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Hunting Hunter
Il était bientôt une fois...Une princesse aux lèvres de sang et à la peau de neige, qui allait sombrer dans un sommeil éternel.
Blanche-Neige, assise sur un petit banc recouvert de neige, observait le paysage qui se dessinait devant elle. Un puits, paré d'une écharpe blanche, dominait sur tout le jardin du Palais Royal, tout en servant de branche à de frêles colombes. La simplicité de la margelle contrastait l'excentricité des verdures, et la jeune enfant l'admirait pour cela. Il était simple, mais pourtant remarquable. Et c'était bizarre à imaginer, mais elle voulait être comme lui. Elle n'en était d'ailleurs pas loin...
Un oisillon à la gorge écarlate se posa sur ses genoux, ses petites pattes s'agrippant au tissu jaune de sa robe. Timide, craintif, l'oiseau ouvrit le bec, laissant une douce mélodie s'y échapper. La princesse sourit tout en caressant la tête du volatile, avant de taper du pied, afin de le faire s'envoler.
— Argh...Tu n'iras pas loin avec cette piètre mélodie !
Désormais énervée, Blanche-Neige se leva, enfonça ses bottes dans le sol immaculé de blanc, et se dirigea vers l'une des portes du château. Cette dernière vomissait un long escalier, avec au bout du chemin, la plus haute tour de la demeure royale. Bien que peu de personnes s'y rendaient, la jeune fille aux cheveux ébène adorait s'y aventurer. Du plus longtemps qu'elle s'en souvient, la vision qu'offrait cette hauteur valait toutes les marches du monde. Tant pis pour ceux, trop feignants pour monter l'admirer.
Une fois dans la tour, Blanche se dirigea vers le balcon, se pencha, et regarda tout son futur royaume s'étendre. Des petits villages aux fleuves, elle pouvait tout voir. Et la confiance que cela lui procurait n'avait pas de nom.
Malheureusement, une ombre approchait de son bonheur, un petit carrosse noir, et aux grandes roues dorées, qui s'approchait du palais.
Encore un prince, un prétendant. Depuis son plus jeune âge on rêvait à la place de Blanche, on lui promettait un grand mariage avec un homme de bonne famille. Sans savoir qu'elle n'en voulait pas ; de ce mariage. La jeune fille rêvait d'aimer, oui, d'être aimée aussi, mais le mariage ne l'intéressait guère. Et qu'on l'oblige à penser autrement, la rendait malade.
Se retournant vers le miroir qui décorait le mur derrière elle, Blanche observa son reflet. Ses yeux s'offraient un duel, mais l'image qu'elle voyait dans la glace gagnait toujours. Parce que elle, n'était qu'une image.
— Oh miroir mon beau miroir, dis-moi qui est la plus triste du royaume.
Sans surprise, la princesse s'admira une dernière fois, avant de redescendre de sa tour.
Plus tard dans la journée, alors que le soleil embrassait la terre de ses derniers rayons, le château était en fête. La musique résonnait entre les murs décorés de rideaux verts, les lumières suspendues aux plafonds illuminaient les danseurs qui valsaient sur la piste, laissant leur ombre les imiter sur les pierres du palais.
Mais si un invité voyait en cette fête un moment de joie, il ne voyait pas la princesse, assise, seule, sur un banc du jardin.
Un livre à la main, Blanche-Neige plongeait dans ces pages jaunies, où reposaient divers croquis de plantes. Le coup de crayon était magnifique, fluide et précis ; rendant le résultat plus magnifique encore. La princesse ne savait ce qui était plus beau entre le dessin ou la véritable flore qui décorait ces pages.
— Une princesse ne devrait-elle pas être en train de danser ?
— Oh, la danse n'est pas mon fort, du moins...devant tant de gens.
— Je vous comprends, je n'aime pas danser, bal ou pas d'ailleurs... déclara une voix masculine, en sortant de l'ombre qu'offrait une cascade de fleurs.
L'homme à qui appartenait cette voix se trouvait être grand, avec des épaules larges, bien trop larges pour appartenir à un prince. Blanche le remarqua, mais ne dit rien, gardant cela pour elle. De son corps musclé, le jeune garçon s'assit, et offrit un doux regard à la princesse. Leurs yeux, bruns à tous les deux, se rencontrèrent, sans pouvoir se quitter. Du moins, le pensait-il...La princesse tourna la tête, rompant ce contact.
Les joues, encore plus rouges que d'ordinaire, la jeune fille affichait un minois où régnait la gêne. Mais là encore, c'était seulement ce qu'il pensait...
❀❀❀
Quelques mois s'étaient écoulés depuis le bal. Blanche n'avait jamais revu cet inconnu, et s'en portait très bien. Seul son père, et la cour, se souciaient de ce détail. Pour eux l'amour n'arrivait pas, il fallait le créer. Et ils y étaient presque parvenus. Pas un seul membre du château n'avait vu la princesse danser lors d'un bal, encore moins avec un cavalier. Alors leur joie était sans pareille, quand Blanche valsait au bras du bel inconnu des jardins.
Néanmoins, sa disparition soudaine inquiétait beaucoup plus les serviteurs que l'héritière. Remarque qui ne tarda point à courir dans tout le château, avant d'arriver aux oreilles de celle qu'ils nommaient désormais " sans coeur".
Mais la princesse n'y prêtait point attention. Elle continuait d'avancer dans les couloirs, tête haute, ravalant les larmes qui menaçaient de couler, de temps à autre. La jeune fille se voulait forte, malgré la tristesse qui la rongeait.
