Chapitre 7 - Ennemis ?
Eleanor se réveilla en sursaut.
Elle fut si surprise de ne pas se trouver dans son lit qu'un début de panique monta en elle. Sa toile de tente beige, par laquelle transparaissaient les rayons du soleil, sembla soudain l'étouffer. Des voix, probablement à l'origine de son réveil, lui parvenaient depuis l'extérieur. Il lui fallut un moment pour réaliser qu'elle n'était plus dans un rêve, et un autre pour se souvenir de l'endroit où elle se trouvait.
Lorsqu'elle tenta de bouger, des courbatures endolorirent aussitôt ses muscles, en particulier au niveau de son dos. Elle maudit la pauvre natte qui lui servait de matelas, surtout quand elle remarqua que des feuilles et des brindilles s'étaient pris dans ses cheveux. Elle réussit à s'assoir sur ses fesses douloureuses, mais se cogna la tête dans l'une des armatures de la tente.
Dans quel enfer es-tu tombée ? se morigéna-t-elle en poussant un soupir.
À l'idée de sortir de sa tente, une légère appréhension lui noua le ventre. Elle allait devoir passer la journée – et sûrement les prochains jours – avec des inconnus. Après six ans à vivre presque totalement seule, en serait-elle capable ? De toute façon, tu n'as pas tellement le choix...
Elle prit son courage à deux mains et écarta les pans de tissu triangulaires. Elle eut la surprise de trouver des vêtements pliés, une petite trousse noire, ainsi qu'un seau rempli d'eau déposés devant sa tente.
— Oh, bonjour, mademoiselle Eleanor ! l'interpella Rowan, assis à quelques mètres d'elle. J'espère que vous n'avez pas trop mal dormi...
Le jeune homme semblait déjà prêt à lever le camp. Impeccablement habillé, il était en train de finir de démonter son abri en toile. La jeune fille eut peur d'être en retard et d'avoir été la dernière à se réveiller, or la plupart des autres tentes étaient toujours en place.
— J'ai simplement un peu mal au dos, prétendit-elle alors que c'était tout juste si sa nuque ne grinçait pas de souffrance. C'est vous qui m'avez apporté ces affaires ?
Il secoua la tête et désigna vaguement une zone de la forêt.
— C'est Judith qui vous les a déposées en passant. Elle est partie faire sa toilette de ce côté-ci, mais vous pouvez aller faire la vôtre par là-bas.
Elle acquiesça, sans oser avouer qu'elle ne savait plus qui était la Judith en question. Quand elle commença à se débarbouiller au milieu de quelques arbres, comme la veille, elle se souvint enfin qu'il s'agissait de la gouvernante du fils de Clark. Elle devait être un peu plus fine qu'elle, car les vêtements qu'elle lui avait prêtés étaient trop étroits. Déjà bienheureuse d'avoir quelque chose à se mettre sur le dos, elle ne s'appesantit pas sur les détails et finit de se préparer.
Voyager avec le Grand Alpha et sa troupe avait un avantage : ils étaient assez riches pour profiter d'un certain confort. Elle eut la bonne surprise de découvrir du savon, une brosse à dents toute neuve, ainsi que de la pâte mentholée, cachés dans la trousse noire. Ce périple ne s'annonçait peut-être pas si rudimentaire qu'elle l'avait imaginé...
Une fois prête, elle revint au campement, où tout le monde était occupé à démonter sa tente. Bien qu'elle n'ait qu'une vague idée de la manière dont s'y prendre, Eleanor commença à faire de même. Elle manqua de se crever un oeil avec l'une des armatures métalliques, surtout quand une voix la prit par surprise :
— Eleanor ?
À quatre pattes dans son abri, elle recula pour se relever maladroitement. Elle cilla en découvrant trois silhouettes plantées devant elle.
— Euh... Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur, bredouilla Clark en se grattant l'arrière de la tête.
À présent qu'elle le voyait en plein soleil, elle mesurait encore plus à quel point ses yeux étaient... atypiques. Quand elle l'avait vu pour la première fois, au sommet de sa tour, il faisait plus sombre que dans cette clairière. Elle ne put s'empêcher de fixer ces iris presque transparents, qui eux aussi la dévisageaient comme s'ils la voyaient pour la première fois.
