Chapitre 36 - Légendes et vérités
— Elle est encore loin la maison ?
Cela devait au moins faire la dixième fois de la journée que Marcus posait cette question.
— Nous sommes encore sur la Terre du Rubis, lui répéta patiemment son père. Nous allons bientôt atteindre une ville où nous pourrons dormir.
— Mais je veux rentrer ! geignit le garçon en s'agitant sur la calèche. Pourquoi ça va pas plus vite ?
Il fallait reconnaître que la route du retour était bien plus longue que l'allée. Comme le courant du fleuve menait vers le sud, ils ne pouvaient l'emprunter pour revenir sur la Terre du Diamant. Il leur fallait donc monter à bord de charrettes tractées par de pauvres ânes, qui avançaient à faible allure.
— Parce que nous ne pouvons pas nous téléporter jusqu'à la maison, soupira Clark. Mais promis, une fois que nous serons rentrés, nous ne repartirons plus avant longtemps.
Eleanor aurait bien voulu pouvoir prendre la même résolution que lui. Cela ne faisait qu'une semaine qu'ils cheminaient vers le nord, or elle avait l'impression qu'ils n'atteindraient jamais la capitale. Les paysages étaient pourtant de moins en moins arides, avec même quelques espaces boisés. Ce léger divertissement n'empêchait pas les journées de route d'être longues et ennuyeuses.
Toutefois, la louve savait qu'elle serait bientôt amenée à voyager de nouveau. Lorsqu'ils avaient quitté le groupe de Neutres, Rodolphe et Laura lui avaient donné une liste de certains vampires à neutraliser. Dès qu'elle atteindrait Bois-Lunaire, elle prendrait un ou deux jours pour se reposer, puis repartirait les traquer. Elle se l'était promis.
Suite à l'apparition de Manik près de leur campement, les Neutres avaient décidé de quitter la Terre du Rubis. Ils avaient pris la direction de la Terre de l'Ambre, où un dénommé Colin pourrait potentiellement les abriter. Rodolphe avait en effet appris que ce riche et vieux loup-garou oeuvrait afin d'aider les Neutres. Pour assurer leur protection en cas de problème, Winona et Mathias étaient partis avec eux. Ils reviendraient au palais dès que le groupe serait en sécurité.
— Y'a des maisons là-bas ! s'écria Marcus.
Il s'agissait du village de Sankana. Situé dans une zone au climat relativement tempéré, Eleanor croyait savoir que c'était l'un des lieux les plus agréables de la région. L'air était chaud sans être irrespirable, et de nombreux cours d'eau cheminaient aux alentours. Rien n'était certes plus beau que Sable-Lunaire, le chef-lieu où avait grandi la jeune fille, mais il lui tardait quand même de découvrir cet endroit.
— Nous serons arrivés avant même la fin de l'après-midi, déclara Clark, satisfait. Cela nous laissera peut-être le temps de faire une promenade.
Une promenade discrète, faillit rajouter Eleanor. Même si elle avait conscience qu'elle ne risquait rien tant que le Grand Alpha était de son côté, les paroles de Manik refusaient de la quitter.
Lorsqu'ils abordèrent les premières rues de Sankana, l'ambiance festive lui fit oublier ses craintes. Perchés sur des échelles ou des balcons, les gens accrochaient des guirlandes et des lampions à chaque bâtiment. Des couronnes et bouquets de fleurs étaient visibles un peu partout, agrémentant les portes des maisons ou les vitrines des échoppes. Quelques artistes réalisaient des peintures éphémères sur les murs, voire même sur le sol.
— C'est trop beau ! commenta Marcus. Pourquoi les gens ils font ça ? C'est parce qu'on vient ?
Il se remuait entre Eleanor et Clark, son ennui l'ayant visiblement quitté.
— C'est pour la fête du Soleil et de la Lune, lui expliqua la jeune fille. Elle aura lieu demain.
Il ne prêta pas attention à elle, trop fasciné par une gerbe de fleurs que des hommes faisaient pendre entre deux immeubles.
— Nous allons nous installer dans une auberge, puis nous irons nous balader un peu, décréta son père.
