Épilogue
• Un an plus tard •
— Il était une fois, un prince qui s'ennuyait dans son château. Il se sentait très seul et...
Marcus grogna et s'agita sous ses couvertures. Ses grands yeux transparents foudroyaient son père, qui ne savait plus quelle attitude adopter.
— Je veux pas dormir ! Et tes histoires elles sont nulles !
Clark soupira et ôta ses lunettes. D'ordinaire, le louveteau considérait sa séance de lecture comme un rituel, mais ce soir-là, il ne tenait pas en place.
— Il est déjà très tard, grommela le Grand Alpha en se massant le front. La journée a été longue et fatigante, tu devrais te reposer.
Pour toute réponse, Marcus marmonna des propos inintelligibles et croisa les bras. S'il n'avait pas eu seulement quatre ans, Clark aurait cru que l'âge rebelle faisait son apparition...
— Il me semble que c'est Judith qui a écrit cette histoire, déclara-t-il en agitant le carnet. Elle devrait peut-être te plaire.
Le petit garçon écarquilla les yeux et parut un peu se calmer. Sa gouvernante s'était lancée dans l'écriture de quelques contes et nouvelles spécialement pour lui, suite à son manque d'intérêt pour les autres. Elle s'occupait souvent de Marcus au moment de la sieste, mais Clark prenait toujours le temps de coucher son fils pour la nuit.
Même en un jour aussi spécial que celui-ci, il ne comptait pas changer ses habitudes.
— Le prince se sentait très seul, reprit-il en mettant ses lunettes. Mais un jour, alors qu'il se promenait, il trouva une très grande tour dans la forêt.
Clark s'interrompit et fronça les sourcils. Se pouvait-il que Judith ait écrit ce qu'il croyait ?
— Comme il était perdu au milieu des arbres, le prince décida de monter au sommet de la tour. Il pensait mieux pouvoir retrouver son château en prenant de la hauteur. Il monta des marches interminables, jusqu'à atteindre une petite pièce. Une petite pièce où vivait une princesse.
Le Grand Alpha retint un sourire. Il espérait que Judith s'était permis quelques libertés avec la réalité...
— La princesse ne fut pas vraiment contente de voir le prince. Elle n'était pas habituée aux visiteurs et se montrait méfiante envers tout le monde. Le prince, lui, se croyait dans un rêve. Jamais il n'avait vu une princesse avec de si beaux cheveux, ni avec de si beaux yeux. Des paillettes d'or illuminaient son regard et...
— Mais c'est Elanor ! le coupa Marcus. Elle a du doré dans les yeux ! Et les plus beaux cheveux du monde !
Clark rit doucement et jeta un coup d'oeil à sa main. Il avait du mal à croire que désormais, un rubis y brillerait jusqu'à la fin de sa vie.
— La princesse expliqua au prince qu'une très méchante sorcière la gardait prisonnière. Elle rêvait de s'enfuir, mais la sorcière avait juré de lui couper les cheveux si elle s'aventurait dehors. Le prince promit à la princesse que tant qu'elle serait avec lui, jamais la sorcière ne pourrait couper ses précieux cheveux. Profitant de l'absence de la vieille femme, tous deux s'échappèrent.
Il essaya de parcourir du regard la suite de la page, afin de voir si leur histoire ne tournait pas trop à l'absurde... Malheureusement, Marcus ne lui en laissa pas le temps :
— Dépêche-toi ! Le prince il emmène Elanor dans son château ?
— La princesse rêvant de liberté, elle demanda au prince s'il voulait bien lui faire visiter son royaume. Le jeune noble exauça son souhait avec joie et l'emmena dans les plus beaux endroits qu'il connaissait. Il lui présenta aussi son fils, le petit prince le plus mignon du monde.
— Ça c'est moi ! fit Marcus en tapant dans ses mains.
Son père lui répondit par un sourire, puis reprit :
— Plus le prince passait de temps avec la princesse, plus celle-ci comblait le vide qu'il y avait dans son coeur. Il était bien sûr très heureux d'avoir son petit prince, mais il lui manquait une demoiselle avec qui partager son bonheur. La princesse le faisait rire plus que n'importe qui d'autre et...
