Chapitre 3 - Pris au piège
La gifle partit toute seule.
Eleanor lâcha le trousseau de clés et sa main fendit l'air dans un sifflement. Sa paume s'abattit sur la joue de Clark, si fort qu'elle-même ressentit une brûlure dans ses doigts.
Cependant, rien n'aurait pu être plus brûlant que la colère qui dévorait ses veines.
Pendant des années, elle avait rêvé de ce moment : celui où elle se retrouverait face au Grand Alpha et aurait l'occasion de lui refaire le portrait. Si elle avait été enfermée dans cette tour, obligée de suivre la formation des Chasseurs de vampires, c'était à cause de lui.
Il était à l'origine d'absolument tous les tourments qu'elle avait eu à endurer, depuis sa plus tendre enfance, jusqu'à maintenant.
— Je vais vous tuer ! rugit-elle en resserrant sa prise sur son poignard.
Elle le leva en l'air puis fit mine de l'abattre près de son coeur, mais il parvint à retenir son poignet.
— S'il vous plaît, commença-t-il d'une voix faussement calme, je ne veux pas me battre avec vous, je suis sûr que...
Eleanor ne l'écouta pas et appuya de toutes ses forces sur son arme. Se battre avec lui était tout ce qu'elle voulait.
Et elle ne le laisserait pas lui voler ce plaisir.
Comme elle concentrait son énergie sur ses bras, il en profita pour envoyer un brusque coup de bassin, qui la déséquilibra. Il la renversa sur le côté et elle sentit son épaule heurter douloureusement le sol. Le jeune homme se releva sur des jambes chancelantes et esquissa un pas vers la trappe. Elle réussit à le retenir par la cheville, ce qui le fit tanguer. S'il parvint à rester stable, ce ne fut pas le cas de ses lunettes, qui s'échappèrent de son nez et se disloquèrent sur les pierres.
— Et voilà, elles sont cassées, l'entendit-elle marmonner.
Elle comptait bien lui faire comprendre que face à elle, ses lunettes auraient dû être le cadet de ses soucis...
Alors qu'il essayait de dégager sa jambe, elle se redressa et visa son mollet. Il l'évita à temps et empêcha la lame de se planter dans son muscle, mais elle réussit à entailler son pantalon. Elle dut aussi inciser sa peau, car il poussa un petit cri de douleur.
Elle se servit de ce moment de faiblesse pour envoyer une jambe à l'arrière de ses genoux. Cela le fit tomber à quatre pattes et elle lui donna un coup de pied dans le flanc afin de le tourner sur le dos. Elle ne put retenir un petit sourire de satisfaction quand il se recroquevilla en se tenant les côtes.
Loin d'avoir pitié, elle se réinstalla sur lui et réaventura son arme près de son cou.
— Je... Je vous en prie, souffla-t-il de manière presque inaudible. Je ne sais pas ce que vous voulez, mais j'ai un fils et...
— Tant mieux ! Votre lignée est assurée, donc vous n'avez plus besoin de ça, fit-elle en pointant sa lame sur son entrejambe.
Il écarquilla les yeux, sans complètement se décomposer.
— Écoutez, sa... Sa mère est morte il n'y a pas longtemps, il ne lui reste plus que moi, je...
— Arrêtez de me raconter n'importe quoi ! le coupa-t-elle. N'essayez pas de me prendre par les sentiments, car je peux vous assurer que ça ne fonctionnera pas. Vous n'en avez eu aucun lorsque vous m'avez rejetée !
Malgré sa satisfaction à l'idée d'avoir un ascendant sur lui, elle ne pouvait empêcher une autre émotion de la gagner. Pour l'instant, sa colère prenait le dessus, mais une souffrance plus intense menaçait d'exploser à tout moment.
Clark devait s'en rendre compte, car l'inquiétude et la perplexité se disputèrent sur son visage.
— De quoi parlez-vous ? s'enquit-il, perdu.
Il vint à l'idée d'Eleanor de laisser tomber, puis de le jeter par la fenêtre afin qu'il quitte sa tour. Au-dehors, le soleil commençait à décliner, signe que la nuit et Gretchen allaient bientôt arriver. Cependant, elle n'avait que trop imaginé cette confrontation pour y mettre un terme si vite.
— Eleanor du Rubis, cela ne vous dit rien ? lança-t-elle en le regardant droit dans les yeux.
