Chapitre 2 - Un malheureux visiteur
Eleanor ne tenait pas en place.
Jamais une journée ne lui avait paru si interminable. Il lui semblait avoir conscience de chaque heure, chaque minute, chaque seconde qui s'écoulait, sans qu'elle ne puisse rien faire pour accélérer le temps. Une part d'elle était évidemment un peu nerveuse à l'idée de l'épreuve qui l'attendait, mais cela lui donnait encore plus envie de l'affronter.
Elle tentait de s'occuper en effectuant de petits échauffements, tout en prenant garde à ne pas trop se fatiguer, ni se blesser. Les denrées que lui avait apportées Gretchen la veille n'exigeaient pas de hautes compétences culinaires, ce qui lui permit de se nourrir correctement. Elle vérifia tant de fois l'affûtage de ses armes qu'elle manqua de se couper, puis tenta de faire un peu de ménage. Cela était inutile, puisqu'elle espérait ne plus jamais remettre les pieds dans cette tour. Cependant, ne pas rester inactive rendait son attente un peu moins insupportable.
De ce qu'elle savait, le test pour intégrer l'Ordre des Chasseurs de vampires se divisait en trois étapes. Ses examinateurs vérifieraient d'abord ses connaissances théoriques, dans des domaines assez variés : méthodes de traque, culture générale sur la Terre des Loups, notions précises sur quelques armes... Rien qui ne soit hors de sa portée.
La deuxième phase consistait en la démonstration de différentes techniques de combat. Eleanor affronterait l'un de ses juges, qui se trouverait être un vampire. Là encore, ce ne devrait pas lui être trop compliqué.
Si elle passait ces deux étapes sans encombres, le meilleur l'attendrait pour la fin. Un immortel serait libéré dans l'immense forêt et il lui faudrait retrouver sa piste, le combattre, le maîtriser, et le tuer. En général, un criminel de toute façon condamné à mort servait de cible.
La jeune fille ne se faisait pas spécialement de soucis : traquer et tuer étaient des exercices qu'elle maîtrisait. Sauf si les arbres décidaient de se liguer contre elle en lui tombant tous dessus, cet examen final ne serait qu'une simple formalité.
En fin d'après-midi, elle s'autorisa une petite pause sur le rebord de sa fenêtre. Au cours de ses six années passées au sommet de cette tour, la solitude avait été son unique compagne. Il lui était interdit de recevoir la moindre visite, hormis celle de la vampire qui lui servait d'entraîneuse. Afin de tester ses compétences sur le terrain, elle avait parfois le droit de se rendre dans les environs, mais jamais sans la surveillance et l'autorisation de Gretchen.
Vivre dans un endroit isolé et se concentrer sur son apprentissage faisait partie intégrante de la formation des Chasseurs. Eleanor avait souvent cru devenir folle, à force de n'avoir qu'une seule personne à qui parler. Toutefois, vivre au milieu d'une forêt aidait à ne pas se sentir complètement coupé du monde.
Que ce soit dans l'eau du lac, dans les airs, ou dans les arbres, la vie était un peu partout. Lors de son enfance sur la Terre des Loups du Rubis, située au sud du continent, la jeune fille avait grandi dans un milieu aride. La végétation était quasiment inexistante, hormis au sein des rares oasis qui fleurissaient dans le désert. Sa tour se trouvait bien plus au nord, sur la Terre des Loups du Diamant, où régnait un climat tempéré.
Regagner la civilisation lui ferait sans doute étrange au début, or les bruits et le tumulte de la foule lui redeviendraient vite familiers. Il lui tardait surtout de réentendre de la musique, de pouvoir danser pendant des heures comme elle le faisait autrefois et... Tu n'es plus une gamine, se raisonna-t-elle. Quand Eleanor avait quitté sa terre natale pour être enfermée ici, elle n'avait que seize ans. À présent qu'elle en avait vingt-deux, sa priorité serait de gagner sa vie et d'accomplir son devoir de Chasseuse, pas de batifoler bêtement.
La dernière fois qu'elle avait tenté de s'amuser, cela avait causé sa perte.
Bien décidée à quitter sa rêverie pour reprendre son échauffement, elle s'apprêtait à se lever, lorsqu'un mouvement attira son attention. Elle plissa les yeux en direction de la forêt et constata qu'un homme s'approchait du bord du lac.
