Chapitre 10 - Des méchants loups ?
La demeure d'Owen du Topaze n'avait rien à envier aux châteaux des alphas. Eleanor, Clark et Mathias traversèrent d'abord un hall décoré de vitraux colorés, avant d'être conviés dans un grand bureau aux tons clairs. Face à l'élégance qui suintait de chaque pièce de mobilier, nul n'aurait pu prétendre que cet endroit était le quartier général d'un groupe criminel. On se serait cru chez n'importe quel notable de la région, sans remettre en doute la moindre de ses activités.
— Installez-vous ici, leur ordonna un homme en désignant trois sièges. Monsieur Owen ne va pas tarder.
Les visiteurs s'exécutèrent et attendirent que le chef des Rhodebrookes daigne se montrer. Eleanor ne pouvait empêcher sa jambe de s'agiter nerveusement, quelque peu inquiète à la perspective d'un affrontement. Cela ne la dérangerait pas de se battre s'il le fallait – elle était là pour ça – mais ils se trouvaient clairement en position de faiblesse. Leurs potentiels adversaires connaissaient davantage le terrain qu'eux, et ils étaient certainement nombreux à se cacher dans cette maison.
Néanmoins, elle nota qu'au cas où les choses tourneraient mal, ils bénéficieraient d'une échappatoire : le bureau était situé au rez-de-chaussée et une grande fenêtre donnait sur la rue. N'importe quel objet envoyé sur le verre parviendrait à le briser.
Elle jeta un coup d'oeil discret à sa droite, où Clark se tenait assis. Avec son regard tranquille et ses mains sagement croisées devant lui, il respirait la décontraction. Il cherchait sûrement à donner le change face à l'homme armé qui les surveillait depuis le pas de la porte, mais Eleanor ne put s'empêcher de se questionner. Comment pouvait-il rester aussi calme, alors qu'ils s'apprêtaient à rencontrer le potentiel meurtrier de sa femme ?
En raison de leur côté bestial, les loups-garous avaient une tendance naturelle à se laisser dominer par leurs émotions. Cette inclinaison était d'autant plus forte chez les alphas, leurs pulsions animales pouvant parfois même les rendre complètement fous. Or en cet instant crucial, le Grand Alpha incarnait la plus parfaite des sérénités.
— Il faut être sacrément stupide pour venir me déranger à une heure pareille.
Eleanor se tourna vers la porte, où venait d'apparaître un homme d'une cinquantaine d'années. Il s'avança dans la pièce en passant une main sur son crâne dégarni, où ne subsistaient plus que quelques touffes de cheveux roux. Quand il passa près des nouveaux venus pour contourner son bureau, une affreuse odeur de tabac leur piqua les narines.
— J'ai jugé préférable de vous avertir avant qu'il ne soit trop tard, déclara Clark en rajustant sa position sur son siège. Vos hommes vous ont transmis mon message ?
Owen se laissa tomber dans un large fauteuil en cuir beige, puis fit un geste à l'intention de l'homme resté près de la porte. Celui-ci se dirigea aussitôt vers un placard, afin d'en sortir quatre verres et une bouteille d'alcool.
— Il n'est jamais trop tôt pour un whisky, qu'en dites-vous ? lança le chef des Rhodebrookes.
Aucun des autres loups ne lui répondit. Ils l'observèrent déguster le liquide ambré, sans toucher une seconde à leur verre.
— Bien, je constate que vous n'êtes pas très amusants, observa Owen après un moment de silence. Pas envie de tourner autour du pot, n'est-ce pas ?
Il pivota nonchalamment sur son siège en regardant tour à tour ses trois invités.
— Sans vouloir me montrer pressant, commença Clark d'une voix posée, tourner autour du pot n'est pas vraiment dans votre intérêt. Je ne devance les troupes de l'alpha du Topaze que de quelques heures. Ils peuvent débarquer ici à tout moment.
Eleanor s'efforça de conserver une expression impassible, bien que ces paroles la prennent complètement au dépourvu. Que diable était-il en train d'inventer ?
— Loin de moi l'envie de remettre en cause vos dires, fit Owen d'un ton qui exprimait tout le contraire. Cependant, les alphas du Topaze ont toujours eu intérêt à collaborer avec notre groupe. Je ne vois pas pourquoi ils prendraient soudain un tel revirement.
