Chapitre 8- Ozalée
"Ton instinct Ozalée, put" le jour où j'écouterai mes sens ! Le nombre de fois où je me serais sortie des ennuis. Mais non, comme d'habitude j'ai voulu me résonner. M'avouer que je percevais le mal partout. Alors que dès que j'ai aperçu l'autre vendeur, j'aurai dû récupérer mon bracelet et partir le plus loin possible... Au lieu de ça, me voilà attachée à une chaise avec un mal de crâne d'enfer. J'en apprécie la pièce plongée dans le noir, même si l'odeur d'humidité est atroce. Ça sent le champignon en décomposition. Une cave sûrement... idéale pour l'insonorisation. Un frisson me parcourt l'échine en même temps que cette pensée. Est-ce qu'il compte me torturer ? Envoyer des petits morceaux à mon père pour obtenir plus d'argent ? Sera-t-il content d'observer que sa fille chérie ne sait pas s'en sortir sans lui ? Est ce qu'il payera ou étouffera-t-il cette affaire pour ne pas salir son nom quitte à me laisser croupir ici ? Le bâillon dans ma bouche me permet de crier de rage sans pour autant que le son soit audible. Mon corps a beau basculer vers l'avant, mes poignets sont solidement attachés au dossier de la chaise qui ne bouge pas d'un poil. Je sens la corde s'enfoncer un peu plus dans mon épiderme. J'essaie de me souvenir de tous les tutos de survie que j'ai pu visionner sur Tik Tok. Si seulement j'avais été moins concentrée sur la musique et plus sur les explications données ! Mon espoir s'envole aussi vite qu'il est arrivé. J'imagine que c'est à cet instant précis que le héros dans les films se met à la recherche de l'héroïne. Ou qu'il placarde partout des affichettes dans le but de la retrouver. Dans mon ancienne ville, ça aurait été possible. Je rêve de mes deux frères qui fracassent mon dernier petit ami en date pour connaître mon emploi du temps. Un sourire furtif marque mes lèvres en me rappelant que j'ai abandonné tout ça. Cette protection que je trouvais étouffante.
À juste titre ! Me rappelle mon fond intérieur. Ne pas avoir son libre arbitre est bien pire que la prison. Mais en attendant, me voilà seule dans une merde bien plus grande que moi.
Mon souffle se coupe lorsqu'un bruit de pas résonne à mes oreilles. Ils sont rapidement suivis de plusieurs autres. Bordel, mais combien sont-ils ? L'ouverture de la porte me provoque un frisson. Je peux sentir la chair de poule me gagner. Il faut quelques secondes en plus pour que la lumière éclate tel un éclair dans la pièce, m'obligeant à fermer les yeux. Je me force à reprendre le contrôle en clignant rapidement des paupières. Si bien que je crois d'abord halluciner en analysant ce qui se trouve devant moi. Ma mâchoire en tombe en restant fixée sur cette silhouette que je connais trop bien. Personne n'ose prononcer un mot, ni bouger. Laissant ma grand-mère et moi dans un combat visuel que je décide de céder face à cette tristesse qui m'envahit. Elle soupire avant de s'avancer pour s'aventurer dans les flaques d'eau qui m'entourent.
- Vous aviez besoin de l'attacher ? demande-t-elle d'une voix étrangement forte.
Ma mamie a toujours été quelqu'un de calme. Le peu de fois où le ton est monté, c'était généralement contre mon père. Toutefois, elle réussissait à garder un ton doux bien que sec. Cette fois, c'est différent. Je peux presque ressentir la colère dans ses mots. Comme une électricité statique qui me picore la peau. Peut-être que c'est dû à l'humidité de cette pièce. Je laisse mon regard parcourir l'espace où je me trouve, sans avoir de repères visuels, ou ma mémoire me joue-t-elle des tours ? Des centaines de champignons sont attachés à des ficelles au plafond. Je comprends mieux l'odeur qui me pique le nez. Ma grand-mère récupère toute mon attention lorsqu'elle arrive à mon niveau. Je sens ses mains froides s'atteler sur mes poignets. Ce n'est que quand la corde tombe enfin par terre qu'elle me juge du regard.
- Crois-moi que ça ne va pas se passer comme sa jeune fille.
Je crois que ma jauge d'étonnement à casser sa limite. Ils m'enlèvent et c'est moi qu'on engueule.
- Mais, grand-mère...
- On en reparlera à la maison, me coupe-t-elle en m'attrapant l'avant-bras.
Elle me tire en m'éclaboussant de plus belle avant d'atteindre la porte. Seulement, les autres ne semblent pas vouloir s'écarter.
- Vous êtes vraiment sûre que c'est une bonne idée de la laisser partir comme ça ?
Les doigts de Rose me cramponnent un peu plus.
- Ne minorer pas ma petite fille. Je vous rappelle qu'elle a subi le même entraînement que vous. Je reste figée.
Un entraînement ? De quoi parle-t-elle ? En plus du mal être qui me surplombe, j'ai le sentiment que tout ce qui se passe à un réel sens et que je suis la seule à ne pas comprendre.
- Mais cela n'explique pas pourquoi elle est venue ici, réagit une voix masculine.
Il me faut un temps pour reconnaître Éden. Son regard noisette semble encore plus sombre qu'à l'accoutumée. Lui qui m'avait effrayé au premier abord, avait démontré une telle gentillesse quand je m'étais évanouie. Une erreur de chemin visiblement. Mes paupières s'abaissent face à sa colère perceptible. Je peux sentir cette pierre s'enfoncer un peu plus dans mon estomac. C'est ma parente qui me secoue violemment en cherchant un contact visuel.
- Attends-moi dehors, Ozalée. J'ai deux trois trucs à expliquer à ces gugus qui ne connaissent pas ta situation.
Mon cerveau n'analyse plus grand-chose. J'acquiesce en me détachant de la foule pour remonter un escalier en pierre. Ce n'est qu'arrivée en haut, que je réalise que je sors d'une cabine d'essayage de la boutique. Je sens mes mains qui tremblent nerveusement, mon cœur se démène dans ma poitrine en traversant les derniers lieux que je reconnais. La panique me gagne jusqu'à ce que mes jambes se mettent à courir en apercevant la porte d'entrée. Le pressentiment de ne jamais réussir à sortir d'ici me prend aux tripes. Si bien que mes pas me conduisent jusqu'au bout de la rue avant que je ne ressente le froid et que les flocons se déposent sur mon visage. Les passants m'entourent comme des ombres qui défilent d'un pas rapide sur le trottoir. Aucun ne prête attention à ma présence. Et ce, malgré mon manque de manteau ou même ma mine souillé et décoiffée. Un sentiment de solitude, de peur, d'insécurité s'abat sur mes épaules. Les premières larmes s'écoulent en silence sur mes joues. Pourtant, une silhouette s'est arrêtée à mes côtés, attirant mon attention. Des baskets usées, un jean bleu ciel... Un sentiment réchauffant éclot dans ma poitrine en l'examinant. Comme si, sans même apercevoir son visage, mon inconscient avait déjà reconnu qui se tenait à côté de moi.
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