Sans le reflet de ses lunettes, elle pouvait encore mieux voir ses iris d'un bleu incroyablement transparent. Elle ignorait s'il avait hérité cette couleur de l'un de ses parents, ou s'il s'agissait d'une anomalie.
— Euh... Je suis sincèrement désolé, mais... C'est la première fois que j'entends ce nom, avoua-t-il.
Elle serra tellement son couteau que les ornements de la poignée s'enfoncèrent dans sa peau.
— Quand j'avais quatorze ans, on m'a pourtant fait poser pendant des heures, afin que vous receviez un immense portrait de moi, révéla-t-elle sans pouvoir contenir sa rage. On a tout fait pour que vous puissiez évaluer la marchandise, alors qu'à moi, on m'a envoyé une simple miniature !
C'était pour cette raison que ses traits lui avaient paru familiers : pendant des mois, elle avait regardé ce petit portrait chaque soir, juste avant de s'endormir.
— Vous... Vous voulez dire que... Nous étions fiancés ? l'interrogea-t-il, éberlué.
Au moins n'était-il pas très long à la détente...
— Mon père était Kishan, l'alpha du Rubis, déclara-t-elle à toute vitesse. Je vous ai été promise en mariage quand je n'avais même pas cinq ans !
Toute son enfance et son adolescence n'avaient été régies que par un seul but : faire d'elle la parfaite épouse du futur Grand Alpha. Des précepteurs avaient essayé de faire en sorte que ses manières soient irréprochables, qu'elle sache se soumettre et obéir quand on le lui demandait, qu'elle soit instruite sans être trop érudite... Et évidemment, il lui était interdit de poser les yeux sur les garçons de son entourage.
— J'étais censée partir vous épouser sur la Terre du Diamant à dix-sept ans, sans vous avoir rencontré une seule fois ! poursuivit-elle. Vous auriez pu avoir des verrues partout, ou être le dernier des salopards, mes parents m'auraient quand même obligée à dire oui !
Il lui fallait déployer un grand effort pour que sa voix ne tremble pas. Ses souvenirs, auxquels elle s'était interdit de penser pendant des années, affluaient à sa mémoire. Ses tentatives de convaincre ses parents de changer d'avis, ou de ne serait-ce que la laisser voir son fiancé, ses crises de larmes chaque fois qu'elle s'imaginait devoir quitter sa région...
À côté de cela, une part d'elle s'était réellement attachée à l'idée d'épouser ce jeune homme. Tout le monde lui répétait qu'elle avait une chance exceptionnelle, qu'elle deviendrait la femme la plus importante du pays, qu'elle aurait le plus beau des mariages, qu'on la couvrirait de cadeaux à longueur de journée... Sans oublier que sur sa miniature, son fiancé n'était pas si repoussant que cela.
— Et que s'est-il passé ? demanda-t-il en fronçant les sourcils. Pourquoi n'avons-nous pas été... mariés ?
Elle eut une nouvelle envie de le gifler et de le secouer. Faisait-il exprès de jouer les naïfs ? Si c'était le cas, elle reconnaissait qu'il était un excellent comédien...
— Absolument toute ma vie ne tournait qu'autour de vous. Mais visiblement, ce n'était pas votre cas, puisque vous avez rompu les fiançailles dès qu'on a été vous raconter que je n'étais plus vierge !
Ses yeux s'arrondirent de nouveau, comme si c'était vraiment la première fois qu'il entendait parler de cette histoire.
Du jour au lendemain, l'existence d'Eleanor avait basculé. Elle était passée du statut de fierté de ses parents, à celui de vilain petit canard.
Un vilain petit canard qui déshonorait sa famille et sa meute, et qu'on s'était empressé d'exiler à des centaines de lieues.
— Je... Je vous jure que je n'ai jamais fait une chose pareille, affirma-t-il avec une sincérité désarmante. Je savais à peine que j'avais une fiancée, c'était mon père qui s'occupait de tout ça, il ne me parlait de rien et...
Il s'interrompit et secoua la tête d'un air incrédule. Malgré toute la colère qu'elle éprouvait, la louve se doutait qu'il ne mentait pas. Sûrement avait-il été tout aussi manipulé qu'elle, toutefois... Ses émotions, trop longtemps contenues, prenaient le dessus sur sa raison. Pour le moment, il lui était plus facile de le détester.
