Chapitre 40
PDV Tadaomi Karasuma :
La classe E n'est pas une classe comme les autres, mais ce serait mentir que de dire que crier est une occurrence régulière pour eux. De plus, avec la venue de Lucile, il aurait été étonnant que le groupe de Nagisa ne finisse pas par entrer en conflit avec elle. Je ne pensais pas que cela arriverait si tôt dans la matinée, mais on dirait que la jeune femme n'a pas suivi mon conseil. Elle aurait dû attendre le cours d'EPS afin de moins les brusquer. Cette fille est tout bonnement incroyable dans son domaine de compétence, en revanche, son envie de fourrer son nez partout peut se révéler être un gros désavantage pour sa mission actuelle. La plupart des élèves n'apprécient pas qu'on se mêle de leurs affaires, mais les pires sont sans doute Karma et Nagisa à ce niveau-là. Il était donc très indélicat de sa part d'insister autant pour régler le problème d'un inconnu. J'espère que je vais pouvoir rattraper tout ça sinon le reste de cette semaine va s'avérer compliqué.
Karma a vraiment l'air contrarié, même s'il semble un peu moins agité maintenant que la présence indésirable de ma collègue est partie. Je ne sais pas ce qui lui arrive, mais je ne l'ai jamais vu dans cet état de mémoire. On ne dirait même pas de la colère, mais je suis incapable de déchiffrer plus son expression. Nagisa non plus n'a pas l'air dans son assiette, même si je comprends déjà plus pourquoi dans son cas. Peut-être que si je prends les 2 garçons à part, j'arriverai peut-être à obtenir quelques informations supplémentaires. Je ne peux pas les laisser aller en cours dans cet état, ce n'est pas convenable. Le poulpe est encore plus intrusif — bien qu'ayant plus de tact — et Irina n'est même pas à considérer dans ce cas de figure vu son attitude actuelle. Non, il faut que je m'en occupe avant que la situation ne m'échappe. Mais alors que j'allais demander au duo de me suivre, je vois le plus petit tendre son arme à Karma avant qu'il ne s'enfonce dans les bois avec ses affaires.
« Où est-ce que Karma est parti ? Cette discussion n'était pas terminée.
— Désolé Karasuma-sensei, mais il a besoin de se défouler un peu. Faites-moi confiance, il se sentira mieux après, répond le bleuté avec assurance.
— Je vois. Je suppose que je n'ai pas le choix que de te croire puisque tu es celui dont il est le plus proche.
— Je comprends que la façon d'agir de Lucile vous ait énervé, mais je ne pense pas qu'elle vous sous-estimait. Elle est la cheffe de son équipe, et même si c'est une très bonne agent, elle reste une femme très jeune qui a du mal avec les conventions sociales. Je ferai en sorte qu'elle ne franchisse pas la ligne une seconde fois, vous avez ma parole.
— Merci de bien vouloir comprendre notre point de vue. C'était très agaçant de la voir insister autant alors que cela ne la regardait pas, me dit Rio avec un sourire gêné.
— Maintenant que tout cela est éclairci, je vous demanderai de bien vouloir vous rendre en classe, vos cours vont bientôt commencer. Sauf toi Nagisa, allons marcher un peu.
— Très bien. »
Ses amis lui lancent un dernier regard compatissant avant de s'éclipser avant de se tourner en direction du bâtiment. Je ne sais pas ce qu'ils se sont imaginés, mais je ne compte absolument pas le réprimer pour son attitude. A son âge, je n'aurais pas mieux réagi que lui. Je sais que nous sommes censés le surveiller, mais il n'y pas besoin de le punir pour tout et n'importe quoi. C'est justement en le traitant injustement qu'il pourrait causer des dégâts. Après nous être assez éloignés du bâtiment, le collégien prend la parole.
« Vous n'allez pas me sanctionner parce que j'ai dit que je me retenais de lui en coller une ?
— Non. Lucile peut se montrer très invasive sans s'en rendre compte. Je n'en veux à aucun de vous de vous être énervé. Je n'étais même pas d'accord pour qu'elle vous aborde ce matin, ce n'était pas raisonnable.
— Pourtant il aurait bien fallu que cela arrive à un moment. Elle n'est pas là pour faire du tourisme après tout. répond-il en se renfrognant.
