Un homme marchait dans les rues de Godric's Hollow, ornées de citrouilles et d'éclairages effrayants, d'un pas empressé et fébrile. Ce n'était pas possible ! Ça ne pouvait pas l'être... Et pourtant, la poussière qui s'élevait d'un toit effondré, au loin, et les cris venants d'une rue attenante qu'il ne voyait pas le confirmait. Il les avait trahis. C'était lui, l'espion. Au fond de lui, il le sentait depuis le début. Mais il y avait une part, une infime part de son cœur qui ne voulait pas y croire, qui gardait espoir. Part qui se déchira violemment lorsque le regard de l'individu se posa sur la demeure à moitié en ruines des Potter.
Ignorant son pouls qui s'accélérait, le jeune homme enjamba les débris de la porte défoncée. Peut-être qu'il n'était pas trop tard. Peut-être qu'il y avait au moins un survivant. Il semblerait qu'il soit le premier sur les lieux. Après un temps d'attente pour s'habituer à la pénombre, le sorcier tituba. Il était là, étendu dans l'escalier, immobile. Mort. Ses cheveux noirs étaient encore plus en bataille, et ses yeux noisette déjà vitreux. James... Le nouvel arrivé resta figé un instant, n'osant pas aggraver les choses, si elles étaient encore aggravables. C'était vrai. James Potter était mort, à cause de son meilleur ami.
Seule la colère finit par l'animer. Il était furieux, déboussolé et profondément blessé par celui qui lui était proche, l'homme qui avait détruit son monde après l'avoir reconstruit. L'espace d'un instant, il voulut se mettre à sa poursuite, pour lui régler son compte, mais il savait que leur allié l'avait déjà fait. De plus, il fallait qu'il sache. Il devait faire ses adieux avant de partir, de s'exiler loin de son malheur. De lui demander pardon, même si elle n'entendrait pas ses paroles. Contournant difficilement le cadavre du père de famille, le premier arrivé sur la scène de crime monta à l'étage, sachant où il allait les trouver. La chambre d'enfant.
En pénétrant dans ce lieu, qui devait normalement être propre et paisible, un sentiment de culpabilité l'envahit. La pièce était dévastée, et seul un lit subsistait, épargné par l'effondrement partiel du toit. Un lit, et un petit garçon de quatre ans. Un enfant qui, à l'instar de son père, ne respirait plus. Et elle n'était pas là. Cette fois, le membre de l'Ordre s'effondra à genoux. Ses larmes coulèrent abondamment, comme pour laver le visage du monstre qu'il avait toujours été. Il n'avait pas su les sauver. En tombant, son coude heurta violemment l'armoire à moitié défoncée, qui s'ouvrit en grand.
Elle était là.
Son corps frêle et immobile, tassé sur le sol. Son visage, témoignant si bien de qui étaient ses parents, ses beaux yeux dans le vide. Elle avait voulu se cacher là, pour survivre. Il ne pouvait pas croire qu'elle aussi, qui était si pleine de vie, puisse ne plus être de ce monde, par la faute de cet enfoiré. Enfoiré qui se rirait bien de lui, lui qui continuait malgré tout à le porter dans son cœur en lambeaux. Mais aussi par sa faute à lui, car il avait failli à sa promesse, celle de la protéger coûte que coûte. De les protéger tous. Alors qu'il voulut lui chercher le pouls, dans un élan d'espoir vain, l'ancien élève de Poudlard entendit un bruit. Ce fut d'abord un rire diabolique, reconnaissable entre milles. Puis, l'éclat d'une voix que jamais il n'oublierait, qui le hantait. Il fallait fuir.
Désespéré, das l'urgence du moment, il prit une décision. Une décision qu'il ne dira à personne. Une décision folle et impensable, mais qui lui permettrait de racheter son erreur. Erreur qui avait porté atteinte à sa vie, et qui serait irréversible. Pour amoindrir les dégâts et soulager son cœur morcelé, l'homme finit par sortir de la bâtisse par la toiture détruite, chancelant sous le poids de son corps, de la mort qui avait encore une fois frappé.