— Vous avez réussi à réparer vos lunettes ? s'enquit-elle, sans trop savoir pourquoi cette remarque inopinée lui avait échappée.
Une formule de politesse aurait été plus appropriée, or les mots étaient sortis tous seuls. Clark réajusta machinalement les verres à monture argentée qu'il portait sur le nez.
— J'en avais pris une deuxième paire, je doute que les autres soient réparables...
Il y eut un court moment de flottement, pendant lequel tous les deux eurent le temps de se souvenir de la responsable d'une telle perte... Malgré le léger ressentiment qu'elle éprouvait toujours à l'égard du Grand Alpha, la louve se sentit un peu coupable.
— Mais ce n'est pas grave, s'empressa-t-il d'ajouter. J'en commanderai d'autres à mon retour et... De toute façon, il y a plus important à s'occuper dans l'immédiat.
Comme si ces paroles lui rappelaient sa présence, il se tourna vers l'homme qui se tenait un pas derrière lui.
— Je vous présente James du Topaze, l'ambassadeur de la Terre du Topaze à la capitale. Comme nous nous rendons sur le territoire de sa meute, il a gentiment accepté de nous accompagner.
Le loup-garou en question s'avança et adressa un sourire courtois à la jeune fille. Sa tête était recouverte de jolies boucles rousses, qui dansèrent lorsqu'il s'inclina en avant.
— Ravi de faire votre connaissance, déclara-t-il d'une voix un peu enrouée. Pardonnez ma mine affreuse, le rhume des foins me met à l'agonie...
Ses yeux marron étaient en effet rougis, de même que son nez qu'il devait trop moucher. Même si ses traits fatigués le vieillissaient un peu, Eleanor lui donnait une trentaine d'années.
Elle déclina à son tour son identité, puis baissa la tête pour s'intéresser à la troisième personne présente.
— Et voici mon fils, fit Clark en ébouriffant les cheveux d'un petit garçon. Tu dis bonjour à la demoiselle ?
L'interpellé leva un regard timide vers la louve. Cette dernière fut frappée par la ressemblance du garçonnet avec son père : il en était presque l'exacte réplique, en miniature. Mêmes yeux bleus extrêmement clairs, mêmes cheveux bruns très foncés... Seul son teint un peu plus pâle que celui du Grand Alpha prouvait que ce petit avait aussi eu une mère.
— Bonjour, Elanor, articula-t-il d'une voix adorablement minuscule.
Bien que peu habituée aux enfants, la jeune fille s'accroupit aussitôt pour se mettre à son niveau. En tant que benjamine de sa fratrie, elle n'avait pas tellement eu l'occasion de s'occuper de plus jeunes qu'elle.
— Comment t'appelles-tu ? s'enquit-elle en espérant avoir l'air gentille.
Cela dut fonctionner, car le petit s'écarta un peu des jambes de son père.
— Marcus, répondit-il. Et mon papa c'est Clark.
Cette précision fit sourire Eleanor, qui releva brièvement les yeux vers le concerné. Elle demanda ensuite son âge au petit garçon.
— J'ai trois ans.
Il ponctua sa réponse d'une illustration, en montrant trois doigts sur sa toute petite main.
— Oh, tu sais bien compter ! fit-elle mine de s'impressionner, sans trop savoir s'il s'agissait ou non d'un exploit pour son âge.
Cela parut contenter Marcus, qui tout fier de lui, leva la tête vers son père pour s'assurer qu'il avait entendu. Clark sourit en lui ébouriffant un peu plus les cheveux, puis reprit la parole à l'intention d'Eleanor :
— Nous n'allons pas tarder à nous mettre en route. Dès que nous serons assez proches d'un village, vous vous y rendrez avec Rowan afin de vous acheter de nouveaux vêtements.
— Je ne veux pas que vous preniez du retard à cause de moi, s'inquiéta-t-elle en se relevant. Je ne veux pas non plus vous devoir je ne sais combien d'argent et...
Elle n'avait pas le courage de se montrer trop désagréable devant son fils, mais elle tenait à être claire : elle refusait de devenir plus dépendante de lui qu'elle ne l'était déjà.
— Ne vous inquiétez pas, nous devrons de toute façon nous arrêter pour acheter de quoi manger. Quant aux vêtements, considérez cela comme...
