2. Le Chemin de Traverse

Tom lui sourit.

- Hagrid est là-bas, accompagné du jeune homme brun.

Il lui montra du doigt un homme au moins deux fois plus grand que la moyenne, auprès duquel se trouvait un garçon mince aux cheveux noirs, couvert de suie de la tête aux pieds. D'un seul coup, elle qui n'était pas plus timide que ça eut le trac et voulut demander à Tom de l'accompagner, mais le tavernier s'était déjà incliné devant elle pour retourner à son pub. Déconcertée, la jeune sorcière se décida néanmoins à s'avancer d'un pas hésitant. L'inconnu grand comme deux hommes la remarqua enfin. 

- Thémis ! cria-t-il d'un ton joyeux, un grand sourire aux lèvres. Viens !

Les lèvres de la concernée s'étirèrent légèrement, montrant son soulagement. Cet homme semblait très sympathique. Elle ne risquait rien, du moins elle l'espérait. D'un pas presque sautillant, elle les rejoignit, lui et le jeune garçon qu'il accompagnait.

- Bonjour ! s'exclama-t-elle. Comment saviez-vous que c'était moi ?

L'homme eut un petit rire amusé.

-  Ta mère m'a parlé de toi et m'a fait une brève description dans sa lettre. C'était une élève brillante, je suis ravi de te rencontrer. Mon nom est Rubeus Hagrid, gardien des clés et des lieux à Poudlard. Et voici Harry Potter, mais je n'ai pas besoin de te le présenter.

C'était la première fois qu'elle entendait parler de sa mère en tant qu'élève, ce qui lui remonta le moral vis à vis de son brusque changement de vie. La volonté d'en savoir plus sur sa famille primait sur ses craintes, et même sur sa surprise de rencontrer le célèbre fils Potter.

- En...enchanté ! salua Harry, le noiraud, un peu gêné.

- Ravie de vous rencontrer aussi, tous les deux, s'exclama Emmy, un sourire radieux aux lèvres.

Son regard s'arrêta enfin sur le garçon aux cheveux noirs, curieuse. C'était donc lui, Harry Potter ? Le fameux garçon qui avait survécu, alors que tous les Potter présents à leur domicile ont été assassinés ? Le Survivant d'une famille de héros, morts en sauvant le pays de la terreur d'un mage noir puissant ? Le frère de Lyam et d'Emerald, dont la disparition avait fait les gros titres de la Gazette et de la presse étrangère pendant plusieurs semaines ? Tout le monde connaissait son histoire, et cela dépassait les frontières. Car, même si Emmy avait grandit en Grèce, elle avait été bercée par la glorieuse mais tragique histoire des Potter.

Les deux adolescents se serrèrent la main, un peu maladroitement.

- Et donc, tu rentres en première année, c'est ça ? la questionna Harry, sûrement désireux d'entamer une discussion avec elle.

- C'est ça, acquiesça l'adolescente avec un léger sourire. Appelle-moi Emmy. Et toi, tu es en deuxième année, non ? J'ai entendu une histoire comme quoi tu aurais confronté Voldemort une seconde fois, l'an dernier !

Hagrid tressaillit, et elle se demanda bien pourquoi. Ce fut Harry qui répondit le premier.

- Oui... malheureusement il n'a pas complètement disparu.

Le garçon secoua la tête, et un silence s'installa. Silence presque immédiatement brisé par une voix, au loin.

- Harry ! Harry ! Par ici !

C'était une jeune fille brune aux cheveux ébouriffés, qui appelait Harry de l'autre côté de la rue.

- Hermione ! s'écria le jeune homme. Je dois y aller. Au revoir Hagrid ! Au revoir, Emmy ! Au plaisir de te retrouver sur le quai, le premier septembre !