Ils trouvèrent rapidement un joli hôtel où déposer leurs affaires. Chacun put prendre ses marques dans différentes chambres, puis Eleanor, Clark, Judith et Marcus se rejoignirent dans un couloir. Philip et Rowan préféraient rester se reposer.
Quand ils traversèrent le hall de l'auberge, la réceptionniste les interpella pour savoir si tout allait bien. Il s'agissait d'une femme d'un âge un peu avancé, mais qui semblait encore très énergique. Elle les avait accueillis avec un grand sourire, et avait l'air sincèrement désireuse que tous ses clients passent un bon séjour.
— Pour chaque chambre réservée, vous avez droit à une entrée gratuite pour la Galerie Lunaire, les informa-t-elle en leur tendant des petites feuilles cartonnées. Ce n'est qu'à quelques rues d'ici !
Clark la remercia, puis lui demanda ce qu'était cette "Galerie Lunaire".
— Le mieux est que vous découvriez par vous-mêmes, leur répondit-elle avec entrain. C'est un endroit éphémère qui n'est ouvert que la semaine précédant la fête. Je suis sûre que cela plairait beaucoup au petit louveteau !
Elle adressa un clin d'oeil à Marcus, qui lui rendit son sourire.
— Y'a des gâteaux ? s'enquit-il avec espoir. Ou chocolats ?
La femme gloussa, de même que les autres adultes. Ce pauvre garçon ne vivait que pour les sucreries... et ce n'était pas Eleanor qui allait l'en blâmer.
— Vous êtes vraiment sûrs de vouloir repartir dès demain matin ? reprit l'aubergiste. Ce serait dommage que vous ratiez la fête à un jour près ! Il y a des animations partout dans le village et c'est l'occasion de mettre ses plus belles tenues !
— Nous sommes assez pressés, répondit Clark, navré. Mais... Nous verrons.
La louve comprit que cela dépendrait de l'enthousiasme du petit Marcus. Pour sa part, même s'il lui tardait de quitter la Terre du Rubis, elle regrettait de ne pas pouvoir assister à la fête. Toutefois, ce n'était pas à elle de décider s'ils devaient s'attarder ou non.
Une fois de retour dans la rue, ils purent encore mieux admirer le village, où tout le monde continuait de s'agiter. L'architecture des bâtisses, construites en pierres beiges ou orangées, ressemblait à celle de Sable-Lunaire. De nombreuses arcades, ainsi que des toits en forme de voûte ou de dôme, avaient été soigneusement édifiés. Quelques végétaux fleurissaient de part et d'autre des rues, tels que des petits palmiers ou des arbres fruitiers.
Des commerçants débutaient déjà l'installation de leur étal, en prévision des festivités du lendemain. Certains semblaient mettre en place des portants garnis de vêtements colorés, tandis que d'autres faisaient l'inventaire de bijoux de pacotille, mais qui paraissaient fort jolis. Tous prenaient garde à éviter de se faire salir par les peintres, qui dessinaient des motifs sur presque chaque façade. Cela fascina Marcus, qui ne se gêna pas pour demander tout haut :
— Je peux faire dessin, moi aussi ?
L'un des artistes l'entendit et lui fit signe d'approcher. Il le laissa se servir de ses pigments en poudre, qui se déclinaient en une vingtaine de couleurs. Comme les peintres travaillaient sans pinceau, le petit garçon se retrouva avec les mains toutes sales. Néanmoins, ce n'était qu'un détail face à son contentement d'avoir réalisé une fleur – ou du moins, ce qui s'apparentait à une fleur – au bas d'un mur.
— Nous allons essayer de trouver cette fameuse Galerie Lunaire, dit Clark lorsqu'ils eurent effectué un petit tour dans le quartier. Il faudra ensuite que nous rentrions manger, il est assez tard.
Le soleil était en train de se coucher, or personne n'en tenait compte. Chaque villageois semblait bien trop absorbé dans sa préparation de la fête.
— Je crois avoir vu un petit panneau indiquant qu'elle se trouvait par là-bas, fit Judith en pointant une direction.
Ils traversèrent une place au sol recouvert de mosaïque. Marcus commença à s'intéresser aux carreaux colorés, mais son père l'encouragea plutôt à aller laver ses mains dans une fontaine.