Sa première pensée fut qu'il devait s'agir de ses examinateurs, or les paroles de Gretchen lui revinrent en mémoire. Je viendrai te chercher demain soir, dès que le soleil sera couché, lui avait-elle dit. Elle se souvint aussi que les membres du jury étaient censés être des vampires. Le soleil n'étant pas couché, ce promeneur ne pouvait être qu'un loup-garou, ou un Neutre n'appartenant à aucune des deux espèces surnaturelles.
En six ans, il était déjà arrivé que quelques personnes viennent flâner aux environs de sa tour. Elles se contentaient en général de profiter du bord du lac, sans se préoccuper de l'édifice de pierre, qu'elles croyaient abandonné. Eleanor avait pour ordre de rester discrète et de ne pas donner le moindre signe de vie, ce qu'elle fit en refermant doucement sa fenêtre. S'éloigner de la vitre aurait été le comportement le plus sage. Cependant, sa curiosité la poussait souvent à espionner les visiteurs.
Son poste d'observation était bien trop élevé pour qu'elle puisse distinguer les traits du nouveau venu. Elle put simplement remarquer que ses cheveux semblaient bruns, qu'il était seul, et qu'il tenait un grand rectangle de papier entre ses mains. À la manière dont il gardait la tête baissée dessus, elle songea qu'il devait sans doute s'agir d'une carte. Elle s'attendit à le voir rebrousser chemin au bout de quelques minutes, or il se dirigea vers le petit ponton où était amarrée la barque de Gretchen.
La louve ne s'en affola pas, ayant déjà vu quelques intrépides utiliser l'embarcation. Ils adoraient faire des tours du lac, sans se douter une seule seconde que le canot appartenait à une redoutable vieille vampire.
Avec amusement, elle observa l'homme se démener avec les rames, qu'il ne parvenait à actionner comme il le fallait. Il semblait si maladroit qu'elle crut pendant un instant que la barque allait se renverser et que le pauvre diable allait finir dans l'eau. Heureusement, il finit par trouver son rythme, puis évolua sur le lac plus ou moins rapidement. Eleanor le vit se rapprocher de sa tour, ce qui ne l'inquiéta pas outre mesure. Gretchen fermait toujours la porte à clé, ce qui empêchait les curieux d'y mettre le nez.
La jeune fille se rappela soudain qu'elle avait autre chose à faire que regarder ce promeneur sans intérêt. Elle décida de monter dans sa chambre, qui se trouvait juste sous le toit de l'édifice. Le mobilier y était tout aussi sommaire que dans sa pièce de vie, avec un lit simple et un placard en bois brut. À l'aide de vieux fers à cheval que sa geôlière lui avait apportés, elle avait réussi à se fabriquer un petit mur d'escalade, qui montait jusqu'à la charpente du plafond. Au cours de sa traque du vampire, peut-être serait-elle amenée à devoir monter en haut d'un arbre. Elle ne voulait pas se mettre en danger inutilement, toutefois, échauffer ses doigts sur des prises sûres ne lui ferait pas de mal.
Au moment où elle posait le pied sur le premier fer, des bruits sourds lui parvinrent. Elle se figea et tendit l'oreille, puis remarqua que les sons semblaient se rapprocher. On aurait dit que quelqu'un... Non, tenta-t-elle de se calmer. Cela ne se peut pas.
Pourtant, plus les secondes s'écoulaient, plus elle avait l'impression qu'une personne montait les escaliers de sa tour.
Elle s'empressa de descendre dans le salon et se dirigea vers la trappe incrustée dans le sol. Gretchen l'avait laissée ouverte, et la louve ne pouvait la fermer. Seule la force surnaturelle d'un vampire était capable de la soulever. Elle marmonna des jurons en entendant son visiteur se faire de plus en plus proche, puis tâcha de réfléchir à toute vitesse.
Une personne calme et rationnelle serait gentiment venue à la rencontre de l'homme. Elle lui aurait fait comprendre qu'elle vivait ici, et qu'il était prié de partir et retourner dans la forêt. Avec un peu de chance, il ne chercherait pas à lui causer d'ennuis.
Néanmoins, Eleanor avait depuis longtemps appris à ne pas compter sur sa chance. Encore moins en un jour aussi important que celui-ci.
