Chapitre 22

PDV Nagisa Shiota :

« Cela faisait si longtemps Nagisa, je suis content de te voir. Est-ce que tu te rappelles de moi ? »

Je pousse la porte et rentre dans le salon, les autres à ma suite. L'inconnu me sourit, ce qui me gèle les entrailles. N'importe qui y verrait un signe amical voire chaleureux, mais entre ce que nous avons déjà pu voir de sa personnalité et la lueur malsaine qui danse dans son regard, impossible de se faire berner. C'était bien tenté, mais je ne me ferai pas avoir. Même si mon père a merdé une fois, il est celui qui a toujours tout fait pour me protéger donc je ne vois pas pourquoi je lui tournerai le dos pour des faits dont je n'ai même pas de souvenirs. Je m'arrête à bonne distance de lui, mon père faisant bouclier devant moi. Ce n'est pas quelque chose que j'apprécie d'ordinaire, mais vu que je ne sais pas à qui j'ai à faire, je le laisse faire.

« Non, dis-je sur un ton incisif.

– Cela fait une bonne paire d'années que l'on ne s'est pas vu, principalement à cause de ta mère, mais j'espérais que maintenant que les années étaient passées, Norio s'était enlevé les affabulation de cette folle de la tête.

– Et quel genre d'affabulation était-ce ? Ce devait être très sérieux pour rompre tout contact.

– En effet, mais tu n'as pas besoin d'entendre ces horreurs. Ce qui compte c'est que ce n'est en rien la vérité. Ta mère m'a toujours détesté, mais elle faisait bonne figure devant ton père jusqu'au jour où elle a dû en avoir marre et trouver quelque chose pour que je débarrasse le plancher. Quoi de mieux qu'un énorme mensonge pour que mon propre frère se mette à me haïr et me chasser de sa vie ?

– J'ai du mal à imaginer ma mère faire ça. »

Bon, je lui ai totalement menti, mais vu que d'après ses dire cela date de quand mes parents étaient encore ensemble, cela reste improbable. L'objectif de ma mère était de se donner la meilleure image possible, et mentir sur mon oncle pour que mon père coupe les ponts avec lui n'est pas très cohérent avec cela. De plus, connaissant bien papa, je doute qu'il ait simplement accepté sans faire sa petite enquête de son côté, surtout pour des faits graves me concernant. Papa est très gentil, mais loin d'être crédule. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais je suis de plus en plus certain que cet homme ne veut pas mon bien du tout contrairement à ce qu'il prétend. J'en suis d'autant plus sûr que si ce n'était pas extrêmement traumatisant, je n'en aurai pas oublié jusqu'à l'existence même d'un membre de ma famille.

« Tu as bien grandi depuis la dernière fois, et je vois que ta mère a finalement réussi à te faire pousser les cheveux. Mais pourquoi les cacher ainsi ? Je suis sûr qu'ils te vont très bien détachés.

– Je les préfère comme ça et je ne compte pas me les lâcher parce qu'on m'en a fait la demande.

– Ton caractère a bien changé lui aussi, tu étais bien moins sanguin plus jeune. J'aurais dû me douter que tu allais hérité du tempérament de feu d'Hiromi. Ce n'est pas une mauvaise chose, loin de là. »

A la façon dont son sourire s'est tordu quand il a dit la dernière phrase, on dirait que ça ne lui plait pas. Il croyait que j'allais rester naïf et innocent toute ma vie ? Désolé mon vieux, mais tu ne pourras pas me manipuler à ta guise pour que tu puisses rester.

« Tant mieux parce que ce n'est pas comme si je pouvais changer de caractère comme cela. Maintenant dis-moi ce que tu veux que l'on puisse aller manger.

– Est-ce une invitation à déjeuner ? Il est midi donc j'avoue avoir un creux. Mais ce que je veux, c'est que l'on puisse se voir afin que les choses redeviennent ce qu'elles étaient avant que tes parents et moi ne se disputent. Nous étions très proches à l'époque et tu venais souvent chez moi. »

Les poings de mon père se serrent au point où ses jointures en craquent. Lui a compris le sous-entendu visiblement. En attendant, je ne peux m'empêcher de remarquer à quel point il a confiance en ses capacités de manipulation. Ça aurait peut-être marché sur une personne normale, et encore, mais je ne le suis pas et je ne peux que voir derrière son masque. Ma mère était une experte en la matière et avec les cours de Mme Pouffe, même certains élèves de notre classe ferait mieux que ça. Karma aussi semble l'avoir noté vu sa mine sombre. Au moindre faux pas, il n'en fera qu'une bouchée. Mais je maîtrise la situation, il n'aura pas à lever le petit doigt pour se débarrasser de lui. Je passe devant mon père pour intimer à notre "invité" qu'il ne sera jamais la bienvenue ici quand, soudain, il attrape une mèche de mes couettes. Des flashs blancs commencent à perturber ma vision, signe que je vais me prendre une flopée de souvenirs dans la tronche. J'essaye tant bien que mal de lutter, mais rien n'y fait, je suis partie pour un tour.

