encore une nuit ici, avec ce macchabée dans la pièce d'à côté, je ne vais pas le supporter. Je vais faire des cauchemars. Je préférerais trouver un truc pour pouvoir m'ouvrir les veines plutôt que de souffrir entre leurs mains.
Je laisse le temps passer, ne voulant pas voir ni entendre. Mes bras cachent ma tête – réflexe, par peur du moment où ce sera mon tour. Dans quelques minutes ? Dans quelques jours ? Quand ?! Comment ?! Ça va faire mal ?! Bien sûr que oui !
J'ai de plus en plus envie de faire pipi, je n'arriverai pas à me retenir. Je serre les jambes et mets mes mains entre mes cuisses, comme si ça allait m'aider.
Au bout d'un moment, Jaylen s'en rend compte puisqu'il s'intéresse de nouveau à moi et se penche pour m'agripper le bras.
— Te soulage pas sur le matelas, sinon tu vas devoir dormir dans ton urine.
Il me soulève sans mal. Debout, je sens mes genoux qui vont lâcher. Je peine à avancer, ne comprenant pas où il veut m'emmener.
La chaîne est assez longue et le son augmente ma paranoïa. En fait, il ne m'emmène pas aux toilettes, il va me trancher la gorge dans cette baignoire ! Non, sinon il n'aurait pas dit que j'allais dormir sur le matelas.
Je n'y comprends rien !
J'ai un réflexe de recul alors que mon dos se plaque contre le torse dur de Jaylen, qui n'hésite pas à me pousser pour avancer vers le cadavre dans la baignoire.
Dès que je suis confrontée à la fille, je constate ses nombreuses blessures. Elle a été poignardée à de multiples reprises.
— Josh, va lui chercher une serviette mouillée pour qu'elle se lave.
Me laver ?
Joshua, qui était occupé avec son téléphone, disparaît à l'étage. Je ne me retrouve qu'avec Jaylen et Jonas qui retire le string mauve de la fille morte. Pourquoi ? Il ne va pas garder ça ?
Si, il le fourre dans sa poche.
Je sens les doigts de Jaylen agripper ma nuque pour m'inciter à avancer encore un peu plus. Sa prise a l'effet inverse ; je suis médusée.
— Assieds-toi sur le bord de la baignoire et fais ce que t'as à faire...
Quoi ? Non ! Je ne vais pas pisser là-dedans ! Il est malade, lui ?! Y'a un cadavre !
Il semble tellement y avoir eu de victimes ici que le béton est taché de sang vieilli, presque brun, même sur les murs en crépis.
Mon voisin me force à nouveau à avancer vers la femme dans baignoire et, la peur au ventre, le corps tétanisé, c'est trop tard : le sphincter de mon urètre se relâche. Je sens le liquide couler entre mes cuisses, formant une petite flaque sur le carrelage déjà infecte.
Même si la honte me dévore, je préfère largement me faire dessus que d'approcher ce cadavre.
— Hum... Je te fais une golden shower si t'aimes ça être souillée, princesse, me pique Jonas.
Quoi ? C'est un de ses fantasmes ?!
J'ai vaguement entendu une fois ce qu'était une golden shower. Il me dit qu'il est d'accord pour me pisser dessus n'importe quand si j'aime me salir ou être humiliée.
Il n'est vraiment pas net.
Jaylen m'empoigne le bras et me ramène près du matelas. Avec sa force brute, il me fait tomber.
Je crois que ça l'a irrité que j'ai eu peur à ce point. Mais d'un autre côté, j'ai réussi à ne pas faire ce qu'il m'a ordonné. Psychologiquement, c'est comme si je venais de déjouer ses exigences.
Joshua revient peu après avec une serviette passée sous un jet d'eau chaude. Je préfère ça plutôt que quelques bouts de papier de toilette.
Pendant que je me mets debout et qu'ils sont tous les trois en train de discuter près du bain, je relève discrètement ma robe et me nettoie.
Ma serviette est plutôt couverte du sang de mes règles. Je remarque à deux reprises que Jonas prend un malin plaisir à me lorgner subtilement. Ce mec promet de me faire vivre un véritable enfer par son regard. Je ne sais pas encore comment, mais c'est un présage définitif. Il semble y avoir davantage d'idées qui lui traversent l'esprit et d'images dans sa tête que je ne voudrais absolument pas voir.
J'ai toujours été audacieuse, forte, peu craintive. Me retrouver ici, avec eux, à voir tout ça, c'est une descente aux enfers. Je perds tout mon courage, ma lucidité, ma force. C'est comme si je ne valais plus rien. Mais mon caractère résiste encore. Je le sens vouloir riposter en moi, vouloir fuir, vouloir se battre.