— C'est faux ! s'indigna le louveteau. Elanor est drôle, mais moins que moi !
— Elle sera ravie quand j'irai lui dire ça, le taquina Clark. Elle qui avait prévu de te donner tous les chocolats qu'il resterait ce soir...
Marcus plaqua une main sur sa bouche, avant d'agiter les bras.
— C'est la plus drôle ! rectifia-t-il. Tu lui diras, hein ?
Amusé, son père fit mine d'hésiter, puis acquiesça.
— Un jour, après l'une de leurs balades, la sorcière retrouva la princesse. Elle était très en colère qu'elle se soit échappée, alors elle l'enferma de nouveau dans la tour. Elle jura que jamais la princesse ne reverrait le prince et promit de lui couper les cheveux. Heureusement, le prince se doutait que la sorcière avait ramené la princesse dans sa tour. Il partit à sa recherche, accompagné par son fidèle destrier.
Une fois encore, Clark essaya de lire la suite avant de la dire à voix haute. Cependant, Marcus le pressa de continuer.
— Quand le prince retrouva la princesse, la sorcière ne lui avait pas encore coupé les cheveux. Mais le coeur du prince, lui, s'était déjà brisé. Il ne pouvait pas vivre sans elle et la voir prisonnière lui était insupportable. Il essaya de se battre avec la sorcière, mais celle-ci était trop forte. La princesse se lança à son tour dans la bataille et finalement, elle réussit à vaincre la sorcière.
Le petit garçon leva son poing en poussant une exclamation victorieuse. Le Grand Alpha remercia intérieurement Judith d'avoir éludé quelques effusions de sang, ainsi que la présence d'un frère quelque peu dérangé...
— De retour dans son château, le prince demanda à la princesse si elle voulait bien se marier avec lui. Tout aussi amoureuse que lui, la princesse accepta et le prince ne fut plus jamais triste. En venant en aide à la demoiselle, il s'était surtout sauvé lui-même.
Touché par ce constat, Clark prit une inspiration. La gouvernante n'aurait pas pu trouver des mots plus justes.
— C'est ainsi qu'ils vécurent heureux avec leur petit prince, qui savait qu'un jour, sa princesse à lui viendrait aussi le trouver.
Le loup ferma le carnet et leva la tête vers Marcus. Le petit garçon souriait de toutes ses dents.
— Donc c'est princesse qui sauve prince ! conclut-il, ravi. Ou prince qui se sauve en sauvant princesse, mais c'est pareil ! Les histoires de Judi sont les meilleures !
Clark ne pouvait qu'être de son avis, surtout quand les contes en question concernaient Eleanor. En pensant à elle, il sortit sa montre et la consulta rapidement. L'heure tardive l'affola un peu, alors il se pencha pour embrasser son fils sur le front.
— J'espère que Judith pourra t'écrire beaucoup d'autres histoires comme celle-ci. En attendant, il est temps pour toi de dormir, décréta-t-il en se levant. Tu as été très sage aujourd'hui, je te...
— Mais je veux voir feux dans le ciel ! S'il te plaît !
Il le fixa de ses yeux de louveteau triste, or Clark était peu enclin à céder.
— Tu as déjà vu des feux d'artifice et il est plus de minuit passé. Nous pourrons en faire d'autres pour ton anniversaire ou...
— Mais t'avais dit que je pourrais les voir ! Elanor et Tonton Rowan aussi ils me l'avaient dit ! Ils voulaient que je reste et toi tu m'as emmené là !
Son père poussa un soupir, tous les bénéfices de l'histoire s'étant visiblement envolés.
— Il y a eu du retard, donc le feu d'artifice n'aura pas lieu tout de suite. Il n'est pas question que tu veilles pendant je ne sais combien de temps et...
— De toute façon, je vais pas dormir ! Allez, s'il te plaît ! J'attends juste un tout petit peu et si les feux ils arrivent pas dans le ciel, je reviens faire dodo !
