Chapitre 7

PDV Nagisa Shiota :

« Bonjour ma chérie. »

Je viens juste de rentrer à la maison, et on dirait que ma mère m'attendait de pied ferme. Ça veut dire que je peux m'asseoir pour avoir une soirée tranquille. Mais au moins elle a l'air d'être dans un bon jour. Elle m'enserre dans ses bras, un sourire irradiant son visage, avant de me laisser déposer mes affaires. Une fois cela fait, elle retire d'un geste doux mes couettes. Mes cheveux tombent de part et d'autre de mon faciès pour finir leur cascade sur mes épaules. Je ne suis vraiment pas à l'aise avec cette coiffure, mais je ne peux rien dire. Il ne faut surtout pas que je la mette de mauvaise humeur, mais d'un côté, cette attitude n'indique souvent rien de bon pour moi. J'aimerai bien que ce soit différent aujourd'hui, cependant c'est impossible. Personne ne change en une seule journée.

« Tes cheveux ont tellement poussé depuis la dernière fois. Il faudra bientôt que je te coupe les pointes pour stimuler la pousse et éviter les fourches. Les soins marchent si bien que ce serait du gâchis si je ne le faisais pas. Je n'avais pas cette chance de prendre autant soin de moi à ton âge tu sais ?

- Tu me l'avais déjà dit oui. Est-ce que je peux aller faire mes devoirs ? Les profs nous en ont donné une tonne pour demain avec une interro.

- Pas tout de suite Nagisa, maman n'a pas fini. J'ai un cadeau pour toi avant que tu ne fasses tes tâches. »

Un cadeau ? En dehors des fêtes, je ne reçois jamais de cadeau, sauf quand c'est... Oh non, ne me dites pas que c'est ce à quoi je pense ! Ma mère part dans sa chambre et revient quelques instants plus tard avec un sac d'une marque que je ne connais que trop bien. Elle me tend le sac fermé, impatiente de voir ma réaction. Ce n'est pas le moment que mon masque vole en éclats, concentre-toi ! J'arrive à dessiner un sourire sur mes lèvres quand j'ouvre mon « cadeau ». Je sors de l'emballage une très belle robe noire. C'est bien ce que je pensais. Je savais que je n'aurais pas dû lui dire que j'avais « des vus » sur elle la dernière fois. De base je voulais juste avoir un peu de sous pour aller manger avec Sugino. Je ne pensais pas qu'elle allait me croire et finir par acheter la robe que je prétendais convoiter. En plus elle coûtait un bras si mes souvenirs sont bons. Dans quelle merde me suis-je mis ?

« Merci maman, elle est magnifique. Tu n'étais pas obligé de dépenser tes sous, je n'étais pas loin d'obtenir la somme nécessaire pour l'acheter.

- Ne t'inquiète pas, ça me fait plaisir de te l'offrir. Et si tu allais l'essayer maintenant ?

- Tout de suite ?

- Oui, je veux voir si j'ai pris la bonne taille. Ça ne durera pas longtemps, promis.

- D'accord, j'y vais. »

Encore une horreur qui va finir dans mon placard. Ne vous méprenez pas, la robe est très jolie, mais ce n'est pas moi qui devrais la porter. Mon pas se fait plus lent que d'habitude, ce qui fait craquer les marches sous mon poids. Je referme la porte de ma chambre. On dirait que je n'ai plus vraiment le choix, il va falloir que je m'y colle... Je ressors le vêtement du sac et l'observe attentivement. Le haut est composé d'une matière satinée qui laisse tout le cou et les clavicules dégagés. Les manches sont courtes et évasées. Elles doivent dégager les épaules vu la coupe. Le buste est fait d'un corsage à baleine qui se resserre au dos, mais un laçage est aussi placé sur le devant, comme décoration sûrement. Vu ma petite taille, il va falloir resserrer les deux côtés. Pour le bas, plusieurs couches de tulle noir sont cousus sous la matière en coton pour lui donner du volume. Je sens déjà le mal de dos si je la porte plus de 10 minutes. Des fringues aussi lourdes devraient être interdites à la vente sérieusement. Je soupire une dernière fois et retire mon uniforme avant de le remplacer par cette chose.

