Chapitre 29 - Rencontres chaleureuses
— Qu'est-ce que vous faites ici ? aboya l'homme qui menaçait Rowan et Eleanor.
Il s'exprimait avec un accent de la Terre du Rubis aussi prononcé que celui de la jeune fille. Même si son corps était recouvert par d'amples vêtements, on pouvait deviner sa corpulence plutôt faible et sa relative petite taille. Le turban beige qui lui entourait la tête laissait seulement entrevoir ses yeux.
— Nous nous sommes perdus, mentit Eleanor. Nous étions de passage à Reejhak et...
Tandis qu'elle parlait, elle dirigea lentement ses doigts vers la poche de sa robe, où se trouvait l'un de ses poignards. Malheureusement, l'homme surprit son geste.
— Levez les mains en l'air ! ordonna-t-il en resserrant sa prise sur son arbalète.
Son doigt crispé sur la gâchette encouragea la louve à s'exécuter. Elle n'avait pas réalisé à quel point Rowan avait parlé fort lors de son coup de sang, et s'en voulait de s'être laissée distraire. Quelle débutante, s'insulta-t-elle intérieurement.
— Nous sommes vraiment perdus, intervint Rowan. Nous voulions juste faire une petite bala...
— C'est faux ! le coupa violemment l'inconnu. Je vous ai entendu parler d'Anya !
Eleanor dévisagea l'homme d'un air interdit. Elle laissa ensuite son regard croiser celui de Rowan, qui restait figé de stupeur. Avaient-ils trouvé ce qu'ils cherchaient tant ?
— Comment la connaissez-vous ? s'enquit le meilleur ami de Clark.
Son ton menaçant ne présageait rien qui vaille. La jeune fille craignit qu'il ne perde le contrôle et décide de sauter sur le nouveau venu.
— Je peux vous demander la même chose, grinça ce dernier en avançant d'un pas. C'est vous qui l'avez tuée ?
Cette question interpella Eleanor. Cela signifiait-il qu'il n'avait rien à voir avec le meurtre ?
— Nous cherchons à retrouver ses meurtriers, déclara-t-elle d'un ton moins posé qu'elle l'aurait voulu. Une piste nous a menés vers le nord de Reejhak.
D'ordinaire, jouer ainsi la carte de l'honnêteté n'était pas ce qu'elle préférait. Elle tâchait de se demander comment Clark aurait agi, sans parvenir au moindre résultat. Aurait-il usé de ses talents de menteur, ou aurait-il opté pour la franchise ? Il n'est pas là, alors débrouille-toi, se raisonna-t-elle.
— Et pourquoi vous voulez les retrouver ? les interrogea-t-il, méfiant.
Cette fois, elle ne sut comment interpréter cette question. Elle fixa l'arbalète, puis décida qu'il fallait renverser la situation. Discuter d'un sujet glissant sans être en position de force constituait un risque beaucoup trop grand.
Elle s'apprêtait à passer à l'action, quand Rowan la devança. Il envoya un coup de pied dans le sol, qui projeta du sable sur l'inconnu. Celui-ci détourna le visage, mais appuya quand même sur sa gâchette.
Le carreau d'arbalète fila droit sur le loup, qui se le reçut dans le bras.
Il poussa un cri, qui pendant une seconde, déstabilisa Eleanor. Elle fit un mouvement pour aller vers lui, avant de se ressaisir. L'homme était déjà en train de recharger son arme, or elle ne lui laisserait même pas le temps de tirer.
Elle dégaina deux poignards et en lança un vers l'inconnu. La lame pivota dans les airs, avant de se planter dans son épaule. Le choc le fit tomber à genoux, mais il retira l'arme aussitôt. Les couches de tissu qui le protégeaient du soleil avaient réussi à atténuer la blessure.
La jeune fille ne lui laissa pas une seconde de répit et fondit sur lui. Elle envoya le pied dans son torse et le maintint dos à terre. Elle appuya son poignard contre son poignet, de manière à lui faire lâcher son arbalète. Elle l'envoya hors de portée, puis dirigea sa lame vers son épaule.
— Si vous bougez, je vous découpe le bras, le menaça-t-elle.
Il grimaça en poussant un gémissement de douleur. Sa chute avait fait tomber son turban, révélant ses courts cheveux noirs. Sa peau tannée par le soleil le vieillissait un peu, si bien qu'il était impossible de déterminer son âge exact. Trente ou quarante ans ? Peu importe, ce n'était pas la priorité d'Eleanor.
— Ça va ? s'inquiéta-t-elle en tournant la tête vers Rowan.
