iii. bouquet de myosotis, passiflore et zinnia rose

︶꒦꒷꒷꒦︶


À la toute fin de l'année, sa mère l'y avait enfin autorisé : Beomgyu avait décroché un travail dans un petit commerce de quartier qu'il fréquentait depuis son enfance, lui permettant de suivre et travailler ses cours comme il le souhait. Il habitait non loin de chez elle, refusant de mettre trop de distance entre son appartement et le sien.

Son nouvel appartement n'avait rien de glorieux. Mais sa mère l'avait aidé à repeindre durant la première semaine et désormais la petite pièce ainsi que la salle de bain ressemblait davantage à quelque chose de plus chaleureux. Vivre seul avait quelque chose de grisant. Sa mère l'avait trouvé trop jeune pour cela, mais l'acceptait. Tous les week-ends, Beomgyu l'invitait à manger, insistant pour lui offrir le repas. Il invitait aussi Taehyun de temps en temps. Jamais Soobin.

Sa relation avec Soobin était... Étrange. Beomgyu n'arrivait pas à la définir. Ils n'étaient plus meilleurs amis, pour sûr. Ils étaient toujours camarades de classe. Quant à la qualification d'amis... Beomgyu ne savait pas. Son béguin pour Soobin n'avait jamais faibli. Soobin, de son côté, avait arrêté de le fuir comme la peste. Cependant, malgré toutes ses tentatives pour à nouveau se rapprocher de lui, Beomgyu sentait une distance, une gêne, un mal-être.

Avec Taehyun, les sorties étaient toujours agréables. Parce que Taehyun était là, que Beomgyu ne se retrouvait jamais face à face avec le blond. Sans Taehyun... Soobin et Beomgyu avaient essayé. Une sortie dans un bar, une autre dans un bowling. Mais la glace peinait à se briser. Il y avait toujours des regards fuyants, des paroles maladroites, de la gêne en permanence.

Jusqu'à ce soir.

Il pleuvait des cordes quand ils laissèrent Taehyun devant l'immeuble où il vivait avec ses parents. Et ce soir-là, Beomgyu se sentit pousser des ailes.

- Si tu veux, je n'habite pas loin.

Soobin l'avait regardé avec des yeux ronds, ses cheveux blonds, trempés par la pluie, plaqués sur son front. Le parapluie transparent qu'il tenait fermement ne leur avait que très peu servi à trois ; le vent l'avait emporté sur une bonne partie du trajet retour.

- Si jamais... ça te fait tard pour rentrer. Et puis, tu n'es jamais venu à l'appart', continua Beomgyu.

C'était vrai. Soobin n'avait jamais osé lui demander et Beomgyu ne l'avait jamais invité.

- Oh euh... Rien que tous les deux ?
- J'vais pas te sauter dessus Soobin, je pensais qu'on avait dépassé ce stade, le taquina-t-il en lui donnant un coup de coude.

Au fond, son cœur se pinçait toujours un peu dans ces moments-là. Soobin rigola un peu, sans doute pour essayer de se redonner un peu de prestance et sans un mot, le suivi. L'instant d'après, Beomgyu le regretta presque : Taehyun n'était plus là avec eux et en temps normal, Taehyun était leur meilleur intermédiaire quand un blanc désagréable s'instaurait entre eux ou que la discussion arrivait au point mort.

Ces derniers mois, Taehyun avait été une figure emblématique de leur semblant de relation. Soobin et Beomgyu n'étaient plus grand-chose aux yeux de tout le monde, mais Soobin avait arrêté de le descendre en public et Beomgyu de le chercher à la moindre occasion.

Tout au long du trajet, une seule phrase tourna dans son esprit : mais pourquoi j'ai fait ça. Inviter Soobin. Le soir. Dans son appartement. Pour la soirée. Il n'y avait qu'un lit, Beomgyu le savait bien. Passé une certaine heure, Soobin n'aurait plus de métro ou de bus pour rentrer chez lui et lui faire payer un taxi le rendait mal à l'aise. Mais quelle idée nulle !! Soobin à ses côtés, l'avait pas l'air si inquiet ; il marchait en silence, tenant fermement le parapluie dans sa main. La pluie s'était calmée légèrement. Désormais, les rues étaient trempées et les flaques reflétaient les lumières des enseignes flashy de certains restaurants et autres petits commerces.

- C'est ici, lui indiqua Beomgyu en arrivant devant l'immeuble.

Ils grimpèrent en silence les quatre étages de l'immeuble et ce ne fut qu'une fois la porte de son appartement ouverte que Soobin reprit la parole.

- Tu es sûr que je peux... ?

Beomgyu retira ses chaussures et opina du chef. Non, il n'était sûr de rien. Mais maintenant que Soobin se trouvait là, lui faire faire demi-tour lui semblait impossible. Il referma la porte précautionneusement et alluma les différentes lumières de la pièce. Beomgyu avait installé une petite guirlande lumineuse aux couleurs chaudes au-dessus de son lit, en plus des deux lampes de salon qu'il préférait allumer au lieu de son plafonnier. Les lumières chaudes lui donnaient l'impression d'un endroit plus chaleureux et confortable.

- La visite va être vite faite, murmura-t-il un peu gêné. La petite salle ici c'est ma salle de bain et... tout le reste est devant toi.

Il avait séparé son lit et son bureau de son espace cuisine à l'aide d'un petit meuble, dans lequel il avait rangé divers livres et petites poteries qu'il avait confectionnés au fil de ses ateliers. L'agencement n'était pas extraordinaire, mais il lui plaisait et lui ressemblait.

- C'est adorable, murmura le blond.

Beomgyu lui lança un regard étonné. Adorable ? Il regarda Soobin s'avancer, regarder les petites tasses et les couvertures en patchwork qu'il avait lui-même confectionné. Il le regarda sourire en les effleurant du bout des doigts.

- C'est vraiment très toi, tout ça, continua Soobin en désignant tout l'appartement d'un geste de la main.

Et sans qu'il ne sache pourquoi, Beomgyu se sentit rougir. Ce soir était la première fois où Soobin et lui se retrouvaient ensemble chez lui, sans avoir quoi que ce soit de prévu.

- Tu veux manger quelque chose ?
- On a déjà mangé Beomgyu, s'amusa Soobin.
- Oh euh, oui, évidemment ha ha c'est... Je suis nerveux, excuse-moi.

Soobin lui adressa un sourire doux et continua son inspection. Il s'avança près de la fenêtre, celle que Beomgyu avait juste au-dessus de son lit. Il l'aimait beaucoup. Elle avait une forme atypique, ronde, qui n'avait rien à voir avec les autres fenêtres de l'immeuble et Beomgyu avait immédiatement trouvé qu'elle donnait un charme à l'endroit.

- C'est un très bel endroit.
- Ne te sens pas obligé de le complimenter, c'est qu'un appartement minuscule.
- Mais il te ressemble. Je l'aime beaucoup.
- Mon appartement idéal est beaucoup plus coloré. Avec un gros canapé confortable au milieu du salon, des posters au mur, des étagères en bois clairs, des plantes et une machine à laver que j'aurais repeinte en vert pistache.
- En vert pistache ?
- Je trouve ça fun, répondit-il en haussant les épaules.
- Alors j'te souhaite de l'avoir un jour, cet appart aux plantes avec ta machine vert pistache.
- À la fin de mes études, quand j'aurais pu mettre un peu de côté et... ouais.

Soobin lui adressa un sourire doux et Beomgyu se sentit fondre, juste un peu. Dans ses rêves les plus fous, Soobin était avec lui dans cet appartement. Soobin qui peut-être accrocherait ses dessins aux murs, car Beomgyu le savait : Soobin aimait toujours peindre et dessiner. Dans ses rêves les plus fous, Soobin était amoureux de lui et l'embrassait chaque matin en partant travailler puis chaque soir en revenant.

Il réalisait avec peine qu'il y a quelques mois, il avait été incapable de le regarder en face. Depuis, Soobin ne se tenait jamais trop proche, n'osait plus le toucher. Après tout, Beomgyu le lui avait demandé. Mais indéniablement, quelque chose avait changé chez Soobin. Beomgyu cherchait quoi, sans parvenir à mettre le doigt dessus.

Soudain un peu gêné par le silence qui venait de s'installer, Beomgyu fit un geste en direction de la porte de sa minuscule salle de bain.

- Si tu veux prendre une douche ou te changer...
- Je veux bien, tu aurais des fringues à me prêter ?
- Mmm, oui.

Par chance, Beomgyu aimait les habits larges. Et Soobin était plus large que lui. Il lui dégota un de ses rares tee-shirts unis et un bas de jogging oversize gris. Soobin le remercia et l'instant d'après, Beomgyu s'écroula sur son lit. Calme-toi, tout va bien se passer. Aussitôt, il attrapa son téléphone pour s'empresser d'écrire à Taehyun.


De Moi, envoyé à 23:47
Taehyun, je panique
Il est chez moi
Omg

De Thyun, reçu à 23:48
??
Soobin ?

De Moi, envoyé à 23:48
!! oui !!

De Thyun, reçu à 23:48
Congrats bro, have fun ;))

De Moi, envoyé à 23:49
C'EST PAS DRÔLE

De Thyun, reçu à 23:49
Je disais pas ça pour rire
Soyez prudent, on se protège !

De Moi, envoyé à 23:49
TAEHYUN
C PA CE QUE TU CROIS

De Thyun, reçu à 23:49
Je me trompe pas sur ce genre de chose. J'ai un bon radar.

De Moi, envoyé à 23:50
Tu me racontes quoi là ??

De Thyun, reçu à 23:50
Tu crois que je vois pas comment il te regarde depuis la rentrée ?
J'ai l'impression que les choses ont évolué de son côté. Il m'a dit que non, mais j'y crois pas. Soobin est juste coincé.

De Moi, envoyé à 23:51
Vous en avez parlé ??????

De Thyun, reçu à 23:51
Ouais. Mais je dirais rien de plus.

De Moi, envoyé à 23:51
DIS MOI PLS

De Thyun, reçu à 23:52
Nan
Vous m'épuisez
Bonne soirée, essayez de dormir

De Moi, envoyé à 23:52
KANG TAEHYUN

De Thyun, reçu à 23:52
<3


- J'ai fini, tu veux prendre la salle de bain ?

La voix de Soobin le fit sursauter et Beomgyu en lâcha presque son téléphone. Il fila dans la salle de bain sans un mot, les joues brûlantes, manquant d'oublier d'embarquer sa tenue pour la nuit. Il se changea rapidement, passant un coup d'eau sur son visage, brossant ses dents en vitesse et essayant de reprendre sa respiration. Tu peux le faire. Tu. Peux. Le. Faire.

Quand il referma derrière lui la porte de sa salle de bain, Beomgyu avait toujours les joues en feu. Soobin était assis sur son lit, pianotant sur son téléphone, l'air de rien. Beomgyu voulut faire demi-tour immédiatement et retourner s'enfermer dans sa salle de bain : voir Soobin dans ses propres habits avait quelque chose de criminel. Il n'avait jamais ressenti une chose pareille quand il avait s'agit de Taehyun. Mais Taehyun était Taehyun. Taehyun ne l'avait attiré. Il n'avait jamais amoureux de Taehyun. Soobin, si.

- Je suppose que tu n'as qu'un seul lit ? lui demanda Soobin sans lever les yeux de son écran.
- Oui, mais je euh... Je peux dormir par terre, s'empressa-t-il de répondre.

Soobin releva la tête, déposa son portable sur table de chevet et s'allongea sur un côté. Il eut l'air de réfléchir quelques instants avant de tapoter la place à côté de lui.

- J'pense qu'on peut facilement rentrer.
- Oh. Je ne me collerai pas, promis.

