Adalina

... Plus rien n'est là. Enfin quand je dis plus rien, cela veut dire que le stand de monsieur Ramirez n'est plus là. En fait, Ramirez a plus ou moins une place attitré, étant donné que ce n'est pas SA place à proprement parler mais tous reconnaissent son ancienneté et ne rechignent pas à lui laisser son emplacement. Même aujourd'hui alors qu'il n'était pas là, son emplacement restait vide. Je panique mon cœur se serre, comme si une main l'écrasait, ma respiration s'accélère, je ne contrôle plus rien, je fais de l'hyperventilation. Je monte mes mains à mon visage pour m'en servir comme éventail, j'arrive à me calmer. C'est rare mais j'y arrive, et là je me doit d'être lucide car autrement je n'aurais pas un sou à ramener ce soir. Réfléchissons... au final, je suis plutôt chanceuse car je n'ai pas d'argent à rapporter le soir même puisque ma fiche de paie est le vendredi... Dans 5 jours alors. En attendant je me dois de trouver une autre solution. Je sens un regard derrière moi, c'est le marchand du stand d'en face de celui de M. Ramirez, il se trouve derrière moi à l'instant même donc. Pourquoi je sais que c'est M. Sanchez (le marchand d'en face) ? Je n'en sais rien, je le sais c'est tout. Je me retourne, et effectivement c'est bien lui qui m'observe avec de la compassion dans les yeux, je n'aime pas être vu avec pitié mais comment lui en vouloir. Je soupire, lui souris et pars. Je passe la journée à éviter toute connaissance qui pourrait aller raconter à mon père que j'ai perdu mon travail. Je décide de sortir du quartier pour aller voir Manuel, au moins je ne verrai plus personne que je connais et mon frère ne me dénoncera jamais, j'en suis sûre. C'est la troisième fois que je sors de Los Pajaritos, la première fois c'était pour accompagner Manuel à son casting car il me l'avait demandé (je suis sa préféré je crois, et c'est réciproque), la deuxième fois, c'est Erika qui voulais que je l'accompagne chez son employeur pour qu'elle me le présente. Je l'ai encore de travers ce coup là, c'est pour ça que je ne parle pas beaucoup d'Erika. Et enfin, voyons ce qu'il va se passer pour la troisième fois, tout ce qui comptait sur le moment c'est d'occuper ma journée loin de mi padre.

Des voitures, je veux dire des vrais, de toutes les couleurs, pas les fourgons du marché, les motos ou les voitures en cartons que los hijos fabriquent pour jouer. Elles sont belles, elles sont éclatantes. Maman m'a raconté qu'elle en avait une avant de perdre son travail. Une bleue ciel qu'elle avait recouverte de fleurs roses, jaunes, oranges et vertes. Elle m'a dit que j'adorais jouer dedans quand j'avais 2 ans. Moi je n'en ai aucun souvenir. Ces voitures-là sont similaires, toutes uniques et improbables, comme on n'en trouverait pas ailleurs. Mais ces engins faisaient également un bruit pas possible, les piétons étaient obligés de se couvrir les oreilles de casques appeler.

Si je me souviens bien, pour aller au bureau de Manuel, il suffit de traverser et de tourner dans la rue à droite. Un immense bâtiment se dresse devant moi, élégant, froid, imposant, puissant et j'en passe. C'est presque un gratte-ciel je pense, il est très haut et semble fait entièrement de verre. Je rentre par l'entrée principale d'un pas assuré. Mais rapidement, je sens que la sécurité ainsi que la plupart du personnel me regarde d'un mauvais œil. Je me dirige vers l'accueil. Là encore, le personnel semble prêt à me mettre à la porte. Cependant, tant qu'ils n'ont pas de réel motif, ils ne le feront pas, simplement, je dois faire attention à ce que je fais. C'est comme ça avec nous autres, du quartier. Je fais patiemment la queue comme toute personne civilisée et normale, en souriant intérieurement de ne leur donner aucune raison de m'expulser du bâtiment. Au bout d'une demie heure, la sécurité, matraque encore serré dans la main, commence enfin à se détendre. Mon tour arrive au même moment, c'est trop marrant de les voir se remettre en position dès que je bouge.