Il s'éloigna pour rejoindre la brunette, qui était maintenant entourée d'une famille de sorciers aux cheveux roux. Une femme, tout aussi rousse, sortit du lot pour venir l'étreindre, visiblement rassurée. Tout de suite, Emmy la reconnut : c'était Lily Potter ! Touchée par son histoire, l'adolescente se retint d'aller la saluer, de peur de passer pour l'un de ses fans excessifs. Mais, contre toute attente, la jeune femme releva la tête et lui adressa un petit sourire, ainsi qu'un signe de la main, comme si elle était déjà une amie de son fils. Signe et sourire qu'elle lui rendit aussitôt, heureuse.

- Maintenant, si tu veux bien, je vais t'aider à faire tes achats scolaires, proposa Hagrid.

Sa jeune camarade se retourna vers lui, l'ayant presque oublié l'espace d'un instant.

- Avec plaisir ! Mais maman ne m'a pas donné d'argent, seulement la clé de mon coffre. Il ne doit pas être très rempli, ici...

- Ne t'inquiète pas, la rassura le garde-chasse. Hope a dû faire une demande pour que les Gobelins effectuent une transaction vers la banque de Gringotts britannique. Tiens, c'est là-bas, regarde !

Il montra du doigt une grande bâtisse blanche qui brillait au soleil. La bouche de la novice s'ouvrît en un O admiratif. Elle avait tant entendu parlé de ces lieux, qu'elle n'avait pourtant jamais pu visiter ! Ce n'était que maintenant qu'elle se rendit compte que cette rupture avec le monde magique lui avait fait manquer tant de choses... Ils s'approchèrent du bâtiment, qui était fermé par une lourde porte de chêne. Sur cette porte, un message était gravé, une mise en garde pour les potentiels voleurs. Chaleureux... songea Emmy. Et devant la porte, il y avait...

- Un gobelin, dit simplement Hagrid, comme si c'était évident. Il y en a pleins qui travaillent ici.

- Oh, ce sont les gardiens ! comprit sa protégée de la journée. Chez nous, ce sont les Harpies qui gèrent Gringotts.

- Les Harpies ? s'étonna Hagrid, plus curieux que choqué par ses paroles. Comment la banque fait-elle pour qu'elles ne mangent pas les enfants ?

Emmy rit, à la fois amusée et soulagée qu'il ne lui pose pas plus de questions sur son enfance à l'étranger.

- Nos Harpies ne dévorent pas d'enfant ! Ce sont des Êtres mi-femmes, mi-oiseaux. Ce sont de bonnes négociatrices et elles gèrent bien les comptes, mais elles sont aussi rusées et vicieuses quand elles le veulent. Il ne faut donc pas leur chercher des noises... sans mauvais jeu de mot ! Mais les véritables gardiens, ce sont les Sphinx : simple, mais efficace...

Tout en discutant, ils entrèrent dans le hall de la banque, non sans être étroitement surveillés. Hagrid avait raison : Gringotts était peuplée de ces petites créatures ressemblant vaguement à des humains qu'étaient les gobelins. L'homme de grande taille et la jeune fille s'avancèrent à un comptoir.

- Nous souhaitons prendre de l'argent dans le coffre des Solarius, s'il vous plaît. annonça Hagrid au gobelin derrière le comptoir.

- Avez-vous la clé ? couina la créature, méfiante.

Emmy eut peur, un instant, de l'avoir oubliée ou égarée et qu'on la prenne pour une usurpatrice, ce qui ne serait pas étonnant. Elle fouilla dans les poches de sa veste en jean, où elle était sûre de l'avoir glissée. Après un petit moment de recherche, elle se saisit d'une petite clé de bronze et la tendit au gobelin, tout sourire.

- La voici, Monsieur !

Celui-ci s'inclina légèrement. Était-il content de tomber sur une cliente qui avait encore le temps pour les politesses coutumières, ou respectueux compte tenu du prestige de la famille de celle-ci ? Il ne le dira pas, car il appela son collègue.

- Enrik, accompagne les au coffre 625.

