Adalina

... Alors ça, c'était bizarre, vraiment bizarre. Enfin la première fois, ensuite, j'ai fini par m'habituer à ce que Rury appelait la "zone". Pour l'instant, j'étais juste dans un espèce de brouillard épais, d'incompréhension. Je rouvre mes yeux dans mon lit, il fais noir. Mince, ma sœur a dû galérer à me porter. En bas, j'entends mes parents se disputer, ce qui n'arrive pratiquement jamais. Ma mère n'ouvre pratiquement jamais sa bouche on va dire. En tout cas, elle ne conteste jamais les décisions de mon père. Mais mon enlèvement et celui de Maria devait être la goutte de trop qui a fait déborder le vase. Je l'entend hurler à mon père qu'il n'aurait jamais dû se comporter ainsi avec nous et que vois ou ça nous a conduit. Je m'enfonce dans mon matelas, comme si je voulais me faire encore plus discrète et que je ne voulais pas me faire remarquer. J'aimerais parler à quelqu'un. Mais Ryu est partie aux ateliers de son collège. En plus, vu qu'il est 3h du matin chez moi, il doit être une autre heure chez elle, et je ne sais pas laquelle. Coup de bol, j'ai laissé mon téléphone sur ma table de nuit, je l'attrape et tapote à toute vitesse. Sept heures de décalage, ce qu'il veut dire que chez elle il est... 10h du matin. Ça va, c'est pas trop tard, mais ce serait plutôt à moi de dormir là... Mais je n'y arrive pas, trop d'infos, trop de nouveaux trucs. Quand je parviens enfin à m'endormir, les premiers rayons du soleil percent à l'horizon. Manuel vient me secouer gentiment moins de deux minutes plus tard. Apparemment son plan est de partir très tôt pour se réfugier dans ses appartements hors de la cité. Je descends en toute hâte en bas. Ma mère prépare des empanadas du plus vite qu'elle le peut. Je sens leur odeur flotter dans la maison, d'ordinaire, je l'adore mais là elle signifie au revoir. Ma mère qui a fini de les préparer me les tend sans me regarder en face. Pour la première fois, je remarque que je suis plus grande qu'elle. Elle le sait mieux que personnes que j'attendais tellement ce moment où j'aurais été plus grande qu'elle. Mais je ne m'attendais pas à le remarquer ainsi. Cela m'attriste encore plus. Je peine à garder mes larmes enfouies au plus profond de moi. Je sens que quelqu'un m'attrappe la jambe, je baisse la tête et vois Maria à mes pieds qui me souris. Je me tourne vers Manu qui fait de même. Je soulève Maria dans mes bras et demande à la mamà.

- Me disculpe mamà, mais je crois qu'on devrait partir si on ne veut pas réveiller papa.

Elle aquiece toujours incapable d'affronter mon regard. Je me baisse légèrement pour l'obliger à poser les yeux sur moi, Maria dans mes bras.

- Mamà, todo va bien, je suis en vie et je vais bientôt être plus en sécurité qu'aucun de nous ne l'a jamais été. Alors ne te fais pas de mouron pour moi, on se reverra. Promis mamà.

Comme une petite fille, elle lève enfin la tête vers moi. Et, ne pouvant plus se retenir, elle prend un chiffon dans sa main et se couvre le visage avec. Je me recule, respectivement, je sais très bien que ma mère n'aime pas qu'on la vois pleurer. En silence, Manuel m'indique que c'est le moment de partir, j'approuve et je le suis. Nous sortons dans la fraîcheur matinale. Le ciel est encore d'un gris pâle. Ils me font penser aux yeux de quelqu'un sans que je parvienne à savoir qui. J'entend Manuel me demander comment je vais. En me retournant, le vent sur mes joues me fait comprendre que je suis en train de pleurer. Je ris en répondant à mon frère.

- J'allais te répondre oui mais je ne dois pas être bien crédible ainsi nan ?

Il s'approche et essuie mes larmes du revers de sa main. Il a grandi lui aussi, et me dépasse également maintenant. Ça me fait un pincement au cœur. Car je comprends que maintenant ce n'est plus moi qui vais m'occuper de ma famille. Malgré la promesse faite à ma mère, je sais bien que je ne pourrais certainement plus retourner dans ce quartier. Je suis devenue une fugitive de celui qui semble être au cœur des trafics humains. Mais voir que je peux y échapper alors que tant d'autres ne pourrons pas, c'est affreux pour moi. Alors d'un coup, cela me parait évident quand je vois ce garçon se promener dans la rue, je dois le prévenir. Je cours vers lui en me suppliant intérieurement de ne pas lui faire peur. Il ne bronche pas, comprenant que je veux lui parler.

- Qu'est-ce 'tu m'veux l'vieille.

Je recule comme cogné.

- Ben dis donc le jeune ? Je parais si vieille que ça ?

Il rétorque.

- Tu m'as app'lé l'jeune 'lors oui. Mais dépêche 'veux pas trainer 'ci moi.

Sa manière de manger une syllabe sur deux m'énerve. Alors je sors la plume de ma poche et proclame simplement.

- Dis à Alfonso Rodriguez le latino, que son papillon prend sa retraite hors du quartier pour sa sécurité, mais qu'il ne l'a pas oublié et reviens vite.

J'ajoute.

- Sinon, un de vous à un téléphone ?

Il répond par l'affirmative. Je prend un marqueur et écrit en toute hâte mon numéro ainsi que "Papillon" à côté. J'espère qu'il comprendra, je ne peux pas courir le risque de révéler mon nom à n'importe quel inconnu. Puis je retourne vers mon frère et Maria. Tous deux ne posent aucune question, les deux savent, je leur en ai déjà parlé. Et puis, ici c'est comme ça, on se comprend, on se connait, on sait comment on fonctionne. Nous sortons enfin du quartier et je ne peux m'empêcher d'exprimer un soupir de soulagement. Manuel, lui, ne peut s'empêcher d'avoir un grand sourire sur le visage, je me demande ce qu'il me cache.

***

Sans accros, nous arrivons enfin dans ses appartements. Quand j'ouvre la porte, c'est la première chose que je remarque. Mes yeux que j'avais enfin réussi à sécher se remettent à couler à flot sans que je puisse m'en empêcher. Estéban se précipite dans mes bras, je lui rend son étreinte. Il se met à parler si vite que je ne comprends pas un mot de ce qu'il raconte. Je lui demande alors prudemment, si les autres sont venus avec lui. J'entends une voix chaleureuse derrière moi.

- ¡Hola hermana ! ¿Cómo estás ?

Je me retourne vers un Matias qui, je ne sais pas par quel prodige, est encore plus grand. Il me porte et me serre très fort dans ses bras. Je grogne que je n'ai plus 6 ans mais j'adore quand il me porte comme ça. Il me chuchote à l'oreille.

- No te préocupes, je la tiens en respect està leona.

Il me repose, je suis sonné, mais qu'est-ce qu'elle fait là aussi ? Qu'est-ce qu'ils peuvent bien me cacher. Matias reprend.

- On ne t'as jamais fait de présentation officielle nan ? Ada, je te présente Arianne. C'est notre sœur.

...

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