Soobin lui lança un regard qu'il fut incapable de déchiffrer et Beomgyu grimpa dans son lit pour se coller contre le mur. Il lui passa un oreiller épais (car il savait qu'au contraire de lui, Soobin ne pouvait pas dormir avec quelque chose de trop fin sous la tête) et essaya de s'enrouler dans ses draps sans trop en prendre. Tout était étrange. Toute la situation criait l'absurde. Il avait invité Soobin à dormir chez lui, ni plus, ni moins.

- Je peux... éteindre la guirlande ?
- Vas-y.

Beomgyu s'exécuta et... essaya de ne plus faire un seul bruit. Respirer devint un challenge et remuer sans effleurer un seul centimètre de Soobin également. Il se passa de longues minutes pendant lesquelles Beomgyu essaya de trouver une position confortable.

- Beomgyu ?
- Mmm ?
- Je vais pas te cogner si tu me touches sans le faire exprès, tu sais...

Un rire nerveux lui échappa et à ses côtés, Soobin se redressa. Il le distingua tendre un bras pour rallumer la petite guirlande au-dessus de leurs têtes, puis se redresser en tailleurs dans le lit.

- Je suis sérieux. Je n'aurais jamais accepté de mettre les pieds dans ton appartement si ça me gênait.
- Je me demande pourquoi tu as accepté, marmonna Beomgyu.

Il s'installa en tailleurs à son tour, son oreiller sur les cuisses, le regard fixé sur ce dernier.

- Comment ça ?
- Je... J'ai dû mal à te suivre Soobin. L'an dernier, tu m'as fui la quasi-majorité de l'année. Et là, depuis le début de notre seconde année de fac tu... Tu es différent. Je ne comprends plus rien.

Soobin soupira avant de passer une main dans ses cheveux blonds. Ce blond qui rendait Beomgyu à chaque fois qu'il le regardait un peu trop longuement.

- J'ai compris après ce soir-là que tu m'offrais une dernière chance de ne pas être un con fini avec toi.

Ce soir-là, Beomgyu savait très bien duquel il parlait. Cette soirée, il avait mis des semaines à passer au-dessus.

- Il m'a fallu un peu de temps, du travail sur moi-même, des discussions avec Taehyun aussi, je l'avoue...
- Toujours et encore Taehyun. Le pauvre, il va finir par en avoir marre de nous, rigola Beomgyu.

Soobin l'imita aussitôt.

- J'en conclus que ta vision des choses a changé, hein ? Je ne suis plus un homme à fuir, continua Beomgyu.

- Je suis désolé pour ça.
- Je sais. Je le vois dans tes yeux à chaque fois que tu me le dis.
- Et je vais le répéter encore mille fois s'il le faut. Je suis désolé Beomgyu. C'est... Juste là - il posa une main sur sa propre poitrine et le cœur de Beomgyu se serra - et parfois, j'arrive plus à m'en détacher. C'est quelque chose qui a toujours été, des choses que j'ai toujours entendues et crues. J'ai dû mal à cent pour cent m'en détacher, mais j'essaye.
- Je sais Soobin...

Son regarda se posa sur les doigts qu'il triturait sans s'arrêter et avant même qu'il ne le réalise, il se pencha vers lui pour déposer ses mains sur les siennes. Soobin le dévisagea, surpris. Il n'avait pas touché, effleuré, Beomgyu depuis cette soirée.

- Tu n'es pas comme ceux qui essayent de te fourrer ses idées atroces dans la tête. Je le sais. Regarde tout le chemin que tu parcours pour déconstruire tout ce qu'ils t'ont appris.

Soobin lui adressa un sourire timide.

- Tu sais que je n'ai jamais apprécié une seule de mes relations ? lui murmura-t-il.

Beomgyu se figea subitement dans ses mouvements.

- J'ai toujours eu l'impression de me forcer. Pourtant, j'ai grandi avec cette sensation d'aimer les femmes, tu sais. Et j'en étais persuadé jusqu'il y a très récemment, parce que les hommes ne m'avaient jamais attiré. Ce n'était pas quelque chose que je refoulais parce que je... Ouais, les mecs ne m'intéressent pas non plus. Sincèrement.
- Oh.
- Ouais, je l'ai compris cet été, termina-t-il avec un haussement d'épaules.

Beomgyu chercha ses mots. Les bons mots, les mots appropriés, mais aucun ne lui vint. Les excuses de Soobin étaient entendues. Elles l'étaient depuis qu'il s'était excusé une première fois, à leur rentrée. Elles avaient été entendues une seconde fois quand il les avait répétées, deux semaines après une de leurs sorties à trois. À chaque fois, Beomgyu les avait entendues et acceptées.

- Tu... Tu en as parlé ?
- À Taehyun, un peu. À demi-mot. Je crois que t'es le premier à que je le dis clairement.
- Oh Soobin...
- Ça n'excuse rien de mon comportement, je me sens toujours comme une merde d'avoir été infecte avec toi.
- J'ai été un p'tit con aussi.
- Parce que tu essayais de me chauffer pour voir jusqu'où tu pouvais aller ?

Beomgyu lâcha un rire surpris.

- Entre autres ouais.
- Je crois que je détestais que ça me plaise autant.

Beomgyu le regarda avec des yeux ronds.

- Je veux dire, une part de moi était réellement dégoûtée. Et puis il y avait l'autre... Celle qui aimait malgré tout être le centre de ton attention. Cette part qui me faisait douter en permanence sur que j'étais, ce que j'étais capable de ressentir.
- Choi Soobin... Tu es d'une complexité sans nom.

Gêné, Soobin passa une main dans sa nuque et en cet instant Beomgyu réalisa qu'il n'avait pas retiré ses mains des siennes. L'instant d'après, Beomgyu sentit son cœur s'emballer. Il avait des fourmis dans les mains et le bout de ses doigts était brûlant.

Soudain, il était de nouveau dans ce couloir de leur université. Complètement désert, à l'exception de Soobin et lui. Il se revoyait, mort de honte, après que le prénom de Soobin se soit retrouvé sur toutes les lèvres. Choi Beomgyu en pince pour son meilleur ami, ça craint... Soobin s'était planté devant lui, la mine sombre. Beomgyu avait bafouillé quelques mots que lui-même n'avait pas réellement compris. Ce jour-là, il n'avait pas cherché à contester. Il n'avait pas essayé de se défendre. Et Soobin avait pris la parole, le coupant dans son monologue qui ne voulait plus rien dire. Toi et moi, ça ne sera jamais possible. J'espère que tu comprends. Il était parti après avoir lâché des pierres dans son estomac et refroidis son cœur tout entier.

Il se demanda si Soobin y repensait lui aussi, de temps en temps.

Peut-être y repensait-il même maintenant, alors que son regard s'était à nouveau plongé dans le sien ?

Au-dessus de leurs têtes, l'une des petites ampoules de la guirlande grésilla quelques instants avant de rendre l'âme. Beomgyu leva les yeux vers elle, une petite moue sur le visage. Il s'apprêta à blaguer dessus, à rompre le silence quand Soobin s'en chargea pour lui.

- Beomgyu... Je peux t'embrasser ?

À ce moment-là, tout se mélangea dans son esprit. Soobin qui avait été calme toute la soirée. Soobin qui avait accepté son invitation sans broncher. Les messages de Taehyun. Les confessions de Soobin. Et le Soobin des derniers mois. Toutes ses excuses, tous ses regards... Il se sentit à peine hocher de la tête.

L'instant d'après, les lèvres de Soobin étaient sur les siennes.

Beomgyu avait imaginé cette scène des dizaines (une vingtaine ? une trentaine ?) de fois, mais aucune ne lui ressemblait réellement. Les lèvres curieuses de Soobin contre les siennes eurent l'effet d'un raz de marée. Il ferma les yeux, plongeant avec toute la passion qu'il retenait depuis des années. Les mains de Soobin trouvèrent ses épaules, plus fines que les siennes, et Beomgyu l'imita maladroitement, se redressant légèrement sur ses genoux. Le baiser restait prudent, doux. Pourtant, Beomgyu eut cette impression de ne jamais avoir été embrassé de la sorte. Il ne s'était jamais senti réellement désiré lors de ses quelques tentatives avortées, pas autant qu'avec Soobin.

- Soobin...

Sa voix n'était qu'un murmure minuscule. Le nez de Soobin frôla le sien et Beomgyu découvrit qu'il avait fermé ses yeux lui aussi. Effleurant son front avec le sien, Beomgyu embrassa ses joues avec douceur. Soobin ne se retira pas. Alors il recommença. Ses mains glissèrent sur le tee-shirt large qu'il lui avait prêté, le serrant fort contre lui. Soobin entrouvrit les lèvres et Beomgyu y plongea sans hésiter. Il avait le goût de son dentifrice à la fraise et la fraîcheur du menthol. Ses lèvres pressées contre les siennes, Beomgyu mit quelques secondes à réaliser que Soobin était à présent sur ses genoux, ses mains tenant fermement sa taille.

Ce fut la sonnerie de son téléphone qui brisa leur baiser, les faisant sursauter tous les deux.

- Merde, mes parents, siffla Soobin.

En un rien de temps, il quitta ses cuisses et se jeta sur son téléphone pour leur répondre rapidement. L'appel se termina en moins de dix secondes et il se retourna vers lui, penaud, le visage rouge. Et Soobin timide était une image que Beomgyu ne voulut jamais oublier. Soobin avec ses cheveux défaits, ses lèvres rouges et le visage... Le visage en feu.

- On devrait... dormir, murmura le blond.

Beomgyu ne le lui fit pas répéter. Il s'empressa d'éteindre la guirlande et de se glisser dans ses draps.

Qu'est-ce qui vient de se passer ?

Il eut presque l'impression d'avoir rêvé le baiser. De l'avoir tout simplement imaginé, car les minutes défilèrent sans que Soobin ne parle à nouveau. Puis, timidement, comme s'il avait ressenti toutes ses craintes et qu'il cherchait à le rassurer, Soobin se rapprocha. Juste un peu tout d'abord, à peine de quoi effleurer son dos. Puis, plus franchement quand Beomgyu se recula légèrement, l'incitant à passer ses mains par-dessus sa taille, à presser son torse contre son dos.

Ils ne prononcèrent pas un mot de plus, mais Beomgyu s'endormit ainsi ; confortablement niché dans les bras de Soobin.


*


Soobin se réveilla bien avant Beomgyu. Il se réveilla dans ses bras, la tête enfouie dans son tee-shirt blanc, avec la volonté quasi nulle de s'extirper de ce cocon de douceur. D'abord, il n'osa pas remuer, de peur de le réveiller. Ensuite, il réalisa. Lentement, mais sûrement, il réalisa qu'il ne rêvait pas, qu'il s'était serré contre Beomgyu au cours de la nuit et que la veille, ils s'étaient embrassés. Cette pensée eut le don de le réveiller plus franchement. Il ouvrit de grands yeux, s'entendit déglutir bruyamment et se décala légèrement du brunet. Beomgyu dormait encore profondément, aussi, Soobin essaya de reprendre son calme. Toute la soirée de la veille peinait à s'imprimer dans son esprit.

La soirée avec Taehyun, la pluie, le chemin du retour, la découverte de l'appartement minuscule de Beomgyu et puis... sa requête. Il lui avait demandé de l'embrasser. Il effleura ses lèvres du bout des doigts, peinant à y croire. Tu l'as fait. Soobin se sentit fiévreux. Il baissa les yeux vers Beomgyu, toujours endormi, sentant sa poitrine se serrer davantage. Une petite voix mesquine lui soufflait qu'il n'avait rien à faire ici. Que dormir ici avait été mal, quand bien même les choses n'étaient pas allées plus loin. Si ses parents l'apprenaient... Sentant une sueur froide le long de sa colonne vertébrale, Soobin frissonna. Son pouls s'emballa. Il avait peur. Peur de comment ils réagiraient s'ils venaient à apprendre. Peur de tout perdre. Peur de ce qu'il avait lui-même initié. Tout en lui, lui hurlait de partir. D'abandonner Beomgyu maintenant et de ne jamais revenir. Quelque chose le révulsait.