La pointe qui l'avait touché gisait par terre. Le loup-garou se tenait assis juste à côté, une main pressée sur son bras. Malgré le sang qui imprégnait sa manche, il paraissait tenir bon.
— Je vais tuer cet abruti, gronda-t-il en fixant l'inconnu.
La louve se reconcentra sur l'abruti en question. Il avait dû saisir que son avertissement n'était pas une menace en l'air, car il ne bougeait plus d'un pouce.
— Comment vous appelez-vous ? lui demanda-t-elle en le toisant d'un regard noir.
— Qu'est-ce que ça peut vous faire ? cracha-t-il.
Pressée de lui faire regretter son impertinence, elle fit bouger sa lame dans la plaie déjà existante. Elle ne l'enfonça que d'un millimètre, mais cela suffit à l'intimider.
— Appelle-le "cercueil", proposa Rowan. C'est bientôt là qu'il va finir.
Eleanor l'ignora. Son adversaire lui opposa encore quelques secondes de silence, avant de finir par céder :
— Sulkin.
— Et qu'est-ce que vous faites là ? Ne me renvoyez pas la question, votre épaule n'apprécierait pas tellement...
Il crispa sa mâchoire. Elle n'avait pas besoin de lire ses pensées pour savoir qu'il la traitait de tous les noms.
— Je suis de patrouille, répondit-il. Je passais derrière cette dune quand je vous ai entendus brailler comme des hyènes.
Rowan, l'as de la discrétion, ironisa-t-elle avec agacement. Cependant, après toute la détresse qu'il avait exprimée, elle n'était pas aussi énervée qu'elle l'aurait dû.
— Quelle patrouille ? reprit-elle. Que surveillez-vous ?
— Dites-moi comment vous connaissez Anya et je vous donnerai la réponse.
S'ils continuaient ainsi, ils risquaient de se retourner les questions à l'infini...
— Coupez-lui le bras ! lança Rowan. On ne va pas tourner autour du pot pendant une heure !
Avant d'en arriver là, Eleanor opta pour une autre stratégie : continuer à donner une simple part de vérité.
— Je vous l'ai dit, nous sommes chargés de retrouver ses meurtriers. Nous voulons la venger.
— Et qui vous envoie ? Le Grand Alpha ?
En prononçant le nom du dirigeant, son regard se chargea de défiance. La jeune fille hésita un instant. S'il détestait Clark et les croyait de son côté, il serait moins enclin à coopérer.
— Non. Nous sommes simplement des amis d'Anya.
Il ne parut qu'à moitié convaincu.
— Et quelle piste vous a menés jusqu'ici ?
Rowan poussa un grognement. Eleanor sentait aussi sa maigre patience faiblir.
— J'ai répondu à votre première question, rétorqua-t-elle. À vous de répondre aux nôtres. Que surveillez-vous au beau milieu du désert ?
S'il tenait encore son arbalète, il ne faisait nul doute qu'elle se serait retrouvée avec un carreau entre les deux yeux...
— Un campement, avoua-t-il à contre-coeur. Mais cela ne vous regarde pas. Les meurtriers d'Anya ne sont pas ici.
Même si elle ignorait quelle réponse elle espérait, elle ne s'était certainement pas attendue à celle-ci.
— Un campement ? Au beau milieu de nulle part ? Cela me semble être l'endroit parfait pour cacher des criminels, non ?
Face à son absence de réaction, elle se permit de rejouer avec son poignard. L'effet fut immédiat.
— Nous n'avons rien à voir avec sa mort ! grommela Sulkin. J'ignore ce qui vous a conduits jusqu'à nous, mais nous aimerions aussi connaître les coupables !
Tandis qu'Eleanor réfléchissait à une nouvelle question, Rowan recommença à faire des siennes :
— Nous avons trouvé des adresses inscrites sur des plaques de verre, cachées derrière des sceaux en cire. La plus récente indiquait le nord de Reejhak.
Avouer ceci revenait presque à dire qu'ils étaient de mèche avec le palais du Grand Alpha. Autrement, comment auraient-ils pu obtenir ces documents ? Toutefois, bien qu'ils aient affirmé le contraire, l'homme devait déjà les soupçonner d'être envoyés par le dirigeant.
— Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je n'ai jamais eu vent de ces plaques.
Rowan marmonna immédiatement qu'il mentait. La louve n'eut pas la même impression, et décida de changer d'angle d'attaque :
— Comment connaissiez-vous Anya ? Vous l'avez déjà rencontrée ?
L'interpellé secoua la tête.
— Je la connais simplement de nom.
