À Hong Kong, l'encens parfumait le large bureau aux décorations chinoises dans lequel une femme faisait du tri dans ses papiers. Elle sélectionnait des profils, les plus intéressants, ceux qui iraient s'ajouter à la liste. La plupart étaient des criminels, ou des personnes sans famille qui avaient tout perdu. Il lui fallait des gens prêts à tout, qui n'avaient rien à perdre, et qui se plieraient aux ordres sans broncher pour peu qu'on leur ferait miroiter un peu d'argent. 

Son plan avait démarré depuis maintenant des années. Elle était la Tête de Dragon, la chef des Triades chinoises. Mais tout n'avait pas été si facile pour accéder à ce rang, surtout pour une femme. Il avait fallu dans un premier temps réussir l'exploit de faire fusionner toutes les triades, dirigées par différentes familles. Cela avait nécessité plusieurs bains de sang, fait beaucoup de victimes, mais cela avait fini par payer. Sa cruauté n'ayant d'égal que son ego, elle se considérait l'unique personne capable de tous les diriger. Maintenant, elle était le leader incontesté de plusieurs centaines de milliers de membres non seulement en Chine, mais à travers le monde entier.

Mais elle voulait plus. Toujours plus. Sa soif était insatiable. Elle voulait plus de pouvoir, plus de domination. Et un jour, elle avait entendu parler du Centre. Et tout avait changé. Un nouvel horizon s'étendait devant elle, un horizon aux perspectives infinies. Elle disposait à présent d'un moyen pour créer une armée invincible. Imaginer la souffrance, la douleur et le désespoir qu'elle pourrait infliger à des milliers, non des millions de personnes la subjuguait. 

Mais pour le moment, il fallait rester discret, et suivre consciencieusement les étapes de son plan. Elle devait continuer de déplacer ses pions, d'envoyer ses soldats dans le Centre, puis de les garder, dans l'ombre.

L'heure viendrait.

Très bientôt.

***

            Vincenzo se reposait dans son salon, devant la télé. Il zappait, ne parvenant pas à se décider entre toutes les chaines qu'offrait le satellite. Par hasard, il tomba sur une chaîne d'informations.

"Un homme de 36 ans, Albert Bunfinggle, a été retrouvé mort à son domicile. Il semblerait que la mort soit due à..." 

Il changea de chaîne. 

Il savait très bien à quoi était due la mort de cet homme. À lui. Bunfinggle qu'il s'appelait ? Quel nom ridicule pour un personnage ridicule. 

Il sortit un petit carnet de sa poche, décrocha le crayon qui y était attaché, et y inscrit le nom de sa victime à la suite des autres qui y figuraient déjà.

Albert Bunfinggle.

Il referma le carnet et le rangea dans sa poche. Il était temps de réfléchir à la prochaine cible. D'ailleurs, il s'attendait à recevoir un mail d'un instant à l'autre. À peine eut-il le temps d'y penser que son téléphone émit un petit bip, signe qu'il venait de recevoir un courrier électronique. C'était pratique, d'être le fils du Don. Ses amis dans la Mafia étaient très efficaces. Il leur avait demandé de trouver la liste des personnes ayant travaillé de près ou de loin pour le Centre. C'était chose faite. Car il fallait non seulement s'attaquer aux personnes spéciales, mais aussi à ceux qui avaient participé à leur transformation.

Il ouvrit le message, et prit le premier nom sur la liste.

Professeur Ferguson.

Il ne restait plus qu'à lui rendre une petite visite.