Clark hésita, ce qui n'échappa pas au petit garçon. Il prit ce doute pour un assentiment et tira sur le drap afin de bondir sur ses pieds. Le Grand Alpha – qui avait bordé le lit avec le plus grand soin – ne put que cligner les paupières devant une telle défaite.
— Mets tes pantoufles, recommanda-t-il au petit, qui courait déjà vers la porte. Et il te faut une veste, il ne fait pas très chaud à cette heure-ci, je ne voudrais pas que...
Loin de l'écouter, Marcus s'était déjà enfui dans le couloir.
Résigné, Clark attrapa un gilet qui traînait et se lança à la poursuite du petit. Aurait-il un jour un semblant d'autorité sur son louveteau ? Nul ne pouvait le dire.
Le petit garçon fila à travers les corridors, sans se préoccuper d'être pieds nus et en chemise de nuit. Il se dirigea à toute allure vers une terrasse, mais peina à déverrouiller la porte-fenêtre. Il dut attendre son père, qui en profita pour lui faire enfiler sa veste. Cette précaution ne fut pas de trop, puisque l'air frais les accueillit dès qu'ils avancèrent à l'extérieur.
Ce minuscule "jardin-terrasse" était l'un des seuls endroits où l'on pouvait trouver des plantes au palais, au plus grand regret de Clark. Il y avait juste de la place pour faire pousser des fleurs utiles en cuisine, ou quelques fruits pour ses gâteaux.
Une dizaine de personnes s'y tenaient déjà, une coupe de champagne à la main. Chacun prit la peine de saluer Clark et de le féliciter, avant de se reculer. Cela lui permit de rejoindre Marcus, qui s'était déjà faufilé jusqu'aux créneaux de pierre. Eleanor et Rowan discutaient près du muret, mais s'interrompirent dès qu'ils virent le petit.
— Tu n'as pas voulu faire dodo ? s'enquit la louve en lui ébouriffant les cheveux. Ton pauvre papa t'a lu une histoire pour rien ?
Elle se tourna vers Clark avec un petit sourire amusé.
Même si cela faisait désormais plus d'un an qu'il la connaissait, il la trouvait chaque jour encore plus belle. Il s'émerveillait sans cesse de ses yeux, qui s'illuminaient dès qu'elle souriait. Quant à ses autres attraits... En ce jour de mariage, ils la rendaient presque irréelle.
Elle avait choisi une robe blanche à la coupe droite, légèrement resserrée au niveau de la taille. Cela soulignait sa silhouette pleine de grâce, qu'il avait pu admirer lorsqu'elle dansait. Les longues manches en dentelle étaient un peu évasées au niveau des poignets, accentuant le côté bohème de sa tenue. Son décolleté assez plongeant, bordé par un fin tissu ajouré, mettait en valeur sa poitrine sans trop en dévoiler.
Ses longs cheveux noirs avaient été laissés libres dans son dos, au plus grand ravissement de Clark. Seules quelques mèches avaient été rehaussées, tandis que de jolies boucles animaient les autres. Des petites fleurs et des perles blanches parsemaient délicatement sa chevelure, avec un charme infini.
Elle était tout simplement magnifique, sublime... Divine.
— Je lui ai pourtant lu la plus belle des histoires, mais il tient coûte que coûte à voir le feu d'artifice. Est-ce que quelqu'un sait s'il est enfin prêt ?
Il se tourna vers Rowan en posant cette question. Celui-ci avait revêtu ses plus beaux habits, ayant même volé quelques médailles à son père. Il affichait un immense sourire depuis le début de la journée, ce qui rassurait un peu Clark. Toutefois, il savait qu'au fond de lui, ce jour de fête ne pouvait qu'attrister son meilleur ami.
Le mariage du Grand Alpha et Eleanor lui rappelait celui qu'il n'aurait jamais avec Anya. Et même s'il prétendait être heureux pour son ami – ce que Clark croyait sincèrement – une part de lui l'empêchait de se réjouir autant qu'il l'aurait voulu.
— Je peux aller demander, répondit-il avec un clin d'oeil. Marcus, tu veux bien m'accompagner ?