— Dans ce cas, pourquoi voudriez-vous retrouver les coupables de son meurtre ?
Il tiqua, l'air de celui qui s'était piégé tout seul.
— C'est la femme du Grand Alpha, se justifia-t-il. Cette affaire a choqué tout le monde.
Cette fois, elle eut la sérieuse impression qu'il se moquait d'elle.
— Vous racontez n'importe quoi, persifla-t-elle. Je suis sûre que vous la connaissiez !
Elle enfonça sa lame dans la plaie, au moins d'un bon centimètre. L'homme lâcha un glapissement et la supplia d'arrêter. Elle s'exécuta, sans retirer complètement son couteau.
— Anya échangeait des lettres avec un certain Rodolphe. Qui me dit qu'il ne s'agit pas de vous ?
Après tout, il correspondait plutôt bien à la description fournie par Finn, le vampire qui avait assisté à la discussion entre Anya et un inconnu. Dans une moindre mesure, cela coïncidait aussi avec l'image que Marcus gardait de Rodolphe : un homme aux cheveux bruns, plus âgé que Clark. Le "sourire gentil" évoqué par le petit garçon n'était pas vraiment présent, or cela ne voulait pas dire grand-chose.
— Ce n'est pas moi, gémit-il. Mais je peux vous arranger un entretien avec lui. Éloignez ce couteau, par pitié.
Eleanor haussa les sourcils et se tourna vers Rowan. Se pouvait-il que Rodolphe leur soit livré sur un plateau si facilement ? Cela devait cacher une entourloupe.
— Vous allez nous mener jusqu'à lui, décréta-t-elle en plaçant son poignard sous la gorge de Sulkin. Vous nous servirez d'otage, comme ça nous serons sûrs que Rodolphe ne nous attaquera pas.
— Je ne peux pas vous mener directement jusqu'à lui, protesta-t-il. Vous n'avez qu'à m'attendre ici et je vous l'amènerai.
— Pour que vous reveniez avec une troupe toute entière ? Non merci. On reste avec vous.
L'homme grimaça, tout en marmonnant des invectives. Il finit par hocher la tête, résolu à obéir.
— Vous allez vous relever en même temps que moi, lui indiqua-t-elle. Je vous déconseille de tenter la moindre pirouette...
Son regard noir parut le convaincre, puisqu'il acquiesça de nouveau. Elle se redressa et il suivit le mouvement, la lame en argent toujours braquée sous sa gorge.
— Vous n'avez pas de bracelet d'identification, remarqua-t-elle lorsqu'il porta une main à son épaule meurtrie. Ni de bagues. Vous êtes un Neutre ?
Sur la Terre des Loups, ne pas porter de bracelet exposait à une sérieuse amende. Chez les vampires, on racontait que la punition était encore plus sévère.
— En effet, bougonna-t-il. Les bracelets sont pour les toutous du roi des sangsues, nous n'en voulons pas.
Elle ne sut trop quoi penser de cette petite marque de rébellion. Son attention se porta sur Rowan, qui se relevait péniblement.
— Vous allez pouvoir marcher ? s'inquiéta-t-elle.
Elle serait bien venue vers lui pour tenter de lui faire un bandage, mais cela laisserait à Sulkin la possibilité de s'enfuir.
— Ça va finir par cicatriser, affirma-t-il sans ôter sa main de la blessure. Il en faut plus pour me tuer.
Eleanor voulait bien le croire, cependant elle doutait qu'une marche dans le désert soit très bénéfique... Elle demanda à leur prisonnier à quelle distance se trouvait Rodolphe.
— Nous y serons d'ici un quart d'heure. Ne traînez pas si vous ne voulez pas que nous finissions brûlés.
Les deux loups le prirent au mot et avancèrent d'un pas vif. Rowan n'émettait aucun signe de fatigue, transcendé par la perspective de ce qui les attendait. Eleanor prenait soin de surveiller Sulkin, tout en redoutant qu'un piège ne se referme sur eux. Suivre un inconnu qui leur avait tiré dessus était complètement insensé, or ils ne pouvaient laisser filer cette occasion.
À mesure qu'ils contournaient les dunes, la jeune fille se sentait de plus en plus fatiguée. Ils s'éloignaient indéniablement du sud et de Reejhak. Sûrement auraient-ils mieux fait de ramener leur prisonnier au village, puis de venir voir Rodolphe le lendemain. Bien sûr, Rowan n'aurait jamais accepté...
— Il est encore loin, votre Rodolphe ? s'agaça-t-elle au bout d'un moment. Et arrêtez de traîner la patte !