Qu'est-ce que je hais ce satané reflet ! Ainsi vêtu, personne ne remettrait mon genre en question. Pour eux, je serais une fille, le portrait craché de ma mère. Depuis tout petit j'ai toujours eu un corps frêle, mais je crois que jamais je ne me suis senti aussi mal par rapport à ça que depuis que j'ai débuté le collège. Je n'ai pas de poitrine, mais des hanches plus larges que les autres garçons, avec une bonne paire de fesses et de longues jambes élancées. Exactement comme les filles. Est-ce qu'on peut façonner son enfant à ce point-là ? Je ne pense pas, je crois que c'est les hormones. Si même mon propre corps n'est pas en accord avec moi, c'est problématique. J'ai juste envie de casser mon miroir à cet instant, mais ça n'en vaut pas la peine. Ma mère va s'énerver et j'aurai une main en sang et quelques bleus supplémentaires. Comme si je n'en avais pas déjà assez. Ma mère fait constamment attention à ne viser que les parties qui sont forcément cachées par ma tenue, mais avec la longueur de la robe on peut quand même apercevoir une de ces ecchymoses sur mon genou droit. Il faut que j'arrête de penser à tout ça et que je redescende. Si je tarde trop, elle va finir par venir me chercher. J'ouvre la porte et descend - d'une façon qui se veut gracieuse - les escaliers. Un sourire orne mon visage pour couvrir mon désarroi tandis que ma mère a des étoiles dans les yeux.

A cet instant, je suis exactement ce qu'elle a toujours voulu que je sois : une fille modèle et féminine.

« Tu es si ravissante mon bébé. Une vraie princesse moderne.

- Merci maman...

- Les garçons tomberaient tous sous ton charme si tu t'habillais plus souvent comme ça.

- Tu sais bien que ça ne m'intéresse pas. J'ai trop de travail pour penser à ce genre de choses. Tu as encore du temps avant de t'en faire pour ça. »

Tu n'auras jamais à t'en faire parce qu'avec l'exemple que toi et papa m'ont donné, je n'ai même pas envie de ne serait-ce que songer à une relation amoureuse. Je ne suis attiré par personne et doute de l'être un jour. Vous m'avez trop dégoûté avec votre parodie de mariage pour que j'essaye. Les gens amoureux sont des gens stupides et/ou mielleux qui se font du mal à vouloir un amour durable et parfait. Ça n'existe pas et il faut être con pour ne pas le voir. En parlant de ça, ma mère n'est plus dans mon champ de vision. Elle est partie pour sa chambre avant d'en revenir aussitôt avec quelque chose en main. Je crois que c'est un ras de cou. Il est fait d'un velours rouge, et en son centre, une grosse pierre de la même couleur pend. Ma mère s'approche et me l'accroche avant de se reculer pour me contempler.

« Je savais que ce bijou t'irait comme un gant. Je l'avais acheté quand j'ai eu mon premier job étudiant, mais je ne l'ai pas beaucoup mis. Maintenant ce n'est plus de mon âge donc je te le donne. Tu le mettras dans le coffret de la salle de bain, par contre je ne veux pas que tu le mettes pour aller en cours, compris ?

- Oui maman, j'en prendrai grand soin. C'est promis.

- Mais je l'espère bien. Une fille doit toujours prendre grand soin de ses affaires et être bien obéissante. Si tu m'écoutais toujours comme ça, tu n'aurais pas ces bleus qui gâchent ta beauté naturelle. »

A ce mots, je me fige. Tout avait si bien commencé, pourquoi est-ce que tu ramènes ça sur la table ? Est-ce que c'est un avertissement ? Maintenant je ne peux plus lui demander si je peux me retirer pour faire mes devoirs. Ce serait trop risqué. Mais si je reste en place sans rien faire, elle pourrait en profiter pour me faire récurer la maison de fond en comble. Il faut que je tente ! A cause du ménage, je n'ai pas eu assez de temps pour réviser ces dernières semaines, et mes notes ne cessent de baisser. Si ça continue, je vais finir en classe E. Il faut que je réussisse le contrôle de demain, sinon on va finir par m'envoyer là-bas avant la fin de l'année scolaire !

« Maman, est-ce que je peux aller me changer et faire mes devoirs maintenant ? L'interro de demain est super importante donc j'aimerai vraiment réviser à fond pour y être préparé.

- Mais le ménage n'est pas fait ma chérie. Tu peux aller te changer, mais tu dois nettoyer toutes les pièces avant d'aller t'y mettre.