Le Grand Alpha ouvrit la bouche pour argumenter, or son interlocuteur le devança :
— Quand bien même l'alpha préparerait une attaque contre moi, comment en seriez-vous au courant ? Vous n'êtes qu'un loup du Diamant, à ce que je vois. Autrement dit, pas vraiment un gars du coin.
— En effet, admit Clark. Mais cela fait quelques mois que je me suis installé à Roche-Lunaire. En tant qu'ambassadeur de la Terre du Diamant.
Eleanor espéra de tout coeur qu'il savait ce qu'il faisait. Si Owen se mettait à lui poser des questions trop précises sur le chef-lieu de sa région, elle ne donnait pas cher de leur couverture...
— Un ambassadeur ? Et vous allez vraiment me faire croire que vous êtes en train de trahir votre fonction ?
Le concerné se contenta d'un haussement d'épaules désinvolte.
— Ma loyauté va à celui qui me paye le plus. Si vous me proposez davantage que ce que mes alphas acceptent de m'offrir, alors je n'aurais aucun scrupule à leur porter préjudice.
Owen le toisa quelques instants, avant de prendre une nouvelle gorgée de whisky. La louve nota que son costume gris était froissé et mal boutonné, comme s'il avait dû s'habiller en vitesse. En dépit du calme qu'il affectait, le message de Clark l'avait plus affolé qu'il ne voulait bien l'admettre...
— Sauf que vous vous y êtes très mal pris, monsieur John, dit Owen en agitant son verre. En général, on attend de recevoir sa contrepartie, avant de divulguer des informations à son collaborateur. Maintenant que je connais votre prétendue "révélation", qu'est-ce qui me pousserait à vous payer ?
— Votre honneur.
À l'entente de cette simple réponse, le dirigeant des Rhodebrookes ricana.
— Je suis un voleur et un criminel, rappela-t-il. Vous pensez vraiment que l'honneur soit ma principale vertu ?
— Les loups du Topaze sont connus pour leur loyauté, avança Clark. Ils n'ont pas pour habitude de trahir ceux qui leur viennent en aide, alors j'avais espoir que vous vous en teniez à cette règle.
— Vous confondez avec les loups de l'Émeraude. Je ne fais pas partie de ces espèces de fanatiques de l'honneur, de la loyauté et de je ne sais quoi...
— Alors je suis déçu, déclara le Grand Alpha avec une tranquillité sidérante. Absolument tout le village, voire toute la Terre du Topaze, est à votre botte, mais vous ne récompenseriez pas ceux qui vous portent secours ?
Ces paroles durent faire mouche, car Owen s'abstint de répliquer.
— Qu'est-ce qui vous intéresserait ? demanda-t-il en se balançant sur son fauteuil.
— De quoi subvenir aux besoins de ma famille pendant les prochaines années. Mon frère ici présent s'est récemment marié. Son épouse et lui cherchent un endroit où s'installer, avec une petite préférence pour Roche-Lunaire. Je crois savoir que vous y possédez quelques résidences, n'est-ce pas ?
Le chef des Rhodebrookes éclata de rire.
— Une maison en échange de simples renseignements ? Vous ne voulez pas la portion de plage qui va avec, tant que vous y êtes ?
Il finit d'une traite son verre de whisky, puis porta son attention sur Eleanor. La jeune fille tâcha de soutenir son regard, même si Owen semblait davantage intéressé par sa poitrine que par ses yeux... Elle lutta contre une furieuse envie de l'éborgner.
— Jolie prise, commenta-t-il en adressant un petit clin d'oeil à Mathias. Les louves du Rubis sont mes préférées... Prêtez-la-moi et j'ajouterai un carré de jardin à votre maison.
Le sang de la concernée ne fit qu'un tour. Elle qui pensait que le titre de roi des goujats revenait sans conteste à son frère, voilà que Manik avait un sérieux concurrent... Elle s'apprêta à cracher mille et une insultes au nez du loup, mais Clark intervint à temps :
— Nous nous passerons de jardin, je vous remercie, fit-il après s'être raclé la gorge. À mon avis, les troupes de l'alpha du Topaze devraient plus vous préoccuper que ma belle-soeur.
Owen attarda encore un peu son regard sur la jeune fille, avant refaire face au prétendu "monsieur John".