Elle houspillait Sulkin seulement pour la forme, étant de toute façon incapable d'aller plus vite. Marcher en le surveillant commençait à devenir un supplice.
— Encore cinq minutes, grommela-t-il. Nous avancerions mieux si vous ne m'aviez pas troué l'épaule...
— Je peux faire bien pire si vous nous menez dans un piège. Rodolphe n'a pas intérêt à être un simple tas de sable.
— Si c'est le cas, nous le lui ferons manger, trancha Rowan.
Leur otage s'abstint de tout commentaire et ils dépassèrent une nouvelle dune. C'est alors qu'apparurent des petites habitations, formant une sorte de hameau au milieu du désert. Certaines semblaient en bois, tandis que les autres paraissaient constituées de toile. Elles se trouvaient à quelques centaines de mètres de leur position, et Eleanor crut voir des personnes circuler entre les abris.
— Au moins, vous n'avez pas menti sur la présence d'un campement, constata-t-elle. Des gens arrivent vraiment à vivre ici ?
— Ce n'est pas facile tous les jours, mais on s'en sort, acquiesça Sulkin.
— Et combien êtes-vous ? s'enquit Rowan. J'ose espérer qu'une cohorte d'archers ne va pas nous encercler, sinon nous vous trancherons la gorge devant eux.
Il avait beau fanfaronner, Eleanor ignorait s'il serait vraiment capable d'une telle chose. Au vu de ses nerfs à vif, elle en déduisit que ce n'était pas impossible...
— Nous allons approcher du campement et vous allez appeler Rodolphe, déclara-t-elle. Nous ne vous libérerons pas tant qu'il n'aura pas répondu à nos questions.
Le Neutre marmonna dans sa barbe, puis ils s'avancèrent vers les habitations. Quelques-unes étaient abritées par l'ombre d'énormes rochers, mais la plupart étaient en plein soleil. Qui était assez fou pour habiter ici ? Des criminels qui ont désespérément besoin de se cacher, devina-t-elle avec appréhension.
Ils s'arrêtèrent à une distance raisonnable du campement, afin de ne pas s'y retrouver piégés. Les regards de quelques habitants, affairés à remuer un mélange dans une marmite, se tournèrent aussitôt vers eux.
— Ces deux loups me sont tombés dessus pendant ma patrouille, expliqua Sulkin. Ils réclament à voir Rodolphe.
Des exclamations et des murmures affolés se répandirent parmi les cuisiniers, qui s'agitèrent comme des fourmis. Alarmé par la blessure de l'otage, un jeune homme voulut venir vers eux. Rowan l'en dissuada en exhibant la lame de son poignard.
— Si Rodolphe ne se montre pas immédiatement, nous tuerons votre ami ! annonça-t-il d'une voix forte.
Cela attira l'attention de nouveaux individus, qui apparurent devant leur tente ou leur cabane. On dirait des suricates qui sortent de leur terrier, songea Eleanor avec une minuscule pointe d'amusement. Les braillements d'une femme la firent bien vite retrouver son sérieux :
— Partez ! Qu'est-ce que ça peut bien vous faire qu'on soit ici ? On ne...
L'une de ses amies la fit taire et la tira par le bras. Rowan semblait prêt à répliquer quelque chose, quand un nouvel homme émergea d'une cabane. Les mains en l'air, il s'avança vers eux, en prenant soin de s'arrêter à l'entrée du campement.
— Qu'est-ce que vous nous voulez ? demanda-t-il d'un ton faussement calme. Libérez Sulkin, il est blessé et a besoin qu'on le soigne.
La louve nota immédiatement que ses cheveux étaient bruns et qu'il devait avoir une trentaine d'années. Les autres habitants le regardaient avec une admiration qui sautait aux yeux, signe qu'il était une personnalité respectée. Eleanor comprit qu'il s'agissait sûrement de Rodolphe, mais il ne correspondait pas du tout à l'image qu'elle s'était faite de lui.
Quelque chose dans ses traits inspirait la sympathie, alors qu'elle se l'était figuré avec une face de rat sournois.
— C'est bien lui, votre Rodolphe ? murmura-t-elle à son prisonnier.
Il confirma ses soupçons et Rowan prit la parole :
— Cet homme, fit-il en désignant Sulkin, m'a tiré dessus avec son arbalète. Vous nous excuserez si nous préférons le garder sous le coude...
Son bras saignait toujours, or il ne prêtait aucune attention à sa douleur. Ses yeux marron, brillant d'une drôle d'étincelle, ne quittaient pas Rodolphe.