— Ne la bois pas ! s'affola-t-il quand son fils pencha la tête sous un filet d'eau. Si tu as soif, nous allons te trouver une boisson.
Ce ne fut pas bien difficile, car une échoppe vendait des jus de fruits juste à côté d'eux. Le louveteau choisit un jus d'orange, servi dans une coque de noix de coco.
— C'est ici ! s'exclama Eleanor en remarquant des gens faire la queue devant une petite porte.
Celle-ci était surmontée d'un écriteau, où s'inscrivaient en majuscules les mots "GALERIE LUNAIRE". La foule déjà présente parut rebuter Clark, mais ils décidèrent quand même de s'approcher.
— La file d'attente a l'air de se réduire assez vite, observa Judith. Nous ne devrions pas avoir à attendre bien longtemps.
Et effectivement, moins de cinq minutes plus tard, ils dépassaient déjà la porte d'entrée. Cela avait suffi à fatiguer Marcus, qui se plaignit de ses pieds soi-disant douloureux. Au sourire triomphant qu'il afficha lorsque son père le hissa sur ses épaules, Eleanor le soupçonna d'avoir surtout eu envie de se faire porter...
Dès qu'ils eurent présenté leurs tickets à un jeune homme, ils purent avancer dans une sorte de vestibule assez sombre.
— Nous allons visiter une maison ? s'étonna la louve. Il n'y avait pourtant aucun étage au-dessus de la devanture.
Au lieu de les faire monter où que ce soit, une femme leur fit signe de descendre un escalier en colimaçon. Cela n'inspira pas Eleanor, qui méfiante, hésita à faire demi-tour. Clark et Judith se contentèrent de suivre le mouvement des autres personnes présentes devant eux, ce qui la poussa à se détendre un peu.
Seuls de faibles lampions éclairaient les marches, ce qui manqua de faire trébucher le Grand Alpha. Judith et Eleanor durent le guider, jusqu'à ce qu'ils arrivent en bas de l'escalier.
Ils découvrirent alors une petite galerie souterraine, où résonnaient des murmures. Les parois en pierre étaient recouvertes de fresques, illuminées par quelques bougies. Les visiteurs avançaient en admirant chaque mur, tout en commentant ce qu'ils voyaient. Comme les bruits se répercutaient le long de la grotte, personne n'osait parler trop fort, ce qui conférait à l'endroit une ambiance presque mystique.
— C'est quoi tout ça ? fit cependant Marcus de sa voix un peu trop aiguë. Y'a pas de fenêtres ?
Le plafond étant assez bas, son père le reposa par terre et lui prit la main. Judith s'approcha de la première fresque, juste sur leur droite, et les autres suivirent le mouvement. Les couleurs chatoyantes prenaient la forme d'une étendue de verdure, plongée dans la pénombre. Deux lunes argentées étincelaient au milieu d'un ciel étoilé.
— Pourquoi y'a deux lunes ? s'enquit le louveteau. Ils se sont trompés !
— On raconte qu'il y a très longtemps, avant même la naissance du roi des vampires, deux lunes apparaissaient chaque nuit, lui expliqua son père.
Eleanor se demanda d'abord pourquoi cette légende était représentée, puis jeta un coup d'oeil à la seconde fresque, un peu plus loin devant eux. Elle comprit alors ce qu'était ce lieu, et pourquoi il était lié à la fête du Soleil et de la Lune.
— Cette galerie retrace l'histoire des loups-garous, déclara-t-elle en admirant de plus près la deuxième peinture.
La paroi avait été creusée au niveau de la seconde lune, afin d'y insérer une bougie. Une flamme orangée y brûlait, donnant l'impression que l'astre était en feu.
— Ça chauffe vraiment ? s'interrogea Marcus en se hissant sur la pointe des pieds.
Il essaya d'atteindre la flamme avec ses petits doigts, mais Clark l'en empêcha, évitant ainsi la catastrophe.
— C'est pour représenter l'incendie de la seconde lune. Elle s'est un jour mise à brûler dans le ciel, puis s'est réduite en cendres petit à petit, raconta Eleanor.
Les lèvres du garçon s'arrondirent en un "o" d'étonnement. Cela paraissait aussi surprendre Judith, qui ne devait pas être au courant de toutes ces croyances.
