chapitre 29

 Depuis deux semaines, ma vie est une grande fatigue. Les quadruplés me prennent toute mon énergie et ne font que m'épuiser davantage. Arrêtée devant mon miroir, je regarde mon ventre qui commence à prendre du volume. Je dois aller à mon troisième rendez-vous demain. Bientôt, on pourra voir le sexe de mes amours et j'espère avoir des garçons. Pourquoi ? Je ne sais pas. Aujourd'hui, je dois voir Ariane. Ça va faire un moment que je ne l'ai pas vu, elle et son gros ventre. Quand je lui ai annoncé ma grossesse, elle a été folle de joie comme si c'était elle qui m'avait engrossé. Elle m’a bombardé de prénoms par message, dont je n'ai pu cerner leur signification. Un sourire se dessine sur mes lèvres à cette pensée.

 Je tends mon bras et prends mon peignoir que je mets et pars en direction de notre penderie. Je tire les vêtements à la recherche d’un habit commode lorsqu'un petit carnet tombe à mes pieds. Je le prends et observe attentivement sa couverture militaire. Il doit appartenir à Claus mais je ne l'ai encore jamais vu. Alors que fait-il ici ? Est-ce son agenda ou peut-être...

 Non, je ne crois pas que Claus tienne un agenda. Et même si c'était le cas, pourquoi le cacherait-il dans nos vêtements ?

 J'ouvre le carnet à la première page. Vierge. Décontenancée, je lâche un gros soupir. C'était idiot d'avoir cru que j'allais découvrir quelque chose, Claus n'aurait jamais écrit dans un cahier. Mais au moment où je vais le refermer, une petite voix dans ma tête me souffle que ce n'est peut-être qu'une feuille de garde et que ce qu’il y a sur la prochaine va fortement m'intéresser. Ma curiosité piquée au vif, je cède à la tentation. Je tourne la page, tout doucement, en retenant ma respiration.

 Non, dites-moi que c'est un rêve et que je ne tiens pas entre mes mains le journal de Claus. Je sens mes jambes flageoler, mon coeur rate un battement en lisant la date. Je crois que ce journal a été écrit lors de ses onze ans. Ne me sentant plus capable de tenir debout, je me laisse glisser jusqu'au sol glacé. Mon regard se promène sur les pages.

Lundi 05 février 2001

 Cher journal, je n'ai personne à qui me confier à part toi. Je n'ai plus envie de parler car on ne cesse pas de me dire que j'ai la même voix que mon père. Chaque fois que j'essaie de parler, j'entends celles de ma mère et de ma sœur me répéter :《 Wil’, t’a-t-on déjà dit que tu avais la voix de ton père? 》et cela me brise le coeur en mille morceaux.

 J'ai peur de redevenir la personne que j'étais. Cette personne calme et compréhensive qui cherchait toujours à voir le bien en les autres même s’il n'y en avait pas. Celle qui défendait les autres pour raviver les sourires a disparu. Ce petit garçon aimant a perdu ces valeurs il y a bien longtemps.

 Je ne sais plus qui je suis dans ma vie. Même pas douze ans, et me voilà orphelin, à chercher mes repères. Je crois que j'ai tant côtoyé la mort que l'on peut dire, à présent, que la faucheuse est une vieille amie.

 Aujourd'hui j'ai avalé huit cachets de médicament volés à l'infirmerie. Je me suis couché sur mon lit en attendant mon sort mais Thanatos a refusé de me prendre dans ses bras. J'aurais aimé que la mort me tire de mon sommeil. J'aurais aimé qu’elle réexamine mon coeur. J’aurais aimé qu’elle me lance un coup d’œil afin de revoir mon cas et m’accepter tel que je suis.

 Je voulais finalement voir cette lumière dont parlait ma petite sœur. Je voulais laisser mon désespoir couler comme des trombes d'eau et abandonner mon être tout entier à la nouvelle vie inconnue qui se cache derrière la mort.
 Je voulais tout abandonner derrière moi, ne sachant pas trop quoi penser de ma vie après toute cette histoire qui me poursuit.

