Adalina

...

- QUOI ?!

Ce fut la première réaction qu'a eu mon père une fois que j'eus terminé mon récit. Je ne l'avais jamais vu aussi énervé. Il tournait en rond dans le salon tel un lion en cage. J'avais peur, mais je sentais aussi un immense courage en moi. Comme un flot de lumière qui se serait déversé en moi.

Mon père se mit à parler très vite, il me dit que je devais aller me réfugier avec Manu et Nolan dans leur torre avec Maria. Je refusais net.

- Papà no puedo ! Je ne peux pas laisser les autres ici ! Qui va ramener à manger pour Lucy et Alba !

Mon père me regarde avec un air dur, ce qui me fait ravaler toutes mes envies de le contredire. Alors je lâche l'affaire et accepte avant de monter dans ma chambre accompagné de Manu et Maria.

Axel et Léo me regardent avec des yeux brillants de larmes en répétant "Que pasa Ada ?". Mon esprit est ailleurs, je ne les regarde pas, seul le vide semble m'attirer, un vide sans fin, sans fond, dans lequel je pourrais plonger à tout jamais et ne jamais en ressortir. Les problèmes comme ça ne sont pas de mon ressort. Je n'en suis pas capable, je n'ai que 16 ans, qu'est ce que je pourrais faire pour tous les protéger ? Même Manu s'en sort plus que moi avec son métier alors qu'il a 3 ans de moins que moi. Mon regard n'est toujours pas dans une direction précise, juste, perdue dans le vide. Je sens des larmes chaudes couler sur mes joues. Je suis ébranlé, je ne comprends pas comment des personnes peuvent être aussi affreuses. Et surtout, où est Adrian ? ¨

Erika me prend dans ses bras pendant que Alba sort les garçons de notre chambre (que nous partageons à trois). À elles aussi je raconte mon histoire, en sanglots. Elles ne disent rien et me prennent toutes les deux dans leurs bras. Alba m'invite à grimper sur ses genoux comme je le faisais quand j'étais petite.

Je déteste l'avouer, mais j'adore ça, encore à mon âge. Ma sœur le sait. Elle se met à chanter "Arrorró mi niño"

Arrorró mi niño,
arrorró mi sol,
arrorró pedazo,
de mi corazón.

...

Mais d'un coup elle s'arrête. Surprise, je relève la tête et la regarde. Mais ma sœur n'est plus là, un grand Hibiscus me surplombe. Dans ses branches, plusieurs pie chante, une chanson dans une langue incompréhensible pour moi. Enfin, la langue je ne la connais pas, je le sais. Mais les paroles je les comprends. Elles disent ça :

"Que la lune d'automne rayonnante, sur la voûte céleste, cristalline et d'un bleu sans nuages, soit notre âme, fidèle et vraie.

Avec cette volonté et cet esprit, cette loyauté et cette force, aimons-la, dans la peine et dans la joie, elle, notre patrie chérie !"

Ce sont les dernières paroles du chant, avant que les oiseaux recommencent à nouveau au début. Je pense que c'est un hymne national, mais je ne sais pas lequel.

Je baisse la tête et regarde devant moi. Je manque de me cogner à l'hibiscus en reculant tant ce qui est devant moi me fait sursauter. Un tigre d'un blanc immaculé strié de rayures d'un noir profond. Je plaque la main devant ma bouche de peur. Il tourne lentement sa tête vers moi. Ses yeux sont d'un violet transperçant. Mais pourtant si calme, il ne semble pas vouloir m'attaquer ni me mettre en danger. Au contraire, il détourne simplement la tête et s'en va.

Je me rends compte que j'avais arrêté de respirer, je reprends alors un rythme normal en observant tout autour de moi ce qu'il se passe. À part cet animal, rien, un plaine plein d'herbe à perte de vue de tous les côtés. L'hymne continue de tourner en boucle. Ce n'est pas un rythme des plus reposants, mais je me sens calme, étrangement. Je me lève et avance doucement, puis accélère et cours. Je dévale une pente à toute allure et manque de trébucher sur une grosse pierre. Je m'arrête d'un coup et fais quelques pas en arrière pour regarder de plus près à quoi ressemble ce qui a failli me faire chuter.

Ca ressemble à une énorme coquille d'œuf fraîchement cassée. Un étrange liquide transparent s'en échappe. Je recule avec dégoût en réalisant que c'est certainement de la bave. En observant attentivement, je peux voir que ce liquide forme une longue traînée brillante sur l'herbe. Elle s'étend à perte de vue, je décide de la suivre. La tête baissée sur le sol, je continue à la suivre sans regarder devant moi. Je ne la relève que quand mon corps heurte quelque chose. Une fille en robe blanche en voile fin tourne sa tête vers moi.

Ses yeux sont d'un bleu si clair que je ne me demande pas s'il ne sont pas blanc. De même pour ses cheveux d'un blond pâle. Et sa peau quasi translucide. Le tout faisant un gros contraste avec ses lèvres d'un rose si marqué que je me demande comment il peut être naturel. Mais elle ne paraît pas maquillée. Je n'ose souffler mot, parce que je suis éblouit par sa beauté, mais aussi parce qu'elle m'est étrangement familière comme si je la connaissais depuis toujours mais que quelque chose m'avait forcé à la renier.

Elle me détaille de la tête au pied et soudain, ses yeux s'éclairent. Elle m'attrape les deux mains et s'extasie.

- Wow ! Que tu es belle ! Tu mets quoi sur tes cils pour qu'ils soient aussi longs ! J'adore tes yeux et...

Elle me lâche d'un coup et recule. Comme si elle venait de réaliser sa réaction. Elle s'assoit tranquillement sur le sol et me regarde droit dans les yeux.

- Qui es-tu ?

Son enthousiasme a disparu d'un coup, ou, c'est plutôt comme s' il n'avait jamais existé. Comme si elle-même n'avait pas contrôlé sa réaction. La fille confirme ma pensée en répétant des "mais qu'est-ce qui m'a pris ?" en boucle. À l'inverse, moi qui suis d'ordinaire si extasié pour un rien, je reste silencieuse et sceptique. Alors pour renverser la situation, je sais ce qu'il me reste à faire. À moi de me comporter comme d'habitude.

- Je m'appelle Adalina Ruiz

Je tends ma main avec un sourire et tandis qu'elle me répond, son nom m'apparaît comme une évidence.

- Et moi c'est...

- Ryu Cheng

...

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