chapitre 10-Ozalée

Le souffle court, ma poitrine s'élance quand je descends du trottoir. Tout mon corps doit se demander ce que je fabrique pour le malmener de la sorte. Je n'ai quasiment pas dormi depuis ma discussion avec mamie. Si seulement je pouvais la rayer de mon esprit. L'ignorer me semble la meilleure idée qui me soit venue à l’aube et pour le moment, mon être frigorifié n'est pas contre. Il est suffisamment occupé à supporter ma cadence dans le but de rejoindre le coffee shop. Retrouver ce lieu empli de monde ne me stresse pas aujourd'hui. L'éventualité d'utiliser un geste de self défense sur un client ne me dérange pas non plus ! Si j'en ai besoin c'est qu'il l'aura chercher. Point. Personne ne devrait avoir le pouvoir de gâcher ma journée.
J'arrive à sept heures pétantes. La clientèle est si imposante que je décide de passer par l'avant en les assurant qu'ils seront bientôt servis. Mon courage et ma détermination me paraissent frais et indémontables, jusqu'à ce que mes yeux se posent sur lui. Ou devrais-je souligner sur elle. Une sorte de gothique ambulant qui en plus d'être visiblement trop proche de mon coéquipier tient mon propre plateau en main. Le sourire de Matt maintient les tensions qui émergent en moi. Si j’étais virée, j’ose espérer qu’il ne réagirait pas de cette manière.
— Ozalée, s’écrie-t-il. Je ne t’attendais pas si tôt, je t’avais donné ta matinée, tu te souviens ?
Je tic, mais ravale mon aigreur. Je sais que je suis à fleur de peau. Les larmes qui menacent de m'envahir ne sont qu'un symptôme parmi tant d'autres.
— J'ai pensé que pour m'excuser ça serait déjà un bon début de pas avoir de traitement de faveur.
J'essaie de sourire malgré mes dents serrées. Mon cœur et ma gorge se compriment un peu plus à mesure que le temps défile. Mon esprit, comme à son habitude, immerge des scénarios de plus en plus loufoques quant à la présence de cette intruse, sans pour autant que cela me rassure. J'essaie de me calmer, en me convainquant que ce n'est qu'une de mes crises mélodramatique… puis je me souviens du magasin, du thé et de ma grand-mère… Je ressens le rythme de mon palpitant dans mes oreilles, ma vue se trouble. J'effectue un pas en arrière pour me maintenir au comptoir, bien consciente que mon corps me lâche. Je prends de grandes inspirations dans l’espoir de me contrôler.
— Est-ce que ça va ?
La voix de Matt me paraît lointaine. J'en viens à douter de sa réelle provenance jusqu'à ce qu'une autre la rejoint.
— Ça a tout l'air d'une crise d'angoisse. J'ignorais que tu avais ce genre de don sur tes collègues, Maxou.
Le ricanement qui suit sa phrase détruit mon souffle régulier et me force à lâcher prise. Je m'assois sur le sol. Je perçois la masse de Matt au-dessus de moi. Seule sa présence m'offre un léger réconfort. J'imagine qu'il me scrute, inquiet, de mon état. Ce n'est pourtant pas le cas des clients qui commencent à rouspéter. Leur mécontentement résonne dans mon crâne.
— Je vais l’installer à l'arrière, prépare les moulins.
Sa voix masculine est à double tranchant. D'un côté, je veux protester et lui demander juste quelques minutes, le temps de me remettre et de l'autre, un poignard s'abat en songeant qu'il était censé de m'apprendre à moi cette tâche. Je m'accroche à ce travail, toutefois est-ce la bonne chose ? Je n'y connais strictement rien. Ne suis-je pas qu'une bonne à rien en ces lieux voire cette vie ? Mes paupières se closent. Assaillie de milles doutes, je ne sais plus en quoi espérer. Ni même penser. Seul mon cœur réagit quand des paumes chaudes entrent en contact avec mon corps.
Mon organisme devient plus léger dans une étreinte solide. Une odeur masculine envahit mon sens olfactif. Mes genoux comprimés, ma tête contre son torse, une certaine tension s’évanouit. Douce et toutefois sensuelle. Je peux sentir ce frisson qui envahit ma peau, mes jambes se resserrer, et mon instinct chercher un peu plus cette arôme musquée.
Est-ce parce que je demeure vulnérable que tout mes sens se réveillent à chaque fois qu'il est à proximité ? Mon épiderme s'électrise quand il me dépose et me serre un peu plus contre lui. Ses doigts frôlent mon visage de manière à repousser mes cheveux. De petites attentions qui me réchauffent bien plus qu'il ne devrait.
— Reprend ton souffle autant que tu as besoin. Tu es en sécurité ici. 
Est-ce cela au fond de moi que je recherche ? De la sécurité ? D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours évolué dans un monde à part. Quoi que j’effectue, mes mouvements ont été soigneusement contrôlés. Mes amis, mes loisirs, tout n'était que factice, toujours animé par l'appât du gain que reflétait mon paternel. Même lorsque j'ai commencé à prendre mes cours de self-défenses, mon professeur a fini par démissionner sous la pression de ce dernier. Savoir les bases dans le but de se défendre passait encore, enfin pas trop, pour toujours avoir cette impression d'avoir besoin d'un protecteur. Cette ombre sur ma tête. Cette impression que j'ai fui, haï. Suis-je en train de la rechercher ? Moi qui lutte pour ma liberté depuis le début, je me trahirais moi-même aussi facilement ?
Les larmes chaudes dévalent mes joues et je me renferme un peu plus sur moi-même. Ce sentiment d'échec qui me consume de toute part. Je me déteste.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top