Le dénommé Enrik, un autre gobelin, les entraîna jusqu'à une porte, qu'il ouvrît pour laisser passer les visiteurs. Emmy s'avança dans une sorte de cavité sombre, qui éveillait sa curiosité. Leur guide siffla et un petit wagonnet arriva, sans qu'aucun conducteur ne le dirige. Ils montèrent tous trois dedans. Hagrid prenait une rangée à lui tout seul, ce qui obligea l'enfant à s'asseoir à côté du gobelin, la mettant légèrement mal à l'aise. Leur guide annonça, comme s'il donnait un ordre au véhicule :

- Coffre numéro 625.

Le wagon s'élança dans un dédale de couloirs souterrains. Si seulement elle avait su, avant de venir, qu'il s'agissait d'un véritable manège ! Parfois, la jeune grecque apercevait un fossé profond ou entendait un rugissement sonore. Y avait-il des dragons ? Elle aurait dû se douter que, tout comme dans son pays d'enfance, il n'y avait pas que des employés pour garder les trésors enfouis. Après un long trajet qui ne semblait pas du goût de Hagrid, le véhicule s'arrêta devant la porte d'un coffre-fort d'aspect bien protégé. Le gobelin introduisit la clé dans la serrure, puis leur ordonna de reculer. Ils s'exécutèrent, et l'Être s'avança pour faire glisser son doigt sur une seconde porte, qui s'évapora. À l'évidence, les Solarius conservaient leur puissance économique, même en Grande-Bretagne. Et elle le comprit aussitôt : dans la chambre forte, des montagnes de pièces d'or, d'argent et de bronze s'entassaient jusqu'au plafond.

Emmy s'arrêta un instant, le temps d'encaisser le choc. Elle avait encore accès à tout cet argent, malgré leur condition actuelle ? Ébahie, elle remplit son sac de plusieurs poignées de ces pièces pendant que Hagrid lui expliquait le fonctionnement de l'argent sorcier britannique, ce qui était purement inutile étant donné que la Grèce utilisait la même monnaie.

- Les petites pièces de bronze sont les Noises. Celles-là en argent se nomment les Mornilles. Il y a vingt-neuf Noises dans une Mornille, et dix-sept Mornille dans un Gallion, une grosse pièce en or.

Celle aux cheveux auburn acquiesça respectueusement, puis laissa le gobelin refermer la porte une fois qu'ils furent ressortis. Après avoir fait le chemin inverse en wagonnet, ils sortirent de Gringotts, sous un soleil aveuglant.

- Lis moi ta liste de fournitures, si tu veux bien, Thémis, demanda Hagrid.

- D'accord.

Elle sortit de sa poche un rouleau de parchemin, la liste de fournitures qui accompagnait la lettre de Poudlard. Bien qu'elle en connaissait déjà les composants, l'ayant lue au moins une centaine de fois, Emmy les énonça un à un à haute voix :

COLLEGE POUDLARD - ÉCOLE DE SORCELLERIE

Uniforme

Liste de vêtements dont les élèves de première année devront obligatoirement être équipés :

1) trois robes de travail (noires), modèle normal

2) Un chapeau pointu (noir)

3) Une paire de gants protecteurs (en cuir de dragon ou autre matière semblable)

4) Une cape d'hiver (noire avec attaches d'argent)

Chaque vêtement devra porter une étiquette indiquant le nom de l'élève.