PDV Omniscient :

Norio remarque aussitôt le changement de comportement de son fils et décide de l'éloigner de son frère. Il confie donc l'androgyne aux autres adolescents présents dans la pièce. Aucun des lycéens ne sait pourquoi Nagisa s'est figé ainsi, mais pour eux une chose est sûre : c'est à cause d'Iwao. Pour Karma, il se doute que la soif de sang n'est pas loin, alors il retient sa propre envie d'en venir aux mains. Si les pulsions meurtrières du bleuté ressortent, il se doit d'être capable de le calmer. S'il ne se contient pas alors il ne pourra pas l'aider et les choses pourraient très mal tourner. De son côté, Rei n'en mène pas plus large. Plus la dispute entre les adultes s'envenime et plus il a lui aussi envie de s'y mêler. Quand il voit son beau-frère aussi amorphe, le visage vide de toute émotion, une envie irrépressible d'aller casser le nez de l'inconnu le prend. Mais comme tout le monde dans la pièce, il se retient. Comment une journée qui s'annonçait si bien pouvait-elle tourner si mal ?

Soudain, l'androgyne semble reprendre vie. Ses yeux balaient toutes les personnes présentes dans la pièce et tentent de se remettre sur pied malgré les plaintes de Marc et Haruka. Une étrange lueur brille dans ses yeux, mais personne ne la remarque, non. Ils sont trop focalisés sur la dispute qui a lieu. Ce n'est que quand Nagisa se rapproche à nouveau des adultes que son père s'en rend compte et se tend. Il connaît cette lueur, il l'avait déjà vu il y a quelques années et sait pertinemment ce qui va se passer. Son enfant arrive au niveau de son oncle et l'attrape par le bras avant de lui éclater le poignet contre le contre le coin de la commode. Tout le monde a entendu le son de l'os qui s'est brisé sur le meuble. L'homme hurle de douleur avant de se tourner, incrédule, vers son neveu.

« Espèce de sale gosse, comment peux-tu me faire ça, à moi ?

– Après tout ce que tu m'as fait, je pense pouvoir me le permettre, tu ne crois pas ? Est-ce que tu as cru que j'allais oublier éternellement ce qui s'est passé ? Tu t'es fourré le doigt dans l'œil on dirait. Pour moi ce n'est qu'une petite réparation par rapport à toutes les années de traumatismes que tu m'as fait vivre.

– Ton fils est un monstre Norio !

– Un monstre ? Je crois que tu te trompes. Le seul monstre que je vois dans cette pièce, c'est toi. Je te conseille fortement de partir de cette maison.

– Nagisa a raison, il est temps pour toi de partir. Au cas où tu ne l'aies toujours pas compris, tu n'es pas la bienvenue ici. Ni moi, ni ma compagne, ni mon fils ne voulons de toi alors pars avant que je n'appelle la police ! »

Dos au mur, l'homme n'a pas d'autre choix que de s'exécuter. Après que ses yeux aient lancé des éclairs une dernière fois, il s'en va, non sans se tenir le poignet qui avait violemment percuté la commode. Et vu comment le membre est déjà gonflé et tourne au violacé, c'était effectivement cassé. Dès que la porte est refermée, Norio se précipite vers son fils pour voir s'il va bien. Il sait à quel point les souvenirs qui avaient refait surface étaient traumatisants, mais au lieu d'une crise de panique, de colère ou encore de larmes, son enfant lui sourit. Un vrai sourire. Nagisa lui dit simplement que ça va aller, qu'il ne veut pas en parler pour le moment et qu'ils feraient mieux de tous aller manger. Ce jour est un jour de fête après tout, mais personne n'en avait vraiment le cœur avec tout ce qui venait de se passer. Cependant, pour éviter de contrarier le jeune homme, tout le monde repartit dans le jardin pour faire le barbecue tant attendu.