Clark n'avait pas eu pour intention de les éloigner, or il était vrai que depuis le début de la journée, il n'avait pas passé beaucoup de temps seul avec Eleanor. Bien que ce fût un jour censé être à eux, le protocole et le trop grand nombre d'invités les obligeaient à remplir certaines obligations.
Son ami avait donc sauté sur l'occasion, ce dont il lui était reconnaissant. Il le remercia discrètement, tandis qu'il s'éloignait avec le petit garçon.
— Messieurs-dames, il y a plein d'autres balcons où vous pourrez admirer le spectacle, lança Rowan à l'adresse des quelques convives qui les entouraient. Laissons donc notre Grand Alpha profiter d'un moment avec sa charmante épouse.
Les invités marmonnèrent des petites protestations, mais disparurent dans le couloir. Eleanor n'attendit même pas que tout le monde soit parti avant d'embrasser Clark. Cela le surprit, mais il ne se gêna pas pour attraper doucement sa taille et la rapprocher de lui. Ils avaient bien sûr dansé ensemble au cours de la soirée, cependant ils évitaient les grands épanchements devant Marcus. À présent que le louveteau était hors de vue, ils se sentaient plus libres d'aller l'un vers l'autre.
— Tu es beaucoup trop beau, murmura-t-elle en s'écartant. Rowan m'avait dit que tu avais choisi la tenue idéale, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point...
Il laissa échapper un rire un peu gêné, tandis qu'elle posait les mains sur son torse. S'habituer aux compliments se révélait plus difficile qu'il ne l'aurait cru, surtout quand ils venaient d'une femme si parfaite. Son père avait passé sa vie à le rabaisser, et son mariage raté avec Anya n'avait rien arrangé. Il peinait encore à concevoir qu'Eleanor lui voue un amour aussi fort que le sien, même si elle ne cessait de le lui prouver.
— Et qu'est-ce que je suis censé dire de toi ? répondit-il avec un léger sourire. Tu es absolument... Je n'ai même pas de mots.
Malgré l'obscurité, il vit ses joues changer de couleur. Elle avait pourtant reçu des centaines d'éloges au cours de la soirée, tous forts mérités.
— Peut-être que certains vont cesser de me décrire comme ta "scandaleuse" seconde femme, qui ne convoite que ton titre et ta fortune... C'est dommage, je commençais à bien m'y habituer.
Il avait conscience qu'elle plaisantait, pourtant il ne put s'empêcher de la défendre :
— Il n'y a que les vieux loups frustrés qui osent raconter ça. Les autres te trouvent déjà incroyable.
Et c'était vrai. L'annonce de leurs fiançailles au grand public, quatre mois plus tôt, avait été relativement bien accueillie. Eleanor avait brillé lors de son premier bal officiel, faisant taire bon nombre de mauvaises langues. Tout le monde avait été séduit par sa bienveillance, son naturel, ainsi que son exceptionnelle beauté. Aussi triste et futile que cela pouvait paraître, les gens étaient plus facilement enclins à apprécier une jeune et splendide louve, quitte à oublier la précédente.
Quelques-uns avaient regretté que Clark se remarie si vite, invoquant un manque de respect pour sa première épouse et son fils. Néanmoins, la plupart de ses sujets se réjouissaient dès qu'une union avait lieu.
— Peut-être qu'ils m'aimeraient encore plus s'ils savaient que je chasse les méchants vampires, supposa-t-elle avec malice.
Le Grand Alpha en était persuadé, toutefois il ne tenait pas à irriter le roi des vampires... Si Sa Majesté apprenait les activités d'Eleanor, ils auraient sûrement un ou deux comptes à lui rendre.
Depuis quelques mois, la louve avait effectivement pu mettre en oeuvre ses projets. Elle avait terminé sa formation de Chasseuse avec de véritables professionnels, qui ne lui infligeaient pas un entraînement insensé. Cela lui avait permis de définitivement intégrer les rangs des Chasseurs de vampires. Accompagnée de ses coéquipiers, elle pouvait ainsi mener des missions contre des immortels dangereux pour les Neutres et les loups.
