Chapitre 5.2 - Matt

Un mélange assez cocasse se déverse dans mes veines. La colère me maintient debout alors que la culpabilité me pousse à chercher cette petite brune dans tous les recoins du salon. C'est Mireille qui me désigne l'arrière boutique. Rien de mieux que mes petits habitués pour remplacer les caméras de surveillance qui sont HS depuis des mois. Je la remercie et déclipse la trappe du comptoir. La porte de la réserve est ouverte, toutefois, la lumière demeure éteinte. Ce n'est que lorsque j'arrive à l'embouchure que j'aperçois Ozalée assise contre le mur. La tête penchée, les bras repliés, on pourrait croire que le monde vient de s'abattre sur ses épaules. Étonné, j'hésite un instant à la laisser seule, jusqu'à ce que ses deux billes bleues me fixent en déversant une avalanche de larmes.

- Je suis désolée d'avoir tout foutu en l'air. Je... Je suis sûrement la pire serveuse que vous ayez pu avoir.

Sa voix a beau être raillée, elle reste claire et me conforte dans cette sensation de tourment profond. Après un silence pesant, j'allume l'interrupteur ce qui l'oblige à se replier encore une fois. Je m'appuie sur l'une des étagères et lui offre la phrase la plus bateau que j'ai en stock.

- Tu sais, Rome ne s'est pas réalisée en un jour.

Elle se force à rouvrir les paupières. Je peux y lire l'espoir qui s'y reflète. Mais je ne serai pas celui qui le détruira ou même qui le poussera. Si elle doit réussir ça doit venir d'elle et non des autres. Sinon c'est voué à l'échec. Je m'accroupis en cherchant mes mots.

- Écoute, on ne se connait pas. Pourtant je me suis porté garant pour toi. Pas pour ton expérience ou ta grande voix de crécelle, mais parce que j'ai aperçu une femme qui a su rispoter pour un simple geste déplacé, se déchausser à la vue de tous pour espérer effectuer mieux son job. Ce qui s'est passé ce matin, se reproduira sûrement. Ça sera à toi d'édicter ton respect, leur apprendre la définition de ce mot. Mais toi seule peut savoir si tu as suffisamment de ressources pour t'imposer.

Je lui tapote gentiment l'épaule et me relève. Elle ne prononce pas un seul mot pendant que je retourne au couloir. J'espère que c'est bon signe.
Je sais que je m'étais promis de ne pas m'engager avec elle. Pourtant au fond, je sais que je le suis déjà. Quand je l'aperçois revenir, essuyer ses yeux bouffis, je me sens incapable de la mettre dehors. Mon bon cœur me perdra peut-être, mais je reste droit dans mes baskets.

- Allez la dure à cuire, table 4, on remonte en selle.

Je prends le balais et je la suis au cul. Elle presse le pas malgré qu'elle est toujours pieds nus. Quoi qu'elle pense, elle possède l'énergie et la détermination pour ce job. Après tout, c'est bien souvent le social qui est le plus difficile que le boulot en lui-même. Le monde est comme ça, les relations, l'humanité, devient de plus en plus complexe et solitaire. Chacun préfère regarder par-dessus son épaule que tendre la main. C'est dans ces moments que la boxe me manque. La liste de tête à défoncer est tellement grande que je ne mise pas sur la résistance du sac. Je sens son regard me suivre quand elle s'arrête devant les clients. J'accapare toute son attention pendant plusieurs secondes. Jusqu'à ce que je tire la première chaise pour nettoyer ce bordel sans nom que j'ai foutu en virant ce pervers. Elle demeure une biche en quête d'un danger, se demandant si je m'apprête à l'abattre. J'aime habituellement cette aura que je peux dégager, mais ici, j'aimerais justement que notre confiance s'étende. Bien qu'hésitant, mon bazar nettoyé, je retourne au comptoir où je la surprends en train d'essayer de lire les notes de commande.

- Écoute, je vais devoir bientôt partir. Mais si tu veux, je peux revenir ce soir pour t'apprendre à te servir du moulin ?

Un sourire s'empare de ses lèvres. Sa mine couleur porcelaine reprend un peu de rougeur avant qu'elle acquiesce de la tête.

- Je promets de ne plus te décevoir, s'étrangle-t-elle.

Ses poings serrés et son air bourru me prouvent que mes mots semblent au moins avoir toucher au but. Je dois avouer que je suis plutôt fier de moi. Je lui saisis l'épaule en lui adressant un sourire.

- Profite quand Fil arrivera, tu pourras rentrer chez toi. Assure-toi d'être en forme et en tenue adaptée pour ce soir. Je m'occupe de prévenir le patron.

Son second signe de tête est plus lent, alors que ses iris s'ancrent aux miens, je peux observer qu'elle rougit. Toutefois, la sonnette de l'entrée me rappelle à l'ordre. Le temps que je me détourne pour apercevoir mon collègue arriver, elle avait déjà filer.

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