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Heigh-Oh, who are you ?
Perdue entre deux grands sapins verts, l'entrée d'une mine se cachait derrière un rocher, habillé d'une mousse jaunâtre qui transperçait la nappe de neige. Posée sur la roche, une mésange chantait paisiblement, avant que sa mélodie n'en rencontre une autre.
En effet, des sifflements se faisaient entendre, accompagnés de plusieurs voix qui chantaient par dessus. Sept voix distinctes, provenant de sept petits bons hommes : des nains.
Leur pioche sur une épaule, marchant les uns derrière les autres, les hommes de petite taille chantaient, un air béa plaqué sur le visage. Bientôt, leur chant fut accompagné du petit oiseau qui zinzinula gaiement. Et le chemin se passa ainsi, jusqu'à leur retour chez eux.
Une fois arrivés devant leur petite chaumière, les frères se disputèrent pour savoir lequel avait la clé. Le simple questionnement se transforma rapidement en brouhaha qui fit s'envoler les oiseaux et fuir les biches qui se trouvaient près d'ici. Et tandis qu'aucun des nains n'arrivait à se faire entendre, la voix de Blanche-Neige réussit à les faire taire.
Essoufflée après avoir couru dans le froid qui s'était retourné contre elle, Blanche s'accordait un moment de répit. Lorsque la braise qui consumait ses poumons se calma, elle ouvrit la petite porte, d'un simple balancement de la main.
— Tu veux qu'on rentre après qu'une sorcière nous ait ouvert la porte ? demanda le frère aux sourcils constamment froncés.
— Je ne suis pas une sorcière, vous pouvez donc rentrer sans crainte.
Les nains se regardèrent, discutant à l'aide de simples regards. Rapidement, ils décidèrent de laisser le cadet passer devant. Ce dernier, qu'on nommait Simplet, regarda ses ainés, avala difficilement sa salive, et entra. Une fois l'embrasure de la porte derrière lui, il ferma les yeux, par peur de ce qui allait advenir.
Et tous furent surpris que rien ne se passa.
Blanche elle, leva les yeux au ciel, avant d'entrer à son tour, rapidement suivie par les six autres petits hommes. Ces derniers allèrent retrouver leur frère, puis observa la jeune femme.
— Pourquoi me regardez-vous ? C'est moi qui devrais vous regarder ainsi, vu votre physique si particulier.
— Charmante...euh..Que faites-vous seule dans la forêt ? questionna l'un des nains, aux lunettes rondes.
— Un chasseur a voulu me tuer... J'ai fui à travers la forêt et me voilà...avec vous.
La princesse raconta son récit, sous les yeux éberlués de son auditoire. Elle en profita pour observer un à un ces hommes ; du plus jeune au regard vide, en passant par celui qui bayait, ennuyé, ainsi que par celui qui jouait avec sa barbe, celui qui tentait de retenir un éternuement, l'autre qui souriait sans raison apparente, ou celui aux grosses lunettes, ou encore celui aux sourcils broussailleux qui rendaient son visage si colérique. Ils étaient tous si semblables, et pourtant si différents.
Blanche les regarda encore un peu, avant de partir s'asseoir sur une petite chaise en bois.
— Si j'avais peur, maintenant je vois cela comme une opportunité. Je peux fuir ma demeure qui ne me comprend pas. Et je peux tout recommencer...ici ?
— Ici ? Vous croyez vraiment que l'on va accueillir une parfaite inconnue chez nous ? Alors qu'un homme a essayé de la tuer et qu'il y en a peut-être d'autres à ses trousses ? Les auberges existent ma p'tite. Pourquoi accepterions-nous ?
— Grincheux...murmura l'un de ses frères.
— Parce que c'est la princesse et votre future reine qui vous parle !
À ces mots, tous lâchèrent un hoquet de surprise.
— Vous désirez fuir le château ? Alors vous y laissez votre titre. Et ici, c'est les nains qui décident.
— Justement, on peut en discuter Grincheux...
