Chapitre 36
PDV Karma Akabane :
Je n'arrive pas à y croire ! Nagisa nous a lâché cette bombe juste avant que la sonnerie ne retentisse, et après cela, il n'en a pas reparlé une seule fois de la matinée. Même quand Sugino ou Rio lui posaient des questions. Je ne pense pas qu'il y ait grand-chose de plus à dire en soi – surtout qu'elle n'a fait que nous observer à distance – mais c'était étrange. Son comportement aujourd'hui est étrange. Il peut nous dire ce qu'il veut, je suis certain que quelque chose cloche. Depuis qu'on s'est séparé des autres, il n'a pas dit un mot et fixe le vague, exactement comme quand il a des épisodes avec la soif de sang ou avec ses traumatismes. Son état m'inquiète, mais je ne peux malheureusement rien y faire. Quand il est comme ça, il faut juste attendre que ça passe et qu'il revienne à lui. Quand on est rentré à la maison je n'ai pas osé nous faire à manger donc on s'est installé dans ma chambre le temps que ça se termine, et j'ai commencé à faire mes devoirs pendant qu'il restait assis sur le lit. J'ai cru que ça allait continuer ainsi toute l'après-midi, jusqu'à ce que je l'entende bouger. Le pauvre avait l'air totalement perdu alors qu'il observait la pièce.
« Putain, il s'est encore passé quoi pendant que j'étais pas là ? dit-il en se frottant les yeux.
– Ça y est, tu as repris tes esprits ? T'as rien loupé du tout. On est juste rentré à la maison et j'ai attaqué le devoir d'histoire.
– Non, ce n'est pas possible.
– Que j'ai attaqué les devoirs sans toi ? Bas si, j'ai même presque fini.
– Non, je ne parlais pas de ça. Karma, je n'ai aucun souvenir depuis 9h/9h30 ce matin.
– Tu... Tu peux répéter s'il-te-plait ?
– Je ne me souviens de rien après 9h30 du matin. Bordel Karma, qu'est-ce que j'ai fait pendant tout ce temps ? siffle-t-il tandis que l'anxiété commence à prendre le pas.
– Na-chan, regarde-moi, et respire. Voilà, on inspire et on expire. Il ne s'est rien passé d'extraordinaire. Aux yeux des autres, tu as agi normalement toute la matinée. »
Peu à peu, l'androgyne fini par se calmer. Je m'assois à côté de lui et l'entraîne dans une étreinte qu'il me rend volontiers après avoir détaché ses couettes. Sa respiration est encore un peu saccadée donc je lui laisse plusieurs minutes supplémentaires avant de reprendre la conversation.
« Est-ce que ça va mieux ? lui demandai-je en l'installant sur mes genoux.
– Je crois oui, merci. Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je n'ai pas eu de flashback ou quoi, juste je n'étais pas là.
– En plus jusqu'à la fin des cours tu nous as parlé normalement, comme si de rien n'était. C'est plus que bizarre.
— Ouais, mais ce n'est pas plus mal. Ce n'est pas le moment qu'on se rende compte qu'un truc ne tourne pas rond chez moi.
— Je sais. Bon, mettons ça de côté pour le moment. Ce n'est pas comme si on pouvait obtenir une réponse à cela et ça va juste continuer à te stresser si on continue d'en parler. Est-ce que tu te sens capable d'aller chez le coiffeur ?
— Si tu viens avec moi, me dit-il d'une petite voix.
— Pas de soucis. On ferait mieux d'aller mettre un coup de brosse dans tes cheveux avant d'y aller. »
Après que le bleuté ait acquiescé, je range mes affaires dans mon sac et pars à sa suite. Une fois arrivée à sa salle de bain, j'attrape sa brosse et m'attèle à la tâche pour les démêler. L'objet ne rencontre aucune résistance de toute la séance, mais ça ne nous a pas empêchés de passer une bonne demi-heure dessus à parler de tout et de rien. J'ai senti qu'il relâchait la pression au fur et à mesure des minutes, et finalement c'est un Na-chan complètement détendu qui a marché à mes côtés vers le salon de coiffure. En même temps, il doit se sentir soulagé d'enfin pouvoir se débarrasser d'une partie de sa touffe, surtout que sa frange allait finir par le gêner durant les entraînements au vu de sa longueur.
Quand on arrive, je me dirige vers la coiffeuse qui s'occupe habituellement de ma mère – du moins quand elle est en ville – et après avoir discuté un instant, elle se met aussitôt au travail. Et j'avais bien fait de prendre rendez-vous avec elle : elle n'a pas jugé une seule fois Nagisa quand elle s'est rendu compte que c'était les cheveux longs d'un garçon qu'elle allait couper. Elle a su très vite le mettre à l'aise le temps du shampoing, et je n'ai senti de lui que du soulagement quand elle a coupé la première mèche. Je ne sais pas à quoi il pensait à ce moment-là, mais j'ai l'impression que c'était une des premières étapes à faire pour le sortir à cent pourcent de l'emprise de sa mère. Bien sûr, ça ne changera pas toutes les années de traumatismes, et il y a un chemin énorme à faire pour en arriver à la guérison, mais on peut bien savourer cette victoire. Je crois que je ne l'ai jamais vu autant rayonné en si peu de temps depuis que je le connais.