— Mais pourquoi elle a brûlé ? demanda le petit. Elle avait trop chaud ?
Cette remarque fit glousser les deux loups.
— Personne ne sait, répondit la jeune fille. Certains disent qu'elle était plus petite que sa voisine, donc les regards se portaient moins souvent sur elle. Elle a fini par en être tellement triste qu'elle a demandé au soleil de la brûler.
— Le soleil ? Mais soleil il est là que quand il fait jour ! Et lune c'est la nuit !
Eleanor sourit de plus belle. Même s'il n'avait que trois ans, ce louveteau ne perdait pas le nord !
— C'est pour ça que ce n'est qu'une légende, intervint son père. Une histoire, si tu préfères. Il n'y a quasiment aucune chance pour que ce soit vrai.
Loin d'être déçu par ces paroles bien trop empreintes de réalisme, Marcus se dirigea vers la troisième fresque. Des silhouettes avaient été peintes au milieu de l'herbe, et chacune semblait regarder vers le ciel nocturne. La seconde lune y brûlait toujours, tandis que des particules semblaient pleuvoir jusqu'au sol.
— Ce sont les cendres de la lune brûlée, comprit Eleanor. Des gens ont commencé à remarquer ce qui se passait dans le ciel, et sont sortis pour observer l'incendie. Ils se sont mis à crier que la seconde lune brûlait, mais certains ont refusé d'y croire et n'ont même pas voulu sortir de chez eux. Ceux qui y ont cru sont restés et les cendres ont commencé à leur tomber dessus.
Toute cette histoire lui avait été enseignée dès son plus jeune âge. Cela l'étonnait que personne n'en ait rapporté quelques bribes à Marcus.
— Ils devaient être tous sales ! s'horrifia le petit garçon. Judi, t'aurais pas été contente si j'y avais été !
Tous rirent doucement, y compris d'autres visiteurs à côté d'eux. Quand ils purent avancer jusqu'à la peinture suivante, ils notèrent que moins de bougies l'éclairaient. Les silhouettes, représentées en teintes plus sombres, se tordaient en des positions improbables, avec des membrés pliés en deux... ou en trois. Marcus poussa une exclamation dégoûtée.
— On dirait des poupées cassées !
— Ce n'est pas très loin de ça, s'amusa Eleanor. Les personnes qui ont reçu des cendres sur elles ont commencé à se transformer. C'est comme ça qu'elles sont devenues des loups-garous.
Il n'y avait qu'à faire un pas pour découvrir la suite de la fresque : les silhouettes déformées avaient laissé la place à de splendides loups aux pelages variés.
— Mais pourquoi ? questionna Marcus, complètement perdu. L'autre jour j'ai joué avec cendres du feu, ça m'a pas transformé !
— C'est...
— J'espère que le feu était éteint, intervint Clark. Il ne faut pas...
— Ne vous inquiétez pas, il s'est juste amusé à faire des dessins avec Rowan, précisa Judith. Ils ont pris les cendres qu'il restait dans l'âtre... éteint, évidemment.
Le Grand Alpha marmonna que les crayons de couleurs avaient été inventés pour une raison, mais ne dit rien de plus. Officiellement, lui et son meilleur ami s'étaient réconciliés, or une tension se faisait toujours sentir entre eux.
— La transformation en loup-garou est la récompense pour ceux qui sont sortis voir l'incendie, reprit Eleanor. Il y avait suffisamment de foi en eux pour croire qu'une telle chose était possible, alors la lune brûlée leur a fait un dernier cadeau. Ceux qui ont refusé d'y croire sont restés des gens ordinaires... Sans vouloir vous vexer, Judith, bien sûr.
La Neutre balaya ses excuses d'un geste de la main, l'air sincèrement intéressée par cette histoire.
— Je regrette simplement que mes ancêtres n'aient pas été assez crédules pour aller voir ce qui se passait, déclara-t-elle d'un ton léger. J'imagine que je ne peux pas leur en vouloir, je ne serais sûrement pas sortie de mon lit non plus...
Clark affirma qu'il aurait fait de même. Ils eurent une pensée pour ceux qui, plongés dans un profond sommeil, n'avaient même pas entendu l'agitation à l'extérieur.
