Chapitre IV (1/3)
LA TRACEUSE,
ou COMMENT POURSUIVRE UNE CHIMÈRE
Le jour, l'Anommé rase les murs, de peur de croiser les soldats qui le mèneront à l'échafaud. Mais la nuit, c'est une autre affaire. Les rues de Sérègue sont très peu éclairées, si bien qu'il peut s'y promener sans crainte d'être reconnu, sa silhouette seule menaçant le passant qui l'apercevrait se dresser dans l'ombre de la lune. Vêtu de sa longue cape noire, l'ample capuche couvrant sa tête, et un col remonté jusque sur son nez, ne laissant rien paraître que ses yeux tranchants, il se coule aisément dans l'obscurité. Enfin, malgré cet accoutrement confortable, cela fait plusieurs nuits qu'il erre. En clair : l'Anommé patauge. De chimère, il n'a pas encore vu les griffes.
Et à mesure que les jours s'égrènent, l'impression amère de n'être à la poursuite que d'une simple rumeur grandit. Il n'en finit pas de tourner en rond : chaque fois qu'il tombe sur la Garde, il se retrouve obligé de tourner les talons à la hâte. Toutes les braves gens qu'il a interrogées lui disent la même chose : « On n'a rien vu, on dormait » ou « Ah vous savez... ! » plein de sous-entendus obscurs et de commérages de voisinage.
Toutefois, malgré l'impasse vers laquelle cette affaire semble le mener (sans mauvais jeu de mots), il arpente le dédale séréguien et suit son instinct. En filature, il n'a jamais été très doué – lui, son fort, c'est plutôt de foncer droit dans l'antre du monstre et l'égorger d'un savant coup d'épée. Il poursuit une piste, donc, pour ainsi dire, la seule qui l'intéresse assez. Car il y a bien un nom, qui revient parfois : celui d'une herboriste. Sorcière, dans toutes les langues et dialectes, il a pu l'entendre. Et suivre une hirondelle n'est pas une tâche aisée...
Un court instant d'inattention et l'hirondelle lui a échappé à cause de ces deux geignards qui se cachaient dans le noir. Cela fait plusieurs jours et nuits qu'il la suit sans un instant de répit. La fatigue commence à peser sur ses épaules. Il grince des dents et poursuit sa route tout en réfléchissant.
La tournure que prend cette affaire ne lui plaît pas. L'Anommé ne chasse pas les humains, jamais. Qu'ils soient mages ou disposent de qualités hors du commun n'y change rien. Mais la société séréguienne a tôt fait de juger les marginaux plutôt que de débusquer les véritables malfaiteurs, quels qu'ils soient. Et toujours cette impression latente de faire fausse route. Comme si l'on avait monté cette affaire pour détourner l'attention d'un tout autre problème... Enfin, il balaye ses réflexions ; il sera fixé après l'avoir interrogée – ou après avoir obtenu une preuve flagrante de ses méfaits.
Dans le coin de son œil, un furtif mouvement à l'angle d'une ruelle. Là. Il s'y engouffre sans plus attendre, mais se retrouve dans une impasse. Décontenancé, il s'apprête à rebrousser chemin, lorsqu'un bruit ténu attire son attention. Il tente de percer le noir, mais pas de chance, l'impasse est à peine éclairée par la lueur de la lune.
Puis, soudain, le vent siffle à son oreille. Une flèche acérée, qui tourne déjà à la prochaine intersection. Abandonnant toute discrétion, l'Anommé peste et s'élance à la poursuite de cette créature bien trop vive. Bien sûr, il aurait dû se douter qu'il se ferait remarquer. Il s'est fait prendre à son propre piège.
La fine silhouette de l'oiseau se fond dans l'ombre avec rapidité, elle esquive les moindres obstacles sur lesquels l'Anommé bute. Les ruelles de Sérègue sont étroites et leur pavé, irrégulier. Jonchées de trous, crevasses et déchets en tous genres, elles ne sont pas faites pour les promeneurs pressés. Dans sa course, le chevalier errant plisse les yeux pour percer la nuit, attentif au moindre bruit suspect qui lui signifierait l'approche d'une patrouille ou bien l'éveil d'un voisin au sommeil un peu trop léger. Tentant de courir discrètement, il saute au-dessus de frêles palissades en bois, enjambe des piles de poubelles, se glisse entre des charrettes grinçantes abandonnées pour la nuit, le bruissement de sa cape et le tintement de ses fourreaux comme seules marques de son passage. Il n'a peut-être pas l'aisance d'une hirondelle, mais il a l'agilité de ses années sur la route.
Bientôt, il débouche dans une allée plus grande, où la lueur tranchante de la lune l'éblouit tout à coup. Surpris dans son élan, il se rattrape bien vite en se redressant, et met une main devant ses yeux. Mais il n'a pas le temps de reprendre ses esprits plus longtemps qu'il ressent une douleur tranchante à la joue. Le sang gicle sur le pavé. Des tâches sombres que la pierre absorbe déjà avidement.
Il serre les dents. Un vif trait d'air glaçant le dépasse, et sa capuche tombe sur ses épaules, révélant le haut de son visage et ses cicatrices boursoufflées. L'Anommé se retourne brusquement pour faire face à son adversaire.
Là, à la lisière entre l'obscurité et la lumière, à la place d'une hirondelle, se tient une femme. Droite, le menton relevé, une combinaison de toile épaisse couverte de tâches, et une ceinture où étincellent coutelas, scalpels et ciseaux. Une certaine distance les sépare, mais il est impressionné par sa prestance. Aussi, lorsqu'elle avance d'un pas, il en recule d'un.
-Qui es-tu ? lui demande-t-elle.
-Ta sentence, chimère.
Avec dédain, l'herboriste crache au sol, puis disparaît. Une ombre s'élance alors à toute vitesse – droit sur lui. L'Anommé dégaine sa première épée, la lève à la hauteur de ses yeux. Ses mitaines de cuir grincent : il ajuste sa poigne. Et se tient prêt.
ohlala un combat entre l'anommé et mahault !! :ooo
mais que va-t-il se passer??? et que cache donc l'herboriste???
n'hésitez pas à commenter! ça fait toujours plaisir et c'est chouette de savoir ce que vous pensez! alors n'hésitez plus!!
à bientôt pour la suite!
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