 Beaucoup me disent “soit fort”, comme si cela suffisait à calmer la douleur qui presse mon coeur. Souvent, je me demande comment les gens font pour tourner la page et faire leur deuil. Parce que moi, je n’y arrive pas. Je sens mon corps s'affaiblir. “Suis-je en train de partir?” était la question qui traversait mon être.

 Après un moment d’inconscience qui me parut être un sommeil paisible, sans retour, j’ai repris connaissance dans l'infirmerie de l'école de police. Tout compte fait je suis toujours là, en vie, à désirer une vie qui ne sera jamais mienne. C'est comme si Dieu me disait《 Reste là gamin. Reste là avec ton coeur meurtri 》. Pourquoi ne puis-je pas mourir comme les autres ?

 Pourquoi les gens me sauvent-ils à chacune de mes tentatives ? Je me fous de ces langues qui me condamnent. Ce que je veux, c'est mourir et rejoindre ma famille.

 Je suis épuisé mais je continue de croire qu'un jour nous serons réunis. Je me rappelle de l'époque où j'ai vu ma mère sur le sol baignant dans son propre sang, une rose noire à la main. La personne qui a fait ça se croit artistique alors qu'elle est juste barbare tout comme ma belle-mère. Pourquoi suis-je seul survivant de ma famille ? Pourquoi ne m'a-t-on pas tué ? C'est plus facile de mourir que de rester en vie avec toutes ces images qui envahissent mon esprit. Le sang est à présent devenu pour moi un verre d'eau qui rafraîchit mon corps déshydraté...

 Loin de moi l'envie de faire du mal aux autres. Certaines personnes pourraient penser que je deviendrais violent afin de faire payer mon malheur aux autres alors que j'en suis l'auteur...

 Je laisse mes larmes couler en lisant les mots écrits par Claus. J’ai l’impression que mon coeur se déchire à chacune de ses paroles. C'est comme si je perdais une partie de moi. C'était donc ça son moyen de fuir les problèmes de la vie. Écrire un journal. J’ai du mal à croire qu’il ait essayé de mettre fin à ses jours. Aujourd'hui, Claus semble si différent... Est-ce possible de changer en si peu de temps ?

 Je tourne la page et continue ma lecture afin de faire taire ma voix intérieure.

  Dimanche 18 février 2001

 Cher journal, c'est encore moi. Je viens en ce jour te faire le résumé de ma semaine passée.

 Il est vingt heures et le ciel bleu foncé est parsemé d'étoiles. Je me demande si elles représentent mes parents et ma soeur...

 La semaine dernière, j'ai fait quelque chose qui n'a pas plu à mon lieutenant mais ça a été libérateur pour moi.

 Sentir le cuir de ma ceinture en contact avec ma peau ravivait la flamme que j'avais perdue depuis leur mort. Je me fous de ce que peuvent penser les autres. Ce qui compte pour moi est le châtiment afin de me faire pardonner aux yeux de tout le monde. Je me demande si je serai un jour acquitté de ma dette, celle de les avoir laissés mourir…

 Depuis mes nombreuses tentatives avec les médicaments, mon lieutenant et les propriétaires de l’école m'interdisent de me promener sans surveillance de peur que je rechute. Je vois les autres me regarder avec dédain et chuchoter des paroles inaudibles, sûrement à mon sujet. Autrefois, cela m’aurait fait de l’effet mais en ce moment, je suis vide de l'intérieur et plus rien ne compte pour moi.

 Pourquoi dois-je me casser la tête pour des gens qui ne peuvent pas comprendre la douleur que j’endure ? Je ne peux pas gaspiller le peu de temps qui me reste à tenter de saisir ce que ressentent les autres alors que je ne me comprends déjà plus.

 Ici, tout le monde attend que je parle. Mais je ne dis toujours rien, c'est difficile pour moi. Ils me manquent mais je ne peux rien faire pour les ramener à la vie. Cette peine qui déchire mon coeur chaque jour devient de plus en plus insupportable. Je ne sais pas quoi penser de mon futur ou même si j'en aurais un.

 Ma vie ne dépend plus de moi mais de la douleur qui consume mon être.

 Pourquoi moi ? Je me le demande à chaque souffle. Quand tu vois ce genre d'histoire à la télévision, tu ne t'attends pas à ce qu'un jour on vienne te faire subir la même chose.