Livres et manuels

Chaque élève devra se procurer un exemplaire des ouvrages suivants :

Le livre des sorts et enchantements (niveau 1), de Miranda Fauconnette

Histoire de la magie, de Bathilda Tourdessac

Manuel de métamorphose à l'usage des débutants, de Emeric G. Changé

Milles herbes et champignons magiques, de Phyllida Augirolle

Potions magiques, de Arsenuis Beaulitron

Flâneries avec le spectre de la mort, par Guilderoy Lockhart

Vadrouilles avec les goules, par Guilderoy Lockhart

Vacances avec les harpies, par Guilderoy Lockhart

Randonnées avec les trolls, par Guilderoy Lockhart

Voyage avec les vampires, par Guilderoy Lockhart

Promenades avec les loups-garous, par Guilderoy Lockhart

Une année avec le yéti, par Guilderoy Lockhart

Fournitures

1 baguette magique

1 chaudron (modèle standard en étain, taille 2)

1 boîte de fioles en verre ou en cristal

1 télescope

1 balance en cuivre

Les élèves peuvent également emporter un hibou OU un chat OU un crapaud.

IL EST RAPPELÉ AUX PARENTS QUE LES ÉLÈVES DE PREMIÈRE ANNÉE NE SONT PAS AUTORISÉS À POSSÉDER LEUR PROPRE BALAI.

- Bon, dit Hagrid, le meilleur endroit pour acheter l'uniforme, c'est chez Madame Guipure. Si ça ne t'ennuie pas, vas-y toute seule, j'ai des choses à faire en attendant. On se retrouve à la sortie !

Il l'accompagna jusqu'à la boutique en question, à l'air plutôt accueillant, et partit dans une autre direction. Emmy entra, un peu intimidée malgré elle. Sa mère n'aurait pas aimé qu'elle reste seule dans un lieu magique, et elle se dit que c'était pour une bonne raison. Mais sa bonne humeur revint quand une femme souriante s'approcha d'elle.

- C'est pour Poudlard, ma petite ? Va te mettre à côté de la jeune fille, là bas.

Elle indiqua une fille qui devait avoir son âge, ou presque, au fond de la boutique. C'était sûrement une future première année, elle aussi, étant donné son air surexcité alors qu'une employée lui réglait sa robe de sorcier. Sa future camarade était brune aux cheveux relevés en deux couettes hautes et longues. Elle portait des lunettes, qui mettaient en valeur ses beaux yeux verts.

- Bonjour ! lui lança la fille lorsqu'elle s'approcha. Tu entres en première année à Poudlard, toi aussi ?

- Oui, c'est ça ! répondit Emmy dans un sourire, son stress s'évaporant aussitôt. Comment tu t'appelles ?

L'inconnue lui rendit son sourire et répondit, d'un air fier :

- Gwenaëlle Lynkins ! Mais je préfère Gwen, si ça ne te dérange pas.

Lynkins.... pensa l'autre jeune fille. Ce nom lui disait quelque chose, mais elle n'en était pas sûre. Alors, elle se contenta de hocher la tête, aimant déjà le caractère dynamique de Gwen.

- T'inquiètes, moi aussi j'ai un surnom : Emmy ! Pour mon prénom, tu verras bien lorsque les professeurs feront l'appel, à Poudlard.

Gwen rit.

- Ah d'accord ! Tu as un léger accent, non ?

Aussitôt, Emmy fronça les sourcils, suspicieuse, et son visage se referma légèrement.

- Oui, et alors ? grogna-t-elle, d'un ton passant d'un coup de l'enthousiasme à la méfiance.

La future première année sembla comprendre sa maladresse et ses yeux s'agrandirent, montrant son affolement.

- Oh, mais c'est pas du tout un problème ! Je suis à la fois irlandaise, française et chinoise, donc...

Elle n'eut pas besoin de finir sa phrase pour détendre le visage d'Emmy. Les deux filles eurent à peine le temps de s'extasier sur le Chemin de Traverse et Poudlard qui approchait que l'employée qui s'occupait de Gwenaëlle s'écarta et enleva ses aiguilles.

- C'est fini.

Gwen fit signe à sa nouvelle camarade qu'elle l'attendrait dehors. Quand pour elle aussi ce fut fini, Emmy passa en caisse, emballa ses nouvelles robes puis sortit de la boutique. Dehors, Hagrid l'attendait, rayonnant.