Il s'interrompit, sûrement à cause de la présence de l'ambassadeur du Topaze à côté d'eux. Elle devina cependant le fond de sa pensée. Considérez cela comme une réparation pour notre mariage qui n'a pas eu lieu, avait-il certainement voulu lui dire.
— Sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas, intervint James d'un ton taquin, vous auriez tort de ne pas en profiter. Ce sont nos impôts qui renflouent les caisses du palais, autant se servir dedans quand on en a l'occasion...
Il lui adressa un petit clin d'oeil, mais elle ne sut si elle avait vraiment le droit de glousser. Clark n'allait-il pas s'offenser de telles paroles ?
— Tout à fait, renchérit-il à sa plus grande surprise. Vous ne devrez de l'argent qu'à la Terre des Loups.
Peu désireuse d'entrer dans un débat qu'elle savait déjà vain, Eleanor finit par approuver. Elle se garda bien de préciser qu'elle n'avait jamais payé d'impôts de sa vie, puis finit de démonter sa tente.
Dès que tout le monde fut prêt à partir, le groupe se répartit à bord de trois charrettes. La louve monta en compagnie de Rowan et d'un soldat dont elle avait oublié le nom. Entre-temps, elle avait fait la connaissance de la gouvernante de Marcus, une jeune femme qui semblait très douce et agréable. Au total, elle avait rencontré huit nouvelles personnes en moins de vingt-quatre heures. Cela faisait un peu trop, si bien qu'elle avait oublié l'identité de la moitié d'entre eux...
Tu vas t'y faire, ne t'inquiète pas, tenta-t-elle de se convaincre quand son véhicule se mit en route. Elle ne réussirait peut-être pas à sympathiser avec tout le monde, mais ce n'était de toute façon pas son but. Il lui suffisait simplement de ne se disputer avec personne, de manière à ce que Clark ne l'exclue pas du groupe.
— D'où nous venez-vous, mademoiselle Eleanor ?
L'interpellée tourna la tête vers Rowan, assis à côté d'elle sur le banc de la charrette. Il tenait les rênes de leurs chevaux, qui avançaient au pas, suivant la cadence des deux véhicules qui les précédaient.
— De la Terre du Rubis.
Ce n'était pas vraiment un mensonge, puisqu'elle avait passé le plus clair de sa vie là-bas. Elle n'y était certes pas revenue depuis six ans, mais Rowan n'était pas obligé de le savoir.
— Clark m'a dit que vous aviez connu quelques problèmes avec votre formatrice, déclara-t-il, l'air de rien. Il m'a aussi dit ce qui l'avait poussé à vous accepter parmi nous...
La louve écarquilla les yeux et se sentit pâlir. Ainsi, le Grand Alpha avait déjà trahi son secret ? Ne lui avait-elle pas fait promettre de ne révéler à personne qu'elle était son ancienne fiancée ? Rowan savait-il qu'elle était la fille de l'alpha du Rubis ? Sûrement, grogna-t-elle intérieurement.
Elle eut une brusque envie d'aller botter les fesses du dirigeant des loups...
— Ne lui en voulez pas, c'est moi qui l'ai cuisiné pour qu'il crache le morceau, ajouta Rowan d'un ton malicieux. Nous sommes comme des frères, il ne peut rien me cacher.
Eleanor examina son voisin d'un oeil neuf. Il lui vint à l'esprit que si elle connaissait à peu près le rôle des autres voyageurs, elle ignorait complètement à quoi servait Rowan.
— J'imagine que vous devez être sacrément bien placé à la Cour, pour que le Grand Alpha vous accorde autant sa confiance, observa-t-elle.
Il haussa les épaules dans un petit mouvement élégant. Depuis l'arrière de la charrette, de légers ronflements leur parvenaient. Visiblement, le soldat qui les accompagnait n'avait pas assez dormi sous sa tente... Bercé par les doux cahots du véhicule, il laissait la possibilité aux deux cochers de discuter librement.
— Mon père travaille en tant que capitaine de la garde et responsable de la sécurité du palais, révéla Rowan. Comme nous n'avons que quelques semaines d'écart et que nous vivons au même endroit, Clark et moi avons grandi ensemble. Pour le moment, mon seul véritable titre est d'être son meilleur ami.