— Si vous n'existiez pas, j'aurais pu avoir une vie ordinaire, reprit-elle. J'ai pendant longtemps voulu vous voir mort, mais à présent, je m'en fiche. Je vais devenir une Chasseuse de vampires cette nuit, et ce n'est certainement pas vous qui allez m'en empêcher !
Il ne fallait pas qu'elle perde de vue son objectif. Certes, elle le haïssait et mourrait d'envie de le faire souffrir, mais l'obscurité s'installait de plus en plus.
— Une Chasseuse de vampires ? s'étonna-t-il. Écoutez, je ne suis pas certain de tout saisir, je veux bien croire que...
— Chut !
Elle lui plaqua brusquement une main sur la bouche et tendit l'oreille. Des cris semblaient lui parvenir depuis l'extérieur. Elle comprit qu'il s'agissait de Gretchen, dont la barque avait été amarrée à côté de la tour.
Une vague de panique assaillit Eleanor et elle baissa les yeux vers le jeune homme. Comment allait-elle justifier cette situation ?
— Il a vraiment fallu que vous vous montriez aujourd'hui, siffla-t-elle en réprimant ses envies de meurtre.
Ce maudit Grand Alpha allait donc gâcher sa vie jusqu'au bout...
— Vous allez monter dans ma chambre et vous cacher dans l'armoire, s'empressa-t-elle de lui ordonner. Une dame va monter ici et m'emmener pour passer mon examen. Tant qu'elle sera là, vous ne bougerez pas d'un pouce et ne ferez aucun bruit, vous vous retiendrez même de respirer s'il le faut... Elle ne doit surtout pas savoir que j'ai reçu de la visite. Compris ?
Comme elle le bâillonnait toujours avec sa main, il ne put que hocher la tête timidement.
— Dès que nous serons parties, vous pourrez retourner d'où vous venez. Si elle ferme la trappe, sautez dans le lac.
Cette perspective ne parut guère le réjouir, mais il acquiesça. Elle le libéra et il se releva avec la grâce d'un bébé chameau. Elle lui donna à peine le temps de ramasser ses lunettes cassées, puis le poussa vers les escaliers menant à sa chambre. Avant de le laisser monter, elle ressentit le besoin d'insister :
— Surtout, quoi que vous entendiez, vous ne vous montrez pas.
Sa peur devait pouvoir se lire dans son regard, car il hésita un peu avant d'approuver. Il escalada les marches en claudiquant, sûrement à cause de sa blessure au mollet. Quand la porte de son armoire claqua, signe qu'il y était entré, elle se rua vers la fenêtre et l'ouvrit en grand.
Gretchen se tenait au bord du lac et criait son prénom en faisant de grands gestes.
— Ah, enfin ! s'exclama-t-elle. J'ai cru que tu t'étais endormie !
Malgré la distance qui les séparait, le calme de la forêt permettait à Eleanor de l'entendre. Il lui semblait même ressentir les ondes de sa colère...
— Qui a touché à la barque ?
Le cerveau de la jeune fille se mit en ébullition afin de lui fournir une réponse.
— Des... Des promeneurs sont venus sur le lac ! l'informa-t-elle d'une voix forte. Ils ont essayé de forcer la serrure de la porte, alors je leur ai balancé des objets dessus ! Ça leur a fait peur et ils ont pris la fuite à la nage !
À ses propres oreilles, son histoire ne sonnait pas si fausse que cela. Elle espérait qu'il en soit de même pour Gretchen...
— Je peux descendre et venir vous rejoindre ! ajouta Eleanor. Je crois qu'ils ont réussi à ouvrir la porte, j'aurai juste à monter dans la barque et...
— Surtout pas ! hurla la vieille femme. Tu ne bouges pas d'ici, j'arrive !
De loin, la louve la vit ôter sa robe et la fourrer dans son sac. Elle traversa le lac à la nage, en simples sous-vêtements. Sa force et sa vitesse vampiriques l'empêchaient de fatiguer, et elle gagna la tour en un rien de temps.
Eleanor cacha les clés apportées par Clark, puis s'assura qu'il n'avait pas laissé de traces de sang. Elle nettoya son poignard et le rangea au fond de son armurerie.
Quelques minutes plus tard, une Gretchen trempée fit irruption dans son salon.
— Va me chercher une serviette ! fulmina-t-elle en refermant la trappe.