- Tiens, c'est pour ton anniversaire. C'était le 27 juin dernier, n'est-ce pas ? Ce sont des nouveautés.

Il lui tendit un sachet, où une petite dizaine de petites billes y étaient glissées. Elle lut :

BULLES DE VITAPPREND, par la société Vitmagic - Pensez à ce que vous voulez apprendre en tenant une bulle dans votre main, avant de l'avaler. En un rien de temps, tout sera rentré dans votre cerveau !

- Je me suis dit que ça te faciliterait la vie, à Poudlard. Eh puis, ta mère a toujours été très gentille avec moi.

Emmy resta bouche bée. Elle avait toujours considéré que les cadeaux ne se faisaient qu'entre personnes liées par le sang ou l'amitié. En Grèce, au sein de la Famille Solarius, elle avait reçu des tas de cadeaux. Mais, en arrivant en Grande-Bretagne, il n'y en avait plus beaucoup. Sauf qu'ils comptaient bien plus à ses yeux, venant de personnes plus importantes à son cœur que la vieille tante de son grand-père. Venant de ses amis. Or, Hagrid était un inconnu pour elle, et il lui offrait pourtant un magnifique présent. La considérait-il déjà comme une amie ? Appréciait-il autant sa mère ? En tout cas, ça la touchait énormément, elle qui ne connaissait rien à la société sorcière britannique.

- Je suis désolé, reprit le garde-chasse après s'être raclé la gorge, mal à l'aise face à son silence, mais j'ai une affaire de dernière minute concernant Poudlard, et je dois te laisser. Tu penses pouvoir te débrouiller toute seule ?

Emmy sortit enfin de son mutisme ému et dessina un immense sourire sur son visage.

- Oui, oui. Ne vous inquiétez pas. Merci beaucoup pour tout. Vraiment, merci.

Hagrid sembla alors le plus heureux des sorciers du monde, comme si c'était lui qui venait de recevoir un cadeau.

- Mais de rien ! N'hésite surtout pas à venir me voir, à Poudlard !

Après avoir suivi l'employé de Poudlard des yeux, celle qui était auparavant sous sa charge se tourna finalement vers Gwenaëlle, qui l'attendait toujours.

- On continue nos achats ensemble ? proposa-t-elle gaiement.

- Avec plaisir ! lança Gwen, avec encore plus d'enthousiasme.

C'est là qu'Emmy se rendit compte, ou plutôt se rappela, qu'elle ne connaissait pas les lieux.

- Euh... Il nous faut des livres. Tu sais où on peut en trouver ?

- Oui, affirma Gwenaëlle en marchant, chez Fleury et Bott. Il n'y a pas mieux.

Elles arrivèrent justement devant la librairie mentionnée par la jeune fille, où était affiché un écriteau :

Aujourd'hui, de 12 h 30 à 16 h 30,

GILDEROY LOCKHART

dédicacera son autobiographie

MOI LE MAGICIEN

- Plus de la moitié des livres qu'on doit acheter sont de Lockhart ! se souvint alors Emmy.

Gwen eut un petit rictus amusé. Elle l'avait apparemment elle aussi remarqué.

- Le prof de Défense Contre les Forces du Mal doit être fan. « Moi la Magicien » ! Ce doit être un gros crâneur, ce Lockhart !

Amusées, elles entrèrent sur des rangées et des rangées de livres, à perte de vue. Les yeux d'Emmy s'écarquillèrent devant tant d'ouvrages à parcourir, tant de savoirs à apprendre. Les futures première année ne surent pas par où commencer. Elles se mirent à fouiller dans des centaines de rayons pour trouver leurs manuels, et ce qui devait arriver arriva : elles se perdirent. 

- Bravo, maugréa Gwen. Tu nous as perdues.

- Hé ! s'insurgea sa camarade. C'était toi, la guide, au départ !