— Je comprends que vous n'ayez pas commencé du bon pied, mais il est primordial que tu la laisses s'approcher de toi et tes amis afin que vous ayez un véritable échange, sinon elle ne pourra pas faire de rapport et ils prendront cela comme le signe de te retirer de ma garde.
— Je sais ! »
Son soudain éclat de colère m'a légèrement fait sursauter. Je ne m'attendais pas à une réaction aussi virulente, mais j'aurais dû le prévoir : c'est un ado dans une situation très anxiogène et qui est proie aux sautes d'humeur. Ses poings sont si serrés que ses phalanges sont livides et l'expression tirée de son visage confirme son angoisse.
« Pardon, je ne voulais pas hurler sur vous, ce n'est même pas de votre faute, marmonne-t-il alors que ses oreilles deviennent rouges.
— Je ne t'en veux pas, je me doute que tu ne dois pas passer un très bon moment. Mais est-ce la seule raison qui fait que tu es comme cela ?
— J'avoue que non, même si c'en est la raison principale. Et tant qu'on s'est lancé sur le sujet, vu que c'est ce dont vous vouliez me parler, j'aurai une question à vous poser qui y est liée.
— Je t'écoute.
— L'autre raison pour laquelle Karma et moi ne sommes pas dans nos assiettes ce matin est bien plus personnelle. J'ai beau avoir retourné le souci dans tous les sens, je n'arrive pas à trouver une solution convenable, donc je me disais que vous seriez capable de me l'apporter. Les parents de Karma sont des hommes d'affaires et ne sont jamais présents à la maison. Ils sont rentrés hier soir, mais ce matin, ils étaient déjà repartis voir des amis on ne sait où alors qu'ils doivent se voir une semaine dans l'année à tout casser. Le pauvre, ça l'a rendu fou de rage de voir ses parents partir à peine arrivés. Et je le comprends : se sentir délaissé et négligé est la pire des souffrances pour un enfant. Et si ce n'était que ça...
— Je ne suis pas certain de saisir où tu veux en venir Nagisa.
— Ses parents sont 2 enfoirés qui non seulement n'aiment pas leur enfant, mais qui en plus le laissent seul à la maison pendant des mois depuis qu'il a 11 ans. Ils ne vivent que pour leur travail et n'en n'ont rien à faire de ce qu'il peut bien faire. Karma souhaite les fuir, et en particulier fuir leur emprise toxique, mais on n'a aucune solution à cela. Et je dois avouer qu'en plus de tout cela, ma soif de sang bouillonne rien que de savoir tout le mal qu'ils lui font. J'ai même pensé à les tuer ce matin, mais ce serait contre-productif. Est-ce que vous auriez une solution pour nous ? »
J'ai l'impression de recevoir un coup de massue face à ce flot d'informations. J'étais au courant que les parents de Karma étaient pas mal en voyage, mais je ne pensais pas qu'ils étaient aussi peu présents. Apparemment, mes supérieurs ont amoindri la situation pour que je n'y fourre pas mon nez de plus prêt. Je ne supporte pas que l'on puisse s'en prendre de façon physique ou psychologique aux enfants. S'il y a bel et bien négligence de leur part, je ne peux pas faire comme si de rien n'était. Mais est-ce que mes supérieurs accepteraient que je m'en occupe ? Si c'est bien eux qui ont dissimulé la vérité, j'en doute fortement. Il faut que je me penche plus amplement sur ce cas, après tout, il en va autant de la sécurité de mes élèves que de celles des parents. Si la soif de sang pousse Nagisa à les attaquer, voire les tuer, Lovro et moi auront du mal à le couvrir et il pourra dire adieu à sa liberté.
« Je ne peux pas t'assurer mon aide car j'ai l'impression qu'on m'a caché le fait que les parents de Karma n'étaient jamais à la maison, mais si ce que tu dis est vrai, je ne peux pas rester assis sans agir.
— Je ne les ai pas côtoyés plus de quelques heures, mais c'était évident qu'ils n'en avaient rien à secouer de lui. Pas une fois ils ne l'ont complimenté, ne se sont intéressés à lui ou à comment il allait. Sur les 4 heures qu'on a passées, ils ont complimenté ma nourriture et discuté de notre avenir la première heure. Enfin, on a plutôt parlé du moins parce qu'apparemment Karma a décidé de les rejoindre, ce qui est loin de la vérité. Ils ont passé tout le reste à parler de leur travail et ils étaient si froid sous leur masque chaleureux que ça m'en donne des frissons rien que d'y penser.