Le nain qui venait de prendre la parole avança, toujours en souriant. Il s'approcha de Blanche et posa ses mains potelées sur ses genoux.
— Si vous dites être malheureuse, laissez mes frères et moi réfléchir.
Blanche acquiesça puis quitta sa chaise. Elle sortit de la chaumière, en attendant le verdict.
À l'intérieur la cacophonie faisait trembler les murs. Joyeux et Prof désiraient aider la jeune fille, Grincheux insista sur le fait que c'était une sorcière, soutenu par Timide et Atchoum. Tandis que Dormeur et Simplet ne cessaient de changer d'avis.
— Bon, nous ne sommes pas de mauvaises personnes, on ne laissera pas la princesse être malheureuse, ou se faire tuer. Quels odieux personnages serions- nous ? Voyons mes frères, laissons lui une chance, proposa Prof.
— Une chance de nous tuer ? murmura Timide.
— Il a raison, princesse ou non, elle a des pouvoirs. Et qui prouve sa royauté ? Rien. Vous désirez vous comporter comme des princes c'est vos affaires, mais ne nous offrez pas à ce monstre.
— Ce monstre ? Elle a l'air, il bailla, si douce...
Tout en grognant, le nain croisa les bras, la mine renfrognée. Ses frères ne voyaient que la façade de la jolie princesse. Une telle beauté cachait forcément quelque chose. Grincheux le sentait, et son frère si réservé partageait son avis.
— Et si c'est la princesse comme elle le prétend, que ferons nous quand son père, le roi, viendra la chercher ? Qu'en adviendra-t-il des nains qui ont caché la future reine ?
— Le roi ne nous punira pas pour avoir sauvé sa fille...
— Bien, faites comme vous voulez, mais ne comptez pas sur moi pour être chaleureux avec elle.
— Comme si tu étais chaleureux avec qui que ce soit.
Tandis que ses frères riaient à la blague de Simplet, Grincheux partit remplir sa chope de bière. Il la fit claquer sur la table décorée d'un vase vide, et s'assit. Il ne tarda point à être rejoint par le reste de la famille.
— On lui demandera de faire les tartes aux prunes que tu aimes tant.
Je doute qu'elle sache faire autre chose que de la magie avec ses mains...grommela le nain, en se retenant de dire ses pensées tout haut. Surtout que le fruit de leur débat rentrait dans la chaumière, le plus jeune des nains lui tenant le bras.
Agacée par ce contacte physique, Blanche garda malgré tout son calme et alla s'asseoir elle aussi. Les chaises de la maison étaient étonnements grandes - comme le reste d'ailleurs- pour appartenir à des petits hommes.
— Bon, nous avons discuté, oui, discuté...comme tu le sais et...nous acceptons de partager notre toit avec toi euh non, notre toit avec vous...enfin...si vous acceptez toutefois de nous faire le ménage et des tartes aux prunes.
— On vous demande l'aumône, et vous installez des conditions ? L'aumône n'est pas censée être faite de bonnes grâces ?
— Vous avez un palais qui vous attend, vous pouvez partir. Et la moindre des choses et de nous remercier, si vous ne voulez pas être redevable.
— Grincheux c'est ça ? Je ne suis pas là par choix, je pourrais vous remercier plus tard. Vous avez besoin d'une servante ? Trouvez-vous en une ! Je ne le suis pas !
— La vie est rude une fois les murs du château franchis. Il fallait s'y attendre, princesse.
La colère bouillonna sous les veines de Blanche, appelant sa magie qui ne demandait qu'à exploser.
— Bien, je ferais des tartes...mais à ma manière. Le marché est clos ? Bien, laissez votre princesse se reposer. On ne se remet pas aussi facilement de quelqu'un qui veut vous tuer...
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Pendant que Blanche neige cherchait le sommeil dans les draps frais des nains, ces derniers discutez en bas, tout en faisant la vaisselle.
