CINQUIÈME - ...n'est qu'un mirage.

« Ça fait dix-sept jours, putain. », grogne Kerson. Il est énervé, il fait face à ces cinquante-six colons qui ne savent que faire. « Elle a dit que ça prendrait trois jours, tout au plus ! », Kerson continue d'enrager. « Où est le capitaine ? ! » Un homme dans la foule lève la main.

« Ici, monsieur.

- Capitaine, est-ce que Larg vous a transmis de nouvelles instructions avant son départ ?

- Non, monsieur.

- Est-ce que Larg vous a dit quoique ce soit avant son départ ?

- Pas vraiment, monsieur.

Kerson monte le ton.

- Ils se sont perdus, génial !

Une femme, dans la foule, s'avance.

- À moi, monsieur, Larg m'a dit quelque chose avant de s'en aller.

- Je t'écoute.

Kerson semble se calmer.

- Elle a dit qu'elle partait avec trois des nôtres en expédition pour trouver quelque chose, mais elle a refusé de me dire quoi.

- Nous voilà bien avancés... Bien, écoutez. Ce qu'on va faire, c'est... »

Un hurlement atroce interrompt soudain Kerson. Tous les regards se tournent vers la source du cri. Il saute de son estrade, et court à travers des couloirs de fer jusqu'à une des

nombreuses chambres de la colonie, ses mains s'agrippent aux bars de guidages qui longent toutes les salles, et atteint la fin de sa course face à une porte qu'il s'empresse d'ouvrir. Il aperçoit un colon, dans son lit, la gorge ouverte et le ventre percé. Kerson entre dans la chambre et verrouille la porte derrière lui, puis inspecte le corps. Il manque son cœur.

Kerson sort de la chambre, tout le monde l'attend. Un long silence s'installe, et Kerson déclare : « Il y a un meurtrier parmi nous. ».

Tous les colons se regardent, la peur se répand, véritable traînée de poudre qui prend soudain feu. Tous se mettent à courir, à s'enfermer, à se bousculer. Dans les étroits couloirs, la panique règne.

Kerson garde son sang-froid. Il ordonne à cette masse grouillante terrifiée de se regrouper dehors, de gré ou de force, afin de faire un comptage. S'il reste bien cinquante-six colons, alors le coupable sera sous bonne garde.

Une fois le calme revenu et les colons mis en rang, Kerson effectue le comptage. Il y a cinquante-six colons. Il le dit de nouveau : « Il y a un meurtrier parmi nous. Et je le trouverai ». Les colons sont enfermés dans leur chambre individuelle. Aucune sortie n'est autorisée, toutes les portes sont verrouillées, impossibles à ouvrir sans la carte d'accès de Kerson. Ainsi, la nuit passe.

Au matin, Kerson inspecte les chambres une par une. C'est dans la quarante-quatrième chambre qu'il trouvera une femme dont la peau a été totalement arrachée.

Kerson craque, toutes les chambres étaient verrouillées de l'extérieur. Toutes. Dans un accès de colère, il interroge tous les colons, malmène la plupart d'entre eux. Il voulait savoir, il voulait trouver le monstre qui rôdait dans la colonie. Un des colons affirme avoir entendu quelqu'un marcher dans les couloirs, cette nuit. Des pas légers et lents.

La journée passe, chaque colon s'adonne à sa tâche, et Kerson redouble d'efforts pour surveiller et compter systématiquement chaque personne. Au soir venu, il compte de nouveau. Il reste bien cinquante-cinq colons.

De nouveau, Kerson enferme tout le monde dans sa chambre et ce soir-là, il ne dormira pas.

Au matin, il inspecte minutieusement les cinquante-cinq chambres restantes. Et c'est dans la vingt-et-unième chambre qu'il trouve un homme, le ventre intégralement ouvert et les organes fourrés dans la bouche du corps.

Kerson n'a pas dormi ce soir-là. Il ne dormira d'ailleurs plus pour les cinquante-quatre nuits qui suivront.

Un des trois colons qui partirent avec Larg revint à la colonie, et découvrit avec horreur un par un les cinquante-sept corps. Égorgés. Éviscérés. Décapités. Dépecés.

Kerson, lui, s'est pendu.

Les dernières entrées de son journal de bord datent d'une journée avant sa mort estimée. Elles ne disent qu'une chose :

« Je l'ai vu... ».

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