Même parler de la venue « surprise » de mes parents n'a pas changé cet état de fait. Après, je ne pense pas que c'est quelque chose qui l'angoisse. C'est certainement même le contraire : c'est moi qui angoisse et qui le projette sur lui à ce stade. Pourtant, je ne devrais être extatique de les savoir enfin à la maison après des mois à simplement s'envoyer des messages et s'appeler. Mais il faut croire que non. Ils sont si peu là, et même si j'aime être en leur compagnie, parfois je me sens juste comme un enfant assis en face de 2 inconnus. C'est triste, mais ils ne se sont jamais vraiment intéressés à ce que j'aimais. Quand ils sont à la maison, c'est toujours la même rengaine : le travail, la maison, les cours et le budget mensuel pour les courses et les loisirs. De toute façon, ils ne restent pas assez longtemps pour s'intéresser à autre chose, et quand c'est le cas, ils préfèrent partir à gauche et à droite voir leurs amis.
« Oh, je connais ce regard. Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu ne veux pas que je fasse du curry à tes parents ce soir ? Tu sais que je peux leur faire autre chose s'il y a un autre plat qu'ils préfèrent.
— Non, le curry c'est parfait. En plus tu sais que j'adore le tien. C'est juste que... Ça fait un moment que je ne les ai pas vus.
— Tu es nerveux ? me dit-il avec une mine triste.
— Je ne dirai pas nerveux. C'est juste que... Comment réagirais-tu si tu prenais de plus en plus conscience au fil des années que tes parents s'en fichent de toi ?
— Je serais sans doute très triste. Je ne peux pas me mettre à ta place parce que j'ai bien plus vécu l'abus physique et mental plutôt que la négligence, mais cela reste quand même un traumatisme qui laisse des marques. Tu veux qu'on en parle ?
— Je pense que ça me ferait du bien, oui. Quand j'étais enfant, ils m'emmenaient avec eux autour du monde, et je pouvais passer pas mal de temps en leur compagnie. Je savais que le travail était plus important que moi pour eux, mais je pouvais fermer les yeux sur cette information parce qu'ils faisaient en sorte de remplir leurs devoirs de parents. Mais à 10 ans ils m'ont laissé là, ont pris une nourrice pour ne pas que je me débrouille seul et sont repartis comme si de rien n'était. J'ai beau leur ramener les meilleures notes, ou me bastonner toute la journée, ça ne leur fait ni chaud ni froid. Ils ne pensent qu'à eux et leur stupide travail ! Et ça me met encore plus en rogne de me dire que je me plie parfois en 4 pour 2 quasi inconnus qui n'en ont rien à faire de moi. Tu dois me trouver stupide, non ?
— Bien sûr que non ! Ce serait hypocrite de ma part alors que j'ai cru pendant longtemps que ma mère pourrait changer, se remettre avec mon père et avoir un happy ending. Mais laisse-moi te dire un truc que tu as peut-être besoin d'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre : les gens comme eux ne changent pas. Tu auras beau faire tout ce qu'ils te demandent, faire tout ce qu'ils attendent de toi, ils ne seront jamais satisfaits et tu n'obtiendras pas la moindre gratitude de leur part. Je sais que c'est dur de ne pas continuer à s'accrocher autant que tu peux à un fantasme irréalisable, mais il faut que tu t'en détaches, sinon ta santé mentale va vraiment finir par en pâtir. »
Je sais qu'il a raison. Je m'accroche depuis des années à une chimère que je sais inatteignable, mais à chaque fois que je prends cette résolution, je n'arrive pas à la maintenir quand j'entends la voix de ma mère m'annoncer qu'ils reviennent. Ça fait vraiment pitié et je me sens con de revenir encore et encore pour donner de l'amour à des gens qui ne le méritent pas et ne me retourneront jamais sincèrement mes marques d'affection. C'est pour ça que je n'aime pas les gens de toute façon : ils pensent pouvoir t'extorquer jusqu'à la dernière goutte comme une vache à lait alors que tu vois très bien qu'ils ne sont là que pour profiter de toi. C'est pour ça que Na-chan était mon seul ami jusqu'à mon arrivée en 3-E. Il était bien le seul qui ne voulait pas profiter de moi et mes connaissances pour son propre bénéfice. Et même si j'ai été con de le lâcher à cause de ma peur, j'ai adoré chaque moment passé avec lui. Il m'a montré que le monde n'était pas aussi noir que je ne le croyais.
« Merci Nagisa.