— Ensuite c'est les pierres ? demanda Marcus en poursuivant son chemin dans la galerie.
Un pan entier de la grotte représentait la carte de la Terre des Loups. Les territoires de chaque meute étaient colorés de la couleur associée à leur pierre. Devant le mur, un petit bocal en verre avait été placé. Il était rempli de cendres, et un panneau indiquait d'y plonger sa main. Le louveteau s'y précipita, or son père le devança. Quand il ressortit ses doigts du récipient, ils étaient teintés de gris, mais il avait trouvé un petit caillou.
— C'est un rubis, remarqua-t-il. Enfin, un faux, j'imagine...
Avant que Marcus ne pose la moindre question, Eleanor expliqua :
— Le lendemain matin, quand le jour s'est levé, la lune avait fini de brûler. Les gens ont simplement trouvé des cendres qui recouvraient le sol. Les rayons du soleil les ont alors transformés en des millions de pierres précieuses. Ceux qui vivaient au nord ont cueilli des émeraudes, ceux à l'est des topazes... C'est ainsi que les loups-garous ont commencé à s'organiser en meute, avec un alpha à leur tête. Ils ont ensuite pris le nom des pierres qui étaient apparues sur leur territoire.
— Il paraît qu'il y avait même sept meutes, au lieu de six à l'heure actuelle, ajouta Clark. Leur pierre était de l'améthyste, toute violette. Mais il y a des chances pour que ce ne soit qu'un mensonge...
— Des pierres précieuses seraient donc apparues partout où il y avait des cendres ? fit Judith, fascinée.
La louve s'apprêtait à confirmer, or le Grand Alpha fut plus rapide :
— C'est absolument improbable. Toutes les pierres sont trouvées dans des mines. Elles se régénèrent assez rapidement grâce à un phénomène surnaturel, afin que chaque loup-garou puisse en avoir. C'est un fait avéré, contrairement à cette prétendue transformation de cendres en diamants, ou je ne sais quoi.
Ses interventions étonnèrent Eleanor, qui l'aurait imaginé plus croyant que cela. Toutefois, il avait peut-être ses raisons de penser ainsi, alors elle ne dit rien.
En suivant les autres visiteurs, elle constata que la galerie arrivait bientôt à son terme. L'avant-dernière fresque mettait à l'honneur le soleil et la lune, qui étincelaient de part et d'autre d'un grand cercle.
— Après la disparition de la seconde lune, celle qui restait s'est retrouvée seule. Elle ne croise le soleil que très rarement, lors des éclipses.
— Et les étoiles ? s'enquit Marcus. Elles sont bien avec elle aussi, non ?
La jeune fille sourit. Il avait complètement raison, mais les croyances se portaient surtout sur les deux principaux astres.
— La seconde lune a disparu car personne ne lui accordait de l'attention, donc les loups-garous ont décidé de vénérer celle qu'il reste, pour qu'un deuxième incendie ne survienne jamais. Les transformations sont un rappel de la pleine lune, que l'on doit toujours guetter. Les mariages doivent être célébrés dans des temples de la Lune, pour qu'elle soit témoin de chaque union. Il faut aussi la remercier chaque fois qu'un louveteau naît, car c'est elle qui décide quand un nouveau loup doit apparaître.
À la mine perplexe du petit garçon, elle comprit qu'il ne saisissait pas encore très bien ce qu'elle racontait.
— Mais moi avant on m'avait dit que les bébés ils étaient dans le ventre des mamans. C'est la Lune qui les met dedans ? Papa il fait quoi, lui ?
Eleanor échangea un regard avec Clark, et manqua d'éclater de rire. Elle se mordit les joues, tandis que le Grand Alpha répondait :
— C'est un peu plus compliqué que ça. Tu n'as pas à t'en inquiéter tout de suite...
Ses petits sourcils froncés, le louveteau parut quand même se plonger dans une profonde réflexion.
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas vraiment, intervint Judith. Si l'incendie de la seconde lune a permis l'apparition des loups-garous, pourquoi craignent-ils que l'événement se répète ? Peut-être que la disparition de la lune restante permettrait la création d'une nouvelle espèce, non ?