Et il y avait cette minuscule part de lui, qui le suppliait de résister, de s'écouter. Ce matin, cette petite part de lui l'emporta. Il se recoucha, se blottissant contre Beomgyu. Il l'enlaça, le nez enfoui dans son cou, les yeux clos. Le sentant vaguement remuer - sans doute avait-il fini par le réveiller - Soobin se figea. Laisse-moi encore un peu, s'il te plaît, le supplia-t-il mentalement. Il l'entendit bailler, et pu presque l'imaginer sourire quand une main se glissa dans ses cheveux.

- Ça m'avait manqué, souffla-t-il.

À ses mots, Beomgyu le massa un peu plus franchement. Ils restèrent ainsi de longues minutes, sans que Soobin ne voie vraiment le temps s'écouler.

- Il est quelle heure ?
- Tard, marmonna Beomgyu. On est à la bourre pour les cours.
- Tu crois... Qu'on pourrait faire une impasse ?

Les mouvements de Beomgyu s'arrêtèrent et il s'écarta légèrement de lui. Soobin redressa légèrement son visage, les joues légèrement rosies. Le visage de Beomgyu était encore un peu fatigué, ses yeux étaient petits et il avait une trace de son oreiller sur un bout de sa joue.

- Tu me proposes de sécher pour qu'on reste ici plus longtemps ?

Il acquiesça, doucement, remuant à peine la tête. Il y eut une lueur d'excitation, légère, mais perceptible, dans le regard de Beomgyu qui le fit se sentir soudainement minuscule dans ses bras.

- Voyons, est-ce bien raisonnable monsieur Choi, s'amusa-t-il.

Beomgyu passa une main dans sa frange blonde, un sourire mince sur le visage. Ses lèvres étaient si proches qu'elles lui donnaient envie de les embrasser. Pourtant Beomgyu ne se pencha pas davantage pour le faire, se contentant d'effleurer ses cheveux avec douceur.

- Je...

La bouche sèche comme jamais elle ne l'avait été, Soobin peina à trouver ses mots. Il perdait ses moyens un à un, plus le visage de Beomgyu se rapprochait du sien.

- Tu as un appel, lui murmura Beomgyu tout près de son oreille.

Et Soobin n'avait même pas entendu la sonnerie de son téléphone. Il se redressa et l'attrapa, jura en voyant le prénom de « Taehyun » écrit en gros sur son écran.


« - Yo, vous êtes où ?
- Vous ?
- Beom n'a pas entendu la sonnerie de son tel, alors j'ai testé sur le tien. »


- Mon téléphone était éteint Kang ! lança Beomgyu, assez fort pour se faire entendre.

Soobin se sentit rougir en entendant son rire nerveux à l'autre bout du fil. Taehyun savait qu'ils étaient ensemble. Ou plutôt, Taehyun l'avait envisagé et Beomgyu venait de lui donner raison.


« - Du coup, vous comptez vous pointer à la fac ? »


Figé dans le lit, Soobin ne répondit rien. La fac. Rester ici avec Beomgyu. Arriver là-bas avec lui. Peut-être supporter les regards. Ils s'étaient embrassés. D'un geste doux, Beomgyu lui prit le téléphone des mains.


« - Ne nous compte pas pour les deux premiers cours, on arrive après tranquillement, répondit-il à sa place.
- Okay ! À tout à l'heure les gars !
- À toute mon Thyunie ! »


Beomgyu raccrocha et posa le téléphone sur la table de chevet. Toujours immobile, Soobin avait les yeux perdus dans le vague.

- Eh, ça va ?

Il ne répondit pas, incapable de faire taire toutes ses pensées. Ce fut une caresse légère sur son visage qui le fit raccrocher à la réalité.

- Je ne dirais rien à personne pour hier soir et ce matin, promis, lui murmura Beomgyu.
- C'est... Je...
- Je sais.
- N-non tu...

Beomgyu ne pouvait pas comprendre, au fond. Il baissa le regard, défait, incapable d'articuler le moindre mot. Alors avec toute la douceur du monde, Beomgyu le prit dans ses bras. Soobin inspira, profondément, cette odeur sucrée et fleuri que Beomgyu portait toujours sur lui. Il ferma les yeux, soudain transporté dans un cocon où il n'y avait plus qu'eux.

Au fond, Soobin était mort de peur.

Mais pour la première fois de sa vie, Soobin bouillonnait à l'idée de vouloir la combattre.


* * *


Beomgyu tenait fermement la main de Soobin dans la sienne, grimpant deux par deux les marches de son immeuble. Derrière lui, le plus grand laissa échapper un rire amusé, les joues rouges, essoufflé d'avoir couru jusque-là. Précipitamment, Beomgyu ouvrit la porte de son appartement avant de la refermer d'un coup de pied. L'instant d'après, coupé du monde extérieur, il embrassait Soobin.

Comme à chaque fois qu'ils se retrouvaient ici après les cours, Beomgyu se sentait revivre. Embrasser Soobin comme il en avait envie n'arrivait qu'ici, dans l'intimité de son petit logement. Soobin le laissait faire à chaque fois. Parce qu'ici, Beomgyu le savait, Soobin se sentait en sécurité d'être qui il était. Il laissa glisser ses mains sur sa taille, se pressant un peu plus contre lui.

- Beomie...
- Mmm ?
- Tu bosses ce soir ?

Il secoua la tête et le sourire de Soobin se fit encore plus grand.

- Tu restes ? lui demanda-t-il.

Soobin restait souvent. Taehyun l'avait bien compris et s'en amusait beaucoup. Dites que vous êtes en couple, j'ai compris... Je ne suis pas aveugle, leur avait-il dit au départ. Dans ces moments-là, le regard de Soobin se perdait souvent au loin et Beomgyu changeait de sujet. Beomgyu lui avait demandé plus tard de ne plus plaisanter dessus et Taehyun avait compris. Beom, je ne veux pas que ça te fasse du mal de tout cacher. Beomgyu lui avait promis que cela ne lui en faisait pas. Ce n'était pas un mensonge. Soobin avait besoin de temps et il le comprenait. Soobin se battait avec des démons intérieurs que lui n'avait jamais eus. Soobin n'avait pas honte de Beomgyu, mais de lui-même.

- Je reste, lui répondit Soobin.

Beomgyu termina de retirer ses chaussures, trop heureux.

- J'ai pas grand-chose dans le frigo, rigola Beomgyu.
- Pour changer..., rigola Soobin. Que du sucré je présume ?

Beomgyu leva les yeux au ciel.

- J'adore le sucre, que veux-tu...

Il s'approcha à nouveau de Soobin, au milieu de sa pièce de vie. Lentement, il passa une main sur son visage et déposa ses lèvres dans son cou.

- Et je sais que tu adores ça.

Il le sentit frissonner, juste là, sous ses doigts et sentit son pouls s'emballer légèrement.

- Seulement quand on s'embrasse, souffla Soobin.

Beomgyu le savait. Soobin aimait le goût sucré qu'avaient ses lèvres quand il venait de manger ses bonbons favoris.

- Je commande si tu veux, continua-t-il.

Beomgyu acquiesça, tout sourire. Oh, ce genre de soirée était le meilleur.



Une petite heure plus tard, Beomgyu termina d'enfiler des draps propres sur son lit. Derrière lui, sa musique dans les oreilles, Soobin faisait la vaisselle, dodelinant légèrement de la tête. Se figeant dans sa tâche, Beomgyu le regarda faire, amusé. Et en cet instant, il le vit : le portait parfait de ce dont il avait rêvé pendant des années. Soobin et lui, dans un même appartement. Il imagina plus de plantes. Une vraie table à manger. Un canapé confortable. Les meubles qu'ils auraient repeints tout le deux. Toutes ses tasses alignées sur des rangements en bois clairs. Les peintures de Soobin sur les murs.

- Beomie ?

Soobin avait retiré ses écouteurs et était à présent devant lui. Beomgyu cligna des yeux, quittant le petit monde parfait qui s'était dessiné sous ses yeux. Son regard se perdit sur les traits de Soobin, les racines noires de sa chevelure qui commençaient à gagner du terrain et sa bouche en cœur absolument parfaite.

- Je t'aime, murmura-t-il.

Soobin le regarda avec des yeux ronds.

- Enfin, je veux dire... Tu le savais déjà, mais... Je tenais à te le dire. À voix haute.

Soobin se pencha pour l'embrasser et Beomgyu l'interpréta comme un « moi aussi ». Avec Soobin, il était souvent plus simple d'interpréter. Comme à chaque fois que Soobin l'embrassait, Beomgyu le sentait désespéré. Désespéré de rester contre lui, de ne pas le lâcher, que l'instant ne finisse jamais.

Soobin avait besoin d'être rassuré, tout le temps, en permanence. Il avait besoin de ses encouragements, de son feu vert pour le moindre geste, de sa validation pour chaque étape qu'ils franchissaient ensemble. Il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour comprendre qu'au-delà d'un simple consentement, Soobin attendait de lui qu'il le guide. Cela devenait flagrant que lorsqu'ils se retrouvaient tous les deux dans son appartement.

- Beomgyu...
- Oui ?

Les mains de Soobin étaient sur sa taille et Beomgyu le sentit réfléchir, peser le pour et le contre.

- Je repense à l'autre jour, souffla-t-il.

Beomgyu arqua un sourcil, amusé, sans le lâcher. Il recula d'un pas, encore d'un autre avant que l'arrière de ses jambes heurte son lit.

- Ah oui ?
- Mmm.

Soobin en voulait encore, il le lisait dans ses yeux. Il se laissa tomber sur son lit et s'y installa, tout sourire, le cœur battant à tout rompre. Le dos calé contre la tête de lit, il tapota ses cuisses, sans le quitter du regard.

- Tu viens ?

Presque timidement, Soobin grimpa sur son lit, sans le quitter du regard. À califourchon sur lui, il baissa subitement les yeux, cherchant à attraper ses mains. Avec douceur, Beomgyu déposer un baiser sur l'une d'entre elles, le faisant rougir un peu plus. Il glissa une main sous son tee-shirt, attendant son aval pour aller plus loin. D'un geste nerveux, Soobin tira les rideaux de sa fenêtre et Beomgyu étouffa un rire d'une main.

- On sait jamais, rétorqua Soobin.
- Oh, mais tu as raison, s'amusa-t-il. Imagine que l'on nous voie...

Le visage de Soobin s'enflamma et Beomgyu termina de retirer son haut. Il l'avait imaginé plus pudique, au commencement. Mais rapidement, Beomgyu avait réalisé que Soobin lui faisait confiance. Que se dévoiler un peu ne le gênait pas tant que tout restait entre eux. Rêveur, il traça du bout des doigts des formes abstraites sur ses clavicules et un peu plus bas, juste là où il l'avait embrassé l'autre jour. La peau de Soobin avait gardé les marques de son passage et cela remua quelque chose en lui.

Il sentit son corps frémir légèrement sous son toucher et se sentit sourire davantage. Soobin avait les yeux clos et Beomgyu le pris comme son feu vert. Il embrassa son cou, les mains rivées sur sa taille, puis laissa descendre ses lèvres un peu plus bas. Soobin avait quelque chose avec ses lèvres sur son torse, Beomgyu le savait. Et il se gonflait de fierté quand il se remémorait être le premier à l'embrasser juste là ; Soobin le lui avait confié. Les mains de Soobin sur ses épaules le serrèrent légèrement et Beomgyu continua, trop enivré pour s'arrêter seulement maintenant. Soobin avait quitté ses cuisses, se mettant à genoux devant lui, lui facilitant l'accès à son ventre que Beomgyu mourrait d'envie de toucher.

Le souffle de Soobin s'était fait plus rapide, imprécis et Beomgyu continua, désireux de ne pas lésiner un seul millimètre du corps que Soobin acceptait de lui montrer. Il le sentit se tendre sous son toucher, son ventre se contracter légèrement et Beomgyu leva légèrement le regard, inquiet. Grave erreur. Les lèvres entrouvertes il se figea, envoûté par Soobin.