— Comme je vous l'ai dit, je ne vois pas pourquoi mon alpha déciderait de s'immiscer dans mes affaires. Son défunt père avait contracté des dettes auprès de moi, lors de quelques paris hippiques. Elle ferme les yeux sur certaines de mes activités, en échange de quoi je lui évite un scandale et des comptes à rendre au Grand Alpha.
Si cette information surprit Clark, il n'en laissa rien paraître. Eleanor devina que l'alpha du Topaze allait passer un sale quart d'heure...
— Vous ne voyez vraiment aucun acte de votre part qui aurait pu la pousser à changer d'avis ?
Les rares sourcils qu'il restait à Owen se froncèrent. Difficile de déterminer s'il s'agissait d'un signe de méfiance, ou s'il ne comprenait tout simplement pas où le Grand Alpha voulait en venir.
— Avez-vous un exemple en tête, monsieur John ?
Cette question, bien que posée sur un ton désinvolte, instilla une tension à travers toute la pièce. La louve se prépara à devoir passer à l'offensive, ignorant quelle réaction provoquerait la réponse de Clark.
— La femme du Grand Alpha a été tuée il y a un mois, déclara-t-il sans trembler. J'imagine que vous en avez entendu parler ?
La perplexité gagna un peu plus leur hôte, dont les doigts se crispèrent autour de son verre vide.
— Naturellement. Je crois que partout dans le monde, personne n'a pu échapper à cette nouvelle.
Sauf si on habite une tour perdue au milieu d'un lac, eut envie de répondre Eleanor.
— Le palais a fait savoir qu'un vampire était responsable, rappela Clark. Or les inspecteurs engagés par le Grand Alpha ignorent quelles étaient ses motivations. Les Rhodebrookes sont connus pour s'associer à des immortels, n'est-ce pas ?
Même si elle ne le portait pas dans son coeur, la jeune fille devait bien reconnaître une qualité à son ex-fiancé : il avait la faculté de parler de certains sujets comme s'ils ne le concernaient pas, alors qu'il en était l'élément central. Si les loups-garous apprenaient qu'il mentait aussi bien, sûrement feraient-ils un peu moins confiance à leur dirigeant...
— Il nous arrive de travailler avec des vampires, reconnut Owen. Mais je ne crois pas tellement aimer ce que vous insinuez...
Eleanor crut entendre des bruits résonner au rez-de-chaussée. Depuis combien de temps étaient-ils entrés dans cette maison ? Rowan et les autres avaient-ils lancé une attaque ? L'homme qui se tenait près de la porte passa une tête dans le couloir, mais Clark poursuivit comme si de rien n'était :
— Je n'insinue rien du tout. Seulement, j'ai entendu dire que nos alphas émettaient de sérieux doutes à votre sujet. C'est pour cette raison qu'ils se lancent à vos trousses.
Les yeux d'Owen s'écarquillèrent un court instant. Il retrouva rapidement une expression neutre.
— Dans ce cas, ils peuvent venir. Je n'ai rien à voir avec cette affaire, alors quoi qu'ils me veulent, je n'ai rien à me...
— Il y a du grabuge dans l'entrée ! le coupa son complice.
Le chef des Rhodebrookes bondit sur son siège et Mathias dégaina aussitôt un poignard. Eleanor l'imita et pointa vers lui une lame en argent, le défiant de contourner son bureau. Owen leva aussitôt les mains en l'air, tandis que Clark restait assis en marmonnant dans sa barbe.
Pile au moment où il entrait dans le vif du sujet, ses soldats venaient tout gâcher.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? rugit l'homme depuis le pas de la porte.
Il avait décroché l'épée attachée à sa ceinture et se tenait en garde, prêt à affronter leurs trois invités.
— Vous faites partie des troupes du Grand Alpha, n'est-ce pas ? devina Owen.
— Plus ou moins, oui, admit Clark.
Ces mots attisèrent la curiosité du loup du Topaze, qui ferma un instant les paupières. Lorsqu'il les rouvrit, ses iris brillaient comme deux pierres précieuses bleu clair. Même sous leur forme ordinaire, les loups-garous pouvaient brièvement "activer" leur vision animale, afin de distinguer les halos propres à chacun. Comme celui de Clark était extrêmement scintillant, Owen devina sans mal qu'il s'agissait du Grand Alpha en personne.
Une lueur de peur traversa son regard, mais il ne se fit pas plus aimable pour autant :
— Qu'est-ce que vous me voulez ?