— Elle viens chez nous, s'impose et maintenant voilà qu'elle nous force à dormir par terre ? Il faudrait commencer à écouter Grincheux...se plaignit Atchoum.
— Voyons, elle ne restera pas éternellement...
— Elle n'est pas du genre à attendre son prince charmant hein !
— Et elle m'a plutôt l'air dure à vivre.
Malgré la compassion que la moitié de la fratrie ressentait pour la princesse, tous se mirent à soupirer, ne pouvant nier les dires de leurs frères. La princesse n'avait pas l'air si pure que la neige, ou du moins aussi blanche. Néanmoins, ils devaient lui donner une chance.
Une fois la vaisselle propre, les frères se rendirent à la petite fontaine qui décorait leur jardin. Armés de leurs savons et de leurs tissus propres, ils allaient enfin retirer la saleté que la mine déposait sur eux.
Et comme à leur habitude, ils firent cela en sifflant, ce qui vint perturber la princesse qui ne dormait toujours pas. Celle-ci poussa légèrement les rideaux gris qui se trouvaient près d'elle, et observa ses hôtes. Ils avaient l'air gentils. Elle ne voulait pas qu'ils sachent que Blanche-Neige, avait tué un homme.
Cet acte la hantait tellement, qu'elle n'imaginait pas le dire à voix haute. En le racontant, elle le rendrait...réel ? Mais il l'était déjà. Et c'est pour ça qu'elle ne pouvait s'empêcher de voir le corps du chasseur, inerte près de ses genoux, et les croassements des corbeaux autour d'eux. Dès qu'elle fermait les yeux, c'est ce qu'elle voyait. Seul le sommeil l'en empêcherait.
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Le lendemain, les nains étaient parti à la mine, bien avant que le soleil ne se montre ; en sifflant bien évidemment. Leur chant l'ayant réveillé, Blanche avait fait valser la couverture qui couvrait son corps et était descendue. La table, tel un cimetière d'assiettes et de chopes lui coupait l'appétit, s'en parler du fait qu'il n'y avait rien, à manger.
Machinalement, la princesse fit bouger ses mains dans l'espace vide, créant une fumée verte, qui alla nettoyer la table. Les cadavres de vaisselles furent remplacés par un petit déjeuné, et le vase vide qui y trainait rencontra une fleur pour la première fois depuis longtemps.
La journée touchant à sa fin, les nains rentrèrent chez eux, chantant et heureux de leur travail. Mais ce bonheur ne dura point quand ils aperçurent des flammes vertes consumer leurs meubles. Se demander qui était responsable de cela ne servirait à rien, tous savaient la réponse, le responsable. Blanche.
— Oh, vous êtes déjà là ? Vous pourriez m'aider à retrouver ce sal ...papillon !
Ahuris, les sept nains ne bougèrent pas un pouce. Le regard fixé sur leur invitée. Tout ce désastre pour un papillon ? S'ils étaient tentés de ne rien dire, Simplet ne garda pas le silence longtemps.
— Tu...pouvais simplement le faire sortir ? Tu voulais faire quoi ? Le tuer...?
— Son sort m'importe peu, tant qu'il vole loin de moi.
— C'est un insecte mais sa vie n'en vaut pas moins qu'une autre !
À peine sa phrase s'envola, le nain cadet se retrouve projeté contre le mur, par une force invisible. Le bras de Blanche tendu dans sa direction, il se releva et murmura une vague excuse. Une telle colère n'était pas nécessaire.
— Eh oh ! Ne passe pas ta colère sur Simplet. Accepte ce que l'on te dit...
— Et vous laissez moi décider du sort que je réserve à ceux qui jouent avec mes nerfs.
Après cet échange, Blanche disparut dans un nuage vert.
La fratrie se précipita vers le plus jeune, qui n'avait heureusement que mal à la tête. La princesse l'avait, dans un sens, épargné. Alors les nains allèrent préparer leur repas, sans remarquer la tarte aux prunes qui reposait sur le rebord de la fenêtre.
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