— Et tu dis qu'ils l'ont laissé seul sans adulte responsable depuis ses 11 ans ?
— De ce qu'il m'a dit, ils ont cessé de le garder avec eux à 10 ans, mais il avait une nourrice. Je suis allé plusieurs fois chez lui en 6ème et je n'y ai jamais vu la moindre nourrice et seulement une fois ses parents. Le reste du temps, il était tout seul chez lui.
— Ce n'est pas extrêmement jeune pour rester seul à la maison, pas sur de tels périodes. Cela ne me plaît pas du tout et je ne peux pas laisser passer une telle chose, il faut le placer sous tutelle de l'État. Je ne comprends même pas qu'un parent puisse faire subir cela à son enfant.
— Pourtant, bon nombre d'entre eux sont bien pires que cela... »
Les traits du jeune homme se sont durcis alors qu'il chuchotait la phrase. Si je ne le connaissais pas, j'aurais pu lui donner 10 ans de plus. Une flamme semble danser dans son regard alors qu'il fixe un point imaginaire au sol. Est-ce que je dois le sortir de ses pensées ? Le surprendre alors qu'il a une telle expression sur son visage ne semble pas la meilleure des idées. Heureusement, le vibreur de son portable le ramène à la réalité. Aussitôt l'engin sorti de sa poche, l'écran s'allume pour dévoiler le visage de Ritsu.
« Qu'est-ce qui se passe Ritsu ?
— Je suis désolée, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'espionner votre conversation. Puisque le professeur Karasuma à l'air d'être embêté par ses supérieurs, pourquoi ne pas faire comme avec Kayano ? D'après mes calculs il y a 97,78% de chance que le plan réussisse. Votre supérieur est bien monsieur Toshio Saitou ?
— C'est exact, mais serait-il possible de m'expliquer ce que vous comptez faire ?
— Bien sûr ! On compte faire chanter votre boss pour qu'il plie face à votre demande de mise sous tutelle, me répond l'IA toute sourire.
— Non mais ça ne va pas ? On ne peut pas procéder comme ça, ça ne peut pas réussir ton plan ! Et est-ce que je dois conclure que vous faites chanter Kayano ? Tu sais quoi, ne répond pas à la question, je ne veux rien savoir à ce sujet. »
PDV Nagisa Shiota :
J'ai bien cru que le prof allait faire une syncope quand Ritsu lui a proposé de faire chanter le fameux Saitou, cependant il a vite dû s'avouer vaincu, faute de meilleur stratagème. Je peux comprendre que ça le rebute d'avoir recours au chantage et à la manipulation pour parvenir à ses fins, mais c'est comme ça que ça marche dans le milieu. Le but n'est pas d'obtenir le plus haut grade en étant le plus juste, mais en faisant les meilleurs pots de vins et en écrasant ses adversaires par tous les moyens possibles. C'est ça le milieu de la politique. En attendant, j'ai réussi à obtenir bien plus que ce que je n'espérais. Si Karma passe sous tutelle de l'État, il n'aura plus jamais à revoir ses parents en plus d'être protégé de tout coup bas futur de leur part. C'est un très bon point pour moi. Nous nous sommes un peu étendus sur la façon de s'y prendre afin que cela soit fait dans les plus brefs délais avant de changer de sujet. Je peux enfin me détendre un peu maintenant que je sais que Karma est entre de bonnes mains et que son cauchemar va bientôt se terminer. L'échange qui a suivi a été nettement plus calme et ça me fait du bien de revenir à une conversation plus normale. Enfin, normale pour la classe E. On a discuté des fameuses fiches qu'on doit commencer à traiter demain midi et de la façon de s'organiser. C'était très intéressant, j'ai hâte de voir ce que cela va donner quand on s'y mettra sérieusement.