Ce travail l'obligeait à s'éloigner de Clark assez souvent, parfois pendant de longues semaines. Lorsqu'elle était dans une autre région, voire sur la Terre des Vampires, ils s'écrivaient au moins une lettre par jour, afin de toujours recevoir des nouvelles de l'autre. Son absence lui était difficilement supportable, or il savait qu'elle n'agissait pas pour rien. Tant qu'elle aurait envie d'assurer son rôle de Chasseuse, il ne l'obligerait jamais à rester cloîtrée dans le palais.
Ils s'étaient simplement mis d'accord sur un point : si elle apprenait un jour être enceinte, elle suspendrait immédiatement ses activités. Elle serait ensuite libre de reprendre quand bon lui semblerait, mais elle ne se chargerait plus des missions trop risquées. Clark ne tenait pas à se retrouver avec deux orphelins, et préférait mourir plutôt que de la perdre.
— On se moque de ce qu'ils peuvent bien penser, trancha-t-il en caressant sa taille. En revanche, ce feu d'artifice commence à se faire un peu trop attendre...
Il leva les yeux vers le ciel, qui restait désespérément noir. En contre-bas, les nombreuses lumières du village témoignaient de l'enthousiasme des gens, qui festoyaient en attendant le spectacle final. Ce dernier aurait dû avoir lieu trois quarts d'heure plus tôt, mais les techniciens avaient apparemment du mal avec certains explosifs.
— Si on disparaît discrètement, tu crois que quelqu'un s'en rendra compte ? demanda-t-elle, à moitié sérieuse.
— Je suis sûr que non. Ce n'est pas comme si nous étions les attractions de la journée...
Elle gloussa et passa les bras autour de son cou.
— Tu pourrais leur laisser un petit mot, plaisanta-t-elle en inclinant la tête. Tu prétends que nous sommes fatigués et que ta femme a besoin de son mari.
Il vint jouer avec l'une de ses mèches ondulées, tout en souriant. Même s'il la considérait comme sa femme depuis longtemps, savoir que les choses étaient désormais officielles ne manquait pas de lui plaire.
— Et j'imagine que je devrais signer en écrivant "Binoclark" ? s'amusa-t-il.
Elle prit un faux air indigné.
— Hors de question ! Binoclark m'est réservé, je refuse de partager !
Elle lui avait en effet inventé ce petit surnom peu de temps après leurs fiançailles, à l'occasion d'une discussion tendue. Rattrapé par ses vieux démons, Clark avait prétendu ne pas être assez bien pour Eleanor, ce qui avait eu le don de l'exaspérer. Tu mérites mieux qu'un loup maladroit, faible et binoclard, avait-il regretté. Au fond de lui, sa plus grande peur était de finir aveugle, comme le lui avaient prédit de nombreux médecins. Il ne voulait pas qu'elle se retrouve avec un infirme, mais elle s'était obstinée à balayer ses craintes.
Il pourrait t'arriver n'importe quoi, je t'aimerais toujours, avait-elle affirmé. Tu es mon Binoclark rien qu'à moi. Cette petite plaisanterie l'avait fait sourire et ils avaient enterré la hache de guerre. Depuis, chaque fois que Clark se levait avant Eleanor, il lui laissait un petit mot avec ce surnom, comme il le lui avait promis.
— Moi, c'est toi que je refuse de partager, fit-il en l'embrassant derrière l'oreille.
Elle éclata de rire et pencha la tête en arrière.
— Surveillez vos propos, cher Grand Alpha, le houspilla-t-elle gentiment. Vous commencez à parler comme un vieux mâle trop...
Une première fusée explosa dans le ciel, coupant court à sa plaisanterie.
Clark éloigna ses lèvres du cou d'Eleanor, ce qui ne fut pas de trop : dix secondes plus tard, la porte-fenêtre s'ouvrit à la volée.
— Y'a feux dans le ciel ! s'écria Marcus en se précipitant vers eux.