— Je vous présente toutes mes excuses si vous avez été blessé, répondit ce dernier. Sulkin est chargé d'éloigner les promeneurs qui rôderaient par ici. Il n'a effectué que son travail.
— Et pourquoi voudriez-vous éloigner les promeneurs ? l'interrogea Eleanor avec véhémence. Qu'avez-vous à cacher ? Des tueurs de louves ?
Les mains toujours levées, Rodolphe ne broncha pas.
— Nous exploitons illégalement une mine de pierres précieuses au pied des montagnes. En échange de votre silence et de la libération de Sulkin, nous vous donnerons une bourse pleine de saphirs et d'émeraudes.
Il en fallait bien davantage pour duper la jeune fille...
— Les mines sont très nombreuses sur la Terre du Rubis, mais il n'y a désormais plus rien à tirer de celles autour de Reejhak. Nous savons que vous n'êtes pas ici pour casser des cailloux.
— Nous venons pour éclaircir vos liens avec la femme du Grand Alpha, révéla Rowan. Vous échangiez des lettres avec elle et lui donniez des rendez-vous à la capitale. Pourquoi l'avez-vous tuée ?
Eleanor ne se serait peut-être pas montrée aussi directe, cependant elle comprenait son impatience. Après tant d'heures passées dans le désert, ils n'avaient plus la force de tourner autour du pot.
Rodolphe tiqua à la mention de la femme de Clark, mais conserva son calme.
— Nous ne sommes en rien responsables dans cette histoire. Beaucoup d'entre nous étions proches d'Anya et sa disparition nous a...
— Proches, vraiment ? s'exclama Rowan avec un rire cynique. Comment osez-vous dire une chose pareille ? Avez-vous au moins conscience du mal que vous avez causé ?
Même si le discours de Rodolphe surprenait la louve, elle croyait y déceler une certaine sincérité. Toutefois, elle refusait de se laisser convaincre si aisément.
— Que trafiquiez-vous avec Anya ? Pourquoi utilisiez-vous une espèce de code secret pour communiquer ?
L'homme parut brièvement surpris qu'ils soient au courant d'une telle information.
— Je regrette, mais je ne peux pas vous le dire. Sachez simplement que personne ici n'a fait de mal à...
Il s'interrompit, Rowan ayant rivé son poignard sous la gorge de Sulkin. Eleanor, qui maitrisait déjà le prisonnier, jeta un regard inquiet au loup. Elle réalisa que la lueur dans ses yeux s'apparentait à une dangereuse folie.
— Vous allez arrêter de jouer les mystérieux, grinça-t-il en laissant sa lame glisser sur la jugulaire de Sulkin. Pourquoi êtes-vous terrés au milieu du désert et qu'est-ce que vous avez fait à Anya ?
La jeune fille pria silencieusement pour que leur interlocuteur s'exécute. Non seulement ils avaient désespérément besoin de réponses, mais surtout, elle craignait de voir l'ami de Clark verser du sang pour la première fois...
— Si je vous le dis, commença lentement Rodolphe, je ne suis pas sûr de pouvoir vous laisser repartir vivants.
Malgré la chaleur, Eleanor ressentit un brusque frisson.
— Parlez, trancha Rowan, sans prendre le temps de la consulter.
La tournure prise par cette confrontation ne lui plaisait absolument pas. Néanmoins, elle se tut et laissa Rodolphe répondre :
— Nous ne sommes pas des criminels. Aux yeux de certains, nous sommes peut-être des hors-la-loi, mais... Nous ne nous révoltons que contre des règles injustes.
Intrigués par cette réponse vague, les loups le fixèrent pour qu'il en vienne au fait.
— Toutes les personnes présentes ici sont des Neutres. Nous sommes une communauté nomade, qui essaye d'échapper à ceux qui considèrent que les Neutres doivent forcément avoir un maître.
Eleanor cilla, ne s'étant pas préparée à cela.
— Autrefois, nous appartenions tous à des vampires ou des loups abusifs. J'ai réussi à racheter le contrat de certains, mais d'autres ont été obligés de s'enfuir. Si quelqu'un nous dénonce, ils seront ramenés de force à leur propriétaire.
Même si elle restait muette de stupeur, quelques éléments commencèrent à s'assembler dans l'esprit de la jeune fille. De nombreuses zones d'ombre l'auraient cependant empêchée de répondre à la question de Rowan :
— Et quel est le rapport de tout ça avec Anya ?
Rodolphe hésita un instant.
— Anya était celle qui m'aidait à racheter les contrats. Elle me donnait de l'argent afin que je puisse libérer autant de Neutres que possible.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top