Et elle était tout sauf une personne calme et rationnelle.
Elle se précipita vers son placard et en sortit le poignard en argent qu'elle avait aiguisé la veille. Un deuxième vint trouver sa place dans une poche de son horrible robe marron, à la jupe assez souple pour faciliter ses mouvements lors des combats.
Comme il n'y avait pas vraiment de cachette dans la pièce circulaire, il lui serait compliqué de prendre l'homme par surprise. Elle pourrait l'assommer dès qu'il passerait la tête dans l'ouverture, mais ensuite, que ferait-elle de lui ? Si Gretchen le voyait, elle l'utiliserait comme prétexte afin de ne pas lui faire passer son examen. Il faut qu'il reparte vite et de lui-même, décréta-t-elle.
Pour cela, rien de mieux que de lui faire un petit peu peur.
Elle se campa devant la trappe et attendit qu'il achève sa montée des marches. L'entente de ses pas lourds la rassura : il serait sûrement essoufflé, ce qui lui donnerait un avantage sur lui. Elle devait toutefois avouer que son propre rythme cardiaque se faisait un peu trop rapide... Ce n'est qu'un léger imprévu, se rassura-t-elle. Cela tombe vraiment mal que cet abruti joue les curieux aujourd'hui, mais tu deviendras quand même une Chasseuse cette nuit.
Tout en se répétant ces mots, elle resserra sa prise sur son poignard. La tête de l'homme ne tarda pas à apparaître dans l'ouverture, et il se hissa dans la pièce, sans remarquer la présence d'Eleanor.
Cette dernière en profita et n'attendit pas qu'il se soit redressé pour lui bondir dessus.
Il poussa une exclamation, alors qu'elle l'agrippait par sa veste bleue pour tenter de le faire basculer au sol. Il vacilla, mais ne flancha pas. Elle revint à la charge en envoyant son pied dans son tibia, puis en enchaînant par un violent coup de coude dans le torse. Ses assauts manquèrent de faire retomber l'homme dans la trappe. Il l'évita de justesse et chancela contre l'espace de cuisine.
La louve vit son adversaire se saisir de sa poêle, qui traînait encore sur le plan de travail. Refusant de lui laisser une seconde de répit, elle sauta par-dessus la trappe et abattit son poignard près de son épaule. Elle entrevit une expression d'horreur traverser le visage de l'homme, alors qu'il découvrait la lame argentée. Il eut assez de réflexe pour utiliser la poêle comme bouclier, ce qui surprit Eleanor.
La pointe de son arme grinça contre le métal de l'ustensile et elle manqua de perdre l'équilibre. L'homme en profita pour lui attraper un poignet, mais elle sentit qu'il n'osait pas serrer trop fort. Cette attention aurait pu l'attendrir, or il n'en fut rien : de sa main libre, elle lui décocha une frappe au menton. Cela le sonna suffisamment pour qu'elle le fauche avec un croche-pied et le fasse basculer sur le sol de pierre.
Il tomba sur le dos et elle se plaça aussitôt à califourchon sur lui, en prenant soin de lui bloquer les jambes. Elle fit de même avec ses poignets et son adversaire lâcha sa poêle, vaincu.
— S'il... S'il vous plaît, arrêtez, articula-t-il, le souffle court. Vous allez casser mes lunettes !
Cette remarque choqua tant Eleanor qu'elle manqua de relâcher sa prise. Elle retrouva bien vite ses esprits et plaqua la lame de son poignard sous sa carotide. Tu crois avoir gagné dès que tu touches un point sensible, l'avait narguée Gretchen, or tant que ton adversaire n'est pas mort, la partie n'est jamais terminée.
La louve prit malgré tout quelques secondes pour observer son visiteur, qui ne semblait pas tellement plus âgé qu'elle. Bien que coupés courts, ses cheveux d'un brun presque noir formaient de légères boucles. Cela le rendait assez mignon, d'autant plus que ses traits étaient plutôt séduisants. Du sang perlait près de sa lèvre inférieure, signe que le poing d'Eleanor avait fait son travail.
Lorsque son regard croisa celui du jeune homme, elle eut cependant un mouvement de recul. Ses lunettes rondes à fine monture dorée cachaient des yeux d'un inquiétant bleu transparent.