PDV Karma Akabane :

Plus la journée passe, et plus je m'inquiète du comportement de Na-chan. J'avais peur que la soif de sang ressurgisse à cause de l'incident, mais ce n'était pas vraiment elle. Je veux dire, la violence était là, mais ce n'était pas autant que d'ordinaire et le bleuté se souvient de toute la scène. Je sais que je devrais voir le positif de cette situation, mais ça n'a aucun sens ! Pourquoi la soif de sang resterait bien sage dans un coin avec ce qui s'est passé ? Pourquoi Nagisa agit comme si de rien n'était alors qu'il parlait de plusieurs années de traumatismes ? D'autant plus que je vois bien que ça ne va pas aussi bien qu'il ne le prétend. Avec toutes ces semaines de cohabitation, j'ai bien vu qu'il n'était pas simplement maniaque : faire le ménage est comme une sorte de toc. Si la moindre tâche en rapport avec cela n'est pas faite, il fait limite une crise de panique, et quand il n'est pas bien et qu'il ne peut pas s'entraîner, il nettoie tout de fond en comble pour se calmer. Et cette après-midi ne fait pas exception à la règle.

Bien qu'il ne souhaite pas nous le montrer, ses souvenirs l'ont secoué, et pour compenser, il est repassé derrière nous après qu'on ait fait la vaisselle. Pas le moindre couvert n'a été oublié. Il a frotté si fort qu'à la fin ses mains étaient couleur écrevisse, ce qui faisait un contraste énorme par rapport à son teint très pâle. Marc a tenté de le stopper dans sa crise, mais il s'est vite fait bannir de la cuisine. Les gars ont voulu m'envoyer à mon tour pour le faire revenir à la raison, mais je leur ai dit de lâcher l'affaire. Quand Na-chan est déjà dans son toc, impossible de l'arrêter, et je ne suis pas certain que cela l'aide vraiment de l'interrompre ainsi. Je pense même que cela empirerait la chose. Il faut simplement attendre qu'il se stoppe de lui-même.

Une bonne heure plus tard, il a enfin fini de tout astiquer et vient se poser avec nous à l'étage. D'un commun accord, personne n'évoque ce qu'il s'est passé ce midi et on décide plutôt de parler de nos projets pour les vacances d'été. Les parents de Marc, qui ont eux aussi pris des vacances sur cette période, l'embarquent en France pour voir toute la famille restée au pays. Haruka part lui aussi en vacances avec son père – le seul des 2 parents qui a obtenu une semaine de congé – qui l'emmène en Italie visiter plein de petits sites historiques connus presque uniquement des locaux. Mais l'androgyne n'écoute pas la conversation. Ses yeux fixent un point imaginaire tandis que son faciès a revêtu son masque vide de toute émotion. Chacun d'entre nous tente de l'inclure à la conversation, en vain. Et quand le dîner du soir arrive, son état n'est pas bien mieux, ce qui inquiète terriblement son père ainsi que Chiyoko. Au final, ça nous a tous coupé l'appétit et les gars ont été invité à rester ce soir aussi s'ils avaient envie.

Dépité en voyant que l'état de l'androgyne ne s'améliorerait pas pour ce soir, les autres ont décidé de ne pas insister et m'ont laissé seul avec lui. Je me retrouve donc avec ce petit être amorphe dont je ne sais pas trop quoi faire. Est-ce que je dois lui parler pour le sortir de son mutisme ? Accepter son silence et juste faire acte de présence à ses côtés ? C'est la première fois que je suis aussi paumé sur la façon de m'occuper de lui, et pourtant, c'est loin d'être la première fois qu'il nous fait cela. Mais d'habitude, son mode pilote automatique dure moins longtemps qu'aujourd'hui. Je souffle un coup et me reconcentre sur mon meilleur ami. Ok, peut-être que je ne peux pas l'aider de la façon dont je le voudrais, mais ça ne veut pas dire pour autant que je ne peux pas être présent pour lui. Ça se trouve, ce que l'on fait depuis le début de l'aide, même si nous n'en avons pas conscience. J'attrape la main du bleuté et le guide vers son lit. Sans un mot, il se couche de son côté du lit et je le rejoins pour une session de papouille. Je ne suis même pas certain de s'il a conscience de ce qui l'entoure, mais ça ne peut que lui faire du bien. Et j'ai raison puisque, petit à petit, il se détend sous mon toucher, jusqu'à finir par s'endormir. Sans même prendre la peine de me changer je le suis et plonge dans les limbes du sommeil.

