Chapitre 4

WILLIAM NE SUT PAS EXACTEMENT COMBIEN DE TEMPS il resta avec Camille, à regarder le lac aux lucioles en parlant de tout et de rien. Ils se séparèrent enfin, dans les alentours de six heures, et il rentra à la ferme en faisant des signes de la main à la jeune femme qui repartit chez elle sur le dos de son vélo rose.

Tante Marguerite l'attendait sur le perron, les deux poings sur ses hanches, furieuse. Depuis quelques minutes déjà, elle attendait, inquiète, le retour de son neveu fugueur.

William s'arrêta devant elle, ses deux mains crispées sur le guidon du vélo. Ni lui, ni Marguerite n'osait dire quelque chose. La femme, qui n'avait jamais eu d'enfants - par manque de temps disait-elle - ne savait jamais comment réprimander son neveu, et encore moins un adolescent en pleine puberté qui s'amusait à s'éclipser en plein milieu de la nuit avec une fille ayant disparu pendant des années.

Finalement, elle réussit enfin à ouvrir la bouche, essayant de prendre la voix la plus autoritaire possible:

- William Voltaire. J'espère que tu as préparé une excuse solide sur le chemin du retour.

Will baissa les yeux, et se frotta l'arrière de la nuque. Et, alors qu'il s'apprêtait à répondre, un coq se mit à chanter. Enfin, plus hurler que chanter, selon le jeune homme. Qu'est-ce qu'il pouvait haïr ce maudit oiseau !

- Je... Je suis sorti dehors parce que j'ai fait une crise de panique, et... et... et Camille était aussi là. Mentit William en butant sur les mots.

Marguerite soupira, et laissa retomber mollement ses bras le long du corps. Elle rouvrit la porte d'entrée, et entra dans la maison. William la suivit, posant d'abord son vélo contre la façade, et fit attention à essuyer ses baskets sur le paillasson.

Sur la table de la cuisine, se trouvait le plus simple des petits-déjeuners: une moitié de brioche maison à la délicieuse odeur de beurre, un pot de confiture à la myrtille sauvage que Marguerite venait d'acheter au marché, et une petite assiette abritant deux œufs brillants.

William tira une chaise, et s'asseya dessus, avant de venir tartiner de confiture une tranche de brioche. Tante Marguerite vint bientôt le rejoindre, vêtue de son éternelle salopette, et ils mangèrent tous deux en silence.

Quand Will finit son repas, il laissa son assiette dans l'évier, et repartit dans sa chambre, où il retira ses vêtements et les jeta en boule par terre. Le jeune homme se laissa tomber sur son lit, et s'endormit presque instantanément, laissant le vide s'installer dans son esprit.

Léon vint sonner à la porte dans les alentours de dix-huit heures. Il avait enfilé une jolie chemise à motifs verts, et revêtit son plus beau pantalon en velours crème. Ses cheveux roux étaient aplatis grâce à du gel. Il avait dû vider tout son pot sur sa chevelure pour qu'aucune de ses mèches rebelles ne se dressent sur sa tête.

William se précipita pour lui ouvrir, et sourit à la vue de son ami. À l'inverse de Léon, Will avait opté pour un tee-shirt ample qu'il venait d'acheter aujourd'hui, et un jean moulant qui lui collait horriblement à la peau, mais qui était le seul approprié pour une fête chez Judith Bertrand. Et, avant qu'il ne parte pour la fête avec Léon, Tante Marguerite lui cria qu'il devait être rentré pour minuit.

Arrivé au portail, William remarqua que Camille se trouvait dans une vieille voiture de luxe - qui n'avait maintenant plus aucune valeur - le moteur vrombissant. Léon sauta par-dessus la portière de droite, et fit signe à William de monter à son tour. Le jeune homme, peu rassuré, s'installa à l'arrière à contre-cœur.

Dès qu'il s'assit, Camille démarra en trombe, ses cheveux frisés ne faisant qu'un avec le vent, au fur et à mesure que le véhicule prenait de la vitesse.

- Tu as ton permis ? Demanda William, blanc comme un linge.

Camille chercha quelque chose pendant quelques secondes dans la boîte à gants, avant de montrer le permis de conduire de sa mère à William.

- Tout le monde trouve que je lui ressemble. Sauf la couleur de peau, peut-être. S'exclama Camille en pouffant, tournant brusquement dans un virage, manquant de se prendre le trottoir à pleine vitesse.

Will crut qu'il allait s'évanouir pendant tout le trajet, jusqu'à ce que Camille gare sa voiture dans l'immense allée de la maison des Bertrand. Celle-ci surplombait tout le village. Elle était toute en pierre, avec de grandes fenêtres étincelantes, et du lierre brun grimpant sur toute la façade. L'allée était déjà pleine de voitures et de vélos flambants neufs. William descendit précipitamment de la voiture, et pût de nouveau respirer, sous le regard hilare de Camille et Léon.

Depuis l'allée, on entendait les gloussements et la musique battre son plein. C'était une musique plutôt désagréable qui donnait à William un gros mal de crâne. Et pourtant, à l'inverse, Camille semblait adorer cette chanson au chanteur à la voix nasillarde, et au rythme complètement décalé avec des paroles qui n'avaient aucun sens.

Les trois amis marchèrent jusqu'à la maison, et, alors qu'ils s'apprêtaient à y rentrer, un grand garçon aux cheveux blonds parfaitement coiffés - mieux encore que ceux de Léon - à l'arête du nez légèrement de travers, et à la lèvre droite fendue, leur barrèrent le passage.

Camille le contourna sans y prêter attention, mais le jeune homme la siffla, avant de lui taper les fesses, déclenchant l'hilarité générale chez ses sbires. La brune se retourna lentement, essayant de refouler des larmes de rage. Elle le connaissait bien, ce gars-là: Eliott Cadbury, un petit bourge qui se croyait tout permis, comme elle aimait l'appeler avec ses quelques amies.

Et, sans crier gare, le poing de la brune s'abattit brutalement sur le nez déjà tordu d'Eliott. Le jeune homme fixa Camille avec rage, les mains sur son visage pour camoufler sa grimace de douleur.

- Pétasse ! Cria-t-il à Camille. Et toute la foule se retourna vers lui au même moment.

Camille fulminait de rage, mais elle avait appris, depuis longtemps, à garder toute sa colère pour elle. Même lorsque la haine était si forte que ça lui faisait mal.

Léon foudroya Eliott du regard, avant d'attraper le bras de Camille, et de la faire rentrer à l'intérieur, suivi d'un William sidéré, qui n'avait apparemment jamais vu une fille se rebeller.

Eliott, le nez en sang, resta dehors avec ses amis, une féroce envie de vengeance lui faisant battre le cœur à toute vitesse.

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