Elle crut d'abord qu'il était aveugle, avant de revenir à la raison. S'il était aveugle il ne s'encombrerait pas de lunettes, espèce de cruche.
— Qui êtes-vous ? l'interrogea-t-elle d'un ton menaçant.
Il prit plusieurs courtes inspirations et elle réalisa qu'elle le comprimait sans doute un peu trop. Tant pis pour lui, elle refusait de se faire plus légère et risquer qu'il inverse la situation.
— Je... Je m'appelle Clark et je suis...
Son regard descendit brièvement en direction du poignard.
— Perdu, compléta-t-il.
À l'entente de son prénom, un léger trouble s'était emparé d'Eleanor. Elle le chassa immédiatement et resserra un peu plus la main qui retenait ses poignets.
— Qu'est-ce que vous faites chez moi ?
— Je suis désolé, je... J'ignorais complètement que quelqu'un vivait ici, prétendit-il, l'air penaud.
Il fit presque pitié à la jeune fille. Même s'il semblait plutôt costaud, ses douces mains ne paraissaient pas être celles d'un brigand ou d'un combattant. Néanmoins, mieux valait se méfier de l'eau qui dormait...
— Comment avez-vous passé la porte d'entrée ?
— Je... C'était ouvert et...
— Ne mentez pas ! le coupa-t-elle avec véhémence.
Si Gretchen se permettait parfois de laisser la trappe ouverte, elle prenait garde à ce que la porte soit toujours bien fermée. Le but n'était pas tant d'empêcher Eleanor de sortir que de rendre toute visite impossible.
— Comment vous appelez-vous ? osa-t-il demander, d'une voix qui se voulait apaisante.
Cela n'eut aucun effet sur la louve.
— Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, c'est moi qui tiens un couteau, fit-elle en approchant un peu plus la lame de sa peau pâle. Je pose les questions, vous répondez.
Il resta silencieux quelques instants, avant d'avouer :
— J'avais les clés.
Elle fronça les sourcils, pas crédule pour deux sous.
— Ne me prenez pas pour une idiote. Il n'y a qu'une seule personne qui possède les clés de cet endroit. Et ce n'est certainement pas vous.
À moins que Gretchen se soit fait voler son trousseau, ce qui était inconcevable.
— Vous pouvez vérifier, déclara-t-il avec un semblant de calme. Elles sont dans la poche droite de mon pantalon.
Eleanor baissa les yeux vers l'endroit indiqué. Si elle voulait s'assurer qu'il disait vrai, il lui faudrait libérer ses poignets et diminuer un peu la pression qu'elle exerçait sur ses hanches. Cela représentait un risque considérable, mais tant que son poignard restait pointé sous sa gorge, elle avait encore l'avantage.
— Si vous bougez d'un millimètre, vous aurez un joli collier de sang autour du cou, le prévint-elle.
— Com... Compris, grimaça-t-il.
Elle relâcha lentement ses poignets, tout en lui jetant des coups d'oeil furtifs pour le dissuader de tenter quoi que ce soit. Docile, il garda les mains recroquevillées contre son torse. Comme les poches du jeune homme étaient prises en étau entre ses cuisses, elle s'écarta un peu et fouilla le vêtement.
À sa grande surprise, ses doigts trouvèrent en effet des clés métalliques. Elle les sortit et un rai de lumière vint les éclairer. La jeune fille aurait été bien incapable de dire si l'une d'elles ressemblait à celle de Gretchen, ce qui la renfrogna.
— Ça pourrait être les clés de n'importe quoi. Et ne me demandez pas d'aller vérifier par moi-même, trancha-t-elle avant qu'il ouvre la bouche.
Dépité, il soupira et laissa aller sa tête en arrière. Quand il la redressa, son regard se porta sur les mains d'Eleanor.
— Vous êtes une louve, n'est-ce pas ?
D'un petit mouvement de l'index, il désigna les deux bagues qu'elle avait sur elle. Tous les loups-garous portaient effectivement un anneau à chaque main, serti de la pierre associée à leur meute : diamant, rubis, émeraude, saphir, ambre, ou topaze. Dans le cas d'Eleanor, elle appartenait à la meute des loups du Rubis, et arborait donc deux gemmes rouges.
Étant donné que ce Clark portait des pierres argentées, elle put constater qu'il était un loup du Diamant.