 Je ne me suis pas préparé à vivre ainsi. Mes parents et ma soeur m'ont appris tellement de choses mais ont oublié de m'apprendre à survivre sans eux. Ils ne m'ont jamais dit qu'ils partiraient si tôt, ils m'ont jamais dit que je finirai seul dans une école de police à demander des traitements durs pour oublier la personne que je suis devenu.

 Ma mère me disait qu'elle ne m'abandonnerait jamais. Tout comme mon père et ma sœur. Mais aujourd'hui je suis seul, livré à moi-même. Tout ceci est de ma faute. j'aurais dû mourir pour eux, j'aurais dû mourir...

 Pourquoi Dieu a-t-il voulu m'épargner ? Pourquoi continue-t-il à m'envoyer un ange gardien qui ne veut pas me laisser mettre fin à mes jours ? Est-ce vraiment de l'ironie ? Pourquoi mon Père me refuse-t-il dans son sanctuaire ? Je ne sais plus quoi faire et je crois que je suis perdu.

 La vie continue à me faire comprendre l'erreur que je suis. Pas besoin d'être devin pour savoir que je suis qu’un sombre idiot sans volonté.

Me punir avec ma ceinture en cuir était la seule distraction qui me permettait d’être pardonné de tous, même si je j'entendais pas mes parents me le dire…

 Suis-je sur le droit chemin en agissant ainsi ? Je ne peux pas le savoir car je refuse catégoriquement de parler afin de ne pas regretter mes dires dans les minutes qui suivent.

 Sara, ma prunelle,  je suis désolé. Je n’ai pas pu te protéger comme un grand frère l’aurait fait. Je m’en veux tellement de t’avoir laisser partir… je ne peux pas continuer à me battre sans toi et nos parents. Souvent, je me demande ce que vous faites. Pensez-vous à moi ? Me voyez-vous de là où vous vous trouvez ? Savez-vous ce que j’endure sur cette terre qui n’est plus mienne ? Je ne sais même pas si vous pouvez entendre mes paroles…

Je sais pas si je dois vous détester pour m'avoir abandonné. Tout ce qui est arrivé est-il de ma faute ? Je n’ai jamais pu vous dire à quel point je vous aime, je ne vous l’ai jamais montré naturellement. Je me disais que ces mots étaient pour les faibles mais maintenant, je crois que j’aurais dû essayer d'être faible pour vous le dire.

 Je vous aime malgré la distance, je vous aime. Vous étiez tout ce que j’avais de plus cher sur cette terre et à présent, je n’ai plus rien à part mes souvenirs pour me réconforter. Et ils me semblent si lointains que je me demande souvent comment tout ceci est arrivé. Mes journées sont similaires. Je suis enfermé dans une boucle où tout se répète. Je revois toutes les scènes dans ma tête comme si je me trouvais au cinéma.

 Dis-moi, mon très cher journal, suis-je fou ? Mais laisse-moi me rappeler du conseil qu’on m'avait donné. Il a toujours été “Aller voir un psychologue". Comme si j'avais envie de raconter ma vie à un inconnu.

Je continue à lire le carnet de Claus, les larmes aux yeux. On sent sa douleur à travers chaque parole écrite, comme s'il cherchait à se transpercer lui-même. Il avait tellement de question à ce jeune âge que je ne sais même plus qu’en penser. Si petit et avoir ce genre de problèmes !

 Les miens sont apparus à un âge mature et c’est ce qui m’a permis de prendre sur moi. Mais lui n'avait que onze ans et, à cet âge, on ne peut pas imaginer voir ses parents mourir. Les personnes qui prétendaient l'aimer ont été la cause de sa chute. J’aurais voulu être là pour lui à cette époque. Je ne peux pas supporter ces écrits même si cela date maintenant. Je ressens chaque douleur qu’il a pu s’infliger pour oublier la situation dans laquelle il se trouvait. C’était donc de ça dont il parlait en m’expliquant ses moyens de se faire pardonner. Je n’en reviens toujours pas ; je n’en reviendrais sûrement jamais...

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J'espère vraiment que ce chapitre Vous plaira 😘😍merciii à vous de me suivre 😘

Dite moi ce que vous pensez réellement de ce chapitres ? 😘😘😘😘

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