PPE : Il y a trois types de réactions dans mon cas ; celui qui va rien dire mais s'effondrer dès qu'il le pourra, celui qui va agresser, donner raison à la sécurité, et les gens comme moi qui s'en fiche royalement de leurs comportement et qui en vont jusqu'à jouer dessus pour s'amuser. Enfin... Que puis-je faire d'autre, je n'ai pas le temps pour pleurer et si je vais en prison, ce n'est certainement pas mon père qui va payer une rançon ou suivre un procès, quand à ma mère, physiquement comme mentalement elle en serra incapable. FP.

- Est-ce que je peux monter s'il vous plaît ? Je demande dans un espagnol parfaitement correct.

La dame de l'accueil me regarde avec un œil mi amusé, mi méprisant.

- Pourquoi donc je vous ferais monter ?

- Simplement parce que mon frère est là-haut ! Je réponds souriante

La femme se met à rire d'un rire suraiguë, je ris nerveusement.

- Voyons comment ton frère peut être là haut ?! Tu sais bien que ce ne sont que des célébrités là-haut !

- Ah oui c'est vrai... Cela fait de Manuel une célébrité, je n'étais pas au courant de ça.

- Manuel dites vous ?

Mince, je ne m'étais pas rendu compte que j'avais pensé tout haut.

- Ah euh oui désolé c'est mon frère.

Elle lance un regard aux hommes habillés de l'uniforme noir de sécurité. Mon sourire flanche.

- Vous ne me croyez pas n'est-ce...

- Madame, j'adore les fans de célébrité mais là vous allez un peu loin pour dire que vous êtes sa sœur pour le voir. me coupe-t-elle. Je vais vous laisser dix secondes pour sortir tranquillement sinon...

Elle regarde la sécurité puis moi à nouveau avec un air entendu. Je m'indigne.

- MAIS C'EST TROP VOUS DEMENDER ENFIN DE JUSTE VOIR MON FRÈRE ????

- Calmez vous je vous prie.

Le rouge me monte au joue, les regards à mon encontre se multiplient. Je hurle à présent.

- NON JE NE ME CALME PAS, TENGO AUCUNE RAISON DE OS ESCUCHAR, MAIS VOUS SI ! ALORS QUIERO VER A MI HERMANO AHORA !!! VOUS POUVEZ PAS COMPRENDRE CE QUI SE PASSE SI JE SORS ! OU PLUTÔT SI JE RETOURNE CHEZ MOI ! NO CONNOCEIS TODO ESO BANDE DE RICHE !!!

Je sais que la sécurité va m'attraper, elle le fait d'ailleurs, un homme me prend un bras de chaque côté. Je continue de hurler.

- JE VEUX VOIR MON FREEEEEERE, JUSTE UNE FOIS S'IL VOUS PLAÎT !

Puis je me mets à pleurer sans m'arrêter, je pleure encore et encore, je pourrais remplir la bassine pour Lucia et Maria avec j'en suis sûre ! Manuel descend en trombe des escaliers, il trébuche, se rattrape et arrive devant moi. Là, lui qui est maintenant plus grand que moi, il s'abaisse pour faire ma taille. Il prend mon visage entre ses mains.

- C'est bon je suis là, calme toi, on va parler...

Il lève les yeux vers les deux hommes encore agrippés à mes bras.

- C'est bon, lâchez-la, c'est ma sœur.

Les deux hommes confus me lâchent et se confondent en excuses. Manuel est si connu que ça ? Je ne le savais pas.

- Allez viens, on monte.

Il me prend la main et m'accompagne, nous prenons l'escalier car j'ai toujours eu une peur bleue des ascenseurs, je ne sais pour quelle raison. Il plaisante sur le fait que l'on dirait que c'est lui le grand frère et non moi la grande. Je lui répond que j'aurais préféré que ce soit le cas. Nous rentrons dans son studio, il prend deux chaises, quelques gâteaux, et me sert un verre de Coca.

- Alors ? Que se passe-t-il ?

Et là je lui raconte tout, le fait que j'aime Adrian alors que celui-ci se sert certainement de moi, le fait que je n'ai plus de travail, le fait que papa représente autant un danger qu' une sécurité. Et que par-dessus tout, je fais des crises de panique, régulièrement.

Il reste silencieux un moment puis soupire, signe qu'il va passer en mode blague".

- Abordons le problème dans l'ordre, d'abord un poing dans la tête d'Adrian pour avoir volé le cœur de ma Ada chérie et c'est fini.

Je rougis et râle.

- Manuuuu arrête je suis vraiment sérieuse la !

- Ok ok... Pourquoi ne vendrais-tu pas toi-même tes bijoux de perles ?

- Voyons, pourquoi on m'en achèterai maintenant que l'influence de Ramirez va partir ?!