- S'il-te-plait maman, il faut absolument que je réussisse ce contrôle. Je ferais deux fois plus de ménage demain, mais laisse-moi le temps de réviser correctement ce soir, je t'en supplie. »

Son visage s'assombrit à ma demande. Malgré les larmes qui commencent à couler sur mon visage, elle n'a pas l'air décider à céder. Pourquoi tu n'acceptes pas ce que je veux pour une fois ? A quoi ça sert que je me plie en quatre si c'est pour ne rien recevoir en échange ? Il y en a marre !

« Tu le sais, tu dois faire le ménage avant de monter à ta chambre. Je me décarcasse assez au boulot pour en plus tenir seule la maison. Je suis sûre que si tu te dépêches tu auras assez de temps pour tes devoirs.

- Mais-

- Assez Nagisa ! Tu insinues que c'est à cause de moi que tu n'as pas assez de temps pour réviser ? A ton âge je faisais la même chose et pourtant je trouvais le temps nécessaire pour mes études.

- Mais ça ne t'a pas réussi.

- Je te demande pardon ?

- Tu faisais la même chose que moi à ton âge, mais tu n'arrêtes pas de dire que je ne dois pas finir comme papa et toi. C'est donc qu'avec ce système tu considères que tu n'as pas réussi, non ? Je ne te demande pas que tu fasses le ménage, mais laisse-moi au moins réviser avant de le faire je t'en prie, l'imploré-je avec de vrais larmes aux yeux cette fois.

- Ça suffit ! Comment oses-tu me dire ça ainsi ? Va te changer et revient. »

Et ça y est, elle est énervée pour de bon cette fois. Mais quel con ! J'aurais dû fermer ma gueule au lieu de dire tout ça. J'aurais aussi dû ne pas être trop optimiste. Même dans ses bons jours, jamais ma mère ne m'aurait laissé monter comme ça. Je dois toujours tout faire derrière son dos, ça ne risquait pas de changer juste parce que je lui ai fait plaisir une fois en mettant une jolie robe tout en souriant. Et je ne peux même pas aller prendre mon temps pour me changer, sinon elle va venir me chercher et me ramener en bas par les cheveux. Et dire que je ne voulais pas rallonger la liste de bleus...

Je me suis vite dépêché de me mettre dans une tenue confortable avant de retourner auprès de ma génitrice. Mais alors que j'allais entrer dans le salon, une main me tire en arrière pour m'encastrer la tête dans le mur. Autant vous dire que ça fait un mal de chien ! Le paysage autour de moi tourne, mais je n'ai pas le temps de m'en remettre que je finis à terre. Je sens le talon aiguille percuter mon dos à plusieurs reprises, mais je ne peux pas bouger. Entre le choc à la tête et la violence des coups je suis cloué au sol. Les larmes ruissellent sur mon visage, mais je ne lui ferai pas le plaisir de la supplier. Ça lui ferait trop plaisir en plus d'être parfaitement inutile. La pitié ne fait pas partie de son vocabulaire.

« Je me tue au travail pour que tu aies une vie décente, et c'est ainsi que tu me remercies ? En me crachant dessus comme si je n'étais qu'une moins que rien. Tu es une disgrâce Nagisa ! Le pire enfant qu'une mère ne puisse jamais avoir ! Tu es désobéissante et insolente. Comment oses-tu me contredire quand je te dis de ranger cette maison alors que je t'y loge et t'y nourris ! Tu mérites amplement cette correction, et crois-moi que tu t'en souviendras toute ta vie ! »

Je serre les dents. Elle a complètement pété les plombs et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Si seulement je n'avais pas laissé ma colère parler... Mais avant que je ne puisse me lamenter plus longtemps, une douleur m'irradia dans le dos. Si ses escarpins faisaient déjà des dégâts, cette fois c'est vingt fois pire. Et elle repasse encore et encore inlassablement. Je sens mon tee-shirt se mouiller au fur et à mesure de l'action, sans comprendre tout de suite que c'est mon propre sang qui imbibe le tissu. J'ai la tête qui tourne de plus en plus, mais je ne sombre pas pour autant dans l'inconscience. La douleur est si vive qu'elle m'en empêche. Est-ce que cette fois-ci je vais finir par y passer ? Je ne pense pas, mais tout me fait y croire. Cette sensation de déchirement dure encore quelques minutes avant que les lacérations ne cessent. La douleur ne se stoppe pas, mais au moins elle a diminué un peu.