Soobin qui avait rejeté sa tête en arrière, lui laissant voir ce cou sur lequel Beomgyu avait fantasmé des mois et des mois durant. Soobin qui se retenait de faire trop de bruit, de se laisser pleinement aller. Soobin et ses cheveux ramenés en arrière. Ses mains glissèrent le long de ses côtes pour trouver l'arrière de ses cuisses qu'il effleura à travers le jogging qu'il portait.

- Putain tu es magnifique, soupira-t-il.

Soobin sembla revenir à lui et baissa les yeux. Il avait le visage en feu et Beomgyu le ramena davantage contre lui.

- Est-ce que tu as seulement idée d'un pour cent de l'effet que tu me fais ?

Il le vit sourire, amusé et Beomgyu resserra un peu plus son emprise. Il l'embrassa juste au-dessus de l'élastique de son jogging et les doigts de Soobin s'enfoncèrent un peu plus dans ses épaules.

- J'te retourne la question, souffla Soobin.
- Plutôt ouais, le taquina-t-il.

Les yeux rieurs, Soobin passa une main dans ses cheveux foncés avant de poursuivre.

- Tu comptes continuer ?
- Monsieur est impatient ce soir, blagua-t-il. Tu ne veux pas plutôt que je m'occupe du code rouge ?
- Du code rouge ?
- J'ai trop bien travaillé, ton corps me le fait savoir, répondit-il en lui désignant la bosse légère dans son jogging.

Au-dessus de lui, Soobin s'étouffa et son visage s'enflamma à nouveau. Il s'écarta immédiatement, quittant ses cuisses et Beomgyu l'agrippa par le bras avant qu'il ne se rue dans la salle de bain.

- Eh, c'est ok...
- C'est super gênant, la dernière fois je n'ai pas...
- Soobin, je suis sérieux, c'est parfaitement ok.
- Je préfère gérer ça seul, si ça ne t'ennuie pas, bafouilla-t-il.
- Sans souci.

Il le lâcha et son sourire se figea un peu en le voyant déguerpir dans la salle de bain. À genoux sur son lit, Beomgyu attendit quelques minutes sans qu'absolument rien ne se passe. Il se leva, soudain un peu inquiet jusqu'à finalement entendre la voix de Soobin, de l'autre côté de la porte.

- Beomgyu ?
- Oui ?

Il entrouvrit la porte, sans y entrer et attendit son feu vert.

- Tu peux entrer, bafouilla Soobin.

Soobin était assis sur son petit tabouret de douche, juste en caleçon, la mine défaite. Beomgyu se rapprocha, s'agenouilla devant lui, posant une main sur ses genoux.

- Ça va ?
- J'y arrive pas, rigola-t-il nerveusement.
- Oh.
- Fin, je veux dire... En temps normal ça fonctionne hein, c'est juste que là... Tu es là, je n'y arrive pas.
- Dis-le moi Soobin.

Soobin le regarda sans comprendre.

- Dis-moi ce que tu veux que je fasse.

Il le vit secouer la tête, incapable d'articuler un mot de plus.

- D'accord... Tu m'arrêtes dès que ça dépasse tes limites, ok ?

Soobin acquiesça.

- On reste ici ?

Nouveau hochement de tête et Beomgyu lui adressa un sourire doux. Au contact de ses mains sur ses cuisses, Soobin frissonna. Immédiatement il repassa par-dessus le tissu et continua à progresser, lentement, guettant la moindre de ses réactions. Les yeux de Soobin ne lâchaient pas ses mains. Il les regarda s'aventurer de plus en plus près et Beomgyu hésita, juste quelques secondes, avant de continuer. Toucher Soobin lui fit grimper le feu aux joues. Il ne le quitta pas du regard, jusqu'à que Soobin cède et ne ferme les yeux. Beomgyu se redressa légèrement sur ses genoux et se pencha un peu, juste assez pour déposer ses lèvres sur les siennes. Soobin répondit à son baiser et il le sentit réjoui contre ses lèvres. Il le toucha plus fermement à travers le tissu de son sous-vêtement et le sentit jurer entre ses dents. Dans un bruit de plastique désagréable, le tabouret glissa, mais les lèvres de Soobin ne quittèrent pas les siennes.

- Soobin...

Désormais dans la même posture que lui, Soobin se pressa contre lui, le nez enfoui dans le creux de son épaule.

- Tu es parfait Soobin, absolument parfait...

Il le sentit frissonner contre lui quand il glissa une main sous le tissu, lentement, guettant la moindre de ses réactions. Toucher Soobin. Toucher Soobin. Toucher Soobin. Mais prendre son temps. Pour Soobin. Parce que Soobin n'avait jamais laissé un autre homme le toucher et que Beomgyu voulait être bon. Il ignora ses propres envies, son idée de se toucher en même temps ; Soobin était tout ce qui comptait. Il ignora la dureté du carrelage sous ses genoux douloureux, le froid de la salle de bain et la porte restée grande ouverte derrière eux.

- Regarde-moi Soobin.

Il le vit hésiter. Juste une fraction de seconde.

- Je veux te voir Soo'...

Beomgyu voulait voir son visage quand il le touchait. Il voulait voir jusqu'où il était capable de transporter Soobin. Du bout des lèvres, son front contre le sien, le blond lui souffla d'aller plus vite. Autour d'eux la salle de bain se flouta, le temps sembla se surprendre. Le souffle de Soobin était fort dans son oreille, son emprise pressante contre ses épaules. Son prénom lui échappa, un peu plus fort que les autres fois et l'instant d'après, Soobin était contre lui, pantelant, peinant à reprendre son souffle.

- Reste, réussit-il à articuler.

Beomgyu acquiesça, embrassant ses joues.

- Ne me quitte pas...
- Jamais Soo, jamais.

L'instant d'après, Soobin éclata en sanglots contre lui.


* * *


Soobin avait redouté cette journée plus que toutes les autres ces derniers mois. Il l'avait regardé approcher avec anxiété et une pointe de désespoir.

- On a tout ? demanda son père dans la petite entrée de leur maison.

Soobin avait la boule au ventre. Envie de vomir aussi, mais il ne pouvait rien laisser paraître. La veille, Beomgyu l'avait invité à venir avec lui. On pourrait se rendre à la pride tous les deux cette année... ça serait si cool ! Et Soobin avait refusé. Il avait prétexté voir de la famille à l'autre bout de la vile et Beomgyu n'avait pas insisté. La vérité était que Soobin s'y rendait également, mais pour la même chose.

Depuis que ses parents s'y rendaient pour militer, Soobin les suivait. Il l'avait fait d'abord par mimétisme, puis convaincu d'avoir puis, aujourd'hui, par dépit et obligation. Mais la simple idée de se poster en face de la pride de Séoul, ses pancartes haineuses dans les mains, scandant des choses auquel il ne croyait plus, le révulsait.

- On a tout, en route Soobin !

La mort dans l'âme, Soobin les suivit.


Tout se déroula comme d'habitude. Mais pour la première fois, Soobin ne scanda pas à voix haute les slogans préparés par ses parents. Pour la première fois, il regarda avec envie l'autre côté de la route. Il épia les drapeaux arc-en-ciel et tous les autres qui ne lui disaient rien, les couples heureux se tenant la main, ignorant la haine que son côté leur déversait. La parade se préparait, ne tardant plus à défiler sous leurs yeux. Les bras baissés, honteux de se trouver là, Soobin essaya d'imaginer un bref instant ce que cela ferait de les rejoindre. Y avait-il des gens qui l'accepteraient en le sachant ici ? Y avait-il un drapeau pour lui, qui le définissait au mieux ? Il se demanda ce que signifiaient les couleurs et certains slogans dont le second degré ne lui parlait pas. L'envie lui tordit le ventre en voyant deux hommes s'embrasser sous un flot d'acclamations heureuses et bienveillantes. Il ignora les commentaires outrés autour de lui, le regard fixé sur eux, sur ce qu'ils représentaient. Pour la première fois depuis toujours, Soobin ne les trouva pas répugnants. Il repensa à toutes les fois où il avait embrassé Beomgyu, en prenant lui-même l'initiative. La première fois que Beomgyu l'avait touché dans sa salle de bain et qu'il avait pleuré juste après, incapable de faire taire son trop-plein d'émotion et toutes les contradictions qui s'étaient emparées de lui. Il repensa à la seconde fois, plus douce, plus tranquille.

- Ça va commencer, lui glissa son père, le sortant de ses pensées.

L'instant d'après, un premier char de parade passa sous leurs yeux. Devant lui, les participants tenaient à bout de bras un immense drapeau arc-en-ciel, recouvrant ainsi tous les marcheurs ouvrant le bal. Soobin s'émerveilla. Il les regarda défiler sans rien faire, ignorant les coups de coude de sa mère lui ordonnant de brandir ses pancartes. Il la leva timidement, les lèvres toujours scellées.

Ce fut là qu'il le vit. Heureux. Le visage rayonnant.

Beomgyu était là, avec sa mère. Il portait un haut en résille jaune pétant, un short troué noir et avait enfilé son drapeau comme une cape. Il avait maquillé son visage comme celui de sa mère et ce détail le remua profondément. Son sourire le fit chavirer, tout comme son rire qu'il imagina sans mal, même noyé dans le brouhaha de la marche. Beomgyu était parfait, Beomgyu était magnifique et Soobin eut envie de le rejoindre. Ses bras se baissèrent légèrement et sa pancarte disparut. Sauf qu'au même instant, leurs regards se croisèrent et tout autour d'eux s'effaça. L'espace d'un instant, il ne resta plus qu'eux.


Beomgyu et Soobin.

Soobin et Beomgyu.


Deux amoureux qu'un fossé immense séparait. Beomgyu sembla se figer, juste un peu et son sourire se noya lentement. Anéanti, Soobin secoua la tête, lui jurant silencieusement qu'il n'avait jamais voulu se trouver là. Les yeux de Beomgyu se baissèrent sur la pancarte immonde qu'il tenait entre ses doigts et Soobin s'empressa de la faire disparaître derrière lui. Trop tardivement. La déception qu'il lut dans son regard le cloua sur place. Et ce fut la seule chose que Soobin eut le temps de décrypter avant de le voir passer une main sur ses yeux, empêchant certainement quelques larmes de s'échapper.


Pardon Beomgyu.

La seconde d'après, Beomgyu n'était plus là.

Les larmes au bord des yeux, Soobin tourna les talons, incapable de rester là plus longtemps.


Nerveux, Soobin mordilla l'ongle de son pouce. Beomgyu n'était pas encore rentré chez lui. Rentrait-il chez lui ce soir ? Il n'en savait rien. Il n'avait pas osé le joindre. Il avait téléphoné à Taehyun, paniqué, qui lui avait conseillé de se rendre ici au plus vite. Ne le laisse pas penser que tu étais avec tes parents de gaieté de cœur, lui avait dit le plus petit. Depuis, Soobin attendait. Son portable n'avait presque plus de batterie, il se sentait sale, fatigué, incapable de tenir debout plus longtemps et pourtant, il le devait.

Il ne sut pas combien de temps il resta ainsi devant la porte de son appartement. Une heure, peut-être deux ? Plus ? Soobin n'en sut rien. Mais quand il entendit une personne grimper les escaliers deux à deux comme le faisait si bien Beomgyu, il se redressa, le cœur tambourinant fort dans sa poitrine.

- Soobin ?

