Réveil

Elsa se redressa dans son lit, surprise. Il y avait quelque chose de différent dans l'atmosphère, dans le silence qui baignait l'aube d'été. Mais elle ne parvenait pas à déterminer ce que c'était.

C'était... Bizarre. Vraiment. Elle sentait un vide, un creux.

Comme un souvenir mal arraché, peut-être. Il manquait quelque chose, c'était évident, mais elle ne pouvait absolument pas déterminer ce que c'était.

Elle se leva, se frottant les yeux, tentant de chasser cette étrange sensation, se disant que ce n'était que l'effet d'un rêve encore figé en elle.

Debout au milieu de la chambre, elle saisit sa brosse à cheveux et commença à démêler sa crinière d'ébène, refaisant une liste de ce qu'elle avait fait ces derniers jours, les habitudes qu'elle avait mises en place pour ne pas plonger dans l'angoisse qui l'attendait à chaque minute. Il devait bien y avoir quelque chose de changé, pour ce sentiment persistant qui ne venait plus du sommeil, la jeune femme en était à présent convaincue.

C'était comme si son cerveau était ralenti, comme si sa mémoire se dérobait face à son exploration, refusant d'accomplir la tâche qui semblait pourtant facile.

Soudain, elle s'immobilisa. Son regard avait accroché son carnet, son petit carnet de notes dans lequel elle confiait chaque impression de sa vie. Elle y écrivait presque chaque jour depuis cinq ans, cela faisait partie de sa routine. Là, dans son récit, il y aurait sans doute la réponse.

Figée sur place, elle secoua la tête, remettant la résolution de l'énigme au moment où elle serait prête à affronter les méandres de son cerveau.

Une grimace lui monta aux lèvres.

Son cerveau.

Une terre inconnue qu'elle ne cessait de redouter, qui pouvait provoquer des crises de panique au moindre mot ou geste posé de travers, qui lui donnait des cauchemars éveillés, dont les associations et les réactions étaient bien trop fortes.

Il y avait une bombe enfouie quelque part dans son esprit, Elsa le savait. Elle avait tenté de la déterrer, de la comprendre, de l'apprivoiser, utilisant ses premiers salaires pour se payer des séances chez un psychiatre. Sans beaucoup de résultats, mais on lui avait prescrit une série de médicaments qui limitaient les crises, faisaient taire en partie les spirales de pensées où elle s'enfonçait si souvent.

Restait ce vide obsédant maintenant, et ses pensées toutes focalisées sur ce manque.

Grignotant sa tartine de confiture du bout des lèvres, ses yeux de glace figés dans le lointain, elle creusait sa mémoire avec précaution, craignant de déclencher une énième crise de panique.

Pourquoi ce vide ?

Vide dans lequel elle allait se noyer, elle le savait. Si elle plongeait...

Si tu plonges dans le passé, prends garde de ne pas t'y noyer.

Injonction longuement répétée et apprise, qui la faisait reculer quand elle trouvait quelque chose près du trou de sa mémoire quand elle avait huit ans.

Injonction pour laquelle elle était toujours restée en retrait, jouant avec sa timidité naturelle, de crainte que de potentiels amis ne lui demandent son histoire.

Injonction qui pesait de plus en plus lourd pour Elsa. Injonction gravée jusqu'au fin fond de son identité, injonction dont elle commençait à vouloir se débarrasser.

C'était pour ça qu'elle avait commencé son carnet de bord, c'était pour ça qu'elle passait de longues heures chez le psychologue en plus de son médecin psychiatre, que son temps libre se passait en explorations interminables d'Internet pour trouver une source de traumatisme.

Elle savait que ce pouvait être dangereux.

Mais elle voulait se comprendre car elle était trop seule pour que quiconque d'autre le fasse.

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