Avant qu'il ne puisse répondre, son complice poussa un gémissement de douleur. Philip venait d'arriver et l'avait désarmé en un seul tour de main. Rowan apparut ensuite dans l'encadrement de la porte, muni d'un large couteau. La hargne qui déformait ses traits frappa Eleanor, si bien que pendant un court instant, elle eut peur de ce qu'il allait faire.
— Il a avoué ? demanda-t-il à Clark.
Ses paroles avaient presque pris la forme d'aboiements, qui résonnèrent dans toute la pièce.
— Je... Je n'ai rien à avouer, se défendit Owen. J'ignore ce que vous me voulez et...
— Ne nous prenez pas pour des imbéciles ! rugit Rowan. Nous savons que vous êtes mêlé au meurtre d'Anya !
Il fusa sur le chef des Rhodebrookes à une vitesse quasi surnaturelle. Clark se leva enfin de son siège, comme s'il craignait davantage son ami que le criminel face à lui.
— Rowan, ne...
Le jeune homme ne l'écouta pas et attrapa Owen par le col de sa chemise pour le plaquer contre un mur. Eleanor pensait parfois user de méthodes un peu radicales, mais visiblement, elle n'était pas la seule...
— Elle ne vous avait rien fait ! Vous vouliez juste vous en prendre au Grand Alpha, n'est-ce pas ? Vous allez croupir au fond de...
— Je n'ai rien à voir avec tout ça, je ne sais pas qui vous a mis sur ma piste, mais je vous jure que je n'aurais jamais pu faire une chose pareille !
Le Grand Alpha contourna le bureau pour s'approcher d'eux. Eleanor gardait un oeil sur la porte, depuis laquelle des Rhodebrookes pouvaient surgir à tout moment. Néanmoins, Winona et Philip devaient maîtriser la situation, puisqu'ils n'eurent à subir l'intrusion d'aucun fou furieux.
— Ceci a été retrouvé sur le vampire qui a tué ma femme, fit Clark en sortant un objet de sa poche. C'est bien l'insigne de votre groupe, n'est-ce pas ?
Owen écarquilla les yeux et devint blanc comme un linge.
— Je... Je vous jure que nous n'avons jamais ordonné à qui que ce soit de s'en prendre à votre femme. Quelqu'un veut nous accuser à tort, nous pouvons vous aider à...
— Arrêtez de nous prendre pour des idiots, le coupa Rowan en l'écrasant un peu plus.
— Cela pourrait être une combine pour nous faire croire à votre innocence, intervint le Grand Alpha. Nous allons procéder à une fouille des lieux afin de vérifier vos dires. Je vous conseille de vous tenir tranquille, car au moindre signal de ma part, vous serez exécuté sur-le-champ.
Owen hocha lentement la tête, toujours aussi penaud.
— Quant à vous, ajouta Clark en se tournant vers le Rhodebrookes blessé, ordonnez à vos amis de laisser mes soldats inspecter le reste du repaire.
Il indiqua ensuite à Rowan et Eleanor de maintenir Owen en joue, tandis que Mathias et lui commençaient à fouiller le bureau. Ils retournèrent chaque tiroir, chaque papier, chaque encrier qui leur tomba sous la main. Le Grand Alpha réussit même à trouver des doubles-fonds, où se cachaient des documents plus confidentiels.
— Eh bien, fit Clark en balayant du regard ce qui ressemblait à une feuille de comptes. Même si vous n'êtes pas responsable du meurtre de ma femme, vous allez quand même avoir de sérieux problèmes.
Owen grimaça, mais s'abstint de tout commentaire. Rowan le maintenait si fermement contre le mur que c'était un miracle s'il parvenait encore à respirer.
Les fouilles se poursuivirent pendant un long moment, jusqu'à ce que Clark et Mathias décrètent qu'ils ne trouveraient rien concernant Anya. Quelques minutes plus tard, Winona et Philip apparurent. Ils affirmèrent que même s'ils n'avaient pas pu tout inspecter, rien ne semblait suspect.
— Je vous l'ai dit, je n'ai rien à voir avec le meurtre de votre femme, insista le chef des Rhodebrookes. Vous pourrez mener toutes les enquêtes que vous voudrez si ça vous chante, nous sommes innocents.
Eleanor ne portait guère ce goujat dans son coeur, pourtant elle sentait qu'il était sincère. Le Grand Alpha dut avoir la même impression, car il demanda à son ami de le relâcher.