- Essaye !

- D'accord je peux, mais en attendant, ça risque pas de me rapporter aussi gros.

Il réfléchit deux secondes puis propose.

- Et si je te passe une partie de ma paye pour couvrir, papa ne verra rien !

- Non non non ! Tu ne peux pas ! si jamais il remarque tu es mort !

- Alors je mourrai pour toi.

Je me remets à pleurer.

- Mais tu es fou ! Tu ne peux pas, une perte comme moi serait moins importante pour la famille que quelqu'un comme toi !

- De toute façon personne ne mourra ici maintenant et jamais avant ses 90 ans.

Je me retourne car ce n'est pas Manuel qui a parlé mais mon autre frère Nolan. Je saute dans ses bras. Manuel dit :

- Voici mon manager, Ada !

Je ris et pleure de joie, cela fait tellement longtemps que je n'avais pas eu de nouvelle de lui. Mais une question me bouscule.

- Pourquoi ne viens-tu plus à la maison ?

Il sourit tristement.

- Ici, c'est une vie différente, à un certain âge, tu ne peux plus vivre dans les deux vies, mais je ne vous ai jamais oublié, demande à la mamà !

Manuel acquiesce pendant que Nolan surenchérit.

- Et je vais faire de même pour toi maintenant, je vais te passer de l'argent chaque mois pour couvrir tes frais.

J'esquisse un grand sourire.

- Vous devez être vraiment riches tous les deux, et merci de votre aide. Je vous adore, cependant, votre place n'est plus parmi nous c'est bien ça ?!

- Non Ada... (J'étouffe un sanglot) Car c'est vous qui avez votre place ici, et un jour on vous sortira de là-bas. m'assure Manu.

Je m'éclaire.

- J'espère que ce sera possible un jour oui ! En attendant je devrai rentrer, il se fait tard et je vis encore là-bas.

Avant qu'ils puissent me retenir, je les prends dans mes bras, leur dit au revoir puis m'éclipse d'une marche rapide. Vous ne devez pas comprendre grand chose, ils ont été si gentil avec moi, mais vous voyez, ils ne font plus partis de notre monde, ils sont passés chez... los ricos, les riches, tout simplement. Alors ça fait mal, plus mal que la sécu qui vous regarde mal, c'est votre frère qui ne peut plus vous voir car cela met en péril son business.

Pour sortir, je n'ai aucun mal, personne dans l'immeuble ne rechigne à ce que je m'en aille ! Bien que j'ai en ma possession une sacoche contenant une paye d'avance. Je sors donc tellement facilement, tout semble indiquer le chemin pour rentrer au quartier. Alors je rentre, ma sacoche noire en bandoulière. Je passe et entre dans la rue du quartier. La nuit commence à tomber alors j'accélère, plus vite encore... Je me mets à courir. Essoufflée, je m'arrête sur la place du marché, pliée en deux pour reprendre ma respiration. Une secousse me tire en arrière et un poids se détache de moi. Je sens avec horreur ma sacoche se décrocher. Je me retourne en criant "Hey". J'arrive à m'accrocher à bout de tissu du voleur. Il se déchire dans ma main, je pars à sa poursuite. Je n'ai jamais autant couru deux fois de suite. Je cours de toutes mes forces, à travers les ruelles, les places, des endroits tellement inconnus pour moi de Los Pajaritos, je ne pensais pas notre quartier si grand. À un moment, nous débouchons sur une impasse, sombre comme les autres, je souris car je sais qu'il est coincé. Mais le voleur s'engouffre dans une maison, oubliant toute politesse, je cours à sa suite. Heureusement, la maison ne porte aucun signe de vie, je me repère grâce à mes autres sens, et je l'entends courir au fond. Il descend un escalier, je le suis. Nous arrivons en bas, et c'est seulement la, en bas, où il y a de la lumière qu'il se retourne et que je vois son visage, mais ce n'est pas la seule chose que je vois.

Mon cœur se resserre plus que jamais. Mes poumons aussi, ils se rabougrissent. J'ai mal, je ne peux plus respirer. J'halète, j'étouffe. Je me met à cracher pour essayer d'extraire quelque chose qui permettra à mes poumons de se remplir. Je tousse une dernière fois dans ma main, un peu trop fort sûrement. Je sens un goût métallique sur ma langue, je regarde ma main, des taches rouges sont présentes. Je prends peur et essaie de partir dans l'autre sens quand une main se plaque sur ma bouche...

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