Beomgyu était là. Il portait la même tenue voyante que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, plus tôt dans l'après-midi. Il avait enfilé une veste sombre par-dessus, sans doute pour ne pas se faire remarquer et dissimuler sa peau nue sous le tee-shirt révélateur qu'il portait. Beomgyu n'avait pas retiré son maquillage pour autant et Soobin remarqua que les arcs-en-ciel sous ses joues avaient un peu coulé. Il avait pleuré.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Il le regarda avancer et ouvrir la porte de son appartement, les joues rouges. Beomgyu laissa la porte ouverte lui et Soobin le prit comme une invitation. Il la referma derrière lui et se déchaussa en silence. Beomgyu ne lui accorda pas un regard de plus. Il s'attendit à le voir aller laver son visage, ou attraper quelque chose à manger dans son frigo, mais au lieu de ça, Beomgyu grimpa sur son lit, les jambes repliées contre lui. Il le regarda sans rien dire et Soobin s'avança timidement jusqu'au bord du lit.

- Je suis désolé.

Il s'avança sur le matelas et effleura ses genoux du bout des doigts.

- Beomie ?

Il l'entendit renifler et essuya l'une de ses joues. Beomgyu ne le repoussa pas.

- Tu étais magnifique tout à l'heure.

Cette fois-ci, quelque chose dans le regard de Beomgyu changea. Il distingua un sourire timide, puis un soupir.

- Ça faisait quoi ? lui demanda-t-il tout bas. D'être de l'autre côté ?

La gorge de Soobin se noua.

- Mal.

C'était la vérité. Soobin voulait que Beomgyu le sache.

- Oh, Soobin...

Il le laissa prendre son visage en coupe, appuyer son front contre le sien puis embrasser le bout de son nez. D'un geste du pouce, Beomgyu étala un peu de couleur sur ses joues et Soobin se sentit sourire.

- Un jour tu viendras avec moi, pas vrai Soo' ?

Il acquiesça en silence.

- On pourra se tenir la main dehors. Peut-être même s'embrasser...

Oh ce qu'il en mourrait d'envie. Mais Soobin avait peur aussi.

- On prendra le temps. Pas à pas toi et moi, lui murmura Beomgyu, ses lèvres frôlant les siennes.
- Pas à pas, répondit-il comme un écho.

Il l'embrassa chastement, bien loin de la dernière fois où ils s'étaient retrouvés sur ce lit. La dernière fois remontait à quatre minuscules jours et Beomgyu lui avait fait oublier jusqu'à son propre prénom.

- Je mettrais des couleurs sur tes joues, s'amusa Beomgyu.
- Beomie...

Nouveau baiser, Soobin se sentit fondre contre lui.

- Oui ?
- Tu en mets déjà tellement dans ma vie.


* * *


Mentir à ses parents était devenu... Une habitude.

Une habitude qui le rendait nerveux, mais que Beomgyu acceptait. Soobin passait de plus en plus de temps ici, avec lui, dans son appartement. Il ne rentrait plus qu'un soir sur deux, Taehyun se plaisait à dire qu'ils étaient déjà mariés quand bien même ni lui ni Beomgyu ne formait un couple officiellement. Allongé sur son lit, la tête calée sur l'une de ses cuisses, Soobin lisait. Beomgyu, lui, était plongé dans sa tâche. La veille, il avait terminé le pull pour Taehyun, insistant sur le fait que le vert foncé était sa couleur et leur ami n'avait pas pu refuser son cadeau. Taehyun ne portait que des vêtements de la même teinte et Beomgyu en avait été ennuyé : désormais, il s'était donné pour mission de mettre de la couleur dans sa garde-robe. Aujourd'hui, Beomgyu avait commencé le sien.

- J'ai trop hâte que tu le portes...

Soobin baissa légèrement son livre et leva les yeux vers lui, tout sourire.

- J'espère qu'il te plaira...
- Si tu le trouves raté ou trop moche, je le porterais quand même. Quand on sera rien que tous les deux.

Le sourire que lui fit Beomgyu valut tout l'or du monde.

- Dis... Tes parents n'ont pas envie de la rencontrer ? Ta charmante petite amie ?
- Oh que si, ils sont déjà un peu révoltés que je la vois aussi souvent, quand même je leur jure qu'il ne se passe rien entre nous, rigola-t-il.
- Techniquement, il n'y a pas de risque qu'ils se retrouvent grands-parents par surprise.
- Techniquement, je fais des choses pas très catholiques avec un homme.

Beomgyu leva les yeux au plafond, amusé.

- Imagine qu'ils l'apprennent, murmura-t-il.

Soobin se raidit un instant avant que Beomgyu ne passe une main dans sa frange.

- Désolé, désolé, je ne voulais pas peindre un tableau aussi horrible dans ta tête.
- Mmm, c'est rien. Ils finiront bien par savoir de toute façon.
- Oh ?
- Je ne vais pas me cacher toute ma vie Beomie.
- Si tu veux que je sois là le jour où-
- Je ferais ça seul, au cas où.
- Je comprends.
- On va avoir vingt-et-un an cette année, j'en ai marre de... De tout ça. Je suis épuisé de leur mentir depuis aussi longtemps.

Tendrement, Beomgyu continua de masser son front de passer une main dans ses cheveux.

Au fond, Soobin peinait à imaginer le moment où il avouerait toute la vérité. Il n'avait aucune idée de comment s'y prendre, de comment amener la chose... La semaine dernière, Beomgyu l'avait dit à sa mère. Soobin avait craint qu'elle le juge. Qu'elle se fâche. Il avait craint ses réactions comme si elle avait été du même bord que ses parents. Au lieu de quoi, la mère de Beomgyu avait insisté pour le serrer fort dans ses bras et l'avait invité à manger.

Soobin rêvait de voir sa mère faire pareil. Mais déjà, sa mère fantasmait sur sa future belle fille, parfaite et élégante, à la hauteur de toutes ses attentes démesurées.

- Beomie, j'peux rester ici ce soir ?
- Tu poses sincèrement la question ?

Beomgyu reposa son ouvrage et lui embrassa le bout du nez.

- Bien sûr que tu peux, crétin.


* * *


Soobin ne s'était pas retrouvé en tête à tête avec Taehyun depuis un bon bout de temps. Cela, son ami ne tarda pas à lui faire savoir.

- J'ai cru que Beomgyu et toi m'aviez oublié dans votre équation.
- Thyunie, je suis désolé.
- Thyunie. Beomgyu m'appelle comme ça, pas toi. Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon ami Choi Soobin ?

Soobin leva les yeux au ciel, faussement agacé.

- Il te déteint dessus, truc typique de couple.
- Rooh, ça va.

Taehyun lui donna un coup de coude amusé.

- Tu sais, je suis content pour vous. Et incroyablement soulagé aussi.
- Ah ?
- Ouais, tu as retiré tes œillères et arrêté d'être con. Un petit pas pour Choi Soobin, un grand pas pour vous !

Soobin éclata de rire devant sa franchise. Taehyun ne changeait pas.

- Tu comptes le dire à tes parents ?
- Ils sont comme les tiens, soupira-t-il.
- Je sais...
- J'en ai envie.
- C'est déjà un pas énorme.
- J'en ai marre qu'ils me croient avec leur image de la petite amie parfaite.
- J'avais oublié cette histoire, rigola Taehyun. En soi, Beomgyu est un gars en or.
- Je suis pas sûr que l'argument tienne la route tu vois...

Taehyun haussa les épaules, une petite moue sur le visage. Soobin s'apprêta à continuer, quand le portable de Taehyun vibra et le prénom de son meilleur ami s'inscrit sur son écran.

- Oh euh...
- Vas-y, décroche. It's Yeonjun time, chantonna Soobin.
- Je fais vite, je lui demande de me rappeler plus tard !

Taehyun se leva et s'éloigna légèrement, les joues légèrement rosies. Amusé, Soobin l'observa marcher en rond, son téléphone tout proche de son oreille.

Et ce fut en cet instant que quelque chose le frappa. Quelque chose qu'il n'avait jamais vraiment remarqué jusqu'alors, que Taehyun avait parfaitement bien dissimulé. Peut-être le remarquait-il, car pour la première fois de sa vie, il était tombé amoureux. Mais Taehyun l'était lui aussi. Il le voyait à sa manière de parler, à son rire léger qu'il ne faisait qu'au téléphone qu'avec son meilleur ami, à ses expressions... À tout.

Ce jour-là Soobin se garda bien de lui faire un commentaire. Il s'en garda même le lendemain, avant de complètement se résigner : Taehyun n'avait pas besoin de lui pour lui mettre l'évidence sous le nez. Sans doute le savait-il déjà.


* * *


Les examens de fin d'années étaient enfin passés et Beomgyu avait senti un poids énorme en moins sur ses épaules. Désormais, il n'avait plus que son travail à assurer et la tâche lui semblait bien moins lourde ainsi. Il avait cumulé les heures supplémentaires, que son patron lui avait payées sous le manteau, lui faisant jurer de ne rien dire. Il était un ami depuis des années, lui rendre service ne le gênait nullement (et arrondissait correctement ses fins de mois) aussi Beomgyu lui en avait fait la promesse.

Comme toutes les semaines, Soobin venait dormir chez lui. Parfois, Beomgyu peinait à réaliser le temps qui s'était écoulé depuis leur premier baiser. Depuis leur tout premier rendez-vous, même si ni l'un ni l'autre en l'avait appelé comme ça. Il ne lui avait jamais demandé d'être son petit ami, ne l'avait jamais qualifié ainsi, Soobin non plus, mais la chose était claire entre eux.

En un rien de temps, Beomgyu avait eu vingt-et-un ans, avait entamé sa troisième année de fac et sa relation avec Soobin lui avait semblé durer une éternité.

Heureux, sifflotant l'air de sa musique du moment, il termina de ranger sa petite cuisine et d'allumer les bougies que Soobin préférait. Ici, il était qui il voulait vraiment être : Soobin ne se forçait plus à rentrer dans une des cases qu'il avait en horreur. Soobin passait des heures à peindre à ses côtés, à se laisser aller dans cette passion qu'il avait toujours eue, mais que ses parents n'avaient jamais soutenue.

Comme à chaque fois Soobin toqua, quelques coups timides, contre la porte et Beomgyu sentit son cœur s'emballer légèrement.

Depuis deux mois, Soobin avait de nouveau les cheveux noirs et si Beomgyu avait au départ regretté le blond qu'il aimait tant, il devait reconnaître que le noir avait toujours été sa couleur. Soobin le serra brièvement dans ses bras en guise de bonjour et Beomgyu passa une main dans ses cheveux.

- Longue journée ?

Soobin haussa les épaules et lui désigna les deux poches qu'il avait dans les mains.

- Bof, mais pour remédier à ça, je n'arrive pas les mains vides !
- Soobin, mon héros qui sait comment me nourrir, chantonna-t-il.
- J'ai aussi une surprise !

Les yeux soudain brillants, Beomgyu le suivit jusqu'au petit plan de travail où Soobin déposa ses petites poches. À peine eut-il le temps de dévoiler les deux petites bouteilles que Beomgyu lui arracha des mains.

- Du nectar !!

Beomgyu n'en achetait jamais. Les bouteilles étaient trop onéreuses, sa mère n'avait jamais vraiment eu les moyens, lui non plus... Mais Soobin adorait lui en acheter. Beomgyu aimait le sucre, mais ce que Beomgyu aimait aussi par-dessus tout était les fruits. Alors les nectars de fruits s'étaient rapidement imposés comme une de ses boissons favorites.

- Tu es l'homme parfait.
- Ne parle pas trop vite, rigola Soobin

Beomgyu leva les yeux au ciel.

- Mes parents ne sont pas là du week-end, ils ne s'inquièteront donc pas si je ne rentre pas demain aux aurores.
- C'est un message subliminal pour « Beomgyu, je passe la matinée au lit avec toi demain » ?
- Interprète-le comme tu veux.

Ces soirées, celles où il savait que Soobin n'avait pas à s'enfuir dès l'aube, étaient ses favorites. Souvent, ils s'effondraient de fatigue devant leur série favorite, sans prendre la peine d'éteindre l'ordinateur qui continuait de diffuser les épisodes les uns après les autres.