Sa présence ici devint plus claire. Il devait certainement faire office de soutien émotionnel au Grand Alpha, suite à la perte de sa femme. La louve voulut justement l'interroger à ce sujet, or son attention fut soudain captée par autre chose.
Le chemin que suivaient les charrettes venait de quitter la forêt. Elles évoluaient désormais au milieu d'immenses champs, aux mille nuances de vert et de jaune. À la droite d'Eleanor, des tournesols fleurissaient à perte de vue, donnant une folle envie d'aller se perdre entre leurs tiges feuillues. De l'autre côté, du blé s'étendait à l'infini, doucement balayé par la légère brise. Jamais la jeune fille n'aurait pensé s'extasier devant un paysage aussi simple, et pourtant... Il la laissa sans voix.
Lors de ses sorties avec Gretchen, afin de s'entraîner à pourchasser et tuer certains immortels, elle ne se sentait jamais vraiment libre. Étant escortée par une vampire, elle ne voyageait que de nuit, et dans un rayon relativement proche de sa tour. Pour être à la hauteur des attentes de son entraîneuse, elle restait toujours parfaitement concentrée sur sa mission, sans vraiment profiter de ce qui l'entourait.
À présent, elle pouvait admirer cet horizon verdoyant et baigné de soleil, qui symbolisait sa liberté.
Une semi-liberté, se rappela-t-elle avec une once de dépit. Tout dépendait du bon vouloir du Grand Alpha, et dorénavant, de celui de son meilleur ami...
— Qu'est-il arrivé à la femme de Clark, exactement ? s'enquit-elle en se réintéressant à Rowan.
Peut-être allait-elle passer pour une indiscrète, mais après tout, son compère et lui ne s'étaient pas gênés pour parler d'elle dans son dos...
— Elle a été vidée de son sang par un vampire.
Il avait prononcé ces mots d'une drôle de manière. Ses yeux sombres fixaient un point devant eux, comme s'il se refusait à regarder la louve en face.
— Un vampire ? Mais pourquoi aurait-il fait une chose pareille ?
L'essence vitale des loups-garous était toxique pour les immortels. Une petite dose ne faisait que leur donner la nausée, mais s'ils vidaient un lycanthrope de son sang, ils mouraient quelques minutes après.
— C'est ce que nous cherchons à savoir, répondit-il d'une voix lointaine.
Le sujet semblant le mettre mal à l'aise, Eleanor se tut. Sa curiosité de Chasseuse attisée, elle brûlait de mille et une questions. Existait-il des tensions entre les deux espèces dont elle n'avait pas connaissance ? Cela faisait quelques siècles que le monde connaissait une période de paix. Le roi des vampires, un homme réputé cruel et sans coeur, se satisfaisait de l'armistice conclu au terme de la dernière guerre. Cependant, se pouvait-il que les choses soient en train de changer ?
Même si les deux espèces disposaient de leur propre territoire, il n'était pas interdit aux vampires de se rendre sur la Terre des Loups. Leur monarque usant de moyens assez radicaux pour diriger son royaume, il n'était pas rare que des immortels s'exilent chez les lycanthropes. Néanmoins, la réciproque n'était pas valable : si un loup souhaitait se rendre sur la Terre des Vampires, il lui fallait obtenir une autorisation spéciale. Eleanor avait toujours pensé que cela était injuste. Les buveurs de sang auraient dû être interdits sur le territoire de son espèce, ce qui aurait évité bien des drames.
Le rôle des Chasseurs consistait à éliminer les vampires qui semaient le trouble sur la Terre des Loups. Visiblement, après ce qui était arrivé à l'épouse du Grand Alpha, ce métier n'était pas près de disparaître...
Rowan ne lui adressa plus la parole pendant le reste du trajet. À vrai dire, il paraissait avoir complètement oublié l'existence de sa voisine. Sa tête ne pivotait pas d'un millimètre et son regard restait focalisé sur la charrette qui avançait devant eux. Le soldat à l'arrière étant toujours endormi, Eleanor ne put que parler avec ses pensées et profiter des différents paysages qui s'offraient à elle. Cela ne la dérangea pas, même si elle aurait préféré voyager dans le véhicule qui les précédait. Elle entendait James et les deux autres gardes y rire à gorge déployée, se racontant des anecdotes qui semblaient fort amusantes.