Et c'est un peu avant la pause que Karasuma me relâche pour aller chercher ma tête de piment. Je m'enfonce un peu plus dans la forêt jusqu'à me retrouver dans la clairière qui nous sert de base d'entraînement. Comme prévu, je retrouve le plus grand assis au pied du chêne, mon pistolet en main. Un peu plus loin se trouve une cible en papier qui n'a pas subi que le coup des balles a priori. Je m'installe sans un mot à ses côtés tandis qu'il fait tourner l'arme entre ses doigts. Après avoir enlevé mes couettes, je cale ma tête contre son épaule et attend patiemment qu'il se décide à parler. Après quelques minutes à écouter le bruissement des feuilles, il entame l'échange.
« Je suis calmé.
— Calmé pour de vrai ou pour me faire plaisir ? lui demandai-je de mon ton le plus doux.
— Je vais mieux, grogne-t-il avant de m'attirer dans une étreinte.
— Oui, mais tu n'es pas calmé espèce de petit menteur lui susurré-je au creux de l'oreille.
— C'est toi qui es petit d'abord, grommèle-t-il alors qu'il enfouit son envisage dans ma chevelure.
— Arrête de faire ton grincheux, j'ai trouvé une solution à notre problème. Et c'est définitif.
— Tu me fais marcher là. Et si c'est une blague, elle n'est pas drôle...
— J'ai l'air de plaisanter avec ce genre de chose ? Je ne mens pas, et si on joue bien nos cartes, ça pourrait être officiel en début de semaine prochaine.
— Nagisa, comment t'as pu réussir un tour de main pareil ? Ne me dis pas que ta solution miracle c'est le meurtre ! me crie-t-il dans les oreilles tout en me secouant comme un prunier.
— Arrête ou je vais finir par vomir mon petit-déj."
La tomate ambulante finit par me relâcher, à mon grand soulagement. Je ne veux plus jamais qu'il me fasse ça. Avec sa force ça me donnait l'impression d'être dans les manèges qui tournent super vite dans les foire. Une fois la sensation de tournis et la nausée dissipée, je lui refais face.
« Heureusement pour tes parents, ils ne finiront pas décédés, même si j'avoue y avoir sérieusement songé. On a décidé avec Karasuma-sensei de faire chanter son patron pour que tu sois mis sous la tutelle de l'État. Il va sans doute venir t'en parler à midi vu que ça veut dire aussi qu'il va falloir faire arrêter tes parents.
— Et tu as réussi à embarquer le prof comme ça dans cette histoire ?
— Apparemment il nous aime assez pour ça, ouais.
— Si moi je suis un menteur, toi tu es un sale petit manipulateur Na-chan, me chuchote-t-il avant de m'embrasser.
— Je viens littéralement de t'avouer que j'ai pensé à trucider tes parents et il n'y a que ça qui te préoccupe ? répondis-je amusé.
— Tant qu'on est dans l'instant confidence, je dois avouer que même moi j'ai pensé que ce serait beaucoup plus simple si tu les tuais, mais je ne te l'aurais jamais demandé parce que non seulement tu aurais fini en taule, mais qu'en plus ça aurait été un immense manque de respect et de considération envers toi. Je m'en fous pas mal qu'ils soient arrêtés et jetés en prison, j'accepterai les conditions de Karasuma.
— Je n'aurai pas été offusqué que tu me le demandes vu comment tu étais aveuglé par ta colère. Mais j'aimerai aussi éviter d'aller en prison donc on va laisser un adulte responsable s'en charger. Bon, ce n'est pas tout, mais on a cours donc ce serait bien d'y aller. Tu viens ? »
Karma acquiesce avant de se lever. J'attrape la main qu'il me tend, et après avoir pris son sac, on se dirige vers le bâtiment où nos amis doivent déjà nous attendre.
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Hey les gens ! On se retrouve en ce mercredi venteux avec un chapitre de 2770 mots. Fight for Words a fait des miracles, et j'ai pu écrire 4 nouveaux chapitres. Je ne pensais pas que j'allais être aussi productive, surtout au vu des choix que j'ai fait pour les pdv, mais j'ai réussi à atteindre mon objectif et le dépasser sans soucis. Au final, rien ne s'est passé comme prévu dans mon plan, mais le résultat est bien mieux comme ça. Et, oui, le pdv de Karasuma n'est pas le seul qui sera inédit. Je ne vous en dit pas plus, mais n'hésitez pas à mettre qui sera le/la prochain(e) en commentaire. Sur ce,
Kiss les gens <3
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