Deux heures plus tard, Soobin le suppliait de mettre fin à l'épisode et Beomgyu l'écouta sans broncher. Une semaine d'attente pour un épisode médiocre ; il n'en revenait pas. À côté de lui, Soobin s'était déjà glissé sous les draps, un bras passé par-dessus sa taille. Beomgyu, se contentant de la petite lumière de sa guirlande, attrapa son livre du moment.

Sauf que se concentrer releva du défi. Dans son pré sommeil, Soobin bougeait beaucoup. Il passa plusieurs fois une main dans ses cheveux, comme pour le rassurer et Soobin sembla se calmer légèrement, resserrant davantage son étreinte. Attendri, il reposa son livre et déposa un baiser sur son front, écartant les mèches épaisses de sa frange.

- Soobin ?
- J'ai fait un rêve...
- Il n'avait pas l'air agréable, chuchota-t-il.
- On se promenait sur une plage toi et moi, c'était paisible.
- Oh.

Soobin s'étira, roula sur le dos et inspira profondément. Incapable de résister Beomgyu se pencha pour l'embrasser et le sentit sourire contre ses lèvres.

- On pourrait se programmer ça, murmura-t-il.
- Une promenade à la plage ?
- Rien que tous les deux.
- Je trouverais peut-être le courage de te tenir la main, ajouta Soobin.

Beomgyu sentit un frisson lui parcourir l'échine. Dans son esprit, l'image était parfaite. Lentement, il chercha ses mains sous les draps et les serra fort dans les siennes. Sous lui, Soobin ferma les yeux et Beomgyu le prit comme son signal pour l'embrasser à nouveau. Au départ timide, le baiser s'intensifia peu à peu. Son corps pressé contre celui de son petit ami, il lâcha ses mains pour les glisser sous son haut de pyjama. Quelques secondes plus tard, Soobin le retira pour mieux le sentir.

Ils finissaient souvent ainsi, Beomgyu pelotonné contre le torse nu de Soobin, ses doigts effleurant sa peau avec douceur et légèreté... Beomgyu adorait ces moments. Mais pour l'heure, Soobin ne semblait pas en avoir envie. Beomgyu savait exactement ce dont Soobin avait envie, besoin, car avec les semaines, les mois, Beomgyu avait appris à le décrypter. Soobin ne verbalisait pas souvent ce qu'il attendait de lui. Par pudeur ou par honte au départ, alors Beomgyu n'avait jamais voulu le taquiner là-dessus. Soobin appréciait qu'il prenne les initiatives, alors Beomgyu les prenait. Il retira son tee-shirt, pressé de sentir sa peau contre la sienne. À chaque fois, les choses s'arrêtaient là. Soobin gardait le sous-vêtement qu'il portait pour dormir, Beomgyu faisait de même et de temps en temps, Soobin l'autorisait à le toucher quand ils en avaient tous les deux envie.

Pour la première fois ce soir-là, Soobin ne l'arrêta pas en sentant ses doigts tirer sur l'élastique de son short. Il le laissa continuer, le descendre légèrement, et Beomgyu guetta la moindre de ses réactions entre deux baisers.

- Soobin ?
- J'ai absolument rien pour... Enfin, tu vois ?

Beomgyu lâcha un petit rire amusé, un rictus sur le visage.

- Oh, souffla Soobin. Toi tu es équipé.
- Toujours très cher, avec une mère comme la mienne...
- Ta mère... Ta mère sait.
- Que j'aime les mecs ? Encore heureux.
- Non, enfin c'est...

Soobin avait chaud, Beomgyu le sentait. Son visage devenait cramoisi à mesure qu'il parlait et Beomgyu était fier de son effet. Il savait qu'au fond, Soobin parlait pour gagner du temps, et Beomgyu le laissa faire.

- Ma mère sait que je suis sexuellement actif, oui, si c'est ta question.

Soobin le regarda sans rien dire et Beomgyu passa une main sur son front en sueur dans un geste apaisant. Soobin savait pour ses précédentes aventures, pour ses petites relations sans lendemain. Beomgyu avait été très transparent avec lui dès qu'il en avait eu l'occasion. Il en avait été de même pour Soobin qui lui avait admis ne jamais avoir été très loin avec ses ex. Beomgyu n'avait jamais rebondi sur le sujet, mais n'avait pas pu s'empêcher de laisser transparaître sa surprise. Soobin n'avait jamais été à l'aise avec le sujet.

- Et comme toute mère un peu trop impliquée, elle s'inquiète alors oui, j'ai tout ce qu'il faut.
- Super alors, bafouilla-t-il.
- Cela ne t'engage en rien, continua Beomgyu.

Il continua de caresser affectueusement le ventre de son petit ami, embrassant son front dans le même temps.

- Je sais, murmura Soobin. Merci d'être... aussi patient avec moi.
- Ne me remercie pas, c'est normal. Crois-moi, j'ai attendu des années avant de pouvoir t'embrasser, je peux attendre encore avant d'aller plus loin.
- J'ai peur de ne pas être à la hauteur.

Beomgyu haussa les sourcils, intrigué.

- Je n'ai pas réussi à me renseigner seul, je... Je ne veux pas que tu sois déçu.
- Jusque-là, je ne l'ai jamais été, voulut-il le rassurer.

Soobin sembla se détendre. Juste un peu. Sentant le feu dans son bas-ventre perdre en ardeur, Beomgyu se redressa sur un coude, toujours au-dessus de lui.

- J'ai cassé l'ambiance, désolé.
- Du tout, ça fait partie du truc.
- Vraiment ?
- Comment tu crois que ça se passe ? Pitié, ne me réponds pas comme dans les films, rigola-t-il.

Soobin le regarda d'un air désolé et Beomgyu pouffa de plus belle.

- Je ne dis pas que tout le monde fait pareil, mais moi, quand c'est la première fois avec mon partenaire, je parle toujours avant, continua-t-il en haussant les épaules. Je suppose que les fois suivantes, tout se fait plus naturellement !

Soobin acquiesça en silence et Beomgyu le sentit détendu pour de bon. Il se redressa, avant de se pencher vers sa table de chevet.

- Je le répète, si tu ne te sens pas d'aller au bout, on n'y va pas, lança-t-il en attrapant sa boîte de préservatif.

Reste calme Beomgyu, si tu paniques, il panique, pensa-t-il. Parce qu'au fond, Beomgyu l'avait bien compris : Soobin comptait sur lui. Il referma le tiroir de sa table de chevet, sentant ses joues chauffer un peu.

- Alors, euh..., commença-t-il.
- À la fraise ?

D'un geste du menton, Soobin lui désigna sa petite bouteille de lubrifiant.

- Ouais, bon. J'ai mes préférences.

Soobin semblait sur le point d'exploser de rire.

- Allez, moque-toi va..., soupira-t-il, levant les yeux au ciel.

Soobin ne pouvait pas comprendre. Pas encore. Mais Beomgyu n'avait pas l'intention d'accélérer les choses ce soir. Il s'agita un peu, nerveux, se demandant comment meubler, comment ne pas se liquéfier de gêne devant son petit ami qui lui, l'écoutait comme le messie. Il remercia la faible luminosité de la pièce, les rideaux tirés et ses petites ampoules qui n'avaient plus leur éclat d'antan de camoufler sa timidité grandissante.

- Je dois me tourner ?

Le chuchotement de Soobin manqua de ne jamais lui parvenir. Il le regarda avec des yeux ronds, avant de réaliser pleinement ce qu'il sous-entendait par là. Beomgyu n'avait pas imaginé une seule fois Soobin prenant les devants (les signaux à ce propos avaient été assez clairs depuis le début de leur relation : Beomgyu aimer donner et Soobin recevoir, aucun des deux n'avait jamais vraiment cherché à le cacher et tout s'était imposé naturellement), mais Beomgyu refusait de ne pas le voir.

- Oh Soo... Non, s'il te plaît. Je ne suis pas...

Super fan de cette position, se retint-il de dire. Mais évoquer ses précédentes expériences maintenant n'était pas une bonne idée.

- Je préfère te voir.

Soobin opina du chef, et Beomgyu l'incita à s'installer un peu plus confortablement.

Beomgyu avait imaginé la scène de mille manières différentes. Il avait imaginé le plus gênant, comme le pire, comme le plus fantasmé et finalement... Soobin et lui se découvraient comme il l'avait toujours rêvé. Beomgyu lui parla. Beaucoup. Il l'embrassa aussi, parce que Soobin en redemandait dès que ses lèvres quittaient les siennes. Il glissa une main entre ses jambes et Soobin se figea légèrement, surpris par la texture du lubrifiant sur ses doigts.

- Toujours bon ? lui murmura-t-il.
- Toujours bon, soupira Soobin.

Il ne lui en fallut pas davantage pour continuer. Soobin était parfait. Parfait comme il l'avait toujours imaginé, rêvé depuis des années. Son corps était réactif, il l'adorait. Mais ce que Beomgyu aimait par-dessus tout, c'était entendre son prénom de cette manière. Il l'avait fantasmé des dizaines de fois, mais l'entendre enfin de la sorte était différent. La voix de Soobin était divine à ses oreilles. Euphorique, incapable de résister davantage, il embrassa son épaule, remontant lentement pour mordiller la peau nue de son cou.

Les doigts de Soobin trouvèrent la bordure de sous-vêtement, et Beomgyu se sentit tressaillir.

- Retire-le, lui souffla-t-il.
- Déjà ?

Il le taquinait, parce que son « déjà » était déjà de longues minutes à le préparer, à le faire attendre.

- Je-

La voix de Soobin s'étrangla, se noya dans un gémissement quand Beomgyu retira ses doigts et embrassa sa bouche.

- À tes ordres.

Beomgyu aurait aimé lui demander ce que lui ressentait. L'interroger sur toutes les émotions qui traversaient son esprit, le faire languir encore un peu. Mais comme Soobin, il se retrouva bientôt incapable de formuler la moindre parole cohérente. Il ne voyait et ne sentait que lui. Que Soobin et sa voix dont il était amoureux. Que Soobin qui lui faisait confiance pour sa première fois. Que Soobin qui était parfait pour lui. Soobin lui demanda, le supplia presque, de la douceur et Beomgyu se garda de laisser exploser toute son excitation. Plus tard, peut-être, quand Soobin en redemanderait. Plus tard, quand Soobin aurait envie d'autre chose, de découvrir ce que lui aimait. Mais pour l'heure, Soobin se découvrait et Beomgyu était prêt à répondre à la moindre de ses attentes.

- Vas-y Soo'.

Il le sentit tout proche alors Beomgyu descendit une main entre leurs deux corps, le touchant enfin. Un cri muet lui échappa et Beomgyu l'embrassa, incapable de résister à ses lèvres.

Beomgyu resta ainsi quelques longues secondes, allongé au-dessus de lui, écoutant son souffle erratique et ignorant tout du reste. Il se retira avec douceur, essayant de ne pas le stimuler à nouveau et Soobin laissa échapper un gémissement d'inconfort. Aussitôt, il passa une main sous sa frange, embrassant son visage. L'instant d'après, Soobin l'avait attiré contre lui et Beomgyu laissa échapper un cri de surprise. Sa main le trouva et Beomgyu n'eut pas la force de l'encourager ; Soobin continua jusqu'à le sentir se laisser aller contre lui et Beomgyu s'effondra pour de bon sur son torse. Il sentit les larmes lui grimper aux yeux, son trop-plein d'émotion agripper son cœur et l'empêcher de reprendre son souffle. La joue écrasée contre sa poitrine, Beomgyu réprima un rire heureux. Quand il extirpa enfin sa main d'entre leur deux corps et la porta à sa bouche, Soobin grimaça.

- Tu dégoutes, grommela Soobin.
- Laisse-moi vivre ma fantaisie jusqu'au bout...
- Beurk.
- C'est tout ce que tu trouves à dire ?

Soobin déposa un baiser sur son front et Beomgyu se sentit sourire.

- Je t'aime, lui glissa Soobin.