— Félicitations, ironisa-t-elle en levant les yeux au ciel. Vous êtes un véritable expert de la déduction...
— Est-ce que vous savez à quoi servait votre tour, autrefois ? enchaîna-t-il en ignorant sa pique.
Elle l'examina attentivement, se demandant bien ce qu'il avait derrière la tête.
— Non, admit-elle. Mais j'imagine que vous allez vous faire un plaisir de corriger mon ignorance...
— De nombreuses tours comme celle-ci ont été construites sur la Terre des Loups. Lors des guerres, elles servaient de refuges et de points d'observation. On pouvait tirer des flèches sur les ennemis en cas d'attaque, repérer où se trouvaient leurs troupes et...
— Je n'ai jamais été une inconditionnelle des cours d'Histoire, l'interrompit-elle. Venez-en au fait.
Pour quelqu'un qui était sur le point de se faire égorger, il se montrait bien bavard. Cherchait-il à gagner du temps ? Des renforts allaient-ils arriver et... Et faire quoi, au juste ? Qu'est-ce qu'on aurait bien pu lui vouloir ?
— Cela fait des décennies que ces tours sont censées avoir été laissées à l'abandon, reprit-il. Malgré tout, j'en ai toujours l'accès car...
Il se fit soudain hésitant et regarda de nouveau les bagues de la louve. Cette vision dut le mettre en confiance, car il osa avouer :
— Je... Je suis le Grand Alpha.
Pendant un instant, Eleanor resta interdite. Elle finit cependant par éclater de rire, tout en se demandant bien pour quelle bécasse il la prenait.
— Bien sûr, et moi je suis la princesse des vampires ! Appelez-moi Isabella...
Elle rapprocha encore plus la pointe de son poignard, qui lui causa une entaille superficielle.
— Pour avoir rencontré la vraie princesse, je peux vous assurer qu'elle ne vous ressemble pas beaucoup...
Même si elle refusait de le croire, il avait l'air étrangement sincère. De plus, Clark était bel et bien le prénom du dirigeant des six meutes... Or n'importe quel habitant de la Terre des Loups aurait pu connaître cette information.
— Si vous êtes bien celui que vous prétendez, citez-moi les trois derniers alphas de la Terre du Rubis. Ainsi que les dates d'accession à leur titre.
Un bref sourire éclaira le visage du jeune homme, puis il s'exécuta :
— L'alpha actuel se prénomme Kishan. Son père s'appelait Bhaskar, et son grand-père Chandan. L'héritier et prochain alpha de la meute est Manik du Rubis.
Eleanor se raidit imperceptiblement à l'entente de ce dernier prénom. Elle tâcha de rester de marbre lorsqu'il énuméra les dates presque sans la moindre hésitation.
— Très bien. Maintenant, faites de même avec les autres meutes.
Il parut retenir un soupir, mais obéit. À mesure qu'il enchaînait les bonnes réponses, la louve sentait de légers tremblements parcourir son corps. Elle examinait son visiteur sous un oeil neuf, et réalisait petit à petit que ses traits lui étaient familiers... Surtout ses yeux.
— Et enfin, sur la Terre du Topaze, Marienna est l'alpha et...
— Faux ! le coupa-t-elle avec un petit sourire, soudain rassurée. L'actuel alpha du Topaze s'appelle Nolan. Marienna est sa fille et héritière.
— Sans vouloir vous offenser, répondit-il avec précaution, Nolan du Topaze est mort il y a environ un an et demi.
La jeune fille voulut protester, puis se rappela qu'il disait vrai. Gretchen l'avait vaguement informée de ce décès, qu'elle avait fini par oublier.
— Voilà, conclut-il, assez mal à l'aise. Je sais que ça paraît insensé et que je ne peux pas tellement vous fournir de preuves, mais... Je suis bel et bien le Grand Alpha.
Un silence tendu s'installa, pendant lequel il sembla guetter sa réaction. Eleanor devait faire une drôle de tête, car il blêmit et esquissa une grimace. Ou peut-être était-ce à cause du poignard qui tremblait de plus en plus sous sa gorge...
Il avait certainement cru que révéler une telle information le sauverait et dissuaderait la louve de lui faire du mal.
En réalité, il venait de signer son arrêt de mort.
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