Avant que les deux ne se disputent, une jeune fille arriva. Emmy la reconnut aussitôt : c'était l'un des enfants aux cheveux roux qu'elle avait vus entourer Harry, lorsqu'elle l'avait rencontré tout à l'heure. Elle semblait avoir remarqué leur désarroi, et vouloir peut-être les aider. 

- Bonjour. Vous allez à Poudlard ?

Les deux filles hochèrent la tête.

- Emmy ici présente nous a perdues, répondit Gwen, ce qui lui valut un coup de coude dans les côtes, qui n'échappa pas à la nouvelle venue.

Celle si s'esclaffa, amusée.

- Le rayon des livres de Lockhart est là bas, si c'est ça que vous cherchez.

- Évidement que c'est ça qu'on cherche, reprit la brune avec espièglerie, puisque notre liste en est remplie !

La nouvelle venue rit de nouveau et montra du doigt une rangée, non loin de là.

- Vous entrez en première année, non ?

Emmy allait répondre, mais une voix s'éleva, venue d'une file immense de personnes qu'elles n'avaient pas remarquée, tant elles étaient concentrées à trouver son chemin.

- Ginny ! Chérie, viens vite faire dédicacer tes livres !

Les deux autres filles eurent un petit sourire taquin lorsque leur interlocutrice rougit puis soupira.

- Je dois y aller. On se revoit à l'école !

Les filles lui firent un petit coucou de la main, et elle s'en alla. Emmy et Gwen prirent leurs livres avant de faire la queue - celle de la caisse seulement, car l'immense file se déroulait devant la table de dédicaces du fameux Lockhart, qui ne les intéressait guère. La famille rousse était sur le point de faire signer ses ouvrages, mais le regard de la jeune sorcière s'arrêta sur le bureau de dédicace en elle-même. Ou, plutôt, les trois personnes qui se trouvaient devant : Harry, l'air crispé, et sa mère qui était plutôt lassée, ainsi qu'un homme blond que beaucoup pouvaient qualifier de séduisant, ne pouvant être que Lockhart en personne. Ils prenaient la pose devant un objectif, ce qui amusa les deux fillettes. Soudain, une autre fille en profita pour arriver sur le côté et pousser Emmy, et elle trébucha, ses livres éparpillés par terre.

- Oups, désolée, je ne vous avais pas vu ! ricana l'intruse, aussi sincère que Voldemort était charmant.

L'héritière Solarius allait répondre désagréablement, quand Harry l'aperçut. Ne se souciant manifestement pas le moins du monde de la photo, au contraire soulagé d'avoir un prétexte pour s'enfuir, il se rua pour l'aider à se relever. 

- Thémis, ça va ?

Celle-ci se redressa sur les genoux et sourit.

- Moi oui, mais toi, t'avais l'air d'avoir envie de...

Mais elle fut interrompue par Lockhart qui s'approcha d'eux.

- Attendez, jeune fille, dit-il sur un ton héroïque en lui prenant la main. Je vais vous aider à...

Il se figea en voyant le bracelet doré qu'Emmy portait à son poignet gauche, celui aux armoiries des Solarius. Oh Scroutt... Elle s'était faite repérer. Ravi, l'homme l'entraîna, avec Harry, jusqu'à l'estrade où on avait placé la table de dédicace, et où se trouvait encore Mrs Potter.

- Thémis... Mais c'est l'héritière Solarius ! La plus vieille famille sorcière au monde ! Comment te portes-tu, ma petite ? Rien de cassé ?

- Mmm... grommela la concernée, sachant pertinemment que Gwen devait se tordre de rire.

- Thémis Solarius et Gilderoy Lockhart, avec les Potter ! s'écria Lockhart, aussi enjoué qu'un enfant le matin de Noël. Ça va faire la Une !

Les quatre furent foudroyés par les flash d'un appareil. Puis, l'auteur se tourna vers Emmy et chuchota, faussement moralisateur : 

- Maïs ce n'est pas comme ça, en tombant devant tout le monde pour attirer l'attention, qu'on devient célèbre !