Alors, afin de ne montrer sa faiblesse en ce nouveau jour d'hiver, Blanche décida d'aller se promener en forêt. Seule. Car après tout, qui voudrait l'accompagner, et qui voulait-elle bien supporter ? Personne. La solitude se montra donc comme l'unique et meilleure option.
La princesse laissa derrière elle la lourde porte qui scellait les deux murets qui protégeaient le château, replaça son capuchon sur ses mèches de charbon, et partit se perdre dans la forêt. Le tapis de neige qui s'étalait à ses pieds était parsemé d'empreinte de pas qu'elle tentait de deviner, et les arbres chauves formaient un couloir qui la bordait le long du chemin. Leurs bras dépourvus de feuilles pendaient au-dessus d'elle, déchirant le ciel de plusieurs cicatrices noires. Le paysage hivernal, effrayant au premier abord, offrait une douce brise qui venait mordre les joues de la princesse, née durant l'un des hivers les plus froids.
Heureuse de profiter de cette liberté nouvelle, la princesse ne remarqua pas la masse sombre qui suivait ses pas.
Désormais allongée sur son lit poudreux, Blanche caressait la neige, en observant les oiseaux au plumage blanc qui volaient entre les nuages. Les colombes faisaient partie de la vie de la princesse, étant donné qu'ils étaient les oiseaux favoris de sa tendre et défunte mère. Enfant, la reine et sa fille adoraient les admirer.
Blanche ferma les yeux, tentant de se rappeler ses moments d'enfances.
Quand elle les ouvrit à nouveau, un visage se tenait au dessus de son minois d'ange. L'homme à la barbe rousse offrit un sourire à la princesse, avant de placer un couteau sous sa gorge.
— Admires les colombes ma jolie, ce sera la dernière chose que tu verras...avant de mourir.
— Oui, c'est beau comme oiseau...mais je préfère les corbeaux !
D'un geste de la main, Blanche fit voler l'arme de l'homme, qui retomba dans la neige. Doucement, sans perdre sa grâce naturelle, la princesse se releva et observa son agresseur. Puis elle leva sa main dans les airs, caressa le vent avec ses doigts, et laissa une brume verte surgir de sa paume.
Ébloui et à la fois apeuré, l'homme sursauta et recula. En voyant cela la princesse sourit de plus belle, et lança un regard moqueur au corbeau qui s'était posé sur une branche dénudée de feuilles. La lueur verte qui s'évader de la peau de Blanche alla s'enrouler autour de la gorge de l'homme, telle une main aux doigts longs et crochus.
— Maintenant, pourrais-je savoir en quel honneur désires tu me tuer ? Les explications ne sont pas toujours amusantes...alors fais vite !
La main verte s'enroula d'avantage au cou de l'agresseur qui commençait à s'étouffer. Affolé, il tenta d'expliquer à la princesse qu'il ne parvenait plus à parler. Lassée par sa soudaine perte de confiance, Blanche desserra l'emprise qu'elle avait sur le misérable, l'incitant à parler, d'un geste de la tête.
— Le...le jeune homme du bal...c'est-c'était mon fils. Et vous l'avez tué ! Monstre...
La présumée meurtrière laissa un ricanement s'évader de ses lèvres rouges, amusée par l'amertume dans la voix du père.
— Écoutes chasseur, ton fils n'est pas mort et tu le sais. C'est devenu une plante...et on ne sait pas comment. C'est vilain d'accuser à tord.
— Tu ne me fera pas avaler tes mensonges, regardent comment tu uses de ta magie. C'est toi qui l'as transformé. Et tu sais qu'il mourra une fois sa dernière feuille morte. Tu n'as rien d'une princesse...Et ils auraient dû te tuer, comme ils l'ont fait pour ta mère !
Un élan de rage monta dans le corps de Blanche-Neige. La mâchoire crispée, elle relança sa magie vers l'homme, ses doigts serrant une force invisible. La lumière émeraude qui planait entre la main et le corps illuminait la forêt qui s'était assombris, tandis que la princesse serrait encore. Et avant un dernier regard vers le ciel, la princesse referma sa main. Le corps de l'homme s'écroula dans la neige.
Cette fois, ce n'est pas la gorge que Blanche piétinait, c'était le coeur de ce chasseur.
Passé la fureur et la colère, la princesse observa ce qu'elle venait de faire : retirer la vie de quelqu'un. Impuissante, elle se laissa tomber au sol. Ses genoux effleuraient la neige, son corps tremblant, et ses mains se posaient sur son visage.
Elle avait déjà puni, blessé ou transformé une personne en animal ou en fleur. Mais jamais elle n'avait offert une vie à la mort. Jamais elle n'avait fait cesser un coeur de battre. Jusqu'à aujourd'hui...Et ce qui l'effrayait plus que cet acte, c'était ce que cela allait faire d'elle maintenant.
Autour d'elle les arbres semblaient se recourber, tristes et compatissants. Certains la touchaient de leurs longues branches nues, tandis que d'autres servaient de perchoir aux corbeaux qui vinrent soutenir la princesse.
La princesse qui finit par laisser couler ses larmes, ne pouvant qu'accepter ce qu'elle venait de faire.
Un long silence plus tard, Blanche reprit ses esprits, réuni les derniers fragments de force et de courage qu'il y avait en elle, pour prendre le petit couteau qui gisait près de son corps. Sa main frêle, et pourtant si forte, attrapa le manche du poignard. En fermant les yeux, elle souffla dessus, afin de l'envoyer se planter dans le corps du chasseur. Maintenant que sa mort paraissait plus naturelle, Blanche se leva et quitta cet endroit maudit en courant, laissant le sang de sa proie, damasquiner sur le sol immaculé de flocons blancs.
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