Beomgyu se redressa sur un coude et plongea son regard dans le sien.

- Je ne pensais pas aimer ça, tu sais... Mais toi... tu es la seule personne avec qui je l'ai envisagé. Merci pour ça, murmura Soobin.
- Pour quoi ?
- D'avoir été mon premier.

Son cœur loupa un battement. Pas de fierté, mais de tendresse. Soobin le pensait. Soobin était sincère. Beomgyu se sentit fondre un peu plus en le réalisant. Soobin toussota, comme gêné de sa soudaine confession et essaya de se redresser.

- On devrait... On devrait se doucher, non ?
- On ?
- Ensemble, si tu veux.
- Tu me proposes un second round ?
- J-je, non !
- J'te taquine Soo, rigola-t-il.

Beomgyu se redressa, à genoux sur le lit, incapable de quitter son sourire béat. Le regard de Soobin ne quittait plus le sien et cet instant, Beomgyu eut envie de le graver à jamais.


La minute d'après, Soobin riait à gorge déployée dans sa douche minuscule. Beomgyu insista pour lui faire son shampoing, puis sécher ses cheveux avant de l'embrasser longuement. Ils restèrent éveillés des heures dans le lit, à parler. D'absolument tout et de rien. De l'appartement que Beomgyu rêvait d'avoir avec lui. Des projets de voyage qu'ils avaient. Beomgyu réalisa que Soobin était bien plus casanier que tout ce qu'il avait toujours cru. Lui avoua à Soobin que si les soirées n'avaient jamais été son truc, il avait découvert une communauté d'autres jeunes adultes gay dans une boîte d'Itaewon, et qu'il se plaisait à s'y rendre de temps en temps. Contre toute attente, Soobin lui posa tout un tas de question là-dessus.

Pour la première fois, Soobin et lui parlèrent un peu de l'avenir.

Et pour la première fois, Beomgyu en imagina concrètement un à ses côtés.


* * *


Soobin avait assez attendu.

Il avait longuement cherché comment l'annoncer à ses parents. Comment leur faire comprendre en douceur que « elle » était en réalité « il », que son couple durait depuis plus d'un an déjà... ce soir était le bon soir. Ses deux parents étaient présents, mais pas le reste de sa fratrie. Soobin voulait le leur dire à part. Il gardait l'espoir de les voir réagir différemment, peut-être de manière moins brutale. Il attendit la fin du repas. Le moment où sa mère sortit un gâteau très colorés qu'elle avait acheté plus tôt dans l'après-midi.

- J'ai quelque chose à vous dire, commença-t-il.

Son père leva les yeux de son assiette, tout sourire, lui faisait signe de poursuivre. Soobin s'entendait bien avec son père. Avec sa mère également, mais il avait toujours été plus proche de lui. Il avait toujours été un enfant calme, studieux, qui avait répondu à la moindre de leurs attentes. Au fond de lui, il espéra de tout son cœur que cela suffise à leur faire comprendre qu'il était toujours le même, en couple avec un homme ou non.

- Je voudrais vous parler de la personne que je côtoie.

Le visage de sa mère s'illumina et elle reposa sa petite cuillère, attentive comme jamais elle ne l'avait été.

- Comment est-elle ? Tu te décides enfin à nos montrer une photo d'elle ? demanda-t-elle.
- En réalité vous... Vous connaissez déjà.... Cette personne.

Ses parents le regardèrent sans comprendre. Ils avaient déjà aperçu Beomgyu de nombreuses fois.

- C'est une camarade de la faculté ? demanda son père.

Sans un mot, Soobin attrapa son portable et chercha la photo la plus récente qu'il avait de son petit ami. Il hésita à en choisir une où Beomgyu était seul face à la caméra. Mais la chose lui sembla injuste. Alors il sélectionna la dernière qu'il avait prise tous les deux et tourna l'écran vers eux.


Il y eut un blanc.


Un blanc long, gênant et ses parents levèrent en cœur la tête vers lui, perdant immédiatement leur sourire.

- C'est une plaisanterie ?

La voix de son père était froide. Sa mère, quant à elle, ne disait plus un mot. Soobin rangea son téléphone dans sa poche, le visage en feu.

- Soobin, soit sérieux deux minutes, lâcha son père avec un rire amer.
- Je le suis. Beomgyu et moi nous nous côtoyions dep-
- Non.
- Non ?
- Non, c'est impossible, gronda son père. Tu es mon fils, et mon fils ne ferait jamais ça.
- Ça quoi ?
- Oh ne fais pas l'idiot Soobin et montre-moi une photo de ta petite amie tout de suite.
- Mon petit ami, et je viens de le faire.

Outrée, sa mère se boucha les oreilles, les yeux rivés sur sa part de gâteau à peine entamée. Elle semblait sur le point de fondre en larme et Soobin se sentit sur le point de l'imiter. Ils ne comprenaient pas. Sans doute ne comprendraient-ils jamais.

- Écoute-moi bien mon garçon, il en est hors de question. Ce n'est pas comme ça que nous t'avons éduqué, nous n'avons pas tant sacrifié pour que notre fils tourne aussi mal, nous... Nous pouvons y remédier. Peut-être, faire quelque chose pour toi. Aller parler à sa mère et lui faire jurer de tenir son fils loin de toi, je-
- Arrête papa.

Il lut la tristesse dans son regard. La déception aussi. Mais surtout, la volonté de l'aider. Au plus profond de lui, son père le voyait comme une personne en détresse et cela le brisa intérieurement.

- Je suis sérieux Soobin.
- Moi aussi.

Son père se leva et aussitôt, Soobin l'imita. Il ne devait pas le laisser prendre l'ascendant, il le savait. Soobin était plus grand, de deux bonnes têtes et il le toisa de haut, comme il le put.

- Je refuse que cette chose touche à mon fils.

À ce moment-là, Soobin perdit le fil. Son père continua. Encore et encore. Et pour la centième fois de sa vie, Soobin eut le droit au discours qu'il entendait depuis tout petit. Sa mère sembla se reprendre et en rajouta, une couche puis une autre. Tous les mots se brouillaient dans son esprit. Toutes les insultes aussi.


Je ne peux pas y croire.

Pas notre fils.

Pas de ce bord-là !

Il n'a jamais été homosexuel.


- Soobin, tu dois te ressaisir.

Son père avait agrippé ses épaules et Soobin demeura stoïque. Son père n'était pas en colère. Son père était détruit. Il le voyait à son regard, comme si son monde tout entier venait de s'effondrer.

- Tu es un homme Soobin, tu ne peux pas... Faire ce genre de chose.

Derrière eux, sa mère poussa un gémissement de douleur. Sans qu'il ne puisse le contrôle, une première larme lui échappa.

- Vous ne m'avez même pas demandé, murmura-t-il.
- Pardon ?
- Si j'étais heureux, vous ne m'avez même pas demandé.
- Parce que tu ne l'es pas, murmura sa mère. C'est absurde enfin ! Que comptes-tu faire avec ça, hein ? Une fois qu'il t'aura complètement perverti l'esprit, il va te lâcher, il-
- Beomgyu. Pas « ça ». Il a un putain de prénom !

Sa mère le dévisagea avec des yeux ronds et son père le lâcha subitement, le visage mortifié.

- Je refuse qu'il touche mon fils.
- C'est un peu tard pour ça, rétorqua-t-il.

Sa mère poussa un nouveau cri au moment où la main de son père heurta son visage. Les yeux ronds, incapable de bouger, Soobin sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. Il était resté face à lui, stoïque, encaissant le coup sans broncher.

- On va y remédier.
- Non.
- Oh que si, sous mon toit, il n'y a pas de place pour ce genre de pervers. Alors on va-
- On ne va rien faire du tout ! hurla-t-il.

Soobin trouva le courage et la force de reculer. L'instant d'après, il leur tourna le dos et quitta la cuisine. Le cœur battant à mille à l'heure, il courut dans sa chambre et attrapa son sac de cours et la valise qu'il stockait sous son lit. Il devait faire vite.

Il ferma la porte de sa chambre à clef, ignorant les coups donnés par sa mère et les cris de son père. Vif comme jamais il ne l'avait été, Soobin ouvrit sa valise sur son lit et y jeta tout ce qui lui tenait à cœur. Ses habits favoris. Ses livres préférés. Les tubes de peinture restants qu'il n'avait pas encore laissés chez Beomgyu. Sa console, son ordinateur portable. Il attrapa les objets et les babioles qui avaient de la valeur à ses yeux et balaya sa chambre du regard. Le reste pouvait rester. Le reste n'était pas réellement à son image : elle était à celle que ces parents avaient eue de lui et il le réalisa seulement maintenant. Cela le révulsa. Toute sa vie tenait dans son énorme valise et son sac à dos.

Il ouvrit la porte, son casque sur les oreilles, la musique à fond. Son père hurla quelque chose et Soobin le bouscula pour passer. Il traîna sa valise trop lourde jusqu'à la porte d'entrée, sans s'arrêter, sans un dernier regard pour ceux qui l'avaient éduqué, nourri, logé pendant plus de vingt ans, mais qui n'avait pas été capable de l'accepter. Il se sentit ingrat, comme le pire fils de l'univers. Mais la peur qu'il avait ressentie en entendant ses parents parler n'en valait pas le coup. Sa mère agrippa sa chemise, les larmes aux yeux et Soobin la dégagea d'un geste brusque, décalant légèrement son casque pour l'entendre.

- Ne sois pas aussi stupide !
- Je reviendrais quand vous accepterez. Je ne vous bloquerais jamais, vous connaissez mon numéro de téléphone.

Et ce fut les derniers mots que Soobin prononça avant de leur tourner le dos pour de bon.


Il ne s'arrêta pas une seule fois en chemin, jusqu'à entrer dans la station de métro qui le mènerait chez Beomgyu. En cet instant, il garda l'espoir que ses parents s'excusent. Il pria le ciel pour qu'ils lui téléphonent le soir même, se confondant en excuse.


Mais sans le savoir, en cette fin d'après-midi, Soobin venait de leur parler pour la toute dernière fois.


*


Il erra longuement avant de finalement trouver le courage de grimper les escaliers de l'immeuble où vivait Beomgyu. Il avait téléphoné complètement paniqué à Taehyun, pleurant toutes les larmes de son corps, incapable de se calmer. Taehyun était dans le sud du pays avec ses parents et Soobin réalisa tardivement que Taehyun vivait toujours avec eux et que jamais ses parents accepteraient de l'héberger. Il avait fait de son mieux pour le calmer, lui promettant que Beomgyu ne le laisserait jamais dehors.


C'était une idée idiote, Beomgyu l'aimait.

Mais la crainte parlait à sa place.

Les horreurs qu'il avait entendu de la bouche ses parents résonnaient encore en lui.


Le visage humide, à bout de force, il frappa trois petits coups secs à sa porte.

- Beomgyu ?

Pas de réponse. Beomgyu n'était peut-être pas là. Ou Beomgyu n'ouvrait pas, car il n'avait pas été prévenu de sa venue.

- Beomgyu s'il te plaît...

La gorge nouée, il entendit du bruit derrière la porte et s'en fut trop. Au moment où cette dernière s'ouvrit, il fondit en larmes, incapable de se retenir à nouveau.

- Soobin ?

Immédiatement, Beomgyu l'attira contre lui. Il poussa sa grosse valise à l'intérieur avant de refermer la porte, attrapant son visage en coupe, l'air profondément inquiet.

- Parle-moi Soobin, que se passe-t-il ?
- J-je suis désolé, j-je...
- Eh...

Beomgyu n'insista pas. Il lui retira sa veste, la déposa sur le premier meuble venu et le tira un peu plus à l'intérieur, l'incitant à lâcher la poignée de sa valise. Il passa une main dans ses cheveux, attrapa un mouchoir pour tamponner son visage avec délicatesse et embrassa l'une de ses joues avec douceur. Sans le lâcher, il alluma sa petite bouilloire et Soobin esquissa un sourire malgré la boule toujours coincée dans sa gorge et les sanglots qu'il peinait à contenir.