Les deux loups s'éloignèrent un peu, mais de toute façon, le petit garçon était trop fasciné par le spectacle pour leur prêter attention. De nouvelles étincelles, tantôt roses, violettes, ou jaunes, embrasèrent la voûte étoilée. Quand il avait l'âge de son fils, Clark avait toujours peur des bruits causés par les petites explosions. Cela ne paraissait pas être le cas de Marcus, qui admirait les lumières avec un sourire béat.
— Papa, porte-moi pour que je voie mieux !
Il tapota les jambes de l'interpellé, qui se baissa afin de le hisser sur ses épaules. Tout content de lui, le louveteau partit d'un rire adorable.
Clark se tourna brièvement vers Eleanor, dont les yeux reflétaient les étincelles colorées. Des ombres voguaient sur sa joue, là où une mince cicatrice demeurait. Jamais le loup n'oublierait ses pleurs et ses cris, lorsque son frère avait entaillé sa peau. C'était cette détresse qui l'avait sorti d'une semi-inconscience, dans laquelle ses multiples fractures au bras l'avaient plongé. Il s'en voudrait toujours de ne pas avoir pu empêcher Manik de lui faire tant de mal.
— C'est trop beau ! s'exclama encore Marcus. On dirait que les feux ils montent jusque dans les étoiles ! Maman elle doit les voir aussi !
Eleanor échangea un triste regard avec Clark.
De tous les échecs de sa vie, celui-ci resterait sûrement le pire : Marcus allait grandir en connaissant la même douleur que lui. Sa mère lui manquait déjà, mais au fil des ans, son chagrin deviendrait de plus en plus profond. Clark le savait, même si la situation de son fils n'avait rien à voir avec celle de son enfance. Eleanor, Rowan et lui feraient toujours leur maximum pour le louveteau. Cependant, ce ne serait jamais pareil que si Anya avait été là.
Son seul réconfort était de savoir que désormais, celui à l'origine de leurs tourments vivait enfermé dans une tour de pierre.
— Faudra refaire plein de mariages ! Comme ça on aura fêtes et feux dans le ciel tout le temps !
Cette remarque redonna le sourire à la louve et par conséquent, à Clark.
— On te préparera la plus grande fête et le plus beau des feux d'artifice pour ton mariage, promit-elle à Marcus avec un clin d'oeil.
— Oui ! s'enthousiasma-t-il. Avec ma Elanor à moi ! Enfin pas toi, mais... T'as compris !
Elle éclata de rire, tandis que Clark ajoutait :
— Ne nous projetons pas trop loin. Tu as encore bien du temps avant d'avoir à t'inquiéter pour un prince ou une princesse...
Il disait cela pour la forme, car au fond de lui, il ne souhaitait qu'une chose : que Marcus soit un jour heureux comme il l'était avec Eleanor.
Après tout ce qu'il avait vécu avant de la rencontrer, jamais il n'aurait pensé mériter un tel amour. Dire qu'elle avait bouleversé sa vie sonnait presque comme un euphémisme. Elle avait apporté de la lumière là où n'existaient que des ténèbres, sans même en avoir conscience.
Parfois, Clark se disait que ce qu'il vivait avec elle était bien trop beau. Quand ils se disputaient ou qu'elle était loin de lui, il se persuadait que tout allait mal finir. Que ce bonheur n'était qu'éphémère et qu'il la perdrait d'une manière ou d'une autre. Mais heureusement, elle parvenait toujours à chasser les ombres qui le hantaient.
Même s'il aimait défier la Lune, il voulait désormais croire que l'avenir leur réservait de belles surprises. Avec Eleanor à ses côtés, comment aurait-il pu en être autrement ?
Quelques heures plus tôt, il avait juré de l'aimer et de la protéger jusqu'à la fin de sa vie.
Et il n'aurait pas pu faire une plus belle promesse.
FIN
Note de l'auteure :
Mais attendeeeez c'est pas vraiment fini ! C'est juste la fin "officielle", on se retrouve dimanche pour le chapitre bonus et le mot de la fin, avec des infos sur les prochaines histoires (dont un petit changement par rapport à l'ordre de sortie qui était prévu) 😘❤️
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