PDV Nagisa Shiota :

« Putain de merde ! »

Mon poing explose l'écran de la télé. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermé dans ce satané endroit, mais je ne demande qu'à sortir. Qui sait ce qui se passe à l'extérieur tandis que je suis ici. J'observe ma main en sang, comme si elle était la clef pour me faire sortir. Mais non. Je suis condamné à rester ici au bon vouloir de ces maudits souvenirs ! Je ne pensais pas qu'ils allaient revenir aussi nombreux, et surtout, je ne pensais pas que cela durerait aussi longtemps. Mais peut être que ça y est, cette fois c'est terminé. Cela fait un moment que le dernier m'a été balancé en pleine tronche. Mais pourquoi est-ce que je suis toujours piégé dans mon esprit dans ce cas ? Je ne sais pas. Tout comme je ne sais pas ce que mon propre corps fait pendant que je suis ici Je ne sais même pas si c'est la soif de sang qui est au contrôle et si elle fait des dégâts si c'est bel et bien le cas. Vu tout ce que je viens de découvrir sur une partie très flou de mon enfance, je parie qu'elle ne doit pas être très heureuse. Enfin, je dis ça comme si elle avait des sentiments, mais ce n'est pas le cas. Elle est moi et je suis malheureusement elle donc c'est moi qui ne suis pas enchanté par la situation et qui lui donne la force de faire ce qu'elle veut tandis que je suis bloqué ici. Qu'est-ce que ça peut m'énerver ça aussi ! Je ne peux rien faire de là où je suis, et je vais sérieusement commencer à déprimer si je me pose pour réfléchir plus en profondeur du pétrin dans lequel je suis.

Je crois qu'il est temps d'aller explorer le reste de cet endroit miteux. Je sors de la pseudo chambre de Karma et m'aventure dans la pièce sombre qui abrite une tonne de portes. Jusqu'à maintenant elles se ressemblaient toutes, mais je remarque assez vite que de nouvelles pancartes ont pris place sur certaines d'entre elles. Les deux portes en question sont côte-à-côte et chacune des 2 clenches arbore une gommette blanche. Sur les pancartes, les noms de Cat et Deb y sont inscrits.

Attendez... Quoi !

Ce doit être une sorte d'easter egg ou quelque chose du genre. Ce sont des voix dépourvus de corps donc pourquoi est-ce qu'elles auraient une pièce qui leur est réservée ? A moins qu'elles n'aient un corps ici vu que tout est à peu près possible dans ma tête. Mais dans ce cas à quoi est-ce qu'elles ressembleraient ? trop de questions sans réponse ! Je finis par prendre mon courage à 2 mains et empoigne la poignée de la première porte. A ma grande surprise elle s'ouvre et je me retrouve face à 2 filles assises sur un lit, sans nul doute qu'il s'agit des voix que j'entends très souvent. Leur peau est d'un noir abyssal et leurs yeux et cils sont d'une blancheur pure. Un parfait contraste et un très bon moyen de les différencier d'un être vraiment existant. Mise à part ça, ce sont 2 rousses aux styles très différents : l'une est habillée d'une robe violette pastel avec des chaussettes chat tandis que l'autre porte un crop top, un short et des bas résilles. Je ne m'imaginais vraiment pas cela, et elles ne devaient pas s'attendre à ce que je puisse rentrer vu la façon dont elles me dévisagent. Enfin, je dis qu'elles me dévisagent, mais c'est difficile à dire sans iris ni pupilles comme indicateur. Mais je sens qu'elles sont surprises par mon intrusion dans leur domaine. Les 2 se relèvent et se précipitent vers moi.

« Nagisa ! Je ne pensais pas que tu aurais accès à nous aussi vite.

— Quelle surprise de te voir ici. Nous ne t'attendions pas avant encore un moment.

— Si les circonstances s'y prêtent, rien n'est impossible je suppose. Mais à vrai dire, je ne m'attendais à rien quand j'ai abaissé la clenche.

— Quel genre de circonstances ?

— Tu dois tout nous dire !

— J'espère que vous êtes prêtes parce que cela risque d'être un petit peu long. »

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Hey les gens ! On se retrouve enfin pour la suite des aventures de Nagisa qui fait 3037 mots. Ça y est je suis à peu près remise et d'attaque pour écrire la suite. Je suis aussi fière de vous annoncer qu'à part une seule UE, j'ai validé tout mon cursus de l'année. Je vais au rattrapages dans 2 semaines et après je suis tranquille jusque mi-septembre pour terminer cette histoire. Au passage, j'espère que je vous ai bien énervé/frustré par ce chapitre parce que ça a été mon cas tout le long de la correction. Sur ce,

Kiss les gens <3

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