— Je suis sûr qu'il nous ment ! fulmina Rowan en crispant ses doigts autour de la chemise d'Owen.
— Nous allons l'emprisonner le temps que les soldats mènent l'enquête, tenta de le convaincre Clark. En attendant, laisse Eleanor le menotter.
La louve sortit les bracelets en fer de son sac et Rowan consentit à s'éloigner, afin de la laisser s'approcher du vieux lycanthrope. Lorsqu'elle lui effleura brièvement les poignets pour verrouiller les menottes, il laissa ses lèvres se fendre d'un horrible sourire carnassier.
— J'espère que dans un meilleur contexte, j'aurais l'occasion de t'attacher aussi, susurra-t-il d'une voix qu'elle seule put entendre.
Sa réplique fut immédiate : elle releva brutalement le genou pour le lui enfoncer dans l'entrejambe. Il poussa un petit couinement et Rowan fit aussitôt volte-face. Il dut croire qu'Owen l'avait physiquement attaquée, car il lui flanqua son poing en pleine mâchoire. Le chef des Rhodebrookes voulut riposter, mais le meilleur ami de Clark le devança. Il enfonça ses doigts autour de son cou, avec une force telle qu'Owen ne put même pas crier.
— Rowan, lâche-le.
Une certaine tension transparaissait dans le ton du Grand Alpha. Lorsqu'il constata que son ami ne lui obéissait pas, cette nervosité s'amplifia :
— Rowan ! Lâche-le, ce n'est pas lui qui a tué Anya !
— Qu'est-ce que tu en sais ? grinça l'interpellé entre ses dents.
Owen commença à suffoquer. Clark attrapa l'épaule de Rowan pour tenter de l'éloigner.
— Arrête, il ne l'a pas tuée !
La rage qui animait Rowan laissa Eleanor sans voix. Dans une telle situation, n'aurait-ce pas plutôt été au Grand Alpha de perdre ses moyens ? Elle trouvait que face au potentiel meurtrier de sa femme, il faisait preuve d'un calme édifiant...
— Tu crois qu'elle aurait voulu que tu tues un innocent ?
— Ce n'est pas un innocent, grogna Rowan.
Les yeux d'Owen se fermèrent, signe qu'il ne tiendrait plus très longtemps. Clark retenta de le séparer de son ami, en vain.
— Marcus n'a plus que nous ! lança-t-il finalement. Tu tiens vraiment à ce qu'il grandisse avec deux criminels ? Anya ne te l'aurait jamais pardonné !
À ces mots, Rowan lâcha le chef des Rhodebrookes comme si son contact le brûlait. Ses mains tremblantes se crispèrent et se décrispèrent convulsivement, tandis que sa respiration se faisait haletante. Owen se laissa glisser le long du mur et s'effondra sur le parquet, terrorisé.
— Rowan, reprit doucement le Grand Alpha, je...
Il ne put terminer sa phrase, car son ami tourna les talons et quitta le bureau en quelques enjambées.
Un lourd silence s'abattit sur la pièce, durant lequel Eleanor n'osa bouger d'un pouce. Son regard chercha celui de Clark, mais ce dernier avait retiré ses lunettes pour se frotter les yeux. Il poussa un long soupir, avant de se tourner vers Mathias.
— Va prévenir la première patrouille de police que tu trouveras. Ils s'occuperont de prendre le relais, pendant que nous irons retrouver Marcus, Judith et James.
Le soldat acquiesça et partit sans demander son reste. En attendant son retour, Clark s'appuya contre un mur et demeura silencieux, perdu dans ses pensées.
La louve s'efforça de se concentrer sur leur prisonnier, même s'il semblait bien trop faible et sonné pour tenter quoi que ce soit. De temps en temps, elle jetait des petits coups d'oeil furtifs au Grand Alpha, en lui prêtant une attention nouvelle. Non seulement le comportement de Rowan l'interpellait, or il était concurrencé par un mystère bien plus grand.
Tu tiens vraiment à ce qu'il grandisse avec deux criminels ? s'était exclamé Clark. Sauf si elle avait mal compris – ce dont elle doutait – cela ne pouvait signifier qu'une chose : le dirigeant des loups n'était pas aussi innocent qu'il en avait l'air. Eleanor avait beau essayer de chasser cette question de son esprit, elle revenait sans cesse la hanter.
De quel crime Clark avait-il bien pu se rendre coupable ?
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