La jeune fille s'exécuta et monta dans sa chambre, où se trouvait également son petit espace de bain. Elle jeta un bref coup d'oeil à l'armoire et y entendit un léger mouvement. Monsieur le Grand Alpha devait y être un peu trop à l'étroit, ce qui la réjouissait. Si elle s'écoutait, elle irait jusqu'à fermer à clé le placard pour le piéger dedans...
Elle réfréna cet élan de sadisme et attrapa une serviette, qui traînait près de sa baignoire. Elle redescendit et la donna à Gretchen. L'humidité avait accompli l'exploit d'aplatir ses boucles grises.
— Comme par hasard, il a fallu que des gens débarquent aujourd'hui ! pesta-t-elle en commençant à se sécher.
Comme par hasard, en effet, aurait voulu maugréer Eleanor. Elle avait beau chercher, elle ne comprenait pas par quelle malchance Clark avait pu faire irruption dans sa tour ce jour-là... Si la vampire découvrait la supercherie, ses espoirs de passer son examen s'envoleraient.
— La prochaine fois, tu leur diras de ramener la barque où ils l'ont trouvée !
La louve s'apprêtait à lever les yeux au ciel, quand un détail l'interpella.
— La prochaine fois ? répéta-t-elle. Vous pensez donc vraiment que je ne vais pas réussir ?
Elle avait pourtant fait l'effort d'écouter les "conseils" de Gretchen : elle s'était entraînée à prononcer quelques mots sans son accent, puis avait coiffé ses cheveux noirs en deux tresses, remontées en couronne au-dessus de sa tête. Ces futilités ne lui seraient d'aucun secours, mais si cela pouvait contenter son entraîneuse...
— Tu ne vas pas passer ton examen ce soir.
Le coeur d'Eleanor bondit dans sa poitrine.
— Quoi ? Je... Je vous assure que je n'ai pas vraiment parlé aux gens qui sont venus, je leur ai juste dit de partir et...
— Ça n'a rien à voir, la coupa-t-elle durement.
Comme elle était à peu près sèche, elle sortit la robe de son sac. Le vêtement avait un peu pris l'eau, cependant Gretchen ne fit pas de manières et l'enfila sans tergiverser. Une fois habillée, elle poursuivit :
— Il y a eu un changement de programme. Je ne pense pas que tu sois prête, tu vas uniquement faire perdre du temps à tes examinateurs. Nous verrons l'année prochaine si...
— Vous voulez que je reste une année de plus ici ? s'horrifia-t-elle. Mais je vais devenir folle, il est hors de question que...
— Ce n'est pas toi qui décide ! trancha la vampire. Tu resteras dans cette tour jusqu'à ce que je décrète le contraire.
Ses nerfs déjà mis à rude épreuve par ce fichu Grand Alpha, Eleanor se sentit perdre pied. Là, c'est trop, songea-t-elle en sentant ses poings trembler.
— Je suis sûre que c'est à cause de Manik ! s'emporta-t-elle. Il vous a ordonné de me garder ici, n'est-ce pas ?
Gretchen ne répondit rien et se contenta de la toiser avec dédain. La louve prit cela pour un assentiment, ce qui finit de la faire exploser :
— Pourquoi faut-il toujours que vous lui obéissiez ? Je sais qu'il vous paie une fortune pour me garder ici, vous n'avez absolument aucune fierté pour vous laisser manipuler si facilement, il...
La vieille femme fondit sur elle et lui assena une gifle retentissante. Loin de se laisser impressionner, les réflexes d'Eleanor prirent le dessus et elle tenta de saisir l'immortelle à la gorge. Lui briser la nuque ne suffirait pas à la tuer définitivement, mais cela la ferait tomber inconsciente pendant de longues heures.
Sa tentative échoua et Gretchen lui saisit les poignets. Elle les serra si fort que la louve crut que ses os allaient se briser.
— Ne t'avise pas de me réinsulter, grinça la vampire. Ta famille s'est montrée très clémente en t'envoyant ici. Tu sais très bien quelle alternative t'attendait si tu refusais cette opportunité...
Ses yeux vairons lançaient des éclairs, or Eleanor ne lâcha pas l'affaire.
— Je ne devais rester ici que six ans ! Tout le monde a eu le temps de m'oublier, je ne compte pas revenir sur la Terre du Rubis et...
— Je me fiche de tes jérémiades. Tu ne quitteras pas cette tour ce soir, point final.
— Dites plutôt que je ne la quitterai jamais ! fit la jeune fille en tentant de se libérer.