L'enfant rougit jusqu'aux oreilles, gênée devant tous ces gens qui murmuraient. Ils ne devaient sûrement pas connaître son nom, ou vaguement. Néanmoins, sa discrétion était fichue, maintenant. Elle allait faire la Une... Quelle horreur pour quelqu'un qui voulait rester discrète depuis plus de trois ans ! Quand Lockhart la lâcha enfin, elle salua Harry et sa mère pour rejoindre Gwen.

- Thémis ? demanda alors Mrs Potter, l'air hésitant.

La jeune fille se retourna.

- Oui ?

- Tu es la fille de Hope, n'est-ce pas ? 

Après un instant de surprise - Lily Potter connaissait le nom de sa mère ? -, elle haussa les épaules sans répondre, et se retourna pour reprendre son chemin. Harry avait dû l'entendre de Hagrid, et en parler à sa mère. En tout cas, elle ne voulait pas répondre à cette question, sachant à quel point sa mère tenait à son anonymat, malgré le regard qu'elle sentait peser dans son dos.

- Eh bien là, je t'ai plainte ! dit Gwen lorsqu'elle l'eut rejointe, un sourire en coin. Sérieusement !

Elles payèrent leurs livres et s'en allèrent sans demander leur reste. Les deux filles passèrent rapidement chez l'apothicaire, puis dans une boutique de matériel de potions, où elles achetèrent leurs ingrédients ainsi que leur balance en cuivre et un pack de fioles. Dans une autre boutique, Interprètes des Astres, qui proposait des articles en lien avec l'astronomie et la divination, elles trouvèrent leur télescope. Ou plutôt celui d'Emmy, car la brune l'avait déjà acheté avant qu'elles ne se rencontrent.

- Il ne nous reste plus que les baguettes ! s'exclama Gwen en sortant d'Interprètes des Astres, pressée. Il faut aller chez Ollivander, il n'y a rien de mieux !

Emmy acquiesça, et elles se dirigèrent alors vers une vieille boutique, qui semblait avoir traversé les siècles. Un écriteau, où était marqué en vieilles lettres d'or « chez Ollivander - fabricants de baguettes depuis 382 avant J. C. » semblait confirmer ses pensées. Elles entrèrent dans le magasin et attendirent. La boule d'angoisse, qui n'avait pas disparu depuis l'intervention de Lockhart, grandit dans la gorge de la fille de Hope. Son entrée à Poudlard n'allait pas passer inaperçue, et ce serait bien plus compliqué pour elle de se cacher... Et maintenant, elle avait peur que le gérant la reconnaisse, ayant fourni la baguette de sa mère. Soudain,  comme si un mauvais génie lisait dans ses pensées, un vieil homme arriva de manière brusque.

- Ah ! Gwenaëlle Lynkins ! Je savais que vous alliez venir. 

Gwen sourit. Apparemment, c'était normal pour cet homme de reconnaître tout le monde, mais cela ne la rassurait pas pour autant.

- Vous, par contre, je ne vous connais pas !

Emmy souffla, rassurée. Normalement, l'homme ne ferait pas le lien entre son nom de famille et sa mère.

- Thémis Solarius, monsieur.

L'homme fut brièvement surpris, mais ne releva pas.

- Bien. Qui veut commencer ?

Heureusement pour elle, son absence de ressemblance frappante avec sa mère l'aidait beaucoup. Cela ne l'étonnait pas, car elle tenait surtout de sa famille grecque. Plongée dans ses pensées, elle laissa Gwen se présenter en premier devant Ollivander. Celui-ci commença par prendre toutes sortes de mesures, plus folles les unes que les autres (comme l'écartement des narines, par exemple). Puis, il alla chercher plusieurs longues boîtes entreposées plus loin et lui tendit une baguette, qu'il sortit de l'une d'elle. La jeune fille fit une rotation du poignet. Aussitôt, une vitre de la boutique se brisa.