Quelques minutes plus tard, il se serrait contre lui, en boule dans son lit. Beomgyu avait déposé deux tasses de chaï latte bouillante sur sa petite table de chevet et passait une main dans ses cheveux, le berçant avec affection. Il n'y avait plus un bruit dans l'appartement et Soobin se sentit si chanceux de l'avoir à ses côtés. Il renifla, le nez enfoui dans son pull tout doux, les yeux clos. Il n'entendait rien d'autre que les battements de cœur du jeune homme dont il était amoureux et soudain, tout lui sembla plus paisible. Eux, dans cet appartement minuscule. Eux, qui finalement avaient toujours été en harmonie depuis le début de leur relation.

- Je t'aime tellement, si tu savais, murmura-t-il.
- Moi aussi Soo.

Il se redressa, juste à peine pour attrapa sa tasse et boire une petite gorgée.

- Ton chaï est très bon.
- Je sais comment tu l'aimes, s'amusa Beomgyu.

Les larmes lui grimpèrent aux yeux immédiatement et Beomgyu le notifia.

- Oh non, Soo, je-
- Désolé, c'est juste... Je n'arrive plus à me contenir.
- Tu veux en parler ? De ta valise ?
- J'me suis barré, souffla-t-il.

Beomgyu ne répondit rien, un air interdit sur le visage.

- Je leur ai tout avoué et je suis partis parce qu'ils... Ils refusent de comprendre.
- Merde, Soobin...
- Je trouverais une solution pour me loger, mais j'ai pensé que ce soir-
- Rêve. Tu ne vas nulle part.
- Je ne veux pas précipiter les choses Beomie, m'imposer chez toi...
- Je m'en fous. Tu n'as pas de boulot, pas de famille sur Séoul. Je refuse de te laisser comme ça.

Beomgyu se redressa dans son lit, un air soudain sérieux sur le visage. Il attrapa ses mains dans les siennes et Soobin le laissa faire, penaud, le cœur battant à tout rompre.

- Écoute, voilà ce qu'on va faire. Tu crèches ici jusqu'à que tu trouves un taff qui te permette de t'assumer seul. En attendant, crois-moi, je suis heureux de t'avoir avec moi. Je ne te laisserai pas tomber, jamais. Je sais que mon appartement n'est pas le meilleur, il est petit et on entend un peu trop bien le voisinage...
- J'aime vivre avec toi, le coupa-t-il. Je n'ai jamais été aussi heureux que tous les moments que j'ai passés ici.

Le sourire de Beomgyu s'agrandit soudainement.

- Si tu y tiens, trouves un boulot, et prends ton appartement, répondit-il. Mais si tout se passe bien entre nous, je ne te mettrais jamais dehors. Tu n'imagines pas le nombre de fois où j'ai rêvé me réveiller à tes côtés tous les matins Choi Soobin. Mon appartement de rêve, pour après nos études... Tu y es.
- Avec ta machine à laver vert pistache.
- Exact.

Soobin se pencha légèrement, juste assez pour que leurs fronts s'effleurent et inspira profondément. Il se demanda combien d'années Beomgyu et lui s'aimeraient. Encore une, deux ? Plus lui semblait surréaliste. Il essaya de les imaginer, proche de leur trentaine, toujours ensemble, dans un petit salon qu'ils auraient repeint eux-mêmes. Avec Taehyun à leur côté, toujours le même. Yeonjun aussi, peut-être, quand ce dernier reviendrait sur Séoul. Avec les mots encore frais de ses parents à l'esprit, Soobin peinait à réellement le visualiser. Pourtant, il en rêvait. Le souhait de Beomgyu était devenu le sien également.

- Soo ?
- Mmm ?
- Je sais que le moment n'est pas idéal mais...
- Tu peux.
- Tu ne sais même pas ce que j'allais demander.
- Tu peux m'embrasser.

Beomgyu leva les yeux au ciel et Soobin comprit qu'il avait visé juste. Il l'entendit à peine râler, juste avant qu'il ne dépose ses lèvres sur les siennes.


Ô ce que Soobin l'aimait.

Ce soir-là, il en oublia sa valise restée fermée dans l'entrée de l'appartement.

Beomgyu était à ses côtés et c'était bien là tout ce qui comptait à ses yeux.

Beomgyu et tout ce qu'il était prêt à braver pour rester à ses côtés le plus longtemps possible.




6 ans plus tard


- Ils vont se détester.

Soobin lui jeta un coup d'œil amusé et Beomgyu haussa les sourcils, comme pour le défier.

- Vas-y, dis-moi que j'ai tort ?
- Je pense que tu as raison, mon Beomgyu chéri.

Beomgyu leva les yeux au ciel. Aujourd'hui était le grand jour, Taehyun rencontrait Kai. Kai, le meilleur ami de Yeonjun. L'autre, meilleur ami de Yeonjun. D'un certain côté, Beomgyu attendait ce moment avec impatience. Pour la première fois depuis six ans, tous allaient être réunis. Yeonjun, Kai, Taehyun, Soobin et lui. Pour la première fois, tous les amis dispersés se retrouvaient à Séoul. Quand Yeonjun avait annoncé la grossesse de sa femme, Beomgyu l'avait senti venir et était assez fier de ne pas s'être trompé.

- Mais je pense aussi qu'il y a une petite chance qu'il lui tape dans l'œil, ajouta Soobin.

Beomgyu glissa une main dans la sienne et Soobin se pencha vers lui, l'embrassant tendrement sur une de ses tempes. Soudain adouci, il cala sa tête contre son épaule, tout en continuant à marcher. Jusqu'à arriver chez Yeonjun, il ignora fièrement le regard de quelques passants ; avec Soobin à ses côtés, il se sentait invincible depuis des années.

Parce que cela faisait des années que Soobin et Beomgyu avaient cessé d'être gênés par le regard des autres. Ils vivaient discrètement, dans leur appartement qu'ils avaient loué tous les deux à la fin de leurs études respectives. Sa mère avait été la première à les aider à tout repeindre et déplacer quelques affaires légères. Le reste, Taehyun s'en était chargé, embrigadant également Yeonjun, fraichement débarqué à nouveau sur Séoul. Ils avaient fait sa connaissance dans ce drôle de contexte et Beomgyu était tombé sous son charme. Rapidement, Yeonjun était rentré dans leur petit trio, le transformant en quatuor. Yeonjun leur avait fait rencontrer Kai, son meilleur ami qui vivait à Hawaii pendant des vacances où il avait été de passage. Il avait fallu trente minuscules secondes à Beomgyu pour savoir que Huening Kai et lui partageaient beaucoup de points communs.

- Tu imagines qu'ils ne se sont encore jamais croisés ? C'est dingue quand on y pense, s'amusa Soobin.
- C'est parce que le destin voulait les choses autrement !
- Toi et ton destin, rigola son petit ami.
- Il a bien fait les choses avec nous !

Le destin n'avait pas été tendre au départ, Beomgyu et Soobin aimaient en rire de temps en temps. Et puis... Soobin n'avait jamais repris de contact avec ses parents. Beomgyu l'y avait gentiment encouragé, mais il avait toujours refusé. Ses frères et sœurs lui envoyaient en catimini des messages de temps en temps et cela lui suffisait. Ses parents avaient définitivement tourné la page et ils le savaient tous les deux.



Taehyun n'était pas encore arrivé quand ils franchirent le pas de la porte. Kai était en grande discussion avec Yeonjun aussi, Soobin se dirigea naturellement vers Jia pour la saluer et il fit de même. Beomgyu n'avait jamais voulu avoir d'enfant. Mais il devait avouer que le projet de famille de l'un de ses plus proches amis lui tenait à cœur. Il suivait de près l'évolution de la grossesse de Jia, toutes les tribulations de Yeonjun qui paniquait de plus en plus à l'idée d'être papa. Et pour couronner le tout, il écoutait Taehyun en parler toutes les semaines depuis que Yeonjun leur avait annoncé la grande nouvelle. Taehyun semblait préoccupé par la grossesse de Jia, comme si elle avait été sa propre femme. Beomgyu avait rapidement mis cela sur le compte que Yeonjun était son meilleur ami, que Taehyun voulait être un ami attentif et toujours présent. Au fond, Beomgyu savait aussi que Taehyun avait dû ressentir un pincement au cœur quelques années plus tôt quand Yeonjun s'était marié et un plus gros quand ils avaient annoncé la grossesse de Jia.

Soudain, la sonnerie de l'appartement retentit. Fidèle à lui-même, Beomgyu suivit Yeonjun et sauta sur Taehyun dès que ce dernier passa l'encadrement de la porte. Puis, Kai entra en action. Le merveilleux meilleur ami blond tout droit venu d'Hawaii, s'avançant vers le rigide et scolaire Taehyun. Cette scène avait quelque chose de risible et Beomgyu se tourna vers Soobin, guettant la moindre de ses réactions. Puis, l'impensable se produisit.

- Tu dois être le fabuleux Taehyun ! s'exclama Kai.

Kai le prit dans ses bras. Beomgyu sentit Soobin se tendre à ses côtés et l'imita. La seconde d'après, Beomgyu avait dégainé son téléphone pour immortaliser le moment, trop heureux de voir le spécimen qu'était Kai bousculer ainsi le moins tactile de ses tous ses amis.

- Junie m'a tellement parlé de toi !

Beomgyu vit Soobin se retenir de rire.

- Je suis si heureux de faire ta connaissance !

Beomgyu l'imita.

- Moi de même, marmonna Taehyun d'une voix hachée qui signifiait clairement un embarra profond.

Tout le reste ne fut qu'une succession d'échanges gênants et Beomgyu se régala.



Ce ne fut qu'à la toute fin de leur rencontre que Beomgyu capta quelque chose. Alors avachi sur le canapé, les jambes sur celle de son petit ami, il ouvrit de grands yeux quand l'illumination le frappa soudainement. Il donna un coup de coude à Soobin, soudain très excité. D'un geste de la tête, il désigna Kai, puis Taehyun. Les deux s'épiaient d'un bout à l'autre de la pièce, osant à peine se parler franchement. D'abord, Soobin ne comprit pas. Alors Beomgyu se pencha vers son oreille, amusé.

- Ils me rappellent deux ados infernaux.

Soobin ouvrit de grands yeux et se tourna vers lui.


Il le voyait lui aussi.

Comme une réminiscence du passé.

Un souvenir lointain, qui avait débuté dix ans plus tôt.


Beomgyu eut envie d'en rire soudainement. Parce que Taehyun avait toujours été là : leur plus grand supporter. Sans qu'il ne le sache, il avait œuvré à ce que lui et Soobin ne se séparent jamais vraiment. Taehyun avait toujours été là pour les épauler, chacun de leur côté. Taehyun qui avait lu en eux plus facilement qu'ils n'avaient lu en l'un et en l'autre.

À présent, Soobin et Beomgyu le réalisaient : il était temps de lui rendre la pareille.



- So sweet like nectar, fin.






-- note de fin --

Merci énormément de m'avoir lu sur "So sweet like nectar" ! J'espère que ce prequel de "BLUE SPRING" vous a plu, sachez que j'ai adoré l'écrire du début à la fin ! Je peux dire que mes deux perso m'ont pas mal challengé sur ce projet héhé

Pour celleux qui ont lu "BLUE SPRING", la boucle est bouclée ! Pour celleux qui ne l'aurait pas encore lu et qui ont démarré par cette fic, je vous encourage à aller la découvrir :3

Comme toujours, je suis très heureuse de recevoir des votes et des commentaires alors n'hésitez pas ! À une prochaine, sur "SIREN: DAWN" ou un autre projet ~

(petite note: je suis également sur AO3 avec le même pseudo et je poste également là-bas en français ! n'hésitez pas à aller jeter un coup d'oeil si cela vous intéresse, mes ff sur ao3 sont inédites haha)

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