J'arrive avec difficulté à discerner les jambes de ma mère devant moi alors qu'elle jette à ses pieds l'arme du crime. Elle me commande rapidement de me relever et de nettoyer tout ce bazar avant de se retirer. Je ne sais pas combien de temps s'est passé entre le moment où elle est partie et celui où j'ai enfin repris mes esprits, mais ça m'a paru une éternité. Je me suis relevé comme je pouvais avant de me traîner à la salle bain. J'ai cru que je n'allais jamais y arriver, mais je me retrouve devant le miroir. Mon tee-shirt est en lambeau. Je le retire pour éviter qu'il ne colle trop à ma peau. Heureusement, l'hémoglobine n'a pas encore coagulé donc au moins, même si ça fait mal, je n'ai pas eu trop de difficultés à y parvenir. Je finis de me déshabiller et règle la douche pour qu'elle ne laisse passer qu'un filet d'eau tiède. Une fois que je suis sûr que les plaies sont visibles, je me tourne pour voir l'étendue des dégâts.

Et là, l'horreur ! Je vois plusieurs lacérations qui partent des omoplates pour finir leur course en bas du dos. Elle a perdu l'esprit ! Comment veut-elle que j'arrive à cacher ça ? Mais personne ne vint me répondre. Il n'y a que les ténèbres qui sont venus m'engloutir à cause de la perte de sang.

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« Nagisa !

- Hein, qu'est-ce qui se passe ? »

J'ouvre les yeux et me retrouve dans ma chambre. Ce n'était qu'un rêve. Ou plutôt un souvenir. Un souvenir dont j'aurais préféré ne jamais me souvenir. Je me tourne vers le réveil : il indique 3h 14. Est-ce que j'ai réveillé Karma ? Je crois bien puisque qu'il me regarde avec une mine inquiète.

« Ça fait au moins dix minutes que j'essaye de te réveiller, mais tu continuais de pleurer en te débattant dans la couette.

- Je suis désolé de t'avoir réveillé au beau milieu de la nuit. Ce n'était rien, ça va.

- Tu as fait un cauchemar ? »

Je ne réponds pas. J'aime Karma de tout mon cœur, c'est un de mes meilleurs amis, mais il ne peut pas savoir. Il ne doit pas savoir. C'est si honteux de se retrouver dans cette situation, j'ai juste envie de disparaître.

« Tu n'as pas besoin de m'en parler si tu ne veux pas, mais c'est ok de faire une cauchemar. Tu sais très bien que même si j'aime bien te taquiner, jamais je ne me moquerais de toi pour ça ni d'aucun autre de mes amis.

- Pas même de Terasaka ?

- Bon, peut-être de Terasaka, mais je suis sûr qu'il cauchemarde sur le fait qu'Itona le rejette.

- Ce n'est pas une raison pour se moquer, lui dis-je avec un petit sourire en coin.

- Je sais, mais ça t'a fait sourire donc c'est pas trop grave. Allez, sèche tes larmes, et fais-moi un peu de place. Je reste avec toi. Et tout à l'heure, on va sécher les cours et rester à la maison.

- Ne te sers pas de moi comme excuse ! Mais j'avoue que je n'ai pas trop envie d'y retourner entre hier et cette nuit. Je suppose que ça ne me fera pas de mal de louper quelques cours. »

Je me décale et laisse de la place à Karma pour qu'il s'installe. Il se glisse sous le drap et pose sa tête sur l'oreiller avant de prendre une de mes mèches et de jouer avec. C'est agréable. Je ferme les yeux et me laisse submerger par la sensation. Il ne m'a pas fallu très longtemps pour me rendormir. Et cette fois, pas de cauchemar en vue.

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Hey les gens ! Je sais que j'avais laissé sous-entendre un chapitre plus long la semaine dernière, mais je ne me voyais pas finir autrement que comme ça. Du coup, j'espère que ces 2895 mots vous ont quand même plu. Personnellement je me suis éclaté à écrire cette partie, en particulier les 1700 derniers mots qui sont venus tout seul en moins de 2h. C'était incroyable de se voir avoir une telle productivité en si peu de temps. En règle général j'écris plutôt 450 mots au cours d'une journée pour vous donner une idée. Donc voilà, cette avance m'a boosté pour bosser sur le chapitre 8. Mais ça vous le verrez la semaine prochaine. Sur ce,

Kiss les gens <3

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