Quand ils terminent de discuter, Joshua revient vers moi. Il a une de ces crinières d'un magnifique brun mordoré et son regard dégage l'altruisme, ne laisse pas entrevoir qu'il est abominable tout autant que ses frangins. C'est déconcertant car je ne sens pas de malice dans ses yeux ; il a l'air réfléchi et patient. Il ne m'a pas encore fait de mal physiquement. Mais je me méfis...
Joshua me pointe la baignoire du doigt.
Il veut que j'aille mettre ma serviette imbibée d'urine et de sang sur le cadavre ?!
— Va jeter ça dans le bain, me somme Joshua. Je mettrai tout dans des sacs poubelles sous peu. Après avoir découpé la fille en morceaux...
Ses propos me font frissonner de dégoût. Je le fixe, totalement déconnectée, comme si tout ça était irréel pour moi.
Il insiste et, sans savoir pourquoi, mon esprit lui obéit : je marche vers le corps inerte, sans vraiment le regarder. Le bruit de la chaîne me suit.
— Elle s'appelle Émilie, commente Jaylen.
— S'appelait, rétorqué-je. Tu l'as tuée.
Je balance la serviette dans la baignoire pour vite m'en débarrasser et, en me retournant, je suis confrontée au sourire de Jaylen.
Il croise les bras. Il a l'air mignon comme ça. On ne dirait pas un tueur. J'imagine qu'en public il cache bien son jeu. Il a du charme, un corps sculpté qui ferait rêver toutes les nanas, mais ce qui se cache derrière le masque enjôleur est bien trop effrayant.
— Quand tu souris malicieusement comme ça, dis-moi, c'est la partie psychotique dans ton crâne qui s'active ? C'est une psychose ?
Je ne sais même pas pourquoi je lui parle. J'ai juste envie de riposter, de le frapper.
Il fait un pas en avant et tout mon corps se crispe. En étant plus près, il m'offre une réponse qui me force machinalement à fermer les poings si fort que je sens mes jointures blanchir.
— Si j'étais en psychose, Engy... je ne me tiendrais pas face à toi en étant aussi... calme. Je serais en train de m'exciter à l'idée de te découper la tête, rêvant de l'embrasser une fois décapitée... Je serais en train de peindre les murs avec ton sang et de me masturber avec... Tu veux pas voir ça... Si je souris, c'est simplement parce que je te trouve adorable...
Je me sens chétive. Le sang dans mon corps a chuté dans mes veines. Je ne me sens pas très bien. Je pourrais m'évanouir à tout moment, mais je lui tiens tête et je ne sais pas pourquoi.
— Adorable ? Une fille enchaînée dans ton sous-sol, qui se pisse dessus parce qu'on la force à approcher un cadavre, tu trouves ça a-d-o-r-a-b-l-e ?! T'as jamais pensé à aller voir un psychiatre ?! Pourquoi tu ne me violes pas et ne me tues pas tout de suite ? C'est barbare de m'enchaîner !
Son sourire disparaît.
— Tu veux que je te viole ?
Je fronce les sourcils.
Je suis perdue, là. C'est une vraie question ou une réflexion ?
— Je... non.
— Alors, pourquoi tu me le demandes ?
Mon regard fuit vers Joshua qui attend ma réponse, et sur Jonas qui se retient de rire. J'ancre à nouveau mes yeux dans ceux de Jaylen qui me toise durement.
— Je... je... je croyais que...
— Je, je, je, répète Jonas. C'est vrai ça, Jaylen, elle te demande de la violer, vas-y. Ce n'est jamais arrivé avant toi, Engy, une victime qui implore de le faire, et tout de suite !
J'avais cru comprendre que c'était ce qui allait se passer. Avec Jonas qui a essayé de m'agresser et le fait d'être séquestrée ici, sinon on m'aurait tuée plus tôt.
— Je sais juste pas ce que vous attendez de moi ! Pourquoi je suis ici ?! J'attends quoi ?! Vous voulez quoi ?!
— Juste te faire disparaître... révèle Jaylen.
Ce dernier s'éloigne sous mon regard ébahi, j'essaie de le rattraper. Je saisis sa manche et le retourne vers moi.
— Me faire disparaître pourquoi ?! Qu'est-ce que j'ai fait ?! Je t'en prie ! J'ai que dix-sept ans ! Regarde-moi, j'ai compris ! Je ne dirai rien à personne ! Jamais ! Ne me tue pas !
— C'est pas moi qui veux te tuer, assure Jaylen d'un ton froid qui me glace le sang.
— Quoi ?!
— C'est mon père. Et tu vas bientôt le rencontrer...
Jaylen force sur son bras pour que je le lâche et s'éloigne vers l'escalier pour disparaître complètement. Jonas le seconde en m'offrant un client d'œil alors que mon sort l'amuse.
Seul Joshua reste avec moi, mais je ne suis pas au bout de mes peines. Je le vois enfiler un tablier en latex noir et, muni d'une scie électrique qu'il ne branche pas loin de la baignoire, il commence à découper le corps d'Émilie sous mon regard traumatisé.
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