C'était une question que la louve s'était aussi posée lorsqu'elle était petite. Même si, tout comme Marcus, le sujet de l'apparition des louveteaux l'avait davantage préoccupée...
— Si la Lune devait brûler à son tour, alors ce serait la fin des loups-garous. Les légendes les plus sombres parlent de destruction totale de chaque meute, de morceaux célestes qui incendieraient les villages, de maladies incurables...
— Mais ce ne sont que de stupides légendes, rappela Clark face aux yeux écarquillés de son fils. Imaginer qu'un tel chaos serait possible, c'est comme... Comme envisager l'extinction des vampires.
Chacun hocha la tête, obligé d'admettre que de telles hypothèses étaient plus qu'improbables.
— Dans le doute, les loups continuent de porter à la Lune l'attention qu'elle mérite, poursuivit Eleanor. Nous n'oublions pas non plus le Soleil, et c'est pour cette raison qu'une fête commune est organisée en leur honneur.
Ils se dirigèrent vers la dernière peinture. Des silhouettes dansaient et s'amusaient sous le soleil couchant, aux mille nuances de jaune, rose et violet. La lune pointait elle aussi le bout de son nez, alors que l'astre solaire déclinait. De toutes les fresques qu'ils avaient pu observer, la louve sentit que celle-ci était sa préférée.
— Donc demain il faut faire la fête pour pas que Lune brûle ? résuma Marcus.
— C'est l'idée, oui. Ton papa te dirait que c'est aussi un prétexte pour faire travailler les commerçants et tavernes de chaque village...
Elle releva les yeux vers Clark en prononçant ces mots, et il afficha une expression amusée.
— Tu as tout compris, confirma-t-il.
Et comme pour corroborer leurs dires, des bribes de conversations d'autres visiteurs parvinrent jusqu'à eux :
— Il faut absolument qu'on aille s'acheter une tenue pour demain. Et il nous manque les bougies pour la promenade en barque.
Eleanor se demanda de quoi ils parlaient, jusqu'à voir une pancarte à la sortie de la galerie. Elle indiquait que des pistes de danse seraient aménagées à plusieurs endroits du village, et qu'à la tombée de la nuit, chacun pourrait monter à bord d'une petite embarcation sur la rivière la plus proche. À la lecture du mot "danse", une pointe d'excitation enfla aussitôt dans son coeur. Néanmoins, elle savait que le Grand Alpha voulait partir le lendemain matin, ce qu'elle comprenait...
— Qui est d'accord pour rester une journée de plus ? les interrogea-t-il toutefois.
La jeune fille pivota la tête vers lui, ravie. Judith ne cacha pas son enthousiasme non plus, de même que Marcus.
— J'espère qu'on pourra manger plein de gâteaux ! s'exclama-t-il. À fêtes on mange gâteaux, non ?
Son père lui assura qu'il aurait le droit d'en manger, uniquement s'il restait sage et ne se perdait pas pendant la fête.
— Promis ! Et après on dansera avec Judi, Elanor et Tonton Rowan !
Le plus raisonnable aurait bien sûr été de s'éloigner au plus vite de la Terre du Rubis, cependant... La louve ne comptait pas laisser son frère tout gâcher. Pas encore.
Elle échangea un regard avec Clark, et quelque chose lui dit que tout se passerait peut-être plutôt bien...
Note de l'auteure :
C'est parti pour la fête des lumières, version loup-garou ! ☀️🩷
J'espère que ce chapitre vous a plu, il m'a un peu permis de développer l'aspect "religion" qui n'était jusque-là pas très présent dans l'univers, dites-moi si cette histoire de deuxième lune brûlée n'est pas très claire 😂
Petite info pour cette semaine : je ne serai sûrement pas très présente jeudi et vendredi (Harry Styles j'arriiiiive ! N'oublie pas de chanter Stockholm Syndrome s'il te plaît, ça fera plaisir à Adrian et Alisée 😁😂) normalement ça ne changera rien pour la publication puisque je pourrai poster le prochain chapitre samedi, mais si jamais il y a un problème de train, fatigue... Je préfère vous prévenir 😭😅
Bisous et à samedi si tout va bien ! 😘❤️
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