Au moins, tu ne voyages pas avec Clark, tenta-t-elle de relativiser. Elle en voulait toujours à ce dernier d'avoir été colporter son secret à Rowan, et elle comptait bien le lui faire savoir.
Au bout d'environ deux heures de trajet, les charrettes s'immobilisèrent au milieu d'une petite route boisée. La louve bondit aussitôt à terre et se dirigea à l'avant du convoi, où se trouvait le Grand Alpha. Quand elle arriva à son niveau, Clark était en train d'aider son fils et Judith à descendre.
— Puis-je vous parler ?
Son ton s'apparentait davantage à celui de l'injonction que de la question. Le jeune homme n'eut aucun mal à le saisir, puisqu'il la considéra d'un regard vaguement inquiet.
— Euh... Si vous y tenez.
Il se tourna vers la gouvernante de Marcus, qui tenait le petit garçon par la main.
— Cela ne vous embête pas de l'accompagner aux toilettes ? lui demanda-t-il.
Judith répondit par la négative et entraîna le petit vers les arbres, qui feraient fonction de "toilettes". Clark guida ensuite Eleanor à l'écart des autres voyageurs. Elle le devança avant qu'il n'ouvre la bouche :
— Pourquoi avez-vous été tout raconter à Rowan ? Je vous avais fait promettre de ne rien dire à personne à mon sujet, et vous n'avez même pas attendu une journée pour jouer les langues de...
Elle ravala son insulte juste à temps. Cela ne l'aurait pas vraiment dérangée de s'adresser ainsi au Grand Alpha, or elle respectait assez son deuil pour ne pas jurer à tout va.
Il comprit néanmoins où elle voulait en venir, mais ne lui en tint pas rigueur.
— Rowan n'aurait jamais accepté de vous garder avec nous s'il n'avait pas été certain de votre fiabilité. Il fallait...
— Et pourquoi ? le coupa-t-elle. C'est bien vous le Grand Alpha, non ? Les autres loups sont censés vous obéir sans broncher.
Elle songea que s'il voulait se montrer mesquin, il pourrait retourner ce dernier argument contre elle. Heureusement, il n'en fit rien.
— Certes, soupira-t-il en baissant la tête. Mais la situation est... particulière. Ne cherchez pas à comprendre.
Les bras croisés sur sa poitrine, elle haussa les sourcils. Croyait-il vraiment s'en sortir si facilement ?
— Votre ami est la première et la dernière personne à laquelle je vous laisse raconter mon secret. Si vous vous avisez de me trahir encore une fois, je couperai la langue de tous ceux qui sont au courant de mon histoire. Vous y compris.
Il la considéra quelques instants avec perplexité, puis face à son sérieux, poussa un autre soupir.
— Je vous promets que je ne compte plus rien dire à personne, déclara-t-il en la regardant dans les yeux. Rowan n'ira rien raconter à qui que ce soit, il voulait simplement savoir pourquoi j'avais pris le risque de vous faire rejoindre notre équipe. Il n'a aucun intérêt à vous dénoncer à votre famille.
Il y avait bien une qualité que la louve ne pouvait pas lui enlever : il semblait toujours sincère. Aucune trace de fourberie ne se reflétait dans ses iris bleutés. Soit il savait très bien cacher son jeu, soit il n'avait pas si mauvais fond que cela. Eleanor se laissait le droit de ne pas exclure trop vite la première possibilité.
— Vous auriez dû me demander mon avis avant, trancha-t-elle. Les amis de mes ennemis sont rarement mes amis...
Il fronça les sourcils, l'air de chercher à décrypter ses paroles.
— Vous me considérez vraiment comme votre ennemi ?
La jeune fille ne répondit pas tout de suite. En réalité, elle se sentait complètement perdue. Dans quelle case devait-elle ranger le Grand Alpha ? Ami, ou ennemi ?
Pour l'instant, elle préférait le considérer comme un allié, qui pouvait à tout moment se transformer en menace...
— Contentez-vous de vous montrer digne de confiance, lui lança-t-elle avec un regard noir. Et peut-être que je changerais d'avis à votre sujet.
Puis sans lui laisser le temps de répliquer, elle tourna les talons et rejoignit les charrettes.
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