- Ce n'est pas la bonne, s'empressa de dire Mr Ollivander. Essayez plutôt celle-là. 34 cm, bois de chêne rouge, ventricule de dragon. Souple et maniable.

Gwen refît le geste et la vitre se répara d'un coup.

- Bravo ! applaudit Emmy, surprise par la rapidité du processus.

Elle s'avança à son tour, un peu tremblante. Après avoir pris les mesures, Ollivander lui donna une première baguette qu'elle agita en l'air. Rien ne se produisit. Le fabriquant de baguette lui en tendit une autre, en bois de noyer, et à peine ses doigts se posèrent-ils dessus qu'une fissure se créa dans le mur. Oups... Cramoisie, elle se tourna vers l'homme, qui ne sembla pas y faire attention. La fissure avait fait tomber une boîte, et une seule alors qu'elle était ensevelie sous plusieurs autres. Celle-ci s'ouvrît sur une baguette magique de bois clair et de forme étrange, qui attira toute son attention.

- Peut-être que... dit Ollivander. Non, ça ne peut pas, et pourtant... Essayez.

La future poudlardienne s'avança et prit maladroitement l'objet. Tout à coup, celui-ci se colla à sa main et, par un puissant mouvement d'air, ne voulait pas s'en détacher, comme une pièce métallique plaquée à un aimant. Au départ, elle prit peur, mais se détendit peu à peu. C'était cette baguette, elle en était sûre.

- Cette baguette vous a choisie, Miss Solarius, marmonna le vendeur, comme s'il lisait en elle. Mais cela est... surprenant. Vous n'êtes pas une jeune sorcière comme les autres, croyez-moi...

Emmy releva la tête, intriguée. Elle n'eut pas besoin de poser la question que l'homme s'expliqua :

- 32 cm, bois de saule, crin de Sombral. J'ai créé cette baguette il y a un moment, et je n'en ai pas produit d'autres avec ce coeur,  car il est très dur à associer à un mage. Solide mais rapide, c'est une baguette parfaite pour les sorciers au grand potentiel, qui ressentent un besoin de sécurité mais elle choisit aussi... ceux qui ont vaincu la mort. 

Emmy tressaillit. Si c'était le cas, ça se saurait, et ce qui s'était passé en Grèce n'aurait jamais eu lieu.

- Je n'ai pas vaincu la mort, articula-t-elle sèchement. Personne ne l'a vraiment fait.

Néanmoins, elle s'empressa d'acheter la baguette qui l'avait choisie et de sortir, sans la moindre formule de politesse. Gwen paya ses sept Galions et sortit à son tour. Elle ne fit aucun commentaire et ne parla pas lorsqu'elles marchèrent en sens inverse sur l'avenue toujours bondée. Elle sentait que conserver le silence dans ces moments-là était le mieux à faire. Jusqu'à ce qu'elles croisent la route du glacier Florian Fortarôme.

- Oh, tu veux une glace ?

Les yeux d'Emmy s'agrandirent d'envie, et un large sourire s'étira sur son visage. Rien de mieux qu'une bonne glace pour se remettre de ses émotions ! Elles se payèrent donc des cornets fraise-caramel, sous les conseils de Gwen, et remontèrent la rue pavée, sous le soleil couchant. Il fallait retourner au Chaudron Baveur, où Hope - sa fille le savait - s'inquiétait déjà. Le père de Gwen travaillait sur le Chemin de Traverse, dans une boutique de farces et attrapes que la fille du gérant se promit de lui faire visiter une prochaine fois, quand elles auraient plus de temps. Ainsi, la brune dut dire au revoir à sa nouvelle amie en cours de route. En tout cas, jamais Emmy n'allait oublier cette superbe journée, pleine de surprises, bonnes comme angoissantes. Cette journée où elle s'était reconnectée à ses racines.

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