— Pourquoi tu me remercies ? Tu as fait beaucoup pour moi donc c'est normal que je fasse pareil pour toi. Et même sans, tu sais que tu peux compter sur moi si tu as un souci.
— Pour ça, et merci d'avoir été mon premier ami. Tu ne te rends pas compte d'à quel point tu m'as aidé juste avec ta présence.
— Tu n'as pas besoin de me remercier pour ça non plus ! J'étais très heureux de pouvoir être ton ami et traîner avec toi, répond-il alors que ton visage prend une teinte rouge. Mais arrête d'essayer de m'embarrasser comme ça, je ne veux pas avoir l'air d'une tomate tout à l'heure.
— Je ne tente pas de t'embarrasser, j'avais besoin de te le dire parce que ça compte à mes yeux ! m'insurgé-je alors que mes oreilles se mettent à chauffer.
— Merci beaucoup, moi aussi je t'aime, mais s'il-te-plait, concentre-toi une minute. On va aller faire le repas avant que tes parents arrivent, et une fois qu'ils sont là, je veux que tu profites d'eux une dernière fois. Quand ils seront repartis, cette fois le cycle se terminera.
— Je veux bien essayer, mais je ne pense pas que je vais y arriver. C'est bien plus compliqué que « Ils ne m'aiment pas et le sous-entendent alors que je m'accroche à cette fable. ». C'est plutôt le « Moi je sais qu'ils ne m'aiment pas, mais eux sont persuadés du contraire et me donne de l'affection qui est vide de sens. » et c'est ça qui me pousse à y retourner. Ils sont tellement dans le déni, qu'ils m'entraînent presque dans leur chute.
— Je te l'accorde que c'est bien plus dur de recevoir une affection factice plutôt que rien du tout, mais après cela, s'ils ne reviennent pas d'ici la fin de l'année scolaire, tu ne les reverras plus.
— Qu'est-ce que tu essayes de me dire ? dis-je interloqué par sa phrase énigmatique. »
Même si je dois avouer que c'est le meilleur moyen pour que je puisse me détacher de tout cela, je ne vois pas comment il veut accomplir cette prouesse. J'avais déjà pensé à cette option, mais je n'ai aucun moyen de la mettre en place. Déjà que si je n'appelle pas au moins une fois dans le mois, je me fais sermonner alors les empêcher de venir à la maison alors qu'ils n'y sont jamais ? Ça me paraît impossible. Ils s'en fichent peut-être de moi, mais ils doivent tout de même s'assurer de mon bien être pour les apparences, sans compter qu'ils sont dans leur déni par rapport à moi. Si c'était pour que ça finisse ainsi, ils auraient pu avoir la décence de ne pas faire d'héritier et de tout léguer à leur entreprise.
« Tu ne voulais pas qu'on soit séparé à la fin de l'année, n'est-ce pas ?
— Oui, mais je ne vois pas le rapport.
— Ce que tu peux être dense ma parole ! Ce que j'essaye de te dire, c'est qu'au lieu de me kidnapper et tenter de me cacher quelque part, viens avec moi là-bas.
— Je ne suis pas sûr que cela fonctionne comme ça, Nagisa, lui dis-je peu sûr de savoir d'où lui est venue cette idée saugrenue.
— Karasuma et moi en avons déjà discuté et il a dit qu'au vu de tes résultats scolaires et tes talents d'assassin, tu pourrais venir avec moi. Enfin, je ne devrais techniquement pas t'en parler vu que rien n'est confirmé pour le moment, mais vois ça comme une porte de sortie à ton problème. Si tu restes ici et que tu continues de les voir, alors tu n'arriveras pas à te détacher de cette relation toxique, et crois-moi, tu finiras par péter une durite avant ton indépendance.
– Je vois... Et si jamais au final ça ne se fait quoi, c'est quoi le plan ?
– Ils ne refuseront pas. Pas si c'est nous qui mettons fin à la vie de Koro-sensei. De plus, je ne compte certainement pas te laisser m'enfermer quelque part à la fin de l'année pour me cacher du gouvernement.
– Tu n'es pas drôle Na-chan.
– Je sais, c'est fait exprès, murmure-t-il avant de m'embrasser. »
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Hey les gens ! On se retrouve ce dimanche avec un petit chapitre de 2386 mots. Oui je sais, c'est pas le retour du siècle, mais je le trouve bien dans son jus. Ça y est, c'est l'heure de gloire pour Karma avec des conflits qu'il aurait sans doute préféré ne pas exister, mais c'est pas moi qui décide. En fait si, mais pour moi quand tes 2 parents sont absents comme ça de ta vie, c'est juste logique que ça va pas être tout beau tout rose. Bref, sinon mon hospit s'est bien passée et je suis finalement rentrée lundi chez moi. J'ai encore un examen à faire mardi et après j'en aurai officiellement terminé avec tout ça ! Sur ce,
Kiss les gens <3
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