Chapitre 3


Les machines de l'hôpital ne cessaient de tourner. Des bips mécaniques se faisaient à temps réguliers, formant un rythme, sur lequel Joshua tremblait. Et s'il ne se réveille pas ?

Ils ont huit ans. Ou plus.

« Monsieur ? Fit une voix douce. »

Il se tourna et croisa une infirmière qui jeta un coup d'œil à des papiers qu'elle tenait sur un bloc-notes.

« Monsieur Adelstein, c'est ça ? Je l'ai bien prononcé ?

- Oui, oui.

- Ne craignez rien, votre mari va parfaitement bien. »

Il poussa un long soupir de soulagement, et cacha son visage dans ses mains. Le métal froid de sa bague entra en contact avec sa joue. Il la retira pour la regarder, avec un sourire.

« Monsieur, je peux vous poser une question ?

- Allez-y. »

Il se leva pour remettre le coussin sous la tête d'Adam qui commençait à tomber.

"Pourquoi avoir fugué de l'hôpital ? »

La photo qu'Adam tenait dans ses mains avant de tomber était une photo des deux familles ensemble, mélangées, eux devant. Joshua croisa son regard à travers le cadre brisé, et il ne put bouger la tête de suite.

Ils ont huit ans. 

Ils avaient huit ans.

Ils ont eu huit ans, un jour, bien avant.

Maintenant, son reflet le dira, il en a bien plus. Sa peau est abîmée par le temps, et ridée. Ses yeux sont fatigués, même si la vie les habite toujours. Ses mains sont usées, son sourire est édenté. Il n'est plus le jeune garçon qu'il a été habitué à être, et il regrette. Mais comparé à ce jeune garçon, ses vêtements n'ont pas besoin de porter une étoile.

Ont-ils fugué ? Non, pas exactement. Ils ont essayé de reprendre leur vie, au moment où ils sont partis. Ou plutôt, où ils ont été enlevés.

La vie est cruelle, certes.

Mais elle peut-être belle aussi, même lorsqu'elle nous quitte, peu à peu.

Il ferma les yeux, et revit le fameux soir, ce moment tragique et sanglant où la guerre, virus incurable, est venue enfoncer leur porte et éclairer leur ciel. Cette nuit brûlante qui a à jamais traumatisé plus d'une personne, plus d'une génération. Cette horrible destinée qui les ont pousser à fuir la réalité pour oublier que le monde avance, avec ou sans eux.

Les paupières d'Adam se mirent à trembler, et Joshua tourna alors la tête vers l'infirmière avec un sourire, qui comprit.

"Je repasserai plus tard alors."

Et elle disparut par le même couloir qu'elle avait emprunté, tout en fermant les rideaux.

« Et bien vieux machin, tu reviens d'entre les morts ?

- Tu sais quoi ? Lui répondit-il, comme si c'était là l'urgence la plus grande, comme s'il n'avait plus de temps.

- Je sais beaucoup.

- Non mais...

- Vas-y, dis-moi.

- On devrait faire notre rêve.

- Celui de la maison ?

- Oui. J'ai toujours voulu des moutons. »

Ses yeux brillèrent, non de larmes, mais d'envie.

« C'est vrai que tu as l'air d'avoir envie d'un mouton. »

Un sourire s'ancra alors sur ses lèvres gercées, les faisant craquer. Une perle de sang en roula pour s'écraser sur son menton. Il passa sa langue sèche pour essayer de les humidifier, sans succès.

« Adam, tu saignes.

- Je sais. »

Joshua soupira, et jeta un regard par la fenêtre. La nuit retombait déjà, et les étoiles revenaient. Il les regarda, et s'y accrocha. Son corps resta là, au bord du lit, pendant plusieurs secondes, tandis que son âme vagabondait quelque part, plus loin. Loin de tout ce qui était physique, du réel et autre. Puis, il se concentra de nouveau sur le présent, et sourit.

« On commence à voir le dragon. Tu la vois ?

- Toujours...

- Comme avant ?

- Comme avant...! »

Joshua sourit et lui embrassa le front.

« Aller, viens. »

Ils ont eu huit ans, un jour, bien avant.



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