Chapitre 3.2- Matt

L'Académie World of Ranking. Mon enfer et mon paradis. Voilà six mois que j'ai démarré ce cursus scolaire. Lier boulot et études n'est pas simple tous les jours, malgré ça, je chéris ma section d'éducation physique. Et même si au départ j'étais inquiet de l'esprit bourgeois de l'établissement, j'ai fini par délivrer les meilleurs doigts d'honneur aux conducteurs des Porsches. Ça ne m'a pas valu un grand accueil. Toutefois, aucun de ces gosses de riche n'a eu le dessus sur moi. La plupart n'ont que de la gonflette dans les bras. Avoir des muscles sans savoir s'en servir, c'est comme avoir la trique sans aucun kleenex ou partenaire à l'horizon. Au départ c'est intéressant, mais au final c'est embarrassant. Je les ai poussé à ressentir cette philosophie à toutes ces poudreuses du dimanche qui aspirent leur dose de protéine comme si c'était la solution miracle.

On est tous destinés à accomplir un métier dans le sport; agents, arbitres, commentateurs sportifs, médecins du sport, préparateurs physiques, les voies sont variées et nombreuses. Mon passé est pris comme un exemple pour ne pas tout miser sur une carrière sportive professionnelle. Je ne suis pas un échec isolé et pour beaucoup, j'ai eu de la chance d'avoir volé si près des grands. Surtout si jeune. Quand on a vingt-deux ans, nombreux sont ceux qui commencent à chercher des sponsors pour décoller. Ce qui n'arrivera pas pour les trois-quarts des participants. Ce monde est dur et les capacités n'entrent pas toujours en ligne de compte. C'est ce que j'ai appris en venant ici. Si seulement ils savaient ce que j'ai dû sacrifier, ils n'auraient plus ce mot "paradis" sur les lèvres.

Enfin malgré mon VTT et mes basquettes usées, j'ai réussi à me créer une place dans cette université. J'ai beau ne pas avoir le même train de vie que la plupart des élèves, je me fonds dans la masse et tient tête au classement scolaire. Finalement, je réalise ce pour quoi ma mère a accepté que son fils monte sur un ring dès ses quinze ans. Mes combats médiatisés me payeront mes études et si j'obtiens mon diplôme, il y aura au moins une personne que je n'aurai pas déçue dans mon existence.

Je m'écrase en attendant mon unique amie. Cassandra. À force de couvrir les assoupissements que j'effectuais en cours, on a fini par se parler et on a sympathisé. Il faut avouer qu'elle a un sacré tempérament. Ses cheveux de jais ne représentent pas seulement sa couleur capillaire. C'est une femme très terre à terre qui déteste l'humour, mais qui possède un venin digne des meilleures répliques. Parfois même, on s'amuse à se lancer des piques. "Qui aime bien châtie bien" comme on dit. Elle est la bouffée d'air frais qui me libère l'esprit. Et comme son caractère n'est pas très apprécié des autres, on est constamment fourré ensemble. Quand je la vois passer la grille, je lui adresse un signe. Sa veste de cuir et ses bottes montantes lui donnent cet aspect western qui me provoque un sourire rien qu'en l'apercevant.

- Tu as bouffé du lion ce matin pour avoir cette mine affreuse ? raille-t-elle.

- Vise ta tronche de corbeau et reviens me parler, enchaîné-je.

Elle me donne un coup d'épaule en me rejoignant sur le banc.

- Prêt pour l'examen ?

Mes paupières clignent quelques secondes en essayant de me remémorer cette information.

- On a une évaluation aujourd'hui ?

Son regard noirâtre me foudroie sur place. Je n'ai pas besoin d'épiloguer pour lui annoncer que je n'ai pas révisé, et également que mes heures de sommeil sont insuffisantes. Deux points ennuyeux quand l'alarme nous indique la prise des cours.

- Tu peux rêver Evend, je ne jouerai pas de mes charmes avec mon décolleté pour que tu puisses loucher sur ma copie.

Mon rire rauque retentit dans le couloir. Le pire c'est qu'en une phrase, je sais que nous avons un cours de mathématiques. Il n'y a qu'avec monsieur Renoir pour qu'une telle combinaison puisse marcher. C'est un prof du style à laisser tomber sa craie dans le but qu'une fille avec une enveloppe un peu trop moulée la ramasse. La plupart de la gente féminine ont banni les minijupes de leur planning vestimentaire du lundi. Heureusement, j'en ai suffisamment dans la tête pour anticiper un contrôle. Ma mémoire photographique m'aide beaucoup. Je lis beaucoup aussi. Jerem' est un exemple de discipline et apprendre à ses côtés est loin d'être une corvée.

Nous atteignons la salle, où des tables individuelles nous attendent. Les vitres sont teintées pour ne pas être distraits par les matchs qui se déroulent à l'extérieur. On s'installe à peine que Monsieur Renoir ferme la porte et claque son cartable sur le bureau.

- Bonjour, les jeunes, j'espère que vous êtes motivés ce matin. Je veux des poignets souples et des réponses précises.

Je lance un regard en coin à Cass. Assise à côté de moi dans ma rangée, je manque de m'étouffer quand j'aperçois la dentelle de son soutien-gorge. C'est ma journée ou quoi ?

- Merde, Cass, qu'est-ce que tu fous?

Ses sourcils se relèvent en m'observant avec insistance.

- Tu sais très bien que je réaliserais n'importe quoi pour ta belle gueule.

Sa bouche se tord, son épaule se soulève alors que je manque d'éclater de rire. Cette fille est cinglée.

- Je t'assure, j'ai pas besoin de ça.

J'ai presque entendu un « sûr ? » pour qu'enfin elle relève sa fermeture. Pile avant que monsieur Renoir pose les copies face à nous. Effectuant son marché militaire devant les pupitres, on sait déjà qu'il emploiera ses consignes à la lettre.

- Vous avez une heure trente. Aucune pause pipi, vomi ou même coma sans avoir un zéro mémorable. Je vous conseille donc de vous appliquer. Une heure trente, pas une seconde de plus, répète-t-il.

Dès qu'il appuie sur sa montre chronométrée, on s'élance. C'est un peu comme un match qui sonne le début du combat. On découvre les instructions, et on sait directement si on va enchaîner les rounds ou le finir rapidement. Tandis que beaucoup commencent à avoir des tocs : la jambe qui tremble, le bout du stylo qui rencontre une mâchoire acérée, chez moi, c'est un sourire en coin qui se dessine. Tout se métamorphose, devient facile, méthodique. On a suffisamment bouffé d'algèbre pour savoir que ce n'est plus une formule chimique. Je dois avouer que j'aime ces moments-là. Le portable et la calculatrice sont interdits et limitent les distractions. Mon cerveau est concentré sur une seule et unique chose. Je ne pense qu'à boucler ce devoir, et je me métamorphose un court instant, en un simple étudiant qui bosse dur pour réussir.

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