Chapitre 14.2- 0zalée
Ma grand-mère semble beaucoup plus sereine. Comme si ce lieu devait tout m'expliquer alors que je n'ai toujours pas eu la moindre explication qui soit claire.
— La vie change, ma petite libellule, et j'ai le plaisir d'être l’un des maillons de la chaîne.
Pour compléter sa phrase, sa main passe dans mon dos, elle me pousse près d'elle en ouvrant la pièce d'où elle venait. Je n'en crois pas mes yeux. L'odeur réglisse m'englobe, accompagnée d'autres odeurs plus boisées. La lumière bien que tamisée laisse place à de gigantesques herbes pendues au plafond, leurs couleurs sont différentes autant que leur grandeur. Des tables en bois emplissent la pièce. Plusieurs personnes s'y trouvent et semblent trier divers végétaux. Je reconnais même Brand et ses deux mètres attelé à les attacher au plafond avec précision.
— Qu'est ce que c'est que tout ça, mamie ? soufflé-je, presque émerveillée par l'environnement.
— Un doux parfum du passé, ma chérie.
Encore une fois, j'ai le droit à une réponse évasive. Un soupir d'exaspération m’échappe tandis qu’une autre ombre nous rejoint.
— Aujourd'hui, nous sommes de plus en plus dépendants de l'industrie pharmaceutique pour soigner les petits maux du quotidien. On en a presque oublié qu'il existait autre chose bien avant cela, reprend Danny la mine grave.
— Heureusement, les temps évoluent, reprend Rose. A présent, quand un humain vit dans la nature, on ne dit plus qu'il est fou, mais qu'il a du courage, une connaissance qui fascine et une autonomie qu'on envie. Notre univers s'est perdu dans le confort et la modernité, toutefois certains se réveillent doucement.
C'est un secret pour personne qu'aujourd'hui notre planète est en danger. La population humaine est nombreuse, nos ressources samenuisent au fil du temps. Les prix ont augmenté en flèche et la population pauvre s'est vue multiplier à grande échelle. Un fléau qui n'épargne plus personne. Or, ma famille possède un patrimoine précieux. Nous n'avons jamais manqué de rien, père a toujours travaillé d'arrache-pied afin que cela ne change jamais. Jusqu'à marier mes frères à des filles de partenaires aisés. Une pratique que nous pourrions également clarifier de moyenâgeuse qui pourtant n'a jamais disparu. Nous courrons après un idéal, le moindre obstacle devient un ennemi à abattre. Je suis devenue, il y quelques mois, la cible de mon paternel pour avoir seulement refusé la place qui m'imposait, j'imagine donc que ce n'est pas lui qui est derrière tout ça. La modernité est pour lui une bâtisse principale, l’assurance d’un contrat bien florissant pour ses affaires. Pour une fois, mon cerveau ne crée aucun scénario, je reste captivée par le paysage dans l'attente d'en savoir plus.
— Tu voudrais qu'on retourne à une civilisation moins développée, grand-mère ?
— Ne soit pas sote, réagit-elle. Notre intelligence nous a permis d'évoluer et c'est une bonne chose. Seulement nous exagérons toujours tout.
— On nous livre des cachets pour tout et n'importe quoi sans même penser à une alternative, finit Danny.
J'observe cet homme qui m’effrayait, il y a quelques minutes, avec un visage plus fermé que jamais. Ses muscles tendus à l'extrême déforment le manteau qu'il porte toujours sur dos. Face à ma grand-mère, il partage pourtant cette lueur qui semble les réunir. Une vocation qu'ils défendent ardemment. Des défenseurs de la nature dont je ne connais pas toutes les ficelles.
— Je peux comprendre vos opinions, mais pourquoi tant de mystère ? Vous savez que j'ai imaginé le pire ?
Rose lâche la pièce des yeux pour se concentrer sur moi, toujours en silence. Je commence à m’inquiéter. Son expression redevient sombre. Elle me communique toute sa détresse à travers ce seul regard. Elle est terrorisée.
— Ce que nous pratiquons est illégal, ma libellule. Commercialiser des plantes, vendre des remèdes médicaux sans autorisation peut nous coûter gros.
— On est un peu un trafic de drogue aux plantes vertes, plaide son acolyte.
J’ai la gorge sèche, tout à coup. J'ai entendu néanmoins l'information n'est pas synchronisée. Danny vient se poster juste en face de moi. Il est inquiet, je le sens au son de sa voix lorsqu’il m’ordonne :
— Tu comprends pourquoi on a flipper quand tu t'es pointée avec le même symbole que la boutique à mon comptoir. Tu ne dois pas parler de cet endroit, à personne, sans notre autorisation.
Ma gorge se noue et c'est avec un peu d'air que je force mes cordes vocales à s'exprimer.
— Mais l'homéopathie existe, je ne comprends pas pourquoi ça serait si grave.
— La seule façon pour qu'un herboriste existe c'est qu'il doit être contrôlé par un pharmacien afin que nos préparations soient modifiées et pas trop efficaces. C'est leur assurance de tout contrôler. Tu comprends ? Nous sommes l'une des dernières famille de druides qui résiste.
Un poids énorme tombe de mes épaules lorsqu’elle pose sa main sur la mienne et entoure, sa taille, de mon bras. Je me colle un peu plus contre elle et la serre contre moi. Au fond, je culpabilise de l'avoir traitée de folle alors que tout me semble plus clair maintenant. C'est juste plus réaliste que l'idée fantastique, magique, que je me faisais de cette définition.
— Nous nous battons et prospérons, Rose.
Une promesse solennelle prononcée d'une seule voix par les personnes présentes autour de moi, et qui, pour la première fois, trouve écho dans mon cœur.
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