Gretchen lâcha l'un de ses poignets, uniquement afin de lui envoyer une nouvelle claque. Eleanor était certaine que dans sa chambre, le Grand Alpha devait bien rigoler...
— Tu as passé six années ici. Tu survivras bien à une de plus, fit la buveuse de sang en haussant les épaules.
La louve n'arrivait même pas à imaginer ce qui l'attendait. Une solitude et des souffrances sans fin, la même désillusion qui reviendrait la frapper chaque année... Elle préférait encore mourir.
— De toute façon, tu faciliterais la vie de tout le monde en te jetant de cette tour. J'apprécie l'argent que me donne ton frère, mais je commence sérieusement à me lasser de toi.
Eleanor vit rouge et se débattit, prête à étriper sa geôlière.
Elle s'apprêtait à lui décocher un coup de pied, quand elle repéra un mouvement derrière Gretchen. Elle s'horrifia en voyant Clark descendre doucement de sa chambre. Qu'est-ce que cet abruti croyait pouvoir faire ? Il lui fit signe de se taire et elle tâcha de se composer une expression neutre.
Si l'immortelle, à l'audition surdéveloppée, entendait ses pas sur les marches de pierre, Eleanor donnait peu cher de leur peau...
— Manik ne pourra pas me garder ici toute sa vie ! s'exclama-t-elle pour essayer de couvrir les éventuels bruits. Il ne peut pas m'empêcher de devenir une Chasseuse, ce ne sont pas ses affaires et...
— Ton frère est le futur alpha de la Terre du Rubis. Tu es un membre de sa meute, il peut faire de toi ce qu'il veut. Tu peux déjà t'estimer heureuse qu'il ne t'ait pas mariée de force à l'un de ses amis !
Elle serra les poings et essaya de libérer ses poignets. Un bref coup d'oeil derrière Gretchen lui indiqua que Clark avançait en direction du coin cuisine, où se trouvaient des couteaux.
— Si vous me laissez devenir une Chasseuse, je partagerai avec vous la moitié de mon salaire, tenta-t-elle de négocier. Les missions sont bien payées, vous ne perdrez pas tellement au change !
— Tu crois vraiment que je vais laisser tomber la protection d'un futur alpha contre...
Un tintamarre de casseroles retentit et elle s'interrompit.
Eleanor se figea, tandis que la vampire pivotait la tête vers l'espace de cuisine. Le jeune homme venait d'y faire malencontreusement tomber des objets en équilibre sur le plan de travail. L'air penaud, il se tenait aussi immobile qu'une statue.
— Bon... Bonjour, madame, finit-il par bégayer. Je suis désolé de...
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? s'écria aussitôt Gretchen.
Sentant que sous la surprise, son étau se desserrait, la louve en profita pour se libérer. Elle tira de toutes ses forces les cheveux de la femme, de manière à pencher sa tête en arrière et dégager sa gorge.
— Un couteau, vite ! lança-t-elle à l'adresse de Clark.
Dans cette position, elle ne pouvait pas lui briser la nuque, mais l'égorger serait presque tout aussi efficace. La vampire mettrait quelques minutes à se remettre de sa blessure. Cela laisserait le temps aux deux loups de... De quoi ? paniqua-t-elle soudain. La trappe était fermée et Eleanor ne pourrait pas sauter dans le lac.
Elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions, car Gretchen se débattit comme un diable. Bien qu'un peu essoufflée, la jeune fille se démena pour continuer à la maîtriser, n'hésitant à lui envoyer des coups de pieds. Elle était sur le point de lâcher prise, quand le Grand Alpha accourut avec un couteau.
— Plantez-le dans sa gorge ! lui ordonna Eleanor.
Il ouvrit de grands yeux emplis d'effroi et la louve lâcha un juron.
— C'est une vampire, elle s'en remettra ! l'encouragea-t-elle.
Ce n'était clairement pas le moment d'avoir des scrupules, ni de jouer les chiots effarouchés.
Il hésita encore quelques secondes, puis enfonça la lame à l'endroit indiqué. L'immortelle lâcha une exclamation de douleur et Clark lâcha immédiatement le couteau. Eleanor prit le relais et agrandit un peu plus l'incision, jusqu'à ce que du sang d'un rouge très foncé se répande partout.
Gretchen sombra vite dans l'inconscience, laissant un bref moment de répit aux deux loups, piégés dans cette tour...
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