Heureusement, c'était normalement la dernière fois, le dernier crime de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom.
Voldemort avait disparu.
Avec l'enfant.
***
Lily poussa un hurlement de douleur, que même un Doloris n'aurait pas pu lui tirer. Il venait de lui arracher son mari, ses enfants alors qu'elle n'était pas là pour les défendre. Elle aurait préféré mourir elle, si ça avait pu les épargner. Il avait brisé sa famille, alors qu'elle était partie pour la sauver. Ses trois petits étaient partis avec James, pour un monde meilleur, elle l'espérait. En tout cas, le monde à d'ici serait meilleur, c'était certain.
Car Voldemort, lui, n'avait pas survécu à cette attaque. Oui, le monde irait mieux. Mais le sien venait de voler en éclats. Avec sa maison, jonchée du corps de deux de ses amours. La mère de famille, agenouillée sur le parquet parsemé de débris, agrippa le poignet de son petit garçon, qui lui avait été enlevé. Il était froid comme de la glace, alors que sa gorge lui brûlait à mesure qu'elle criait toute sa peine.
Une main se posa sur son épaule.
- Lily... murmura la voix du vieil homme qui se trouvait derrière elle. Tu ne peux rien faire, je suis navré... C'est fini.
- Oui, Albus, reprit-elle d'une voix rauque. Vous avez raison. C'est fini... Tout est fini.
- Non.
Elle tourna lentement la tête vers le grand homme à la barbe blanche, qui tenait un petit garçon de quatre ans, aux cheveux de jais et aux yeux verts mi-clos, dans ses bras. La surprise la saisit et, l'espace d'un instant, de la joie aussi. Il était vivant ! Il avait survécu ! Mais... par quel miracle ? L'enfant dormait, ou peut-être était inconscient, car les plaintes désespérées de sa mère ne le réveillaient pas. Mais sa poitrine se soulevait lentement, et il bougea légèrement avant de demeurer à nouveau immobile, laissant entrevoir entre ses mèches noires de jais une plaie en forme d'éclair.
Le garçon n'était peut-être pas conscient qu'il n'avait plus de père. Ou peut-être que si, que son manque de mobilité était dû à un choc profond. Il n'était pas conscient qu'il ne pourrait plus jouer avec son frère et sa sœur. Il ne faisait que rêver, s'échapper dans un monde meilleur où la guerre n'avait jamais démarré.
- Non, Lily, reprit Dumbledore. Tu fais erreur. Tout n'es pas encore fini. Tu as encore ton fils, qui a survécu.
- Mais... Mais... Où l'avez-vous trouvé, Albus ?
La mère de famille était au bord des larmes, qui mêlaient de manière homogène tristesse et gratitude.
- Dans la maison voisine. Il est sorti de lui-même dès que l'attaque fut terminée, et notre chère Bathilda l'a accueilli sous son toit pour le cacher de lui.
- C'est lui n'est-ce pas ? murmura la jeune femme d'une petite voix tremblante. C'est lui qui a tué mon mari, mon garçon et ma petite fille ?
Dumbledore sembla songeur, puis prit un ton grave.
- Tu ne connais pas encore l'entière vérité sur ce qu'il s'est passé. Moi non plus. Je n'ai aucune idée, pour le moment, de la raison pour laquelle ton fils a survécu, ni de ce qu'il est advenu de ta fille. Mais ne passe pas trop de temps à chercher ces vérités. Ne le néglige pas pour la famille que tu as perdu. Donne tout l'amour qu'il te reste au petit Harry.
En soupirant, Lily plongea dans les yeux de son dernier fils, au regard si semblable au sien... Dumbledore avait raison. Elle devait tout faire pour qu'il grandisse de la meilleure manière qu'il soit, malgré les obstacles qui se dresseront, et il y en aura, sur sa route.
Harry,
Son aîné,
Son Survivant.
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